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05/04/2024 | FRANCE | N°21/09000

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 05 avril 2024, 21/09000


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copies exécutoires
délivrées le:
à Me SAIDJI
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me FAURE




8ème chambre
3ème section

N° RG 21/09000
N° Portalis 352J-W-B7F-CUXSF

N° MINUTE :

Assignation du :
29 juin 2021









JUGEMENT

rendu le 05 avril 2024
DEMANDEURS

Madame [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Monsieur [J] [K]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Monsieur Cyril [K]
[Adresse 2]
[Lo

calité 7]

représentés par Maître Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J076


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic la S.A. PAU...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copies exécutoires
délivrées le:
à Me SAIDJI
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me FAURE

8ème chambre
3ème section

N° RG 21/09000
N° Portalis 352J-W-B7F-CUXSF

N° MINUTE :

Assignation du :
29 juin 2021

JUGEMENT

rendu le 05 avril 2024
DEMANDEURS

Madame [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Monsieur [J] [K]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Monsieur Cyril [K]
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentés par Maître Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J076

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic la S.A. PAUL GABET ADMINISTRATEUR DE BIENS
[Adresse 4]
[Localité 6]

représenté par Maître Aurélie FAURE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1190
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09000 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUXSF

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Céline CHAMPAGNE, juge
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Léa GALLIEN, greffier,

DÉBATS

A l’audience du 09 février 2024 tenue en audience publique devant Madame Céline CHAMPAGNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

M. [J] [K], M. Cyril [K] et Mme [W] [X] sont respectivement nu-propriétaires et usufruitière non occupants d'un appartement situé au premier étage de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 11], donné à bail.

Mme [X] ayant déclaré à son assureur, la MAIF, un dégât des eaux survenu en 2018, ce dernier a missionné le cabinet Union d'Experts qui a chiffré, dans son rapport d'expertise à distance du 27 mai 2019, le montant des réparations portant sur la réfection des plafonds et la mise en peinture dans la cuisine et la salle de bains.

Par courrier en date du 06 juin 2019, réitéré le 05 juillet 2019 et le 22 août 2019, la MAIF a informé le syndic de l'immeuble que l'état de la structure du plafond avait besoin d'être vérifié, afin que sa solidité soit contrôlée dans la mesure où une poutre métallique était à nu et rouillée.

Par acte délivré le 19 mai 2020, Mme [X] et MM. [K] ont fait assigner en référé le syndicat des copropriétaires afin principalement qu'il soit condamné, sous astreinte, à réaliser des travaux de sécurisation du plancher haut de leur appartement et, subsidiairement, que soit ordonnée une expertise judiciaire.

Par courriel en date du 1er juillet 2020, la Ville de [Localité 10] a informé le syndic qu'elle mettait en œuvre la procédure de péril ordinaire concernant l'immeuble.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09000 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUXSF

Les travaux ont été réceptionnés le 09 octobre 2020 et ont été suivis de plusieurs échanges entre les demandeurs et le syndic afin qu'il soit procédé à une remise en état correcte des lieux après les travaux réalisés et à la restitution des clefs de l'appartement.

Ces demandes ont ensuite été relayées par le conseil des demandeurs, par courriers en date du 14 décembre 2020 et du 28 janvier 2021.

MM. [K] et Mme [X] ont ensuite, par acte délivré le 29 juin 2021, fait assigner le syndicat des copropriétaires aux fins d'indemnisation des préjudices subis.

Dans leurs conclusions en réplique, notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, MM. [K] et Mme [X] demandent au tribunal, au visa de la la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et notamment ses articles 14 et 18, et des articles 1240 et suivants du code civil, de :
« Rejeter les demandes, fins et conclusions du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3].
Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à payer solidairement à Madame [W] [X], Messieurs [J] et Cyril [K] la somme de 30.261 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice locatif.
Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à payer solidairement à Madame [W] [X], Messieurs [J] et Cyril [K] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.
Assortir les sommes allouées à Madame [W] [X], Messieurs [J] et Cyril [K] toutes causes de préjudices confondues, des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de la présente assignation.
Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code civil.
Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à payer solidairement à Madame [W] [X], Messieurs [J] et Cyril [K] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP SAIDJI & MOREAU, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. »

Dans ses conclusions en réponse n°2, notifiées par voie électronique le 28 octobre 2022, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal, au visa des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 notamment de l'article 14 et de l'article 18, de :
« RECEVOIR le Syndicat des Copropriétaires en son argumentation ;
DIRE ET JUGER que les travaux de réfection de la structure de l'immeuble à l'origine des désordres subis par les consorts [K]/[X] et préconisés par l'architecte ont été dûment réalisés à la date du 9 octobre 2021.
DIRE ET JUGER que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES SIS [Adresse 3] n'a eu aucun comportement fautif de nature à participer à la réalisation des dommages prétendument subis par les consorts [K]/[X].
DIRE ET JUGER que les consorts [K]/[X] n'ont subi aucun préjudice moral, ni aucune perte de loyer.
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09000 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUXSF

Dans l'hypothèse où le Tribunal considérerait que les consorts [K]/[X] auraient subi un préjudice locatif, en LIMITER l'indemnisation à hauteur de 2000 €.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
DÉBOUTER les consorts [K]/[X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions. »

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.

La clôture a été ordonnée le 18 avril 2023 et l'affaire fixée pour plaidoiries à l'audience du 09 février 2024, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 05 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes formulées par le syndicat des copropriétaires

Le dispositif des conclusions du syndicat des copropriétaires comporte plusieurs demandes qui ne consistent en réalité qu'en une reprise de simples moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions qu'il formule et ne constituent donc pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 768 du code de procédure civile, en ce qu'elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert.

Or, en application des dispositions de l'article 768 du code de procédure civile, « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». Par conséquent, le tribunal ne statuera pas sur les demandes suivantes :

« DIRE ET JUGER que les travaux de réfection de la structure de l'immeuble à l'origine des désordres subis par les consorts [K]/[X] et préconisés par l'architecte ont été dûment réalisés à la date du 9 octobre 2021.
DIRE ET JUGER que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES SIS [Adresse 3] n'a eu aucun comportement fautif de nature à participer à la réalisation des dommages prétendument subis par les consorts [K]/[X].
DIRE ET JUGER que les consorts [K]/[X] n'ont subi aucun préjudice moral, ni aucune perte de loyer. »

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires

Aux termes de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, le syndicat des copropriétaires « a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes. Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »

Les demandeurs expliquent que le dégât des eaux a entraîné des désordres au niveau de la structure du plancher haut, au droit de la cuisine et de la salle d'eau de leur appartement, et que le syndicat des copropriétaires a fait preuve d'inertie pour engager les travaux nécessaires à la reprise de cette structure sur laquelle ils ne pouvaient pas intervenir, s'agissant d'une partie commune.
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09000 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUXSF

Ils indiquent avoir de ce fait subi un préjudice puisqu'ils n'ont pu, au départ de leurs locataires, remettre leur bien en location en raison de son état, expliquant en effet que le bien ne pouvait être reloué tant que les travaux sur la structure n'étaient pas réalisés, puisqu'ils conditionnaient les travaux d'embellissement.

Or, ils indiquent que Mme [X] a informé le syndic de l'état du logement dès le 07 mai 2019, l'appartement étant à cette date déjà vide et impossible à relouer tant que les travaux de structure n'étaient pas réalisés, mais que l'immobilisme du syndicat des copropriétaires a retardé la réalisation de ces travaux.

Ils font en effet valoir que bien que l'architecte ait informé le syndic, dès le mois de septembre 2019, de la nécessité d'agir rapidement, les travaux sur la structure n'ont cependant été achevés que le 09 octobre 2020 et qu'ils n'ont pu récupérer les clés de leur logement que début mars 2021.
Ils recherchent donc la responsabilité du syndicat des copropriétaires sur le fondement précité, en raison de son obligation de réaliser tous travaux utiles sur les parties communes.

Le syndicat des copropriétaires soutient pour sa part qu'il n'est pas démontré que le fait générateur des désordres trouve son origine dans le mauvais état des parties communes, que les demandeurs considèrent à tort que l'origine et la cause du sinistre sont indifférentes alors qu'il s'agit de l'essence même de l'application de l'article 14 précité et qu'il leur appartient ainsi de démontrer que le dommage trouve son origine dans l'état des parties communes.

Il fait ainsi valoir que l'article 14 ne peut trouver à s'appliquer puisque s'il est effectivement établi qu'une réfection de la structure de l'immeuble s'imposait avant la réalisation de leurs travaux réparatoires, pour autant il n'est pas démontré que l'origine du dégât des eaux provenait d'une partie commune alors que l'état de l'appartement des demandeurs est en lien direct avec ce sinistre.

Il considère par ailleurs qu'il ne peut lui être reproché aucun immobilisme dans la mesure où le syndic n'a pas été destinataire des premiers courriers des demandeurs. Il indique de plus que le courriel du 07 mai 2019, dont ils se prévalent, est adressé au service sinistre du syndic, et non au service syndic, et a uniquement pour but de déclarer un dégât des eaux dont la cause serait au surplus supprimée sans aborder la question de l'état des parties communes.

Il indique avoir eu connaissance de l'état de la structure de l'immeuble, et notamment du plancher haut du premier étage, à la fin du mois d'août 2019, avoir obtenu une proposition d'intervention d'un ingénieur structure le 19 novembre 2019 et fait immédiatement le nécessaire auprès de l'assureur de l'immeuble, qui lui a cependant opposé un refus de garantie en janvier 2020.
Il explique que la crise sanitaire ne lui a pas permis de programmer les travaux à la suite du refus de l'assureur puisque la réunion du conseil syndical, préalable à l'assemblée générale de mai 2020 au cours de laquelle la validation de la mission de l'ingénieur structure devait être votée, n'a pu se tenir de ce fait.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09000 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUXSF

Il indique qu'après la levée progressive de la mesure de confinement, les travaux ont pu être réalisés et se sont achevés le 09 octobre 2020. Il considère ainsi avoir agi avec célérité et diligence mais s'être heurté à un cas de force majeure lié à la pandémie mondiale, considérant qu'alors que le pays a alterné les périodes de confinement, il ne saurait lui être reproché d'avoir achevé les travaux ordonnés par la juridiction de référé en moins de trois mois et, en tout cas, en moins d'un an à compter de la date à partir de laquelle il a eu connaissance du sinistre.

En application des dispositions précitées, la responsabilité du syndicat des copropriétaires est encourue même en l'absence de faute, dès lors que le dommage trouve son origine dans les parties communes, seule la preuve d'une cause étrangère ou de la faute de la victime permettant de l'exonérer.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le logement des demandeurs a été endommagé à la suite d'un dégât des eaux.

Il est exact, comme le relève le syndicat des copropriétaires, qu'il n'est en revanche pas établi qu'il provient d'une partie commune dans la mesure où aucune des pièces produites ne permet d'en déterminer l'origine, aucune expertise judiciaire n'ayant été diligentée et le rapport d'expertise amiable qui indique que Mme [X] « a constaté des dommages de mouille dans son logement, consécutifs à une fuite située sur une colonne de l'immeuble » ne se basant que sur les seules déclarations de Mme [X], sans constatations ni investigations, le rapport ayant été établi à distance.

Il ressort toutefois des pièces versées aux débats que ce dégât des eaux a affecté la structure du plancher haut du logement des demandeurs, ce qui n'est pas contesté par le syndicat des copropriétaires, l'architecte de l'immeuble ayant ainsi indiqué au syndic, en septembre 2019, que « pour répondre à votre ordre de service du 10 courant, j'ai rencontré sur site Mme [X], son fils M [K], copropriétaire de l'appartement au 1er étage escalier principal et Mme [F] [P], copropriétaire 2ème étage du même escalier.
(...)
J'ai relevé que des désordres impactent les stylobates et le mur d'échiffre de l'escalier sur cour au 1er, 2ème et 3ème étages et que, dans la cuisine chez Mme [R], à l'approche de l'aplomb de la colonne montante de distribution d'eau froide sanitaire (anciennement en plomb remplacée par du cuivre), les entrevous pleins (mâchefer et plâtre) sont gonflés, éclatés et pulvérulents. Les fantons et entretoises ainsi que les solives métalliques sont profondément oxydés.
L'oxydation atteint la sous-face des solives mais aussi l'âme verticale et vraisemblablement leurs ailes supérieures.
L'ancienneté des infiltrations et l'état résiduel des ailes inférieures ne fait aucun doute sur l'état de dégradation avancé des âmes des poutrelles porteuses.
J'ai donc sollicité immédiatement Monsieur [C], entrepreneur de Mme [X], pour installer sans tarder une batterie d'étais de calage et stabilisation de plancher entre le 1er et le 2ème au droit de la cuisine.
(…)
Je me permets de vous conseiller de solliciter dès que possible un ingénieur de structure qui établira la descente des charges, le principe de renforcement et assurera la direction des travaux à réaliser par une entreprise valablement qualifiée et assurée.
La situation est grave et nécessite une décision d'autant plus rapide que Mme [X] ne peut pas jouir pleinement de son bien ».
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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La remise en location du bien, après réalisation des travaux réparatoires dans le logement des demandeurs, consistant en une réfection des faux-plafonds de la cuisine et de la salle de bain et en une mise en peinture, ne pouvait ainsi intervenir qu'une fois les travaux sur la structure réalisés.

Or, le procès-verbal de réception des travaux atteste que ces derniers ont été achevés le 09 octobre 2020 et le courrier en date du 02 mars 2021 de la société Case Architectes, architecte en charge des travaux, indique que les clefs du logement ont été renvoyées à M. [K] le 26 février 2021.

Les demandeurs n'ont donc pu remettre leur bien en location avant cette date.

S'agissant des diligences effectuées par le syndicat des copropriétaires, il est établi que Mme [X] a, le 07 mai 2019, adressé au service sinistre du syndic un courriel, photographie à l'appui, l'informant de l'état du plafond de son logement.

Par courrier en date du 06 juin 2019, réitéré le 05 juillet 2019, la MAIF a informé le syndic de l'immeuble que l'état de la structure du plafond avait besoin d'être vérifiée, afin que sa solidité soit contrôlée dans la mesure où une poutre métallique était à nu et rouillée.

Il convient cependant de relever, comme l'indique le syndicat des copropriétaires, que la référence de l'immeuble mentionnée par l'assureur ne correspond pas à l'immeuble objet du sinistre.

La MAIF a ensuite adressé un nouveau courrier de relance au syndic, le 22 août 2019, mentionnant la bonne adresse du bien et l'architecte a adressé au syndic un compte-rendu détaillé des constatations effectuées à la suite de ses investigations, portant notamment sur la structure, dont la teneur a été précédemment rappelée.

La pose des étais sollicitée par l'architecte est attestée par les photographies jointes au courriel adressé le 14 octobre 2019 à 14h23 par M. [K] au service sinistre du syndic, dans lequel il indique espérer avoir un retour rapide du syndic.

Par courriel du même jour, adressé à 14h42, après relance du service gestion sur la suite donnée au traitement du sinistre, le syndic lui a indiqué qu'il avait contacté sans succès deux ingénieurs structure et qu'il effectuait une relance.

Interrogé une nouvelle fois le 04 novembre 2019 par le service gestion, le syndic lui a expliqué avoir sollicité un troisième expert structure, sans suite de sa part, et relancé son dernier contact deux jours auparavant.

La MAIF a également interrogé le syndic, par courrier en date du 15 novembre 2019, sur ses recherches concernant un expert en structure.

Il ressort du courriel adressé par le syndic le 20 novembre 2019 au service gestion et de la proposition du 19 novembre 2019 versée aux débats qu'il a pu obtenir une proposition d'intervention et qu'il lui a indiqué revenir vers lui dès obtention d'une réponse de l'assureur de l'immeuble.

En réponse à l'interrogation du service gestion, formulée par courriel du 05 décembre 2019, il lui a indiqué rencontrer l'assureur la semaine suivante puis, à la suite de sa relance du 12 décembre 2019, l'a informé que le cabinet Verlingue se rapprochait de la compagnie d'assurance QBE France, assureur de l'immeuble.

Il ressort de la réponse de l'assureur, non datée, qu'il estime qu'il s'agit d'un problème lié à la structure du bâtiment pour lequel il n'y a pas de garantie mobilisable au titre du contrat conclu, l'assureur invitant le syndic à intervenir au plus vite en précisant cependant qu'il ne pourra prendre en charge une quelconque facture.

Les demandeurs ont ensuite, par acte délivré le 19 mai 2020, fait assigner en référé le syndicat des copropriétaires afin qu'il soit condamné, au vu de l'urgence de la situation, à faire réaliser les travaux de sécurisation préconisés par l'architecte de l'immeuble, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance de référé en date du 09 juillet 2020, les travaux ayant ensuite été achevés le 09 octobre 2020.

Il ressort ainsi de cette chronologie que le syndic, informé par Mme [X] dès le 07 mai 2019 des désordres affectant son logement, n'a mandaté l'architecte de l'immeuble afin d'établir un diagnostic de la situation que le 10 septembre 2019, soit quatre mois plus tard, ce dernier ayant alors fait état de l'état de dégradation avancé des âmes des poutrelles porteuses et indiqué que la situation était grave et nécessitait une décision rapide, en décrivant précisément les travaux à réaliser.

Le syndic, qui a recherché à compter d'octobre 2019 un ingénieur structure afin de superviser les travaux, a essuyé plusieurs refus mais a finalement été destinataire d'une proposition en date du 19 novembre 2019, versée aux débats.

Pour autant, les travaux, dont il n'est pas précisé la date de début - aucun ordre de mission n'étant produit -, ont été réceptionnés le 09 octobre 2020 soit 11 mois plus tard et le syndicat des copropriétaires justifie de l'impossibilité de programmer leur réalisation en raison de la crise sanitaire.

Il explique en effet que cette dernière a empêché la réunion du conseil syndical, fixée juste avant le prononcé de l'état d'urgence, qui devait être un préalable à la tenue d'une assemblée générale en mai 2020 au cours de laquelle la validation de la mission de l'ingénieur aurait été soumise au vote.

Il est exact que la crise sanitaire a perturbé le fonctionnement normal des entreprises, en raison du confinement intervenu de mars à mai 2020. Pour autant, le syndicat des copropriétaires ne justifie d'aucune démarche entre janvier 2020, date à laquelle il indique avoir essuyé un refus de l'assureur de l'immeuble, et mars 2020 ni à compter de mai 2020, les travaux n'ayant été réceptionnés que cinq mois plus tard, et une condamnation ayant dans l'intervalle été prononcée en référé à son encontre.

Dans la mesure où le préjudice des demandeurs a été causé par le temps mis à remettre en état la structure de l'immeuble, partie commune, préalable nécessaire à leurs propres travaux de remise en état, la responsabilité du syndicat des copropriétaires de l'immeuble est engagée du fait du défaut d'entretien de ses parties communes.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09000 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUXSF

Sur l'indemnisation des préjudices

-sur le préjudice locatif

Les demandeurs expliquent que le bien était loué du 01 septembre 2011 au 30 mars 2019 pour un loyer mensuel de 1 375,50 euros et qu'ils auraient donc pu toucher tous les mois, a minima, cette somme sur la période durant laquelle ils ont subi un préjudice locatif, soit du 07 mai 2019 jusqu'au début du mois de mars 2021. Ils sollicitent par conséquent une indemnisation d'un montant de 30 261 euros (1375,50 x 22 mois).

Le syndicat des copropriétaires relève que les demandeurs fondent leur demande indemnitaire sur une quittance de loyer délivrée en mars 2019 mais ne produisent pas le contrat de bail d'origine permettant de connaître le montant du loyer.

Il considère également que le bien-fondé de la demande est conditionné à la démonstration que le bail a été dénoncé du fait de l'état de l'appartement, que le sinistre déclaré le 07 mai 2019 serait survenu bien avant ce qui démontre que le bien était parfaitement habitable malgré les dommages dénoncés, et qu'il était vacant à cette date, les demandeurs n'ayant du reste pas l'intention de relouer l'appartement et ne fournissant aucun refus lié à l'état du bien.

Il relève enfin que les travaux se sont achevés au mois d'octobre 2020 et qu'il ne peut être tenu responsable de la non-remise des clefs puisqu'il ne les détenait pas. Il sollicite toutefois, si l'existence d'un préjudice locatif devait être retenu, qu'il soit limité à la période du 07 mai 2019 au 09 octobre 2020 et indemnisé à la somme forfaitaire de 2 000 euros.

Il importe peu toutefois que le bien ait été habitable avant la date du 07 mai 2019 ou qu'il ait été vacant lorsque les désordres ont été signalés au syndic et il n'est pas plus nécessaire que les demandeurs démontrent que le bail a été dénoncé du fait de l'état de l'appartement dans la mesure où ils font valoir un préjudice locatif non du fait du dégât des eaux, mais du retard mis par le syndicat des copropriétaires à intervenir sur les parties communes, dont les travaux de remise en état conditionnaient ceux à engager dans leur logement.

Les demandeurs produisent le contrat de bail à effet au 1er septembre 2011 pour un loyer de 1 300 euros charges comprises, ainsi qu'une quittance de loyer pour le mois de mars 2019 mentionnant un loyer de 1 375,50 euros, charges comprises. Le contrat de bail ne mentionnant aucune révision annuelle de loyer, il convient par conséquent de retenir un loyer mensuel de 1 300 euros.

S'agissant de la période d'indemnisation, les demandeurs sont en droit d'obtenir la réparation intégrale de leur préjudice, de telle sorte que le syndicat des copropriétaires ne peut leur opposer le retard mis à leur restituer les clefs de leur logement.

Le préjudice subi ne correspond toutefois qu'à une perte de chance de donner le bien en location, sans discontinuité ni vacance du logement entre deux locations, ni défaut de paiement du locataire en place.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09000 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUXSF

Au regard de la nature des désordres, de la localisation du bien, de sa valeur locative et de la situation du marché immobilier parisien, il convient par conséquent de retenir un taux de perte de chance de 90 % de percevoir des loyers sur la période du 07 mai 2019 au 01 mars 2021.

L'indemnité réparatrice de cette perte de chance est par conséquent fixée à la somme de 25 740 euros (22 mois x 1300 euros x 90%) au paiement de laquelle le syndicat des copropriétaires est condamné.

-sur le préjudice moral

Les demandeurs expliquent avoir consacré un temps important à la gestion de ce litige qui leur a également causé beaucoup de stress. Ils indiquent en effet que l'absence de perspective sur la date à laquelle leur bien pourrait être de nouveau loué et à laquelle ce complément de revenus pourrait de nouveau être perçu les a placés dans une situation compliquée et angoissante. Ils sollicitent par conséquent une indemnisation de leur préjudice moral à hauteur de 3 000 euros.

Le syndicat des copropriétaires considère, pour sa part, que cette demande n'est ni fondée ni justifiée en ce que les demandeurs procèdent par affirmations, qu'ils n'habitaient pas dans les lieux, que le bien n'était par ailleurs pas loué à la date du sinistre, et qu'il n'était pas justifié d'un préjudice distinct du préjudice locatif invoqué.

Toutefois, la perte d'une source de revenus pendant plus d'un an et les tracas et inquiétudes générés par la présente procédure justifient l'octroi de la somme de 1 000 euros à titre d'indemnisation que le syndicat des copropriétaires est condamné à régler à MM. [K] et Mme [X], ensemble.

Sur les autres demandes

Conformément à la demande de MM. [K] et Mme [X], la capitalisation des intérêts est ordonnée et les sommes allouées sont assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Le syndicat des copropriétaires, partie perdante, est condamné aux entiers dépens.

La SCP Saidji & Moreau, qui en fait la demande, est autorisée à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Tenu aux dépens, le syndicat des copropriétaires est condamné à régler à MM. [K] et Mme [X], ensemble, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et est débouté de sa demande formulée à ce titre.

L'exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 11] à régler à M. [J] [K], M. Cyril [K] et Mme [W] [X], ensemble, la somme de 25 740 euros au titre de leur préjudice locatif et celle de 1 000 euros au titre du préjudice moral, assorties des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts sur les sommes ainsi dues ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 11] aux entiers dépens ;

AUTORISE la SCP Saidji & Moreau à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 11] à régler à M. [J] [K], M. Cyril [K] et Mme [W] [X], ensemble, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 11] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 05 avril 2024

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 21/09000
Date de la décision : 05/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-05;21.09000 ?
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