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10/04/2024 | FRANCE | N°23/02557

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jtj proxi fond, 10 avril 2024, 23/02557


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Frédéric DOCEUL
Me Michèle SOLA

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Valérie DESFORGES

Pôle civil de proximité


PCP JTJ proxi fond

N° RG 23/02557 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZPPX

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le mercredi 10 avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [I] [X]
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Valérie DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A540

DÉFENDERESSES

La société BRED BANQUE POPULAIRE
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Frédéric DOCEUL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0483

Intervenante...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Frédéric DOCEUL
Me Michèle SOLA

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Valérie DESFORGES

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi fond

N° RG 23/02557 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZPPX

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le mercredi 10 avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [I] [X]
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Valérie DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A540

DÉFENDERESSES

La société BRED BANQUE POPULAIRE
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Frédéric DOCEUL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0483

Intervenante forcée :
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D’ILE DE FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0133

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne ROSENZWEIG, Présidente,
assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 27 février 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 10 avril 2024 par Anne ROSENZWEIG, Présidente, assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière
Décision du 10 avril 2024
PCP JTJ proxi fond - N° RG 23/02557 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZPPX

EXPOSE DU LITIGE

[I] [X] est titulaire d'un compte de dépôt n°617.05.4954 au sein de la BRED BANQUE POPULAIRE.

Le 30 septembre 2022, [I] [X] a émis un chèque n°9998841 de 3.323,44 euros afin de régler le loyer du 3ème trimestre 2022 de son local professionnel.

La somme a été débitée de son compte le 4 octobre 2022.
Lorsqu'elle a été destinataire de l'avis d'échéance du 4ème trimestre 2022, [I] [X] a constaté que l'échéance du 3ème trimestre 2022 n'avait pas été réglée au bailleur.
Le 18 janvier 2023, [I] [X] a déposé une plainte pour des faits de vol et de falsification du chèque n°9998841, après avoir constaté que le bénéficiaire était " Monsieur [P] [C] " et non pas son bailleur.

Le 26 janvier 2023, la BRED BANQUE POPULAIRE a indiqué avoir fait une demande de rejet du chèque pour motif de falsification.
La BRED BANQUE POPULAIRE a indiqué ne pas pouvoir communiquer l'original du chèque, détenu par la banque présentatrice.

Par courrier simple du 2 février 2023, le conseil de [I] [X] a mis en demeure la BRED BANQUE POPULAIRE de permettre la consultation du chèque et, à défaut, de rembourser la somme de 3.323,44 euros à [I] [X].
Par courriel du 15 février 2023, la BRED BANQUE POPULAIRE a maintenu ne pas pouvoir communiquer l'original du chèque et a refusé de procéder au remboursement demandé.

Par acte de commissaire de justice signifié le 17 mars 2023, enrôlé sous le numéro RG 23/02557, [I] [X] a assigné la BRED BANQUE POPULAIRE devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de condamnation au versement de la somme de 3.323,44 euros au titre du préjudice financier, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec anatocisme, la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.

Par exploit de commissaire de justice en date du 4 octobre 2023, enrôlé sous le numéro RG 23/06164, la BRED BANQUE POPULAIRE a fait assigner en intervention forcée la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE.

La jonction entre les deux instances a été prononcée à l'audience du 24 octobre 2023.

A l'audience du 27 février 2024, [I] [X] a comparu et, se référant à ses écritures, a demandé au tribunal de :
- Condamner in solidum la société BRED BANQUE POPULAIRE et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE à lui verser la somme de 3.323,44 euros au titre de son préjudice financier, outre les intérêts au taux légal à compter de la l'assignation avec anatocisme ;
- Condamner la BRED BANQUE POPULAIRE et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la BRED BANQUE POPULAIRE et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE aux entiers dépens :
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

A l'appui de ses demandes, [I] [X] expose que le chèque a été falsifié et soutient que la banque tirée et la banque présentatrice ont failli à leur obligation de vigilance en ne repérant pas cette falsification et en réglant le mauvais bénéficiaire. Elle mentionne que la seule copie du chèque produit aux débats ne permet pas de vérifier que le devoir de vigilance a été rempli par les banques défenderesses. Elle souligne avoir agi avec diligence dès la connaissance de la falsification du chèque.

La BRED BANQUE POPULAIRE sollicite à titre principal le rejet des demandes de [I] [X], en l'absence de faute, à titre subsidiaire, la condamnation de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE à la garantir des sommes auxquelles elle pourrait être condamnée et le rejet des demandes de l'intervenante forcée, en tout état de cause, le rejet des demandes de [I] [X], la condamnation in solidum de tous succombants à lui verser la somme de 2.000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, sans le bénéfice de l'exécution provisoire.

Au soutien de ses prétentions, la BRED BANQUE POPULAIRE expose avoir exercé le contrôle de la régularité du chèque et n'avoir pas remarqué la falsification. Elle souligne les délais entre la date de connaissance du détournement et la date du dépôt de plainte. En cas de condamnation, elle sollicite la garantie de la banque présentatrice.

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE a sollicité le rejet des demandes formulées contre elle, la condamnation in solidum de [I] [X] et la BRED BANQUE POPULAIRE à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, l'exécution provisoire étant de droit.

Au soutien de ses prétentions, la banque expose que la copie du chèque qu'elle produit est fidèle et sincère et ne permet pas de considérer que la falsification a été grossière et de nature à engager sa responsabilité.

La décision, contradictoire en application des dispositions de l'article 467 du code de procédure civile, a été mise en délibéré au 10 avril 2024.

MOTIVATION

1. Sur la demande de remboursement

L'article L.131-38 du code monétaire et financier prévoit que :
" Celui qui paie un chèque sans opposition est présumé valablement libéré.
Le tiré qui paie un chèque endossable est obligé de vérifier la régularité de la suite des endossements, mais non la signature des endosseurs. "

L'article 1353 du code civil dispose que " Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. "

Il résulte de ces dispositions que la banque engage sa responsabilité en cas d'anomalies apparentes, ces anomalies s'entendant de falsifications grossières et immédiatement décelables.

Il résulte de la combinaison des articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil que s'il incombe à l'émetteur d'un chèque d'établir que celui-ci a été falsifié, il revient à la banque tirée, dont la responsabilité est recherchée pour avoir manqué à son obligation de vigilance et qui ne peut représenter l'original de ce chèque, de prouver que celui-ci n'était pas affecté d'une anomalie apparente, à moins que le chèque n'ait été restitué au tireur.

En l'espèce, [I] [X] produit l'avis d'échéance émis par la société HAUTS-DE-SEINE HABITAT d'un montant de 3.323,44 euros, le relevé de compte établissant que la somme a été encaissée et la copie du chèque n°9998841 en date du 30 septembre 2022 mentionnant Monsieur [P] [C] comme bénéficiaire et non pas le bailleur HAUTS-DE-SEINE HABITAT. Ces pièces établissent la falsification du chèque que [I] [X] avait adressé en paiement du loyer de son local professionnel.

En l'espèce, ni la BRED BANQUE POPULAIRE, ni la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE ne produisent le chèque original, alors qu'il revient à la banque tirée d'établir qu'il n'est pas affecté d'une anomalie apparente. A cet égard, la simple présentation d'une copie du chèque, même lisible, est insuffisante. Les dispositions invoquées par les établissements bancaires mis en cause, sur le caractère non circulant du chèque au regard de son montant et sur le délai de 60 jours de conservation des pièces ne sont pas opposables à [I] [X] qui invoque des dispositions législatives au soutien de sa demande.
Il convient de préciser qu'aucune disposition légale n'impose à l'émetteur d'un chèque d'en conserver une copie avant remise au bénéficiaire. Il ne saurait donc être reproché à [I] [X] de ne pas produire copie du chèque original.

Il résulte de ces éléments que la BRED BANQUE POPULAIRE, banque tirée, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que le chèque n'était pas affecté d'une anomalie apparente et, par suite, qu'elle a satisfait à son obligation de vigilance. Elle ne démontre pas avoir vérifié la régularité des endossements et voit donc sa responsabilité engagée.

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE ne produisant pas le chèque original, malgré la demande de la banque tirée, c'est à bon droit qu'elle est appelée en garantie par la BRED BANQUE POPULAIRE.

En considération de la faute de chacune des banques, la banque tirée n'ayant pas demandé la remise du chèque original pour en vérifier la régularité et la banque présentatrice n'ayant pas conservé le chèque original, il y a lieu de les condamner in solidum à payer à [I] [X] la somme de 3.323,44 euros au titre de son préjudice financier avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2023, date de la remise à personne morale de l'assignation.

L'article 1343-2 du code civil dispose que "les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise."

En l'espèce, il y a lieu de faire droit à cette demande et de prévoir que les intérêts échus, dus pour une année entière, produiront intérêts.

2. Sur les autres demandes

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, la BRED BANQUE POPULAIRE et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE sont considérées comme parties perdantes. Elles devront donc supporter les dépens de la présente procédure.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l'espèce, la BRED BANQUE POPULAIRE et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE, parties tenues aux dépens, seront condamnées à verser à [I] [X] une indemnité que l'équité commande de fixer à la somme globale de 500 euros, et seront déboutées de leurs propres demandes sur ce fondement.

Sur l'exécution provisoire

Selon l'article 514 du code de procédure civile : " Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement."

En l'espèce, l'exécution provisoire est de droit en la matière et compte-tenu de sa compatibilité avec la présente affaire, il convient de ne pas l'écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire , statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et par décision contradictoire :

CONDAMNE in solidum la BRED BANQUE POPULAIRE et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE à payer à [I] [X], la somme de 3.323,44 € (trois mille trois cent vingt trois euros et quarante quatre centimes), au titre de son préjudice financier consécutif à la falsification du chèque n°9998841 du 30 septembre 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2023 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière :

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la BRED BANQUE POPULAIRE et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE aux entiers dépens ;

CONDAMNE la BRED BANQUE POPULAIRE et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE à payer [I] [X] la somme globale de 500 € (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la BRED BANQUE POPULAIRE et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 4] ET D'ILE DE FRANCE de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire.

Ainsi jugé et mis à la disposition du public au greffe.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Décision du 10 avril 2024
PCP JTJ proxi fond - N° RG 23/02557 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZPPX


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jtj proxi fond
Numéro d'arrêt : 23/02557
Date de la décision : 10/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-10;23.02557 ?
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