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04/04/2024 | FRANCE | N°24/01588

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 04 avril 2024, 24/01588


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 24/01588
N° Portalis 352J-W-B7D-C37B7

N° PARQUET : 19/710

N° MINUTE :

Assignation du :
24 Juillet 2019

M.M.




[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024





DEMANDERESSE

Madame [R] [B]
domiciliée chez Madame [P] [B]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2] (MAROC)

représentée par Me Florence ROUAS, avocat au ba

rreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0517


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]

Madame Laureen SIMOES, Substitute
Décision du 04/04/2024
Chambre du contentieux
de ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 24/01588
N° Portalis 352J-W-B7D-C37B7

N° PARQUET : 19/710

N° MINUTE :

Assignation du :
24 Juillet 2019

M.M.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [R] [B]
domiciliée chez Madame [P] [B]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2] (MAROC)

représentée par Me Florence ROUAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0517

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]

Madame Laureen SIMOES, Substitute
Décision du 04/04/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 24/01588

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 15 Février 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,
Prononcé en audience publique, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 24 juillet 2019 par Mme [R] [B] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 11 mars 2020,

Vu les dernières conclusions de Mme [R] [B] notifiées par la voie électronique le 21 octobre 2022,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 2 décembre 2022 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 6 janvier 2023,

Vu les conclusions aux fins de rétablissement et récapitulatives de Mme [R] [B] notifiées par la voie électronique le 11 avril 2023,

Vu le rétablissement de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 15 février 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Le ministère public sollicite du tribunal de « constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ». Cette demande de « constat », qui ne constitue pas une prétention au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, ne donnera pas lieu à mention au dispositif.

Le tribunal rappelle toutefois qu'aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 26 septembre 2019. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur les conclusions et pièces de Mme [R] [B]

Aux termes de ses conclusions aux fins de rétablissement après radiation, notifiées par la voie électronique le 11 avril 2023, Mme [R] [B] a sollicité la remise de l'affaire au rôle et a également formulé des demandes au fond.

Etant rappelé que l'ordonnance de clôture, rendue le 2 décembre 2022, n'a fait l'objet d'aucune révocation, une telle révocation n'ayant d'ailleurs pas même été sollicitée par les parties, les demandes au fond formulées par Mme [R] [B] aux termes de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 11 avril 2023 seront jugées irrecevables en application des dispositions des articles 16 et 802 du code de procédure civile.

Le tribunal examinera ainsi les demandes formulées par Mme [R] [B] aux termes de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 21 octobre 2022, qui constituent ses dernières écritures.

Par ailleurs, le ministère public sollicite du tribunal de rejeter des débats la pièce numéro 12 produite en demande. Toutefois, il n'a formulé aucune explication sur ce point. Or, la pièce numéro 12 de la demanderesse, visée au bordereau de communication de pièces, a été régulièrement communiquée au ministère public. Aucune considération ne justifie qu'elle soit écartée des débats.

La demande formée de ce chef par le ministère public sera donc rejetée.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [R] [B], se disant née le 23 août 1970 à [Localité 5] (Maroc), revendique la nationalité française par filiation paternelle et maternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle fait valoir que sa mère, Mme [U] [B], est née le 12 décembre 1935 à [Localité 3] (Sénégal, alors territoire français), et que son père, M. [S] [B], est né le 25 novembre 1933à [Localité 7] (Mauritanie, alors territoire français), et a été déclarée français par jugement de Saint-Louis (Sénégal) du 4 juin 1955.

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 9 juin 2015 par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France aux motifs que les différentes pièces d'état civil montraient des incohérences ; qu'en outre, la seule naissance de ses parents dans des anciens territoires d'outre-mer de la République française était insuffisante à déterminer leur nationalité française d'origine et leur conservation au jour de l'indépendance de ces pays (pièce n°1 du ministère public).

Le recours gracieux contre cette décision a été rejeté le 31 mars 2016 au motif que l'intéressée ne produisait aucun document susceptible de prouver que ses parents avaient établi leur domicile de nationalité hors d'un des Etats qui avaient eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française et que, de plus, elle ne rapportait pas la preuve de l'origine sénégalaise de ses parents (pièce n°2 du ministère public).

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève non pas des dispositions de l'article 18 du code civil comme elle l'indique, mais de l'article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, aux termes duquel est français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français.

Il doit être également rappelé que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Il résulte de l’application combinée de ces textes que seuls ont conservé la nationalité française :
- les originaires du territoire de la République française (et leur conjoint, veuf ou descendant) tel que constitué le 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française, c'est-à-dire en ce notamment inclus La Réunion, auxquels étaient assimilés les “métis” (et leurs descendants) nés de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, était présumé de souche européenne et d’origine française, reconnus comme tels citoyens français par jugements rendus sur le fondement du décret du 5 septembre 1930 (pour l’Afrique Occidentale Française) ou du 15 septembre 1936 (pour l’Afrique équatoriale française),
- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
- celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
- enfin, celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants,
- les enfants mineurs de 18 ans suivant la condition parentale selon les modalités prévues à l’article 153 du code de la nationalité française de 1945 dans sa version issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 telle que modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Le domicile au sens du droit de la nationalité s’entend d’une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations ; il ne se réduit pas au lieu de travail.

Il appartient ainsi à Mme [R] [B], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Maroc, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 3 du protocole additionnel franco-marocain du 10 août 1981, publié au journal officiel le 19 décembre 1981, entré en vigueur le 10 août 1981 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, pour justifier de son état civil, Mme [R] [B] produit une copie, délivrée le 11 octobre 2018, de son acte de naissance mentionnant qu'elle est née le 23 août 1970 à [Localité 5] (Maroc), de [S] [B], né le 25 novembre 1933 à [Localité 7] Mauritanie, et de [U] fille de [T] fils de [E], née le 12 décembre 1935 à [Localité 3] Sénégal, la naissance ayant été déclarée le 6 avril 1982 par son père (pièce n°2 de la demanderesse).

Le ministère public soutient que cet acte n'est pas probant dès lors que la naissance a été déclarée en dehors des délais prévus par la législation marocaine. La demanderesse n'a formulé aucune observation sur ce point.

Il est donc relevé avec le ministère public que la naissance de Mme [R] [B] survenue le 23 août 1970 a été déclarée le 6 avril 1982.

Aux termes de l'article 21 du dahir du 4 septembre 1915, applicable à la date de la naissance de la demanderesse, les déclarations de naissance doivent être faites dans le mois de l'accouchement à l'officier d'état civil du lieu ou de la circonscription et, lorsqu'une naissance n'aura pas été déclarée dans le délai légal, l'officier d'état civil ne pourra la relater sur ses registres qu'en vertu d'un jugement rendu par le tribunal de première instance dans le ressort duquel est né l'enfant et mention sommaire doit en être faite en marge à la date de la naissance.

Or, en l'espèce, aucun jugement n'est produit par la demanderesse et aucune mention marginale quant à la déclaration tardive de la naissance ne figure sur son acte de naissance.

Il s'ensuit que l'acte de naissance de Mme [R] [B] a été dressé en contrariété avec les dispositions législatives marocaines de sorte qu'il est dépourvu de toute force probante au sens de l'article 47 du code civil, précité.

Ne justifiant pas d'un état civil fiable et certain, Mme [R] [B] ne peut revendiquer la nationalité française à quelque titre que ce soit.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés par le ministère public, Mme [R] [B] sera déboutée de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation maternelle et paternelle. En outre, dès lors qu'elle ne peut revendiquer la nationalité française à aucun titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [R] [B], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Déclare irrecevables les demandes au fond formulées par Mme [R] [B] aux termes de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 11 avril 2023 ;

Rejette la demande du ministère public tendant à voir rejeter des débats la pièce numéro 12 produite en demande ;

Déboute Mme [R] [B] de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française ;

Juge que Mme [R] [B], se disant née le 23 août 1970 à [Localité 5] (Maroc), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne Mme [R] [B] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 24/01588
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;24.01588 ?
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