TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
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9ème chambre 3ème section
N° RG :
N° RG 23/05654 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZULH
N° MINUTE : 4
Assignation du :
19 Avril 2023
JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024
DEMANDEUR
Monsieur [K] [D]
[Adresse 7]
[Localité 15] France
représenté par Maître Aurélien DELPEYROUX de la SELARL DELPEYROUX & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0403
DÉFENDERESSE
DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DE PARIS
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par son Inspecteur
Décision du 04 Avril 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 23/05654 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZULH
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Monsieur Gilles MALFRE, 1er Vice-président adjoint
Monsieur Hadrien BERTAUX, Juge
assistée de Monsieur Pierre-Louis MICHALAK, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 15 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame Béatrice CHARLIER-BONATTI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2024.
JUGEMENT
Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort
FAITS ET PROCÉDURE
[E] [N], plus connue sous le nom de [E] [S],est décédée laissant comme héritiers ses deux fils M. [J] [D] et M. [V] [D].
Le 23 février 2019, Monsieur [V] [D] est décédé et M. [K] [D], son neveu est, avec son frère [G] [D], l'un des deux légataires universels.
Le 06 juillet 2019, la déclaration de succession de [V] [D] fait état d'œuvres d'art qu'il avait lui-même héritées de sa mère, [E] [S] et qui avaient fait l'objet de plusieurs prisées et inventaires pour un montant arrêté au jour du dépôt de la déclaration de succession de [...].
Le 11 mars 2022, M. [K] [D] a reçu une proposition de rectification de l'administration fiscale aux termes de laquelle : la valeur imposable des œuvres d'art ne peut être inférieure à l'évaluation faite dans les contrats d'assurances en cours au jour du décès. Il convient donc de ne pas retenir la valeur des œuvres d'arts telles que déclarées dans les inventaires et retenir leur valeur dans les contrats d'assurance.
Le 25 août 2022, l'administration fiscale a notifié à M. [K] [D], un avis de mis en recouvrement mettant à sa charge un rappel de droit de succession de [...] majoré de [...] d'intérêt de retard.
Le 16 septembre 2022, M. [K] [D] a adressé une réclamation contentieuse avec bénéfice du sursis au paiement qui a donné lieu à un rejet en date du 23 février 2023.
Par assignation en date du 19 avril 2023, Monsieur [K] [D] demande au tribunal de:
“ANNULER la décision de rejet du 22 février 2023 du Directeur des Finances Publiques Ile-de-France et Paris ;
En conséquence,
PRONONCER la décharge des impositions supplémentaires relatives aux droits d'enregistrement d'un montant de [...] et des intérêts de retard corrélatifs au titre de l'année 2019 mise à la charge de M. [K] [D] ;
CONDAMMER Monsieur le Directeur des Finances Publiques Ile-de-France et Paris à la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.”
Monsieur [K] [D] soutient que c'est à tort que l'administration fiscale a écarté le champ d'assurance de la compagnie BLACKWALL GREEN les oeuvres et produit un inventaire qui situe les oeuvres sur des locaux couverts par l'assurance.
Par conclusions en défense signifiées le 10 janvier 2024, l'administration fiscale demande au tribunal de:
“Débouter Monsieur [K] [D] de l'ensemble de ses demandes;
Confirmer les rappels effectués par l'administration fiscale ;
Confirmer la décision de rejet du 23 février 2023 ;
Condamner Monsieur [K] [D] aux entiers dépens ;
Dire qu'il n'y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.”
L'administration fiscale soutient que certaines œuvres d'art seraient situées dans un lieu qui n'est pas couvert par le Certificat d'assurance et que certaines autres œuvres d'art ne seraient pas couvertes par l'assurance.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2024 avec fixation à l'audience de plaidoirie du 15 février 2024. L'affaire a été mise en délibéré au 4 avril 2024.
SUR CE:
I. Sur la localisation des oeuvres:
Aux termes de l'article 764 du code général des impôts:
“I. - Pour la liquidation des droits de mutation par décès, la valeur de la propriété des biens meubles est déterminée, sauf preuve contraire :
1° Par le prix exprimé dans les actes de vente, lorsque cette vente a lieu publiquement dans les deux années du décès ;
2° A défaut d'actes de vente, par l'estimation contenue dans les inventaires, s'il en est dressé dans les formes prescrites par l'article 789 du code civil, et dans les cinq années du décès, pour les meubles meublants, et par l'estimation contenue dans les inventaires et autres actes, s'il en est passé, dans le même délai, pour les autres biens meubles, sauf les dispositions du II ;
3° A défaut des bases d'évaluation établies aux 1° et 2°, par la déclaration détaillée et estimative des parties ; toutefois, pour les meubles meublants, et sans que l'administration ait à en justifier l'existence, la valeur imposable ne peut être inférieure à 5 % de l'ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières de la succession, la preuve contraire étant aussi réservée.
Pour l'application du présent I, les inventaires mentionnés au 2° peuvent être dressés par une personne mentionnée aux I ou II de l'article L. 321-4 du code de commerce.
II. - En ce qui concerne les bijoux, pierreries, objets d'art ou de collection, la valeur imposable ne peut, sous réserve de ce qui est dit au I, être inférieure à l'évaluation faite dans les contrats ou conventions d'assurances contre le vol ou contre l'incendie en cours au jour du décès et conclus par le défunt, son conjoint ou ses auteurs, moins de dix ans avant l'ouverture de la succession, sauf preuve contraire.
S'il existe plusieurs polices susceptibles d'être retenues, la valeur imposable est égale à la moyenne des évaluations figurant dans ces polices.”
L'administration fiscale soutient que les 411 œuvres d'art de la Galerie [E] [S] d'une valeur de [...] ne seraient pas couvertes par le certificat d'assurance de la compagnie BLACKWALL GREEN du 16 avril 2018, au motif que les œuvres seraient situées au [Adresse 3] [Localité 15], lieu où l'inventaire du 7 juin 2019 s'est déroulé, et qui n'est pas couvert par ledit Certificat.
Cependant il résulte de la lecture de l'inventaire du 07 juillet 2022 :
« Un acte d'inventaire a été effectué par le notaire soussigné le 07 juin 2019 à [Localité 14] [Adresse 3] à l'adresse où se situe la Galerie [E] [S]. (…)
Aux termes de cet acte, la prisée des œuvres de la Galerie [E] [S] avait été établie par Maître [Y] [C], commissaire-priseur à [Localité 16] [Adresse 1] pour une évaluation globale de : [...].
Les parties déclarent que la prisée avait été effectuée en considération uniquement du stock comptable de la Galerie [E] [S].
Toutefois, l'ensemble des œuvres dépendant de la Galerie [E] [S], étaient réparties sur plusieurs localisations différentes et non uniquement en la Galerie [E] [S].
Aussi, afin de pouvoir déterminer plus précisément la localisation de chaque œuvre, tout en précisant que toutes dépendent bien du stock de la Galerie, il est procédé à la reprise et continuation d'inventaire objets de présentes.
Il est ici précisé que cet inventaire n'a pas pour but de réévaluer l'ensemble des œuvres mais de préciser la localisation des biens déjà inventoriées dont la consistance n'a pas changé »
L'inventaire du 7 juillet 2022 détaille la situation géographique des 411 œuvres d'art de la Galerie [E] [S] d'une valeur de [...].
Ainsi, l'inventaire du 7 juillet 2022 détaille notamment :
• les œuvres situées au Musée [12], lieu couvert par le Certificat d'assurance d'une valeur totale de [...] (pages 5 à 18 de l'Inventaire du 7 juillet 2022) ;
• les œuvres situées à [Localité 13], lieu couvert par le Certificat d'assurance d'une valeur totale de [...] (pages 31 à 34 de l'Inventaire du 7 juillet 2022) ;
• les œuvres situées à [Localité 11], lieu couvert par le Certificat d'assurance d'une valeur totale de [...] (pages 36 à 37 de l'Inventaire du 7 juillet 2022).
A la clôture d'inventaire il est indiqué côte numéro 2 :
« Acte d'inventaire du 07 juillet 2022 annule et remplace l'inventaire du 07 juin 2019 contenant le stock Galerie : effectué sur plusieurs locations différentes savoir : à [Localité 13] (78) ; au Musée [12] à [Localité 15], à la Galerie [E] [S] [Adresse 3] à [Localité 14] ; et à [Localité 15], [Adresse 4], galerie [R] ».
Si l'on se réfère au Certificat d'assurance, il couvre les territoires suivants :
« Cette assurance couvre les biens ci-dessus indiqués alors qu'ils se trouvent aux lieux ci dessous :
• [Adresse 6] [Localité 15],
• [Adresse 10] à [Localité 13] ,
• Dans une place à côté de la Mairie de [Localité 11] – limite de EUR [...]
Et à concurrence de [...] partout ailleurs en France et Monaco y compris en cours de transport »
Il ressort de cette formule que les biens étaient couverts par l'assurance car il était prévu que tout ou partie de la collection pouvait être amenée à être déplacée sans que cela ne modifie la couverture.
Par ailleurs, l'administration fiscale soutient que l'œuvre intitulée «[E] à la Métairie» et celles évaluées dans l'inventaire du 5 juillet 2019 ne seraient pas couvertes par le Certificat d'assurance, au motif que l'inventaire du 5 juillet 2019 s'est déroulé au [Adresse 2], [Localité 9], lieu hors couverture du Certificat d'assurance.
Au cas particulier, les œuvres listées page 5 de l'inventaire du 5 juillet 2019 avaient été omises lors de l'inventaire du 15 mai 2019 qui dressait la liste des œuvres du musée [12] parce qu'elles étaient en cours de transport chez un transitaire et/ou en exposition.
Cependant, le certificat d'assurance couvre les oeuvres qui sont en cours de transport ou en exposition.
En conséquence, le rehaussement des droits d'enregistrement n'étant pas justifié, il conviendra de prononcer le dégrèvement.
II. Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'administration fiscale, succombant à l'instance, sera condamnée aux dépens et à payer à Monsieur [K] [D] la somme de 2.000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
PRONONCE la décharge des impositions supplémentaires relatives aux droits d'enregistrement d'un montant de [...] et des intérêts de retard corrélatifs au titre de l'année 2019 mise à la charge de M. [K] [D] ;
CONDAMNE l'administration fiscale à payer à Monsieur [K] [D] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE l'administration fiscale aux dépens;
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.
Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024
Le GreffierLa Présidente