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23/04/2024 | FRANCE | N°19/11702

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 7ème chambre 1ère section, 23 avril 2024, 19/11702


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




7ème chambre 1ère section


N° RG 19/11702
N° Portalis 352J-W-B7D-CQ22C

N° MINUTE :

Assignation du :
02 Octobre 2019






JUGEMENT
rendu le 23 Avril 2024
DEMANDEURS

Monsieur [C] [U]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Madame [I] [N]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentés par Maître Guillaume RODIER de la SELARL RODIER ET HODE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2027




DÉFENDERESSES

- S.A. ALLIANZ, en qualité d’assureur CNR de la SCI [Adresse 12]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 10]

représentée par Maître Samia DIDI MOULAI de la SELAS CHETIVAUX-SI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

7ème chambre 1ère section

N° RG 19/11702
N° Portalis 352J-W-B7D-CQ22C

N° MINUTE :

Assignation du :
02 Octobre 2019

JUGEMENT
rendu le 23 Avril 2024
DEMANDEURS

Monsieur [C] [U]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Madame [I] [N]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentés par Maître Guillaume RODIER de la SELARL RODIER ET HODE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2027

DÉFENDERESSES

- S.A. ALLIANZ, en qualité d’assureur CNR de la SCI [Adresse 12]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 10]

représentée par Maître Samia DIDI MOULAI de la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d’Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0675
Décision du 23 Avril 2024
7ème chambre 1ère section
N° RG 19/11702 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ22C

- S.C.I. [Adresse 12]
[Adresse 3]
[Localité 9]

- S.A.S. MARIGNAN, venant aux droits de la société BDP MARIGNAN
[Adresse 3]
[Localité 9]

- S.A.S. KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentées par Maître Sébastien SION de la SELARL LAZARE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0067

- S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentées par Maître Jean-pierre COTTE de la SELEURL Jean-Pierre Cotté Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0197

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Perrine ROBERT, Vice-Président
Monsieur Mathieu DELSOL, Juge
Madame Malika KOURAR, Juge

assistée de Ines SOUAMES, Greffier lors des débats et de Marie MICHO, Greffier lors de la mise à disposition

DÉBATS

A l’audience du 05 Février 2024 tenue en audience publique devant Monsieur DELSOL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l’article de l’article 450 du Code de procédure civile
Signé par Madame Perrine ROBERT, Présidente, et par Madame Marie MICHO, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI [Adresse 12], en qualité de maître d'ouvrage, a fait procéder à la construction d’un ensemble immobilier situé aux [Adresse 5] à [Localité 11] (75).

Sont notamment intervenues à l'opération de construction :

- la société MILLET CHABEUR ARCHITECTES, en qualité d’entreprise chargée d’une mission complète de maîtrise d'œuvre, assurée auprès de la MAF ;
- la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT, en qualité d’entreprise générale, assurée auprès de la SMABTP ;
- la société QUALICONSULT, en qualité de contrôleur technique, assurée auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD.

Pour les besoins de l'opération, le maître d'ouvrage a souscrit auprès de la compagnie ALLIANZ IARD une police d’assurance dommages-ouvrage ainsi qu’une police d’assurance constructeur non réalisateur.

Le chantier a été déclaré ouvert le 12 février 2007.

Les lots ont été vendus en état futur d’achèvement. Ainsi, Monsieur [M] [B] et Madame [I] [N] ont acquis un appartement (lot n°34), une cave (lot n°78) et une place de parking (lot n°150).

Les travaux ont été réceptionnés le 5 octobre 2009.

Lors de l’été 2010, Monsieur [M] [B] et Madame [I] [N] ont contracté avec la société EMOIS ET BOIS pour la fourniture et la pose d’un parquet en chêne, pour un montant de 12.714,98 euros TTC.

Courant 2014, Monsieur [B] et Madame [N] se sont plaints de l’apparition de taches noires, de gondelements et de décollements de leur parquet.

Par une déclaration de sinistre du 22 décembre 2014, et faisant suite à la dénonciation par Monsieur [B] et Madame [N] du désordre affectant leur parquet, la société SERGIC [Localité 11], en qualité de syndic de l’immeuble, a informé la société ALLIANZ IARD, assureur dommages-ouvrage de la présence d’eau dans le complexe d’étanchéité en terrasse.

Une procédure d’expertise technique amiable dommages-ouvrage a été mise en oeuvre. Les opérations d’expertise ont été menées par le cabinet CPE, qui a délivré un rapport préliminaire, un rapport complémentaire et un rapport définitif les 13 février, 29 mai et 27 août 2015 respectivement.

Par acte authentique du 1er juin 2016, Monsieur [C] [U] a acquis auprès de Monsieur [M] [B] les parts que ce dernier détenait sur les lots n°34, 78 et 150.

Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] ont ensuite, et par actes d’huissier de justice délivrés le 2 octobre 2019, assigné la SCI [Adresse 12] et les sociétés MARIGNAN, venant aux droits de la société BPD MARIGNAN, KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT et EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT devant le Tribunal de grande instance de PARIS. Le dossier a été enregistré sous le RG N°19/11702.

*

Parallèlement, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé aux [Adresse 5] à [Localité 11] (75), pris en la personne de son syndic, et divers copropriétaires ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris d’une demande d’expertise.

Monsieur [H] [V] a été désigné en qualité d’expert par ordonnance du 14 février 2020. Ses opérations d’expertise sont toujours en cours.

*

Suivant acte d’huissier de justice délivré le 23 juillet 2020, la SCI [Adresse 12] a fait assigner en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Paris la société ALLIANZ IARD, prise en sa qualité d’assureur au titre de la police constructeur non réalisateur n°42120319 devant le tribunal judiciaire de PARIS.

Cette procédure a été enrôlée sous le RG N°20/07122 et jointe à la procédure au fond lors de l’audience de mise en état du 26 octobre 2020.

*

Par ordonnnance du 04 mai 2021, le juge de la mise en état a dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer sur l’ensemble des demandes pendant les opérations d’expertise.

*

Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] demandent au tribunal de :

« A titre principal,

Juger que les désordres affectant le parquet de l’appartement de Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] proviennent d’un vice de construction de l’étanchéité de leur terrasse réalisée par la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT sous la maitrise d’ouvrage de la SCI [Adresse 12],

Déclarer la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN, venant aux droits de la société BOUWFONDS MARIGNAN IMMOBILIER, la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT, ALLIANZ IARD et la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT responsables des désordres affectant le parquet de l’appartement de Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N],

Relever que la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN, venant aux droits de la société BOUWFONDS MARIGNAN IMMOBILIER, la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT, ALLIANZ IARD et la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT ne rapportent pas la preuve d’une cause étrangère de nature à les soustraire de la présomption de responsabilité édictée aux articles 1792 et suivants du Code civil,

Condamner in solidum la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN, venant aux droits de la société BOUWFONDS MARIGNAN IMMOBILIER, la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT, ALLIANZ IARD et la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT à payer la somme de 25.052,74 euros TTC correspondant au coût du remplacement du parquet, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,

Condamner in solidum la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN, venant aux droits de la société BOUWFONDS MARIGNAN IMMOBILIER, la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT, ALLIANZ IARD et la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT à payer la somme de 53.760 euros au titre du préjudice de jouissance subi, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,

Subsidiairement,

Condamner in solidum la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN, venant aux droits de la société BOUWFONDS MARIGNAN IMMOBILIER, la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT, ALLIANZ IARD et la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT à payer la somme de 25.052,74 euros TTC correspondant au coût du remplacement du parquet, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,

Condamner in solidum la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN, venant aux droits de la société BOUWFONDS MARIGNAN IMMOBILIER, la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT, ALLIANZ IARD et la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT à payer la somme de 53.760 euros au titre du préjudice de jouissance subi, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation.

Ordonner l’exécution provisoire,

Condamner in solidum la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN, venant aux droits de la société BOUWFONDS MARIGNAN IMMOBILIER, la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT, ALLIANZ IARD et la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT à payer à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux dépens. »

Au soutien de leurs prétentions Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] exposent que les désordres qui affectent le parquet de l’appartement trouvent leur cause dans un vice de construction ayant affecté l’étanchéité de leur terrasse réalisée par la société EIFFAGE sous la maitrise d’ouvrage de la SCI [Adresse 12], de sorte que leur responsabilité est engagée sur le fondement de l’article 1792 du code civil..

En réparation, ils affirment que le coût de réparation de leur parquet s’élève en 2018 à la somme de 25.052,74 euros TTC. Ils demandent le paiement de cette somme au titre de la réparation intégrale au titre de leur préjudice matériel.

Ils sollicitent également réparation d’un préjudice de jouissance et esthétique pour l’ensemble des pièces affectées par les désordres, surla base de 40% du loyer mensuel, soit 1.120 euros par mois.

*

Par écritures signifiées par voie électronique le 15 septembre 2023, la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN et la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT demandent au tribunal de :

« In limine litis,

DECLARER IRRECEVABLES les consorts [N] [U] en leur action et leurs demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société MARIGNAN et de la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT,

METTRE HORS DE CAUSE la société MARIGNAN et la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT,

A titre principal

DIRE ET JUGER que les consorts [N] [U] ne rapportent pas la preuve que la réfection de leur parquet est la seule conséquence certaine, directe et exclusive d’un désordre de nature décennale ;

DIRE ET JUGER que les consorts [N] [U] ne rapportent pas la preuve d’une faute contractuelle imputable à la SCI [Adresse 12] et qu’ils n’ont pas de lien contractuel avec la société MARIGNAN et la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT ;

DIRE ET JUGER que les consorts [N] [U] ne rapportent pas la preuve de l’existence des désordres qu’ils invoquent d’une part et de leur lien de causalité avec les travaux de construction d’autre part en l’absence de toute expertise judiciaire contradictoire diligentée par leurs soins ;

En conséquence,

DEBOUTER les consorts [N] [U] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la SCI [Adresse 12], de la société MARIGNAN et de la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT ;
Décision du 23 Avril 2024
7ème chambre 1ère section
N° RG 19/11702 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ22C

A titre subsidiaire

DIRE ET JUGER que la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT engage sa responsabilité et est tenue à garantir envers la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN et la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT pour les défauts de conformité, malfaçons, désordres, non façons, vices de construction et autres affectant l’appartement des consorts [N] [U] et des préjudices qui en découlent ;

DIRE ET JUGER qu’en l’application de la police CNR, la compagnie ALLIANZ IARD est tenue de garantir la SCI [Adresse 12] pour les désordres affectant l’appartement des consorts [U] [N], ainsi que les préjudices subis par ces derniers, en ce compris les préjudices immatériels

En conséquence

CONDAMNER in solidum la société ALLIANZ IARD et la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT à garantir la SCI [Adresse 12], la société MARIGNAN et la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et accessoires qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit des consorts [N] [U] ;

En toute hypothèse

REJETER l’ensemble des demandes, fins, conclusions et appels en garantie dirigés à l’encontre de la SCI [Adresse 12], de la société MARIGNAN et de la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT ;

CONDAMNER tout succombant à payer à la SCI [Adresse 12], à la société MARIGNAN et à la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT chacune la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Sébastien SION avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure civile. »

Au soutien de leurs prétentions, les sociétés [Adresse 12], MARIGNAN et KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT exposent que les sociétés MARIGNAN et KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT ont été assignées alors qu’elles ne sont pas les venderesses : seule la société MARIGNAN est cogérante de la SCI [Adresse 12], et la société KAUFMAN 1 BROAD DEVELOPPEMENT n’a même pas cette qualité. Elles demandent leur mise hors de cause.

Elles font également valoir que les demandeurs ne démontrent pas avec certitude “que le remplacement de leur parquet est la conséquence d’un désordre de nature décennale”, alors que la charge de cette preuve leur revient. Elles ajoutent que leur responsabilité contractuelle ne peut pas non plus être engagée à défaut de lien contractuel entre les sociétés MARIGNAN, KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT et les demandeurs, et à défaut de faute prouvée concernant la SCI [Adresse 12], promoteur vendeur qui n’a pas directement participé à l’acte de construire. Il en va de même selon elles pour la responsabilité délictuelle puisque aucune faute de leur part n’est établie.

Elles soutiennent que les désordres et leur ampleur ne sont pas prouvés, que leur lien avec les travaux n’est pas établi, que le préjudice de jouissance allégué est deux fois supérieur au montant des travaux de reprise, alors que les demandeurs ont toujours continué à habiter leur appartement.

Subsidiairement, elles appellent en garantie la société EIFFAGE, qui a réalisé les travaux, sur le fondement des articles 1792, 1103, 1104, 1193, 1231 à 1231-4 du code civil pour la SCI [Adresse 12] et 1240 pour les sociétés MARIGNAN et KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT.

Elles demandent en outre la garantie de la société ALLIANZ IARD au titre de sa police d’assurance constructeur non réalisateur. Elles contestent la position de non garantie de la société ALLIANZ sur le préjudice de jouissance au motif que l’application des jurisprudences de première instance qu’elle cite aurait pour effet de priver de son intérêt la souscription d’un contrat au titre des dommages immatériels, qui incluent nécessairement l’indemnisation d’un éventuel trouble de jouissance.

*

Par écritures signifiées par voie électronique le 10 janvier 2020, la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT (ci-après la société EIFFAGE) demande au tribunal de :

« DEBOUTER Mme [N] et M. [U] de l’ensemble de leurs demandes, qui ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant.

CONDAMNER Mme [N] et M. [U] à verser à la Sté EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jean-Pierre COOTE, Avocat aux offres de droits, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile. »

A l’appui de ses demandes, la société EIFFAGE CONSTRUCTION HABITAT indique que :

- les demandeurs ne prouvent pas la matérialité des désordres allégués : rien n’indique que les constats figurant dans le rapport de l’assureur dommages-ouvrages sont encore d’actualité ; les rapports ne mentionnent la dégradation du parquet que dans le salon, et non dans tout l’appartement ; le constat d’huissier produit est non contradictoire et ne lui est pas opposable ; un sinistre a été déclaré à l’assureur habitation, la société MAIF, sans que les suites de cette déclaration ne soient évoquées ;

- les demandeurs ne prouvent pas l’origine des désordres allégués : le sinistre est apparu cinq ans après la livraison de l’appartement, ce qui démontre que la réalisation de l’étanchéité n’était pas totalement défectueuse ; l’expert dommages-ouvrage ne conclut pas sur l’origine exacte de la fuite, se contentant simplement de préconiser la réfection totale de l’étanchéité de la terrasse ; il n’avait par ailleurs constaté des désordres que dans le séjour devant la porte fenêtre, et non sur la totalité du parquet de l’appartement et encore moins établi un quelconque lien entre l’étanchéité de la terrasse et le parquet des autres pièces de l’appartement ; les tuilages allégués pourraient ainsi provenir de défauts de pose du parquet, or cette pose a été effectuée en dehors du marché, par une entreprise directement missionnée par les demandeurs ;

- le préjudice de jouissance allégué n’est pas justifié puisqu’il n’est pas démontré que l’ensemble du parquet doit être remplacé ; elle s’interroge en outre sur l’absence de suites de la déclaration de sinistre à l’assureur multirisques habitation ;

*

Par écritures signifiées par voie électronique le 15 mai 2023, la société ALLIANZ IARD demande au tribunal de :

« JUGER que la garantie obligatoire n’est mobilisable qu’en présence de dommages de nature techniquement décennale au sens de l’article 1792 du Code civil, survenus postérieurement à la réception,

JUGER que la garantie facultative des dommages immatériels n’est mobilisable qu’en présence d’un "préjudice pécuniaire qui résulte de la privation de jouissance d’un droit, de l’interruption d’un service rendu ou de la perte d’un bénéfice et qui est la conséquence directe de dommages matériels garantis".

JUGER que le préjudice de jouissance revendiqué par les consorts [N] et [U] ne revêt aucun caractère pécuniaire ;

DEBOUTER les consorts [N] et [U] de l’ensemble des prétentions formulées à l’égard de la compagnie ALLIANZ IARD, assureur "Constructeur non réalisateur", au titre de leur préjudice de jouissance ;

PRONONCER la mise hors de cause de la compagnie ALLIANZ IARD. »

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que sa garantie ne pourra être retenue que si la SCI [Adresse 12] est condamnée sur le fondement de l’article 1646-1 du code civil, en présence de dommages constituant des vices cachés lors de la réception de l’ouvrage. Elle réclame l’application de sa franchise.

Si elle s’en remet à l’appréciation du tribunal concernant le préjudice matériel, elle conteste le préjudice de jouissance invoqué au motif que ce trouble n’a aucune incidence pécuniaire sur les demandeurs.

Elle sollicite la garantie de la société EIFFAGE qui a réalisé les travaux sur le fondement de l’article 1792 du code civil puisque malgré le transfert de propriété intervenu lors de la vente, elle conserve un intérêt direct et certain à exercer l’action en garantie décennale contre les constructeurs responsables.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 20 novembre 2023.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l’article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l’espèce, les sociétés MARIGNAN et KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT soutiennent que leur mise en cause en qualités de co-gérants est injustifiée.

Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] formulent leurs demandes contre les sociétés MARIGNAN et KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT en leurs qualités de co-gérants de la SCI [Adresse 12]. Ils ne répondent pas au moyen soulevé au titre de leur mise en cause injustifiée.

La seule qualité de co-gérantes des sociétés MARIGNAN et KAUFMAN & BROAD n’est pas de nature à justifier de l’intérêt à agir des demandeurs envers ces sociétés, puisqu’il est justifié que la SCI [Adresse 12], avec qui ils ont conclu un contrat de vente en l’état futur d’achèvement, existe toujours et qu’ils n’expliquent aucunement en quoi leur qualité de co-gérantes pourrait engager leur responsabilité. Ils n’allèguent en outre aucune faute délictuelle de leur part.

En conséquence, les demandes de Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] à l’encontre des sociétés MARIGNAN et KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT seront déclarées irrecevables.

Sur les demandes de Monsieur [C] [U] et de Madame [I] [N]

L’article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

L’article 1646-1 du code civil prévoit que le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code.
Ces garanties bénéficient aux propriétaires successifs de l'immeuble.
Il n'y aura pas lieu à résolution de la vente ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer les dommages définis aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du présent code et à assumer la garantie prévue à l'article 1792-3.

Il est acquis qu’après la réception, la responsabilité civile contractuelle ou délictuelle des constructeurs ne peut être recherchée, pour les désordres non apparents, que sur faute prouvée.

En l’espèce, Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] produisent un rapport préliminaire, un rapport complémentaire et un rapport définitif dommages-ouvrage.

Ces rapports indiquent que dans le salon des demandeurs, des tâches noires de différentes tailles sur leur parquet ont été constatées : ces tâches s’accompagnent du gondolement du revêtement de sol qui se décolle et dont les extrémités se relèvent. Ils indiquent que les mesures à l’humidimètre ont mis en évidence une teneur en humidité oscillant entre 20 et 30% dans les zones sombres. Les rapports mentionnent que le parquet qui se soulève est potentiellement dangereux vis-à-vis des risques de chute. Les rapports recommandent de le déposer dans les zones présentant des défauts de planéité ou de recouvrir ces zones provisoirement afin de pouvoir circuler dessus sans risque .

Les rapports indiquent que suite à des essais de mise en charge de la terrasse avec de l’eau claire, il s’en est suivi, douze heures après, l’apparition d’humidité au plafond de la voisine sous l’appartement de Monsieur [C] [U] de Madame [I] [N]. Ils précisent qu’un essai sur les seuils au passage des baies vitrées vers la terrasse de l’appartement ont permis de mettre en évidence une augmentation de la teneur en humidité sous le revêtement de sol. La dépose des dalles sur plots au droit des seuils des portes-fenêtres a montré que les dalles sur plots sont en appui sur la maçonnerie qui supporte la bande de solin en protection des relevés d’étanchéité, mais cet appui ne dispose d’aucune pente et présente des traces caractéristiques de rétention d’eau. Il est noté l’absence de joint en silicone à la jonction entre le profilé aluminium et la maçonnerie.

Les rapports attribuent l’origine du désordre affectant le sol en bois à l’étanchéité défectueuse de la terrasse de l’appartement, aussi bien dans la partie courante qu’au droit des relevés.

Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] versent également aux débats un constat d’huissier du 04 juin 2019 selon lequel les lames du parquet sont tuilées et présentent des taches noires et des différences deteintes, les joints sont espacés ou noircis, certaines plinthes présentent un jeu et sont gondolées, le placage contrecollé est désolidarisé de son support. L’huissier de justice considère que l’intégralité des pièces recouvertes de parquet ont été touchées par les conséquences du dégât des eaux.

Il est constant que le parquet a été posé par la société EMOIS ET BOIS, à laquelle les demandeurs ont fait appel postérieurement à l’opération de construction litigieuse, et non par la société EIFFAGE qui a réalisé l’immeuble, en ce compris la terrasse.

Il ressort des pièces du dossier que si le parquet est affecté de désordres, celui-ci ne constitue pas l’ouvrage réalisé par la société EIFFAGE sous la maîtrise d’ouvrage de la SCI [Adresse 12]. Or, l’article 1792 du code civil exige que l’impropriété à la destination porte sur l’ouvrage réalisé par les constructeurs, à savoir l’appartement.

Le parquet des demandeurs ne faisant pas partie de l’ouvrage réalisé par la société EIFFAGE sous la maîtrise d’ouvrage de la SCI [Adresse 12], leur garantie décennale ne peut être recherchée.

Au surplus, s’agissant de la gravité décennale des désordres, ni le défaut d’étanchéité de la terrasse relevé, ni les désordres affectant le parquet, principalement esthétiques, n’impliquent une impropriété à la destination. Les rapports d’expertise dommages-ouvrage se bornent à évoquer “un risque de chute” alors que le constat d’huissier ne relève pas ce risque. Le seul tuilage du parquet n’empêche manifestement pas la circulation des lieux, ne provoque aucun risque de sécurité particulier pour les habitants et constitue un désordre principalement esthétique et n’implique aucune impropriété à la destination de l’immeuble. Si le rapport d’expertise dommages-ouvrage indique que le désordre “est potentiellement dangereux vis-à-vis des risques de chute”, il indique immédiatement que les zones concernées peuvent être recouvertes pour y pallier. Par ailleurs, les seules photographies jointes au rapport d’expertise dommages-ouvrage ne permettent pas au tribunal d’envisager l’ampleur du désordre, étant relevé que les photographies prises lors du constat d’huissier ne sont pas versées aux débats. Il est surtout relevé que ce désordre n’a jamais empêché les demandeurs d’habiter les lieux depuis la survenance du désordre en 2014. En conséquence, les conditions de l’article 1792 du code civil ne sont pas remplies.

Enfin, si Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] formulent subsidiairement leurs demandes dans leur dispositif sur les articles 1231-1 et 1240 du code civil, ils ne formulent aucune démonstration à ce titre dans leurs conclusions. Ils n’invoquent notamment aucun manquement contractuel ou faute particulière de la part des défendeurs, alors que la responsabilité civile des constructeurs après la réception ne peut être recherchée que sur faute prouvée.

En conséquence, leurs demandes seront rejetées en intégralité.

Sur les demandes accessoires

•Sur les dépens :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] seront condamnés in solidum aux dépens.

•Sur les frais irrépétibles :

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, l’équité commande de ne prononcer aucune condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

•Sur l’exécution provisoire :

Aux termes de l’article 515 du code de procédure civile, hors les cas où elle est de droit, l’exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, à condition qu’elle ne soit pas interdite par la loi.

Eu égard à l’ancienneté du litige, l’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe :

DECLARE irrecevables les demandes de Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] à l’encontre des sociétés MARIGNAN et KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT ;

REJETTE l’ensemble des demandes de Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [C] [U] et Madame [I] [N] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la la SELAS CHETIVAUX SIMON, Maître Sébastien SION et Maître Jean-Pierre COTTE, Avocats ;

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire du jugement.

Fait et jugé à Paris le 23 Avril 2024

Le Greffier Le Président
Marie MICHO Perrine ROBERT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 7ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/11702
Date de la décision : 23/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-23;19.11702 ?
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