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05/04/2024 | FRANCE | N°20/11452

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 05 avril 2024, 20/11452


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 20/11452 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTG65

N° PARQUET : 20/1016

N° MINUTE :


Assignation du :
16 Novembre 2020


C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [M] [G] [K]
domiciliée : chez Chez Madame [K] [A]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Danielle BABIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,

vestiaire #E0256


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 9]
[Localité 2]
Madame Laureen Simoes, Substitute






Décision du 05/04/2024
Chambre du content...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 20/11452 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTG65

N° PARQUET : 20/1016

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Novembre 2020

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [M] [G] [K]
domiciliée : chez Chez Madame [K] [A]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Danielle BABIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0256

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 9]
[Localité 2]
Madame Laureen Simoes, Substitute

Décision du 05/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 20/11452

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 16 Février 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 16 novembre 2020 par Mme [M] [G] [K] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions de Mme [M] [G] [K] notifiées par la voie électronique le 4 août 2022,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 27 septembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 décembre 2023, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 16 février 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
Décision du 05/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 20/11452

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 18 décembre 2020. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [M] [G] [K], se disant née le 6 novembre 1969 à [Localité 6] (Bénin), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l'article 17 du code de la nationalité. Elle fait valoir que son père, [P] [V] [K], né le 6 janvier 1934 à [Localité 10] ([Localité 7]), est issu de [C] [E] [K], né le 2 juillet 1883 à [Localité 5] ([Localité 7]), admis à la citoyenneté française par décret de naturalisation du 9 mai 1928, et qu'il a conservé la nationalité française à l'indépendance du Bénin pour avoir été domicilié lors de l'indépendance sur un territoire qui n'avait pas le statut de territoire de la République française. Elle fait également valoir que son père a conservé la nationalité française à l'indépendance du Bénin car il était métis pour être né d'un père métis.

Son action fait suite à l'absence de réponse à sa demande formée le 17 novembre 2014 de délivrance d'un certificat de nationalité française de la part du tribunal d'instance de Raincy (pièce n°10 de la demanderesse).

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code, sans possibilité, pour lui, d'invoquer les certificats délivrés à des membres de sa famille, fussent-ils ses ascendants, dans la mesure où la présomption de nationalité française qui est attachée à ces certificats ne bénéficie qu'à leurs titulaires, et ce même s'ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève des dispositions de l'article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, aux termes duquel est français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français.

Il doit être également rappelé que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Il résulte de l’application combinée de ces textes que seuls ont conservé la nationalité française :
- les originaires du territoire de la République française (et leur conjoint, veuf ou descendant) tel que constitué le 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française, c'est-à-dire en ce notamment inclus La Réunion, auxquels étaient assimilés les “métis” (et leurs descendants) nés de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, était présumé de souche européenne et d’origine française, reconnus comme tels citoyens français par jugements rendus sur le fondement du décret du 5 septembre 1930 (pour l’Afrique Occidentale Française) ou du 15 septembre 1936 (pour l’Afrique équatoriale française),
- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
- celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
- enfin, celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants,
- les enfants mineurs de 18 ans suivant la condition parentale selon les modalités prévues à l’article 153 du code de la nationalité française de 1945 dans sa version issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 telle que modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Le domicile au sens du droit de la nationalité s’entend d’une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations ; il ne se réduit pas au lieu de travail.

Il appartient ainsi à Mme [M] [G] [K], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Bénin, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 43 de l'accord de coopération en matière de justice signé le 27 février 1975 et publié les 9 et 10 janvier 1978 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, Mme [M] [G] [K] produit une copie délivrée le 4 septembre 2020, de son acte de naissance n°1522, ainsi qu'une copie de la souche de son acte de naissance, mentionnant qu'elle est née le 6 novembre 1969 à [Localité 6] (Bénin), d'[P] [V] [K], comptable, et de [W] [Z], tous deux domiciliés à Niaouli (pièces n°1 et 2 de la demanderesse). Elle justifie ainsi d'un état civil fiable et certain.

Selon copie d'acte de mariage délivrée le 22 septembre 2020, ses parents se sont mariés le 12 août 1969, soit avant la naissance de Mme [M] [G] [K], établissant ainsi un lien de filiation certain entre cette dernière et [P] [V] [K] (pièce n°5 de la demanderesse).

Sont également produits aux débats :
- une copie, délivrée 2 avril 2019 par le service central de l'état civil, de l'acte de naissance d'[P] [V] [K], mentionnant qu'il est né le 6 janvier 1934 à [Localité 10] ([Localité 7]), de [C] [E] [K], né le 2 juillet 1883 à [Localité 5] ([Localité 7]), acte dressé sur déclaration de son père, qui déclare le reconnaître, établissant ainsi le lien de filiation certain entre eux (pièce n°3 de la demanderesse),
- un acte de notoriété dressé le 2 mai 1914, mentionnant que [C] [R] [K] est né le 2 juillet 1883 à [Localité 5] ([Localité 7]), de [E] [K] et d'[Y] (pièce n°7 de la demanderesse).

Ainsi, il est établi qu'[P] [V] [K] est originaire d'un ancien territoire d'Afrique.

Il n'est pas autrement critiqué par le ministère public que son père ayant été admis à la citoyenneté française par décret de naturalisation du 9 mai 1928, [P] [V] [K] était français en application de l’article 17-2°du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°45-2441 du 19 octobre 1945, tel que rendu applicable outre-mer par le décret n°53-161 du 24 février 1953, aux termes duquel est français l’enfant naturel, lorsque celui de ses parents à l’égard duquel la filiation a d’abord été établie est français (pièces n°8 et 9 de la demanderesse).

Concernant la conservation de la nationalité française à l'indépendance du Bénin le 1er août 1960, le ministère public soutient qu'[P] [V] [K] a perdu la nationalité française à cette date. Il fait valoir que s'il a vécu plusieurs mois au Nigéria au moment de l’indépendance du Bénin, cette résidence sur une période restreinte ne suffit pas à caractériser un transfert de son domicile de nationalité hors du Bénin, qui est resté son centre d'intérêts et où il est retourné vivre dès 1961.

En réponse, Mme [M] [G] [K] fait valoir que lors de l'indépendance du Bénin, son père avait installé le centre des ses intérêts au Nigéria en ce qu'il y vivait et y travaillait, et que ce n'est qu'en 1969 qu'il fondera une famille au Bénin.

Au soutien de sa prétention, Mme [M] [G] [K] produit aux débats :
- un certificat de travail établi le 3 juillet 1961 par [B] [O] [I], gérant de l’entreprise [I] & Sons Ltd établie au Nigeria, qui atteste qu'[P] [V] [K] a été son chauffeur du 6 avril 1959 au 30 juin 2021 (pièce n°11 de la demanderesse),
- une quittance de loyer délivrée le 10 janvier 1960 d'un appartement situé [Adresse 1] dans l'Etat du [Localité 8] Au Nigeria pour la période de janvier à mars 1960, ainsi qu'une quittance de loyer délivrée le 29 septembre 1961 pour la période d'octobre à décembre 1961 (pièces n°15 et 16 de la demanderesse).

Au vu de ces pièces, Mme [M] [G] [K] justifie que son père, célibataire, vivait et travaillait au Nigeria avant l'indépendance du Bénin, lors de l'indépendance du Bénin le 1er août 1960 et après l'indépendance du Bénin, et qu'ainsi, il avait établi son domicile hors du Bénin lorsque celui-ci est devenu indépendant et a de ce fait conservé la nationalité française à l'indépendance de ce territoire.

En conséquence, Mme [M] [G] [K] étant née d'un père français, il sera jugé qu'elle est française par filiation paternelle sur le fondement de l'article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973 précité.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

L'instance ayant été nécessaire pour l'établissement des droits de Mme [M] [G] [K], chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que Mme [M] [G] [K], née le 6 novembre 1969 à [Localité 6] (Bénin), est de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Fait et jugé à Paris le 05 Avril 2024

La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 20/11452
Date de la décision : 05/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-05;20.11452 ?
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