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05/04/2024 | FRANCE | N°20/07532

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 05 avril 2024, 20/07532


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me TEULE
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me [T]




8ème chambre
3ème section

N° RG 20/07532
N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4

N° MINUTE :

Assignation du :
10 août 2020









JUGEMENT

rendu le 05 avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Y] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Laura TEULE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0543


DÉFEN

DEUR

Monsieur [M] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Olivier LIGETI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0560


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-prési...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me TEULE
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me [T]

8ème chambre
3ème section

N° RG 20/07532
N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4

N° MINUTE :

Assignation du :
10 août 2020

JUGEMENT

rendu le 05 avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Y] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Laura TEULE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0543

DÉFENDEUR

Monsieur [M] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Olivier LIGETI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0560

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Céline CHAMPAGNE, juge
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Léa GALLIEN, greffier,

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/07532 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4

DÉBATS

A l’audience du 09 février 2024 tenue en audience publique devant Madame Céline CHAMPAGNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

En raison de l'empêchement de la présidente, la décision a été signée par l'un des juges qui en ont délibéré, en application de l'article 456 alinéa 1er du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. et Mme [Z] sont propriétaires des lots n°14 et 15, respectivement depuis 1995 et 2003, situés au 6ème étage au sein de l'immeuble sis [Adresse 2], soumis au régime de la copropriété des immeubles bâtis.

En 2004, M. [Z] a fait réaliser des travaux, à la suite de la réunion de ses deux lots, consistant notamment en l'installation d'un coin salle d'eau et d'une kitchenette. Ces travaux ont été ratifiés lors de l'assemblée générale du 24 janvier 2005.

En 2011, M. [Y] [N] a acquis un appartement situé au 5ème étage du même immeuble.

Se plaignant de plusieurs dégâts des eaux et de nuisances sonores, M. [N] a, par exploit d'huissier signifié le 10 août 2020, fait assigner M. [Z] devant le tribunal de grande instance de Paris, afin d'obtenir, à titre principal, la destruction des travaux entrepris, la remise en état des parties affectées par ces travaux ainsi que de l'isolation phonique, sa condamnation à lui régler les sommes de 3000 euros en réparation du préjudice matériel, 3000 euros du fait des dégâts d'humidité subis dans son appartement, 5000 euros du fait du préjudice d'agrément et, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert judiciaire.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 06 avril 2021, M. [Z] a saisi le juge de la mise d'un incident tendant à voir déclarer prescrite l'action de M. [N].

Par ordonnance en date du 14 janvier 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes de M. [N] fondées sur l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 et recevables celles fondées sur les articles 544 et 1240 à 1242 du code civil.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 février 2022, M. [N] a saisi le juge de la mise en état d'un incident aux fins d'expertise judiciaire, rejeté par ordonnance en date du 02 décembre 2022.

Aux termes de ses conclusions n°2, notifiées par voie électronique le 19 septembre 2023, M. [N] demande au tribunal de :
« Vu les articles 143 et 144 du Code de procédure civile,
Vu l'article 232 du Code de procédure civile,
Vu l'article 794 du Code de procédure civile,

VOIR nommer tel Expert qu'il lui plaira avec pour mission de :
- se rendre sur les lieux sis [Adresse 2] ;
- Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles pour l'accomplissement de sa mission ;
- Examiner les désordres allégués dans l'assignation ; les décrire, en indiquant la nature, l'importance, la date d'apparition et en rechercher la ou les causes ;
- Dire si les désordres décrits compromettent la solidité de l'ouvrage ou portent atteinte à sa destination ou s'ils affectent l'un de ses éléments constitutifs ou d'équipement dissociable ou non;
- Dresser la liste des travaux nécessaires pour faire cesser les dégâts des eaux ;
- Dire si le lot appartenant à Monsieur [Z] peut être utilisé à des fins d'habitation sans être source de désordres pour le voisinage,
- Fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer les responsabilités encourues ;
- Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis communiqués par les parties, éventuellement assistées d'un maître d'œuvre, le coût de ces travaux ;
- Fournir tous éléments de nature à permettre à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état ;
- Dire et autoriser les travaux urgents et nécessaires soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ;
- Faire toutes observations utiles au règlement du litige ;
JUGER que l'expert sera mis en œuvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du Code de Procédure Civile, qu'en particulier il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts près ce Tribunal ;
JUGER que l'Expert devra, dès réception de l'avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l'expiration d'un délai d'un mois ;
JUGER qu'en cas de difficulté, l'expert saisira le Juge chargé du Contrôle des expertises ;
FIXER la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires d'expert, dans le délai qui sera imparti par l'Ordonnance à intervenir

SUR LE FOND

Vu l'article article 544 du Code civil ou, subsidiairement, 9 et 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Vu les articles 1240 à 1242 du Code civil ;
Vu la norme DTU 60.1 et 60.11 relative aux règles de calcul pour la plomberie sanitaire et l'évacuation des eaux pluviales ;
Vu le règlement sanitaire de la ville de PARIS ;
Vu les pièces et la jurisprudence versées au débat ;
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/07532 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4


JUGER que Monsieur [N] est recevable et bien fondé en toutes ses demandes ;
DEBOUTER Monsieur [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
JUGER que la configuration du logement appartenant à Monsieur [Z] présente plusieurs non-conformités aux règles de l'art et infractions à la réglementation sanitaire, propices à générer des désordres qui ne peuvent manquer de se répéter dès lors que le studio de Monsieur [Z] est occupé et fait l'objet d'un usage normal,
En conséquence,
CONDAMNER Monsieur [Z] à réaliser tous travaux nécessaires à faire cesser le trouble et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à venir, en se conformant à la réglementation en vigueur notamment le règlement sanitaire de la ville de PARIS et/ou de supprimer les installations sanitaires si aucune solution technique n'est matériellement possible.
JUGER que les travaux seront réalisés sous la direction de l'architecte de l'immeuble, aux frais de Monsieur [Z] ;
En tout état de cause,
CONDAMNER Monsieur [Z] à verser à Monsieur [N] la somme de 6.687,60 euros correspondant à son préjudice matériel et financier ;
CONDAMNER Monsieur [Z] à verser à Monsieur [N] la somme de 37.200 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
CONDAMNER Monsieur [Z] à verser à Monsieur [N] la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral ;
CONDAMNER Monsieur [Z] à verser à Monsieur [N] la somme de 5.000 euros au titre du préjudice esthétique ;
CONDAMNER Monsieur [Z] à verser à Monsieur [N] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à venir. »

Aux termes de ses conclusions n°2, notifiées le 17 novembre 2023 par voie électronique, M. [Z] demande au tribunal, au visa des articles 544, 1240 du code civil et 700 du code de procédure civile, de (sic) :
« A TITRE PRINCIPAL, :
-JUGER que Monsieur [N] ne démontre pas l'existence de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage ;
En conséquence,
-REJETER l'intégralité des demandes de Monsieur [N] ;
A TITRE SUBSIDIAIRE:
-JUGER que Monsieur [N] ne démontre ni l'existence ni l'étendue des préjudices allégués et, en conséquence, ne justifie pas le montant de ses demandes indemnitaires ;
En conséquence,
-REJETER les demandes indemnitaires de Monsieur [N] ;
A TITRE RECONVENTIONNEL,
-JUGER que les consorts [Z] ont subi un préjudice résultant du fait de l'impossibilité de vendre leur bien imputable à Monsieur [N] ;
En conséquence,
-CONDAMNER Monsieur [N] à verser à Monsieur [Z] la somme de 4 250 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE, :
-CONDAMNER Monsieur [N] à verser aux consorts [Z] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-CONDAMNER Monsieur [N] aux entiers dépens.
-ECARTER l'exécution provisoire de la décision à intervenir. »

Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction le 29 novembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 9 février 2024, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 5 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'expertise

L'article 232 du code de procédure civile dispose que « le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien. »

Au soutien de sa demande, M. [N] explique qu'il a subi dans son appartement, entre décembre 2015 et 2020, six dégâts des eaux à la suite des travaux entrepris par M. [Z] ainsi que des nuisances sonores causées par le sanibroyeur installé, qu'il a signalées à M. [Z] dès le 31 octobre 2015.

Il considère qu'il y a une corrélation entre l'apparition de ces désordres et la mise en location du lot de M. [Z], les désordres ne survenant en effet qu'en période d'occupation de ce logement.
Il explique que l'architecte de l'immeuble a fait état, dans sa note du 29 janvier 2016, de l'absence d'étanchéité dans la salle d'eau de M. [Z] et que l'expert amiable mandaté par son assureur a constaté la présence au sixième étage d'une canalisation en PVC de diamètre 40 sortant de l'épaisseur du plancher, que l'évacuation des eaux usées n'était pas gravitaire et devait être actionnée par une pompe de relevage et enfin, que la hauteur disponible dans le couloir menant au studio de M. [Z] était très faible, aucune constatation n'ayant cependant pu être faite dans ce logement, faute d'accès, M. [Z] n'étant pas disponible lors de l'expertise.

Il ajoute que dans le cadre de travaux de renforcement de planchers réalisés par la copropriété, a été mise en évidence, au niveau du plancher haut de son appartement, au droit de la douche de M. [Z], la présence de vrillettes, qui ne s'installent qu'avec un taux d'humidité de 22% et une température avoisinant les 22° à 25° et apparaissent souvent après un ou plusieurs dégâts des eaux.

Il fait également valoir qu'en janvier 2016, M. [Z] a supprimé les tomettes au sol de ses combles et a refait le plancher bas de son appartement et ce, sans l'intervention d'un bureau de structure, ce qui a modifié les charges de son plancher, tel que cela ressort du rapport établi par la société BMI le 10 janvier 2023.

Il fait ainsi valoir que la note de l'architecte de la copropriété et le rapport de l'expert d'assurance du 09 juin 2016, concluent à plusieurs non-conformités aux règles de l'art et infractions à la réglementation sanitaire mais qu'ils sont cependant incomplets en ce qu'ils ne se prononcent pas sur les préjudices ni sur les travaux nécessaires pour faire cesser le trouble et leur montant, de telle sorte qu'il y a lieu de voir ordonner, avant dire droit, une expertise judiciaire.

M. [Z] s'oppose pour sa part à cette mesure en considérant que certains chefs de mission sont sans lien avec les demandes principales et que la demande d'expertise est sans objet dès lors que les désordres allégués, soit, s'agissant des nuisances sonores, n'existent pas, soit, s'agissant des dégâts des eaux, ont déjà été identifiés et réparés.
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/07532 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4

M. [Z] précise en effet que M. [N], qui occupe son appartement depuis 2011, n'a commencé à se plaindre de nuisances sonores qu'au mois d'octobre 2015, alors que les travaux de la salle de bain ont été réalisés en 2004, que le seul courriel qu'il a établi est insuffisant à justifier des nuisances alléguées et que le rapport d'expertise du 18 mai 2016 ne démontre en rien leur existence puisqu'il se contente d'indiquer que l'évacuation des eaux usées n'est pas gravitaire et doit être actionnée par une pompe de relevage pouvant être bruyante, ce qui relève donc d'une simple hypothèse n'ayant pu être vérifiée en l'absence de M. [Z] lors de la réalisation de l'expertise.

S'agissant des dégâts des eaux, il relève que M. [N] en mentionne six alors que son assignation n'en vise que cinq et qu'en tout état de cause, seuls cinq sinistres sont allégués dans les 19 ans ayant suivi la création de la salle d'eau, aucun dégât des eaux n'étant relevé depuis 2019, si bien que s'ils avaient pu trouver leur origine dans les installations de la salle d'eau, un nombre plus important de sinistres aurait été à déplorer.

Enfin, il indique que les réparations pour faire cesser les fuites ont toujours été faites rapidement et qu'aucun élément versé aux débats ne permet de faire un lien entre les dégâts des eaux subis par M. [N] et l'apparition de vrillettes constatée en juillet 2022, soit trois ans après le dernier sinistre.
Il relève, à cet égard, que le rapport de la société Neva Structures, tout en constatant la présence d'insectes, n'impute cependant aucunement leur présence à quelque dégât des eaux que ce soit et ne mentionne en aucun cas les soupentes appartenant aux consorts [Z], pas plus que ne le faisait le constat d'huissier réalisé en 2020.
Il fait au contraire valoir la possibilité d'autres facteurs d'apparition comme la mauvaise ventilation du logement, une mauvaise isolation ou encore le mauvais état général de l'immeuble, construit au 19ème siècle, la copropriété ayant ainsi pris en charge le traitement de ces vrillettes.

Il considère donc que la chronologie des désordres et leur absence de régularité démontrent qu'ils n'ont pas été causés par les installations irrégulières ou non conformes de la salle d'eau mais qu'il s'agit de simples dégâts des eaux accidentels, aucun élément ne démontrant qu'ils ne surviendraient qu'en période d'occupation du bien.

Concernant enfin les désordres structurels, M. [Z] indique que dans la mesure où il n'a pas fait réaliser de travaux dans ses soupentes après 2016, il ne peut donc être à l'origine d'un allègement des charges du plancher, et par conséquent de l'aggravation des désordres structurels constatés chez M. [N]. Il précise en effet que le rapport de la société BMI a seulement fait état de l'existence de ces désordres et mentionné les causes de leur aggravation, hypothétiquement dues à un allègement des charges sur le plancher du dessus, mais n'a jamais fourni d'explication sur leur origine.

Dans son ordonnance rendue le 02 décembre 2022, le juge de la mise en état a considéré que les pièces versées aux débats ne justifiaient pas de la nécessité d'une mesure d'expertise en relevant que :
« Il ressort des pièces produites par M. [Z] qu'il a fait réaliser, dans son studio, un coin salle d'eau et kitchenette, selon facture établie le 02 février 2004, et M. [N] justifie par la production des constats amiables établis les 07 décembre 2015, 13 avril 2016, 01 mai 2019, 28 septembre 2019 et 29 octobre 2019 avoir subi plusieurs dégâts des eaux en provenance du logement de M. [Z].
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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Il ressort cependant des pièces produites que, comme le soutient M. [Z], à l'exception du dégât survenu en décembre 2015 pour lequel aucune pièce justifiant de la cause du désordre et de sa réparation n'est produite, les causes des autres sinistres ont en revanche rapidement été identifiées et qu'il y a été remédié.

Ainsi, s'agissant du dégât des eaux de mai 2019, il ressort de la recherche de fuite diligentée que l'espace douche n'était pas étanche et qu'il a été causé par un défaut d'étanchéité des joints de silicone et des joints de ciment. La douche a cependant été rénovée, tel que cela ressort du courriel adressé en ce sens par M. [Z] à M. [N] le 28 septembre 2019,
Enfin, le dégât des eaux, objet du constat réalisé le 29 octobre 2019, qui apparaît comme étant manifestement la suite de celui établi en septembre 2019, l'origine de la fuite n'ayant en effet, pas pu être identifiée à cette date, a été, pour sa part, causé par l'engorgement de la pompe par du papier sopalin, une entreprise de plomberie ayant été mandatée pour remédier au sinistre, tel que cela ressort de la facture d'intervention du 30 octobre 2019.

Il est ainsi établi que ces sinistres relevaient de dégâts des eaux ordinaires, ayant à chaque fois une origine différente sans lien avec une défectuosité des installations sanitaires, les causes des sinistres ayant à chaque fois été identifiées et traitées.
Au surplus, il convient de relever que M. [N] a dénoncé cinq dégâts des eaux depuis la création de la salle d'eau, le premier s'étant révélé 11 ans après cette création, et qu'aucun désordre n'a été dénoncé depuis le dernier en date d'octobre 2019 alors qu'une défectuosité des installations sanitaires n'aurait pas manqué de provoquer un nombre plus important de sinistres et ce, d'autant que le logement était donné à bail.

Les constatations de l'expert amiable ne permettent pas plus de relier les désordres subis à une défectuosité des installations sanitaires du logement de M. [Z].

Il a certes relevé la « présence d'une canalisation en PVC de diamètre 40, sortant de l'épaisseur du plancher et en provenance, selon M. [N] du logement de M. [Z] dont la porte palière est située à proximité (1 mètre environ) » et expliqué que « celle-ci est d'un niveau altimétrique nettement supérieur à la naissance de son parcours déjà depuis les installations sanitaires du studio [Z] » si bien qu'il a indiqué que « l'évacuation des eaux usées n'est donc pas gravitaire et doit être actionnée par une pompe de relevage pouvant être bruyante. »

Cependant, l'expert s'est simplement contenté d'indiquer que l'évacuation des eaux non gravitaire impliquait l'utilisation d'une pompe de relevage, sans qu'il ne puisse en être déduit que l'installation sanitaire du logement de M. [Z] était défectueuse et ce, d'autant plus qu'il a indiqué n'avoir pu constater la matérialité des préjudices subis par M. [N], faute d'accès au logement de M. [Z], précisant ainsi qu'aucun avis sur une nouvelle installations gravitaire de l'installation des eaux vannes et usées ne pouvait être donné sans la possibilité d'un tel accès.
Enfin, concernant la faible hauteur disponible dans le couloir menant à ce studio, il a indiqué que ce point n'était qu'informatif et n'était pas en rapport direct avec les préjudices exposés par M. [N]. »

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/07532 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4

S'agissant de la présence de vrillettes, le rapport de la société Neva structure indique que « les principales dégradations sont attribuables à des insectes xylophages et /ou des champignons lignivores et que ces attaques sont vraisemblablement anciennes ». Le dossier technique immobilier établi le 14 février 2023 par la société Dimo Diagnostic a pour sa part conclu « qu'il a été repéré des indices de présence d'agents de dégradation biologique du bois ».

Les constatations du rapport et du dossier technique ne permettent donc pas de faire le lien entre la présence des vrillettes et les dégâts des eaux survenus chez M. [N] et n'expliquent pas davantage quelle serait l'origine de leur présence, de sorte que cette dernière peut trouver sa cause ailleurs que dans les dégâts des eaux dénoncés.

Concernant les désordres structurels sur le plancher haut de son logement, M. [N] soutient qu'ils seraient dus à une modification des charges sur le plancher du 6ème étage, ce qu'il impute aux travaux réalisés par M. et Mme [Z] sur le sol de leurs soupentes.

Toutefois, il convient de relever que M. [N] sollicite la désignation d'un expert avec pour mission notamment d'examiner les désordres allégués dans l'assignation et de dresser la liste des travaux nécessaires pour faire cesser les dégâts des eaux.

Or, il ne fait état, dans son assignation, que des dégâts des eaux et des nuisances sonores subis, sans évoquer de quelconques désordres structurels dont le lien avec les dégâts des eaux dénoncés n'est pas établi de telle sorte que les développements se rapportant à ces désordres sont sans lien avec la demande d'expertise.

Enfin, s'agissant des non-conformités aux règles de l'art et infractions à la réglementation sanitaire qui seraient propices à générer des désordres, l'expert s'est simplement contenté d'indiquer que l'évacuation des eaux non gravitaires impliquait l'utilisation d'une pompe de relevage, le seul recours à cet équipement apparaissant ainsi insuffisant pour en déduire une éventuelle défectuosité de l'installation sanitaire du logement de M. [Z], et ce d'autant qu'aucun nouveau désordre n'a été dénoncé depuis 2019.

Il n'est par conséquent pas justifié de la nécessité d'organiser une mesure d'expertise et il convient donc de débouter M. [N] de sa demande.

Sur le trouble anormal de voisinage

M. [N] considère avoir subi un trouble anormal de voisinage du fait de dégâts des eaux répétitifs subis ainsi que de nuisances sonores répétées lors de l'utilisation du sanibroyeur dans l'appartement de M. [Z].

Il fait valoir que les travaux réalisés dans l'appartement de ce dernier ont été entrepris en infraction à la réglementation en vigueur, en raison d'un défaut de pente, d'un cheminement des eaux usées et vannes par la même canalisation ne disposant pas d'une pente gravitaire suffisante, d'un problème de dimensionnement du raccord, de l'absence d'étanchéité dans la salle d'eau et de la présence d'une pompe de relevage, tel que cela ressort des rapports de l'architecte de l'immeuble et de l'expert mandatés par son assurance.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/07532 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4

Il indique de plus que le règlement sanitaire de la ville de Paris n'autorise qu'à titre exceptionnel la présence d'un broyeur sous réserve d'une dérogation accordée par les services sanitaires de la ville et prévoit que des précautions particulières doivent être prises pour assurer l'isolement acoustique correct de l'appareil et empêcher la transmission de bruits vers le voisinage.

M. [Z] considère, pour sa part, que M. [N] ne démontre pas l'existence d'un trouble ni son anormalité, considérant en effet que les dégâts des eaux établis ne sont pas liés aux travaux réalisés dans son appartement.

Il ajoute qu'aucun élément versé aux débats ne démontre que les travaux critiqués ont causé un affaiblissement de l'isolation phonique et que ni le rapport de l'architecte de l'immeuble ni celui de son assureur ne font état des infractions aux normes évoquées par le demandeur.

Enfin, il estime que les nuisances sonores auraient pu facilement être identifiées en mandatant un expert acoustique, ce que n'a jamais fait le demandeur, de telle sorte qu'elles ne sont pas plus caractérisées.

Aux termes de l'article 544 du code civil « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

Il est constant que le trouble de voisinage est un préjudice en soi supportable et que, par conséquent, un trouble normal n'ouvre pas droit à réparation. Pour autant, nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage et un trouble donne donc lieu à réparation s'il excède la limite des inconvénients normaux du voisinage, revêtant de ce fait un caractère anormal.

Pour ce faire, aucune faute de la preuve du voisin n'est à rapporter, s'agissant d'un mécanisme de responsabilité objective, tout voisin « occasionnel » occupant matériellement ou pas le fonds étant présumé responsable. Enfin, cette action suppose la réunion de deux conditions : une relation de voisinage et un trouble anormal en lien direct avec le fait du voisin, ce dernier pouvant s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve de l'absence de lien direct entre le trouble et son fait.

Il est établi et non contesté que M. [N] a subi plusieurs dégâts des eaux entre décembre 2015 et octobre 2019 en provenance du logement de M. [Z].

Contrairement à ce que soutient M. [Z], le fait que les dégâts des eaux ne soient pas causés en raison d'une défectuosité des installations sanitaires ne permet cependant pas de considérer qu'ils n'excèdent en rien les inconvénients normaux du voisinage, le trouble anormal étant en effet celui d'une certaine intensité, qui outrepasse ce qui doit être supporté entre voisins, le caractère excessif du trouble n'exigeant pas une continuité ou une répétition ni une permanence et pouvant ainsi provenir d'un dommage accidentel.

Or, tout occupant d'un logement peut légitimement prétendre à en jouir sans subir d'infiltrations quand bien même ces dernières ne seraient qu'accidentelles et espacées dans le temps.

Les désordres subis par M. [N] excèdent donc ce qu'il est d'usage de tolérer en matière de troubles de voisinage, de telle sorte que la responsabilité de M. [Z] est engagée sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage.
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/07532 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4

S'agissant des nuisances sonores, M. [N] produit le courrier qu'il a adressé le 31 octobre 2015 à M. [Z] faisant état de « bruits répétés d'une pompe et/ou d'un WC broyeur ».

Dans son rapport en date du 29 janvier 2016, M. [H], architecte de l'immeuble, a en effet indiqué dans le cadre de la visite qu'il a effectuée de l'appartement de M. [Z] alors en plein travaux : « nous nous sommes rendus dans l'appartement de M. [N] et avons fait mettre en service la chasse d'eau chez M. [Z]. Nous avons pu constater que l'évacuation des eaux dans la cuvette et la mise en route du broyeur était parfaitement audible. »

Il a ainsi précisé : « de mon point de vue (…) suite à la mise en place du nouveau complexe plancher chez M. [Z], en remplacement des plâtras existant (ép. De 5 à 12 cm), l'amortissement acoustique entre les 2 logements devrait être affaibli, d'autant plus que le plafond plâtre chez M. [N] a déjà été retiré.
(…)
on peut également recommander de remplacer le broyeur par un modèle très silencieux et le cas échéant le placer dans un caisson acoustique. »

Par courriel en date du 03 février 2016, le syndic a transmis à M. [Z] le compte-rendu de l'architecte et lui a indiqué que s'il entendait remettre un WC broyeur, « restera bien sûr à régler l'acoustique du nouveau broyeur, et si nécessaire, son installation dans un caisson acoustique, comme le suggère M. [H] ».

Par courriel non daté, mais intitulé « TR : SDC 48 rue Chabrol suite RDV du 29.01 » donc nécessairement adressé après la visite de l'architecte, M. [N] indique à M. [Z] : « concernant le WC broyeur, comme je vous l'ai signalé la semaine dernière (ainsi qu'en septembre, en octobre), les bruits continuent de façon répétée ; encore cette semaine (la nuit) ».

En réponse aux interrogations du syndic, M. [Z] lui a indiqué, par courriel en date du 18 avril 2016, que « la question du broyeur est en cours de traitement ».

Enfin, le rapport d'expertise amiable du 18 mai 2016 indique s'agissant des nuisances dues au fonctionnement du WC broyeur ou de la pompe de relevage des eaux, qu'elles « ne pourraient être appréciées que lors d'une expertise contradictoire par un ingénieur acoustique et dans la configuration d'une occupation permanente du studio, ce qui n'est pas le cas en ce moment. L'affaiblissement phonique entre appartement suite à la dépose de la tomette pourrait également être examiné lors de cette expertise, néanmoins, sans pouvoir comparer avec l'état antérieur ».

Il est ainsi établi que l'évacuation des eaux dans la cuvette et la mise en route du broyeur ont été constatées comme étant parfaitement audibles dans le logement de M. [N].

Toutefois, ces constatations ont été effectuées alors que l'appartement de M. [Z] était en travaux et que ceux-ci n'étaient pas achevés, l'architecte ayant émis des suggestions pour atténuer ce bruit, et M. [Z] ayant indiqué, par courriel du 18 avril 2016, que la question du broyeur était en cours de traitement. Or, aucune pièce n'atteste de la persistance de bruits après l'achèvement des travaux.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/07532 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4

En tout état de cause, le fait que les bruits soient audibles ne caractérise pas pour autant l'existence d'un trouble anormal. En effet, quand bien même le fonctionnement des toilettes serait générateur de bruits, il n'est nullement démontré en l'espèce qu'il excéderait les inconvénients normaux du voisinage, les logements étant situés dans un vieil immeuble dont il ne peut être attendu les mêmes qualités acoustiques qu'un immeuble neuf.

Sur la réparation du trouble

-sur la demande de réalisation de travaux

Il ressort des pièces produites que les sinistres subis relevaient de dégâts des eaux ordinaires, ayant pour chacun une origine différente sans lien avec une défectuosité des installations sanitaires, les causes des sinistres ayant à chaque fois été identifiées et traitées.

Ainsi, s'agissant du dégât des eaux de mai 2019, il ressort de la recherche de fuite diligentée que l'espace douche n'était pas étanche et qu'il a été causé par un défaut d'étanchéité des joints de silicone et des joints de ciment, la douche ayant ainsi été rénovée, tel que cela ressort du courriel adressé en ce sens par M. [Z] à M. [N] le 28 septembre 2019.

Enfin, le dégât des eaux objet du constat réalisé le 29 octobre 2019, qui apparaît comme étant manifestement la suite de celui établi en septembre 2019 -l'origine de la fuite n'ayant en effet pas pu être identifiée à cette date - a été, pour sa part, causé par l'engorgement de la pompe par du papier sopalin, une entreprise de plomberie ayant été mandatée pour remédier au sinistre tel que cela ressort de la facture d'intervention du 30 octobre 2019.

Les dégâts des eaux apparaissant sans lien avec une défectuosité des installations sanitaires installées par M. [Z], il n'y a donc pas lieu de le condamner, comme le sollicite M. [N], à faire réaliser tous travaux nécessaires à faire cesser le trouble et/ou supprimer ces installations sanitaires. Il convient par conséquent de le débouter de ces demandes.

-sur le préjudice matériel et financier

M. [N] sollicite l'indemnisation de son préjudice matériel et financier à hauteur de 6 687,60 euros, indiquant que cette somme comprend :
- les frais d'expertise amiable du 9 juin 2016 pour un montant de 480 euros TTC, tel que cela ressort de la facture en date du 9 juin 2016,
-la réalisation d'un constat d'huissier le 17 janvier 2020 pour un montant de 280 euros TTC,
-la réalisation du rapport Dimo Diagnostic en date du 15 février 2023 pour la somme de 179 euros TTC,
-la prise en charge du devis de réfection des pièces endommagées par les dégâts des eaux et fissures survenues à la suite des travaux de suppression de plancher chez M. [Z], lequel s'élève à la somme de 5 986,20 euros TTC duquel il convient de déduire les travaux de la salle de bain pour un montant de 216 euros HT, soit 237,60 euros TTC.

M. [Z] conteste le quantum des demandes indemnitaires et considère que le coût des constats d'huissier et de l'expertise amiable n'a pas à être mis à sa charge dans la mesure où ces derniers ne mettent pas en cause sa responsabilité et que le devis de travaux du 05 juin 2023 n'a pas pour objet la réfection des pièces endommagées mais la réalisation de nouvelles peintures dans tout l'appartement de M. [N], ce dernier tentant ainsi de lui faire supporter le coût de la rénovation de son logement, alors même qu'il a déjà été indemnisé par son assurance au titre des dégâts des eaux.
Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/07532 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSSX4

Les frais liés à la réalisation de l'expertise amiable ainsi que ceux relatifs au constat d'huissier ne constituent pas des préjudices indemnisables en eux-mêmes mais relèvent des frais irrépétibles, fondement sur lequel ils seront examinés ci-après.

S'agissant du rapport Dimo Diagnostic, la facture fait état d'un diagnostic réalisé concernant l'état parasitaire.

Or, il n'a pas été établi que la présence des vrillettes était en lien avec les dégâts des eaux survenus, de sorte qu'il y a lieu de débouter M. [N] de sa demande à ce titre.

S'agissant du préjudice matériel subi, l'expert amiable a indiqué, dans son rapport établi le 09 juin 2016 que « des dommages sur l'enduit et la peinture sont visibles en sous-face entre les solives ».

Cette localisation des désordres est également reprise :
-dans le constat amiable établi le 18 octobre 2019 mentionnant une « chute d'eau plafond » ;
-dans les courriels adressés à M. [Z] par M. [N] en 2019, ce dernier lui indiquant ainsi que de l'eau s'écoule au travers de son plafond lorsque la douche dans ses combles est utilisée ou encore qu'un dégât des eaux a été constaté le 29 octobre 2019 dans son salon ;
-dans le courriel adressé par M. [N] au syndic le 18 décembre 2019, dans lequel il lui indique que « des infiltrations significatives et répétées ont traversé le plafond dans mon salon » et que « encore aujourd'hui, des traces d'humidité persistent à l'aplomb des WC de M. [Z] ; sur mon plafond le long du mur (porteur?) et des boiseries du bâtiment ».
Les photographies jointes à ce message montrent ainsi une bassine et des plastiques posés sur le parquet mouillé ainsi que les peintures du plafond, entre deux poutres, endommagées.

Enfin, le procès-verbal de constat réalisé le 17 janvier 2020 mentionne s'agissant du séjour :
« en partie droite le long du mur porteur séparatif avec une deuxième pièce, je constate au plafond que des poutres sont apparentes.
Entre ces poutres, je constate que le plâtre situé entre le mur porteur et la première poutre est imbibé d'eau, les aiguilles du testeur s'enfoncent complètement dans le plâtre et je constate une humidité de 100%.
Entre la deuxième et la troisième poutres, toujours en partant du cloisonnement, je constate que les aiguilles s'enfoncent totalement dans le plâtre et je constate un taux d'humidité de 100%.
Entre la troisième et la quatrième poutres une humidité de 80%, les aiguilles s'enfoncent également dans le plâtre.
Entre la cinquième et la sixième poutres, je constate un taux d'humidité de 50%.
J'ai également constaté que la peinture cloque et qu'elle est tombée, laissant le plâtre à nu entre le cloisonnement et la première poutre. »

Il n'est donc justifié que de la dégradation du plafond du salon.

Or, le devis établi par la société Édouard Peinture le 05 juin 2023 porte également sur la mise en peinture de l'entrée, d'une chambre, d'un bureau, de la cuisine et de la salle de bain.

La réparation du préjudice subi, si elle doit être intégrale, ne peut cependant excéder le montant du préjudice de telle sorte que ne seront retenues que les prestations concernant le séjour d'un montant de 982 euros HT, outre celles relatives à la protection et au nettoyage des lieux (150 euros HT) et au déplacement (100 euros HT), soit un total de 1 232 euros HT et 1 355,20 euros TTC, après application d'un taux de TVA de 10%, somme que M. [Z] est ainsi condamné à régler à M. [N].

-sur le préjudice de jouissance

Alors même que M. [N] recherchait la responsabilité de M. [Z] sur le fondement du trouble anormal de voisinage, il indique expressément, s'agissant de son préjudice de jouissance, que « indépendamment des obligations résultant du statut et du règlement de copropriété, un copropriétaire peut voir sa responsabilité engagée à l'égard d'un autre copropriétaire au titre des articles 1240 et à 1242 du code civil. »

Il s'en déduit donc qu'il recherche la responsabilité de M. [Z] sur le fondement des articles 1240, 1241 et 1242 du code civil, également cités au visa du dispositif de ses conclusions.
Il considère que son préjudice a couru du 07 décembre 2015, date du premier dégât des eaux, jusqu'en septembre 2023, soit durant 87 mois et il l'estime à 20% de la valeur locative de son bien d'une superficie de 54 mètres carrés, qu'il évalue à la somme de 2000 euros minimum par mois.

Il sollicite par conséquent le paiement de la somme de 37 200 euros, rappelant qu'il a subi six dégâts des eaux depuis 2015, que s'ils n'ont pas été continus, les détériorations subies l'ont en revanche été, outre le fait qu'il a découvert la présence d'insectes xylophages et de vrillettes sur les poutres de son salon et de sa chambre, dont la présence ne peut être que la conséquence des dégâts des eaux répétitifs.

M. [Z] conteste cette demande, en faisant valoir d'une part que M. [N] s'abstient d'expliquer en quoi les désordres allégués l'auraient empêché de jouir de son logement, d'autre part qu'une juste valeur locative de son bien doit être fixée à la somme de 1500 euros par mois et enfin que les dégâts des eaux n'ayant pas été continus, il n'a pu subir un préjudice durant toute la période qu'il retient.

L'article 1240 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

L'article 1241 du code civil dispose pour sa part que « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

Enfin, aux termes de l'article 1242 du même code, « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde ».

La mise en jeu du régime de responsabilité prévu par les articles 1240 et 1241 du code civil nécessite que soient démontrés l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

Décision du 05 avril 2024
8ème chambre 3ème section
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La responsabilité du fait des choses est, en revanche, une responsabilité de plein droit, indépendante de toute notion de faute, qui pèse objectivement sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu'il n'a fait que subir l'action d'une cause étrangère, ou bien le fait d'un tiers ou une faute de la victime, revêtant les caractères de la force majeure.

En l'espèce, bien que M. [N] cite pêle-mêle les articles 1240, 1241 ou 1242 du code civil, la mise en jeu de la responsabilité de M. [Z] ne peut toutefois être recherchée que sur le fondement de l'article 1242 du code civil, la faute requise par les articles 1240 et 1241 n'étant pas caractérisée.

La responsabilité du fait des choses ne nécessite pas en revanche de faute mais il n'en demeure pas moins qu'il est nécessaire pour la victime de rapporter la preuve que la chose est, de quelque manière que ce soit et même simplement pour partie, l'instrument du dommage.

Ainsi, en l'espèce, et bien que M. [N] ne consacre pas de développement à ce sujet, il n'apparaît pas contestable, au vu du sinistre subi, que les dégâts des eaux constituent la cause génératrice du dommage, et que s'agissant d'une « chose » en mouvement, le lien de causalité est ainsi présumé.

La responsabilité de M. [Z] est donc engagée.

M. [N] estime son préjudice à 20% de la valeur locative de son bien, qu'il évalue à 2000 euros par mois et indique que le préjudice court depuis le premier dégât des eaux subi le 7 décembre 2015, soit depuis 87 mois, mois de septembre 2023 inclus.

M. [Z] conteste cette demande en indiquant que M. [N] s'abstient d'expliquer en quoi les désordres allégués l'auraient empêché de jouir paisiblement de son logement.
Il indique de plus qu'il fixe la valeur locative de son appartement à 2000 euros minimum par mois alors qu'elle serait en réalité plutôt de l'ordre de 1500 euros par mois et qu'il calcule son préjudice sur une période s'étalant du premier dégât des eaux au mois de mars 2023 alors qu'il n'y a pas eu de dégâts des eaux depuis 2019 et qu'ils n'ont jamais été continus, de telle sorte qu'il n'a pu subir un préjudice sur toute cette période qu'il retient.

Il est exact que M. [N] ne démontre pas que les dégâts des eaux subis l'ont privé de la jouissance de son appartement dans la mesure où ils n'ont entraîné que la dégradation du plafond, préjudice purement esthétique pour lequel il formule également une demande indemnitaire.

Il convient par conséquent de le débouter de sa demande.

-sur le préjudice moral et esthétique

M. [N] estime avoir subi un préjudice moral en raison des désordres subis et de la procédure judiciaire engagée, expliquant en effet être très inquiet de voir son logement se détériorer et vivre dans la peur constante d'un nouveau dégât des eaux, compte tenu de la non-conformité des installations sanitaires du logement de M. [Z]. Il ajoute ne plus pouvoir recevoir ses proches, ce qui l'affecte grandement. Il sollicite par conséquent réparation à hauteur de 5000 euros.

Il sollicite également que soit reconnu son préjudice esthétique à hauteur de 5000 euros en raison des infiltrations d'eau sur les murs et plafonds de son appartement.
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M. [Z] conteste ces préjudices indiquant que M. [N] se contente de citer une jurisprudence et ne démontre pas en quoi consisterait le préjudice esthétique dans son appartement, ni le préjudice moral, alors qu'aucun dégât des eaux n'est survenu depuis plusieurs années.

En l'espèce, le préjudice moral allégué n'est pas justifié, aucun nouveau dégât des eaux n'étant effectivement survenu depuis le dernier en 2019, de telle sorte qu'il ne peut être considéré que le logement de M. [N] est placé sous la menace constante d'un nouveau sinistre pas plus que les dommages causés à la peinture du plafond justifient l'impossibilité de recevoir ses proches. La demande de M. [N] au titre du préjudice moral ne peut donc qu'être rejetée.

S'agissant en revanche du préjudice esthétique, le principe de la réparation intégrale d'un préjudice impose l'indemnisation des dommages matériels et celle des préjudices immatériels, tel le préjudice esthétique provoqué par les dommages causés à la peinture du plafond, l'huissier ayant ainsi indiqué que la « peinture cloque et qu'elle est tombée ».

Le préjudice esthétique est par conséquent fixé à la somme de 1000 euros que M. [Z] est condamné à régler à M. [N].

Sur la demande reconventionnelle de M. [Z]

Au visa des dispositions de l'article 1240 du code civil, M. [Z] fait valoir que les agissements de M.[N] n'ont eu pour seul objectif que d'une part de retarder la vente de son bien et, d'autre part, d'en diminuer autant que possible sa valeur en tentant de faire supprimer des éléments essentiels à savoir la salle d'eau et la cuisine.

Il explique en effet qu'il a été mis dans l'impossibilité de vendre son bien en raison des différentes manœuvres de M. [N], dont notamment la présente instance, et qu'il a ainsi été privé durant toutes ces années de jouir librement du prix qu'il aurait pu obtenir de cette vente.
Il sollicite donc réparation à hauteur de 5% du prix de vente, soit 4250 euros.

M.[N] ne dit mot sur cette demande.

M. [N] ayant été accueilli partiellement en ses demandes, il ne peut être considéré que son seul objectif a été de retarder la vente du bien. M. [Z], qui soutient avoir été mis dans l'impossibilité de vendre son bien en raison des agissements de son voisin, ne justifie au surplus nullement d'une mise en vente de son logement.

Il convient par conséquent de le débouter de sa demande.

Sur les autres demandes

M. [Z], partie perdante, est condamné aux dépens.

En équité, M. [N] est débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le sens de la décision conduit à débouter également M. [Z] de sa demande.

L'exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE M. [Y] [N] de sa demande d'expertise ;

DÉBOUTE M. [Y] [N] de sa demande de condamnation à « réaliser tous travaux nécessaires à faire cesser le trouble et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à venir, en se conformant à la réglementation en vigueur notamment le règlement sanitaire de la ville de PARIS et/ou de supprimer les installations sanitaires si aucune solution technique n'est matériellement possible » ;

CONDAMNE M. [M] [Z] à régler à M. [Y] [N] la somme de 1355,20 euros TTC au titre de son préjudice matériel et celle de 1000 euros au titre de son préjudice esthétique ;

DÉBOUTE M. [Y] [N] de sa demande formée au titre du préjudice de jouissance et moral ;

DÉBOUTE M. [M] [Z] de sa demande reconventionnelle ;

CONDAMNE M. [M] [Z] aux dépens ;

DÉBOUTE M. [Y] [N] et M. [M] [Z] de leur demande formée au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 05 avril 2024

Le greffierPour la présidente empêchée,
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 20/07532
Date de la décision : 05/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-05;20.07532 ?
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