TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
2 Copies certifiées conformes délivrées aux avocats par LS le :
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PS ctx protection soc 5
N° RG 22/03297 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYWC7
N° MINUTE :
Requête du :
22 Décembre 2022
JUGEMENT
rendu le 24 Avril 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Michaël RUIMY, substitué par Maître Maïté BURNEL avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
DÉFENDERESSE
C.P.A.M. DE LA MANCHE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Franck DOUDET, 1er Vice-président
René BERTAIL, Assesseur
Jérôme DORIA AMABLE, Assesseur
assistés de Fettoum BAQAL, Greffière
Décision du 24 Avril 2024
PS ctx protection soc 5
N° RG 22/03297 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYWC7
DEBATS
A l’audience du 13 Mars 2024, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 14 mai 2018, Monsieur [K] [E] salarié de la SAS [5] en qualité d'opérateur, a effectué une déclaration d'accident du travail à laquelle était joint un certificat médical initial établi le jour de l'accident mentionnant un torticolis.
Monsieur [K] [E] a ensuite bénéficié de soins et arrêts de travail entre le 14 mai 2018, jusqu'au trois avril 2021.
La date de consolidation a été fixée au 12 février 2021 et un taux d'IPP de 4 % a été reconnu par le médecin-conseil de la caisse primaire d'assurance-maladie pour : « Cervicalgies sans limitation des mouvements du cou et sans névralgies cervicaux brachiales ».
Le 25 mai 2018, la caisse primaire d'assurance-maladie de la Manche a notifié à la société [5] la prise en charge de l'accident au titre de la législation du travail.
La société [5] a ensuite contesté la durée des arrêts travail et des soins et par requête du 11 août 2022 elle a saisi la commission médicale de recours amiable qui a rejeté sa demande par décision du 4 novembre 2022.
Par requête enregistrée le 23 décembre 2022 la société [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 13 mars 2024.
Oralement à l'audience et par conclusions datées du 21 février 2024, la société [5] sollicite avant-dire droit une expertise médicale aux frais de la caisse primaire d'assurance-maladie de la Manche au motif que la durée des arrêts travail et des soins est anormalement longue au regard de la pathologie et que le salarié présentait un état antérieur.
Oralement à l'audience et par conclusions du 13 mars 2024, la caisse primaire d'assurance-maladie de la Manche demande au tribunal de déclarer opposable à la société [5] la prise en charge de l'accident survenu à Monsieur [K] [E] le 14 mai 2018 ainsi que l'ensemble des lésions, soins et arrêts travail en lien direct avec cet accident, de débouter la société [5] de sa demande d'expertise médicale et le cas échéant de mettre les frais de cette expertise à la charge de la partie succombante. La caisse soutient pour l'essentiel que la présomption d'imputabilité des soins et des arrêts travail à l'accident doit s'appliquer.
Pour le plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs observations orales à l'audience ainsi qu'à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions des articles L.411-1, L.431-1 et L.433-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité qui s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident ou la maladie, pendant toute la période d'incapacité précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement, aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement à toutes les conséquences directes de l'accident ou de la maladie, fait obligation à la caisse de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents de travail les dépenses afférentes à ces lésions.
Il en résulte que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.
Lorsque la caisse démontre qu’il y a continuité de symptômes et de soins à compter de l'accident initial ou de la maladie, les soins en découlant sont présumés imputables à celui-ci sauf pour l'employeur à rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.
En l'espèce, Monsieur [K] [E] a été victime d’un accident du travail le 14 mai 2018 décrit comme suit : « La victime déplaçait des fûts de déchets, la victime aurait fait un faux mouvement en manipulant un fût ». Le certificat médical initial établi 16 mai 2018 mentionne : « Siège des lésions cou – bras droit et Nature des lésions : douleurs aiguës ». Le salarié a ensuite bénéficié d'arrêts de travail du 14 mai 2018 au 27 août 2018, de soins pour la période du 14 mai 2018 au 1er septembre 2018, puis à la suite de la déclaration d'une nouvelle lésion le 23 mai 2018, d'arrêts de travail du 28 août 2018 au 12 février 2021 et de soins pour la période du 23 mai 2018 23 avril 2021. L'état de santé de l'assuré a été déclaré consolidé le 12 février 2021 et un taux d'IPP de 4 % a été reconnu par le médecin-conseil de la caisse au titre des séquelles suivantes : « Cervicalgies sans limitation des mouvements du coup et sans névralgies cervicaux-brachiales ».
La caisse produit tous les certificats médicaux de prolongation d'arrêts travail dans la continuité concernant le même terrain anatomique (cou dans le cadre d'un torticolis puis d'une cervicalgie).
La société [5] soutient à l'appui d'une note médicale de son médecin-conseil, le Docteur [R], que l'accident est de faible cinétique et ne peut entraîner d'atteinte grave du rachis, notamment des discopathies, que les lésions initiales sont bénignes et qu'il existe un état pathologique antérieur qui évoluait pour son propre compte, qui n'est pas d'origine traumatique et n'est pas imputable à l'accident du travail. Il précise qu'il s'agit d'une hernie discale C3-C4 qui ne peut survenir dans ce type de circonstances.
Suivant une note du 12 décembre 2023 le médecin-conseil de la caisse primaire conteste d'une part le fait que les hernies discales ne peuvent survenir que dans un accident de grande cinétique alors que ce n'est qu'une des causes des hernies discales cervicales et que la preuve d'un état antérieur n'est pas démontrée. Il est exact que le Docteur [R] procède par suppositions et affirmations car aucun élément médical du dossier ne permet d'objectiver un état antérieur évoluant pour son propre compte et en tout état de cause l'aggravation d'un état antérieur par le fait accidentel doit être pris en charge au titre de l'accident du travail jusqu'à la consolidation. Enfin l'existence d'une cause postérieure totalement étrangère au travail n'est ni soutenue ni établie.
La société [5] n'étant pas en mesure de justifier d'éléments suffisants pour établir l'existence d'un état antérieur du salarié évoluant pour son propre compte, ni d'une cause postérieure à l'accident totalement étrangère au travail, il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'instruction en vue de suppléer à sa carence dans l'administration de la preuve qu'il lui incombe de rapporter, conformément aux dispositions de l’article 146 du code procédure civile.
La présomption d’imputabilité s’étend donc à l'ensemble des lésions, soins et arrêts de travail en lien avec l'accident du travail déclaré par Monsieur [K] [E] le 14 mai 2018 qui sont par conséquent déclarés opposables à la société [5].
Les dépens seront mis à la charge de la société [5] qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par jugement contradictoire en premier ressort, mis à disposition au greffe,
Déclare opposable à la SAS [5] l'ensemble des lésions, soins et arrêts de travail en lien avec l'accident du travail déclaré par son salarié Monsieur [K] [E] le 14 mai 2018 ;
Déboute la SAS [5] de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne la SAS [5] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 24 Avril 2024
La GreffièreLe Président
N° RG 22/03297 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYWC7
EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :
Demandeur : S.A.S. [5]
Défendeur : C.P.A.M. DE LA MANCHE
EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :
A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.
En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.
P/Le Directeur de Greffe
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