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16/04/2024 | FRANCE | N°23/09670

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 16 avril 2024, 23/09670


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me DJASSAH


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me JOUAN

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 23/09670 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3RGC

N° MINUTE :
24/6






ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 16 avril 2024


DEMANDERESSE
S.A. ADOMA,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sylvie JOUAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0226

DÉFENDEUR
Monsieur

[X] [L] [G],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Madjemba DJASSAH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : #E1054



COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, j...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me DJASSAH

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me JOUAN

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 23/09670 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3RGC

N° MINUTE :
24/6

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 16 avril 2024

DEMANDERESSE
S.A. ADOMA,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sylvie JOUAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0226

DÉFENDEUR
Monsieur [X] [L] [G],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Madjemba DJASSAH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : #E1054

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Sanaâ AOURIK, Greffière lors des débats et de Alexis QUENEHEN, Greffier lors du délibéré

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 16 février 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 16 avril 2024 par Mathilde CLERC, Juge, assistée de Sanaâ AOURIK, Greffière lors des débats et de Alexis QUENEHEN, Greffier lors du délibéré

Décision du 16 avril 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/09670 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3RGC

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat du 1 février 2021, la Société Anonyme d’Economie Mixte (ADOMA) a consenti un contrat de résidence à M. [X] [L] [G] portant sur un logement n°[Adresse 2], sis [Adresse 2], moyennant le paiement d'une redevance mensuelle de 442,4 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 10 juillet 2023, ADOMA a adressé à M. [X] [L] [G] une lettre de mise en demeure de faire cesser l'hébergement d'une tierce personne dans un délai de 48 heures.

Le commissaire de justice, désigné par ordonnance sur requête du 5 septembre 2023, a constaté dans son procès-verbal de constat du 23 septembre 2023 que le logement était, à 6 heures et 35 minutes, occupé par trois personnes, ainsi que cela résultait de la présence de trois individus dans les lieux et de deux matelas au sol.

Par acte de commissaire de justice en date du 28 novembre 2023, la Société Anonyme d’Economie Mixte (ADOMA) a fait assigner M. [X] [L] [G] devant le juge des contentieux de la protection de ce tribunal, en référé afin de :
faire constater la résiliation du contrat de résidence et le maintien dans les lieux sans droit ni titre du défendeur,voir ordonner l’expulsion de M. [X] [L] [G] des lieux loués, et celle de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique si besoin est,voir condamner M. [X] [L] [G] à lui payer:- une indemnité d’occupation provisionnelle mensuelle égale au montant de la redevance à compter de la résiliation du contrat de résidence et jusqu’au départ effectif des lieux,
- une somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

A l’audience du 16 février 2024, ADOMA, régulièrement représentée par son conseil, maintient les termes de son exploit introductif d'instance.

Au soutien de ses prétentions, elle expose que le résident a, conformément au contrat de résidence et au règlement intérieur, une obligation d'occupation personnelle des lieux ainsi qu'une interdiction d'héberger des tiers. Le résident ayant selon elle manqué de manière grave ou répétée au règlement intérieur, ainsi que cela est constaté par constat d'huissier, le bail s'est trouvé résilié en application de l'article R633-3 du code de la construction et de l'habitation.

A l’audience, M. [X] [L] [G] est représenté par son avocat. Il sollicite :
- à titre principal, qu’il soit dit n’y avoir lieu à référé, et le renvoi d’ADOMA à saisir le juge du fond,
- à titre subsidiaire, un délai d’un an pour quitter les lieux.

Au soutien de ses demandes, il soulève la disproportion existante entre la gravité de la sanction que sollicite ADOMA, au regard de son supposé manquement à ses obligations, le contrat de résidence impliquant un déséquilibre significatif entre les obligations des parties en ce qu'il constitue une limitation grave au respect de la vie privée des résidents. Il fait valoir la précarité de sa situation, son âge avancé, la présence de tiers lui étant indispensable pour l’assister dans les tâches de la vie quotidienne. Il souligne les conséquences graves qu’aurait son expulsion, sans accompagnement ni proposition de relogement. Il s’interroge enfin sur les pouvoirs du juge des référés en l’absence d’élément permettant d’établir la persistance d’un trouble illicite.

L'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 16 avril 2024.

MOTIFS

Sur la demande en constatation de la résiliation du contrat de résidence, de libération des lieux et d'expulsion

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».

L’article 835 du code de procédure civile dispose que  « le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

L’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 relative aux contrats de louage d’immeuble à usage d’habitation exclut de son champ d’application les contrats de résidence ou conventions d’hébergement, lesquels sont régis par les articles L633-1 et suivants et R633-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.

L’article R633-3 du Code de la construction et de l’habitation, applicable à l’espèce, prévoit que la résiliation du contrat à l’initiative du gestionnaire ou propriétaire du logement-foyer, en cas d'inexécution d'une obligation du contrat ou en cas de manquement grave ou répété au règlement intérieur, est notifiée par courrier écrit remis contre décharge ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou signifiée par huissier.

En l’espèce, l’article 8 du contrat de résidence stipule que le résident est tenu d'occuper personnellement les lieux mis à disposition et de n'en consentir l'occupation à quelque titre que ce soit, partiellement ou en totalité, à titre onéreux ou à titre gratuit.
Il stipule également que le résident s'engage à n'héberger un tiers que dans le strict respect des dispositions visées à l'article 9 du règlement intérieur.

L'article 11 du contrat stipule que le gestionnaire peut résilier de plein droit le contrat en cas d'inexécution par le résident de l'une des obligations lui incombant au regard du contrat ou manquement grave ou répété au règlement intérieur ; la résiliation ne produit effet qu'un mois après la date de notification par lettre recommandée avec avis de réception.

L'article 9 du règlement intérieur, paraphé et signé par M. [X] [L] [G], indique « Pour une période maximale de trois mois par an, chaque résident a la faculté d'accueillir une personne dont il assure le couchage à l'intérieur des locaux privatifs mis à sa disposition.
Pour des motifs de sécurité et de responsabilité, il doit obligatoirement, au préalable, en avertir le responsable de la résidence en lui fournissant une pièce d'identité de son invité et en lui précisant les dates d'arrivée et de départ de celui-ci.
Pour des raisons d'hygiène, de sécurité et de tranquillité des résidents, tout hébergement exercé en dehors des règles établies ci-dessus est formellement interdit ».

Par lettre datée du 26 juin 2023 et signifiée à M. [X] [L] [G] le 10 juillet suivant, la société Adoma lui a indiqué avoir constaté qu'il accueillait une tierce personne et l'a mis en demeure de faire cesser cet hébergement dans un délai de 48 heures, tout en lui rappelant ses obligations au titre de l'occupation de la chambre mise à sa disposition et la résiliation de plein droit du contrat un mois après l'envoi de la mise en demeure si celle-ci demeurait sans effet.

Il résulte du procès-verbal de constat dressé le 23 septembre 2023 à 6 heures 35, en exécution d'une ordonnance rendue sur requête le 5 septembre 2023, que la chambre [Adresse 2], mise à la disposition de M. [X] [L] [G], était occupée par trois personnes dont l’une s'est présentée comme étant M. [X] [L] [G], lequel a déclaré occuper les lieux avec ses deux fils, compte-tenu de son état de santé, qui ne lui permet pas de vivre seul. Les deux autres occupants, [G] [H] [N], qui a déclaré être le fils du résident, et [Z] [P], ont indiqué occuper le logement depuis environ deux mois. Le commissaire de justice a relevé que la pièce comportait, outre un lit, deux matelas au sol.

Si M. [X] [L] [G] considère que la bailleresse ne démontre pas un hébergement continu à compter de la mise en demeure, force est de constater que M. [X] [L] [G], qui a reçu cette dernière en date du 10 juillet 2023, ne l’a pas contestée ; M. [X] [L] [G] reconnaît par ailleurs héberger les personnes qu’il déclare être ses « deux fils ».
Ainsi, les constatations effectuées démontrent qu'en dépit de la mise en demeure signifiée à sa personne le 10 juillet 2023, le défendeur n'a pas cessé d'héberger un ou des tiers non déclarés préalablement à la société Adoma.
Il est ainsi rapporté la preuve d'une occupation des lieux par des tiers en contravention avec les dispositions de l'article R.633-9 du code de la construction et de l'habitation reprises au règlement intérieur et avec les stipulations contractuelles, constitutive d'un manquement grave du défendeur à ses obligations et donc d'un trouble manifestement illicite résultant de l'absence de déclaration de l'hébergement de son fils.
Les dispositions de l’article 835 du code de procédure civile sont en conséquence applicables.
M. [X] [L] [G] fait état de l’absence de registre mis à disposition par ADOMA, pour justifier l'absence de déclaration de tiers hébergés et s'affranchir ainsi de ses obligations alors que celles-ci sont indiquées dans le contrat et le règlement intérieur qu'il a signés. Il sera précisé que l’article 9 du règlement intérieur ne conditionne pas l’obligation de déclaration des invités à la présence d’un registre ; il oblige le résident à avertir le responsable de la résidence en lui fournissant une pièce d’identité de son invité et en précisant les dates de départ et d’arrivée de ce dernier, ces renseignements étant consignés dans un registre ouvert à cet effet. Le défendeur ne saurait donc se prévaloir de ce moyen pour justifier de son manquement à son obligation, qu’il ne démontre pas avoir vainement tenté d’accomplir.
[X] [L] [G] fait aussi valoir qu'âgé de 82 ans, l'expulsion sollicitée le contraindra à être sans abri et se heurte aux dispositions de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
L’article 9 du règlement intérieur est conforme aux dispositions des articles R. 633-3 à R. 633- 9 du code de la construction et de l'habitation notamment en ce qu'il limite, selon les caractéristiques des logements et les conditions de sécurité; la faculté d'hébergement à une période maximale et prévoient l'obligation de déclarer préalablement, la présence de la personne accueillie ainsi que ses dates de départ et d'arrivée.
Ces dispositions ne portent pas atteinte aux dispositions de la convention européenne des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales dès lors que les dispositions de l'article 8 de cette convention qui pose le principe que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » prévoit également des ingérences dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence soit 'prévue dans la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire (...) à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
Les limitations prévues à l’article 9 du règlement intérieur, qui reprennent les dispositions législatives et réglementaires du code de la construction et de l'habitation, pour contraignantes qu’elles soient, ont pour objectif de garantir la sécurité et la pérennité du collectif hébergé en évitant, notamment, une suroccupation de la résidence et une charge excessive pour les installations à usage collectif.
Ainsi, il n'est pas porté d’atteinte disproportionnée au droit invoqué par M. [X] [L] [G].
Il y a donc lieu de constater la résiliation du contrat de résidence à la date du 11 août 2023 en application des clauses du contrat et d’ordonner la libération des lieux loués par M. [X] [L] [G].

Sur la demande en paiement au titre de l'indemnité d'occupation

Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du contrat de résidence constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

M. [X] [L] [G] sera ainsi condamné au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle pour la période courant du 11 août 2023 à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des redevances et charges qui auraient été dus si le contrat de résidence s'était poursuivi.

Sur la demande de délai pour quitter les lieux

Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l'habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

En l'absence d'opposition de la société ADOMA, compte-tenu de son âge, il sera accordé à Monsieur [X] [L] [G] un délai jusqu'au 15 avril 2025 pour quitter les lieux selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [X] [L] [G], succombant, devra supporter les dépens, comprenant le coût de l'assignation qui lui a été délivrée.

Compte tenu de la situation du défendeur, l’équité commande de rejeter la demande formée par la SAEM ADOMA au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS,
NOUS JUGE DES REFERES,

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Constatons la résiliation du contrat de résidence en date du 1 février 2021 conclu entre la Société Anonyme d’Economie Mixte (ADOMA) d’une part et M. [X] [L] [G] d’autre part et portant sur un immeuble à usage d’habitation sis [Adresse 2] à compter du 11 août 2023,

ACCORDONS à M. [X] [L] [G] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 15 avril 2025,

DISONS qu'à défaut pour M. [X] [L] [G] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la société ADOMA pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous les occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

CONDAMNONS M. [X] [L] [G] à verser à la société ADOMA une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle d'un montant équivalent à celui de la redevance et des charges, tel qu'elles auraient été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 11août 2023 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion),

Déboutons la société ADOMA de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rappelons que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

Condamnons M. [X] [L] [G] aux entiers dépens de l’instance,

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 23/09670
Date de la décision : 16/04/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-16;23.09670 ?
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