La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°23/01825

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 04 avril 2024, 23/01825


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le:
à Maître KOUDOYOR

Copies certifiées conformes
délivrées le :
à Maître BELLAICHE et
à Maître LTAIEF





8ème chambre
2ème section


N° RG 23/01825
N° Portalis 352J-W-B7H-CZBLV


N° MINUTE :


Assignation du :
01 Février 2021







JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024

DEMANDEURS

Madame [T] [B] épouse [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Monsieur [L] [F]
[Adre

sse 1]
[Localité 4]

Société d’assurances mutuelles MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF)
[Adresse 3]
[Localité 7]

tous représentés par Maître Averèle KOUDOYOR de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat a...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le:
à Maître KOUDOYOR

Copies certifiées conformes
délivrées le :
à Maître BELLAICHE et
à Maître LTAIEF

8ème chambre
2ème section

N° RG 23/01825
N° Portalis 352J-W-B7H-CZBLV

N° MINUTE :

Assignation du :
01 Février 2021

JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024

DEMANDEURS

Madame [T] [B] épouse [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Monsieur [L] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Société d’assurances mutuelles MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF)
[Adresse 3]
[Localité 7]

tous représentés par Maître Averèle KOUDOYOR de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1635

Décision du 04 Avril 2024
8ème chambre
2ème section
N° RG 23/01825 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZBLV

DÉFENDEURS

S.A. GENERALI
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Michel BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0061

Monsieur [I] [M]
[Adresse 8]
[Localité 10] (SENEGAL)

représenté par Maître Wassila LTAIEF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1749

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président
Madame Anita ANTON, Vice-présidente
Madame Lucie AUVERGNON, Juge

assistés de Madame Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats, et de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F] sont propriétaires d'un appartement situé au 2ème étage de l'immeuble du [Adresse 5] à [Localité 13] soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Cet appartement est assuré auprès de la MAIF.

Monsieur [I] [M] est propriétaire d'un appartement situé au 3ème étage de l'immeuble, au-dessus de celui de Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F], qu'il a donné en location à son petit-fils, Monsieur [X] [M].

Cet appartement est assuré auprès de la compagnie Generali.

Le 10 avril 2017, Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F] ont déclaré un sinistre auprès de leur assureur la MAIF.

Le rapport de l'expert technique de la compagnie MAIF en date du 19 juillet 2017 faisait état d'un dégât des eaux en date du 10/03/2017 ayant trois causes :

- une "fuite sur mécanisme wc dans le logement occupé par Monsieur [M], copropriétaire à l'aplomb du risque assuré, cause supprimée suivant déclaration au printemps 2017",
- une "fuite de l'évacuation privative du wc, cause non supprimée",
- une "fuite de la douchette du wc, cause non supprimée".

Par une ordonnance de référé en date du 12 septembre 2019, Monsieur [Y] [E] a été désigné en qualité d'expert judiciaire avec une mission habituelle.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 31 mai 2020.

Par exploit d'huissier délivré le 1er février 2021, Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F], ainsi que la MAIF, ont assigné Monsieur [I] [M] et la compagnie Generali devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir la condamnation de Monsieur [M] à réaliser des travaux d'étanchéité et l'indemnisation de leurs préjudices matériel et de jouissance, outre leur condamnation au frais irrépétibles et aux dépens.

Cette affaire a été enrôlée sous le numéro de rôle 21/03826.

Par une ordonnance du 2 juin 2022, le juge de la mise en état a prononcé la radiation de l'affaire du rôle pour défaut de diligences des parties.

Par des conclusions aux fins de rétablissement et récapitulatives signifiées par voie électronique le 23 janvier 2023, Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F], ainsi que la MAIF, demandent au tribunal de :

"Vu les articles 544 et 1242 alinéa 1 du code civil,
Vu l'article L121-12 du code des assurances,
Vu l'article 383 du code de procédure civile,
Vu les pièces communiquées et versées aux débats,

ORDONNER le rétablissement de l'instance enregistrée sous le numéro RG 21/03826.

DECLARER Monsieur et Madame [F] et la MAIF recevables et bien fondés en leurs demandes,

Y faisant droit,

DIRE ET JUGER Monsieur [I] [M] responsable des désordres causés dans l'appartement de Monsieur et Madame [F] ;

CONDAMNER Monsieur [I] [M] à réaliser les travaux prévus dans le devis DJS Renov du 04/02/2020 avec une étanchéité de type SEL au sol et aux murs de la salle d'eau sous astreinte de 200 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir et ce, sous le contrôle d'un architecte aux frais de Monsieur [M] ;

CONDAMNER in solidum Monsieur [I] [M] et Generali à payer à Madame et Monsieur [F] les sommes suivantes :

- 1.779,25 euros au titre de leur préjudice matériel,
- 20.720 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

CONDAMNER in solidum Monsieur [I] [M] et Generali à verser à la MAIF les sommes suivantes :

- 2.612,25 euros au titre de son préjudice matériel,
- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER in solidum Monsieur [I] [M] et Generali aux entiers dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire ;

RAPPELER qu'en application de l'article 514, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire".

L'affaire a été réenrôlée sous le numéro de rôle 23/01825.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 15 mars 2023, Monsieur [I] [M] demande au tribunal de :

"Vu les articles 1240 et suivants et 1346 et suivants du code civil,
Vu l'article 9 du code de procédure civile,

REJETER l'intégralité des demandes de Madame [T] [B] épouse [F] et Monsieur [L] [F],

REJETER l'intégralité des demandes de la société Mutuelle Assurance des Instituteurs de France,

CONDAMNER in solidum toutes parties succombant à payer à Monsieur [M] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront directement recouvrés entre les mains de son conseil conformément aux dispositions de l'article 699 du même code".

Par conclusions en réponse n°2 notifiées par voie électronique le 15 février 2023, la compagnie Generali demande au tribunal de :

"Vu les articles 1240 et suivants et 1346 et suivants du code civil,
Vu l'article 9 du code de procédure civile,

REJETER l'intégralité des demandes de la société Mutuelle Assurance des Instituteurs de France,


REJETER l'intégralité des demandes de Madame [T] [B] épouse [F] et Monsieur [L] [F],

CONDAMNER in solidum toutes parties succombant à payer à la compagnie Generali la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront directement recouvrés entre les mains de son conseil conformément aux dispositions de l'article 699 du même code".

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 juin 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 8 février 2024.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 4 avril 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur l'irrecevabilité des demandes de la MAIF

Monsieur [I] [M] et la compagnie Generali soutiennent que la MAIF est irrecevable en ses demandes pour ne pas avoir été subrogée.

En droit, l'article L. 121-12 du code des assurances instituant au profit des assureurs un mécanisme de subrogation légale dispose en son premier alinéa que "L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions des assurés contre les tiers qui par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur".

Pour l'application de ce texte, dont il résulte que la subrogation légale n'a lieu que lorsque l'assureur a payé l'indemnité due en vertu du contrat d'assurance, il est posé pour règle qu'il appartient à l'assureur de démontrer qu'il était tenu contractuellement de régler l'indemnité invoquée en exécution de la police d'assurance (2 Civ., 10 décembre 2015, pourvoi n°14-27.202 ; Com. 16 juin 2009, pourvoi n 07-16.840, Bull. Civ. IV, n 85).

Il est admis, à cet égard, que la production de la police par l'assureur permet au juge de vérifier si le paiement a bien eu lieu en exécution de celle-ci, au titre d'une garantie qui était due (2ème Civ., 9 février 2012, pourvoi n 10-26.362). A défaut de production de la police, les conditions de la subrogation légale ne sont pas réunies (Civ. 1ère, 23 septembre 2003, n° 01-13.924).

Selon l'article 1346-1 du code civil, "La subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.
Cette subrogation doit être expresse.

Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens".

En l'espèce, la MAIF verse aux débats une quittance subrogatoire en date du 12 décembre 2020 libellée comme suit :

"Je soussignée [F] [T], demeurant [Adresse 5] reconnais avoir reçu de la MAIF, dont le siège social est à [Localité 11], [Adresse 3], la somme de 2.612,25 euros représentant l'indemnité due en application de la garantie " dommage " de mon contrat, suite au sinistre survenu le 10/03/2017. Les travaux de remise en état n'ayant pas été entrepris à ce stade, l'indemnité différée n'a pu être versée. En application du code des assurances, la MAIF est libre, le cas échéant, d'agit par subrogation contre tout tiers tenu à réparation" (pièce n°7 de M et Mme [F] et de la MAIF)

Toutefois, la MAIF ne verse pas aux débats :

- la police d'assurance souscrite par les époux [F],
- le justificatif et la preuve de son paiement et de sa date par la production d'un extrait de relevé de bancaire et/ou de la copie d'un chèque.

Dans ces conditions, le tribunal ne peut s'assurer que les paiements allégués ont été effectués en application des garanties de sa police, pas plus qu'il ne peut vérifier l'antériorité ou la concomitance de l'accord de l'assuré de subroger son assureur dans ses droits et actions au paiement.

En conséquence, les conditions de la subrogation légale et de la subrogation conventionnelle n'étant pas réunies, les demandes de la MAIF, qui sont irrecevables, devront être rejetées.

2. Sur la cause des désordres et les responsabilités

Les époux [F] soutiennent que :

- les installations sanitaires de l'appartement de Monsieur [M] sont fuyardes et à l'origine des désordres constatés dans leur appartement,

- la responsabilité de Monsieur [M] est fondée à la fois sur l'article 544 du code civil et la théorie des troubles anormaux du voisinage et sur l'article 1242 alinéa 1 du code civil.

Sur la cause des désordres

En l'espèce, l'expert judiciaire en pages 16 et 17 de son rapport précise que :

"Lors des deux réunions tenues sur place, nous avons examiné les zones endommagées dans le logement des époux [F], demandeurs.
Lors des accédits, nous avons relevé de larges traces d'infiltrations au plafond et sur les murs de la salle de bains, ainsi qu'au plafond et sur un des murs de la chambre mitoyenne.

Nous avons constaté que le ballon d'eau chaude était tombé au sol de la salle de bains ainsi que l'armoire de toilette de cette même pièce.
Nous avons également constaté la dégradation du WC et des étagères.
Nous avons relevé les taux d'humidité sur les zones endommagées au cours de nos deux rendez-vous […].

Les désordres constatés dans le logement des époux [F] font bien suite aux désordres d'infiltrations d'eau constatés, et déclarés dès avril 2017, en provenance du logement de Monsieur [M].
Les désordres ont pour cause les infiltrations ponctuelles occasionnées par des fuites sur les appareils sanitaires défectueux, mais également la non-conformité générale de ces installations sanitaires en place, qui ont été installées sans respect des normes et règlements sanitaires en vigueur qui permettraient d'assurer une parfaite étanchéité de la pièce d'eau" (pièce n°6 des époux [F]).

Il résulte de ces constatations que la cause du sinistre réside dans les installations sanitaires équipant l'appartement appartenant à Monsieur [I] [M].

Sur les responsabilités

Les demandes des époux [F] à l'encontre de Monsieur [M] et de son assureur Generali sont fondées à la fois sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, et sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1 du code civil. Ils font seulement valoir à l'appui de leur demande que Monsieur [M] a commis une faute en ne veillant pas à l'entretien de ses installations privatives ce qui a eu pour conséquence les infiltrations d'eau dans leur appartement.

En droit, la théorie des troubles de voisinage, dégagée par la jurisprudence sur le fondement de l'article 544 du code civil, pose le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage s'applique à tous les occupants d'un immeuble en copropriété quel que soit le titre de leur occupation (2ème Civ., 17 mars 2005, n 04-11.279, Bull n 73). Cet occupant peut ainsi être un copropriétaire mais aussi un locataire (3ème Civ., 2 octobre 1996, n°94-14.321).

Cette responsabilité revêt un caractère purement objectif qui s'appuie sur la constatation du dépassement d'un seuil de nuisance, indépendant de toute notion de faute, et indépendamment des autres régimes de responsabilité.

Ainsi la victime d'un trouble de voisinage trouvant son origine dans un immeuble donné en location peut en demander réparation au propriétaire : le voisin troublé dispose ainsi d'une double action, à l'encontre du voisin locataire et à l'encontre du propriétaire du logement occupé par celui-ci, destinée à renforcer la garantie due à la victime (3ème Civ., 17 avril 1996, pourvoi n 94-15.876, Bulletin 1996 III n 108 :

Par ailleurs, le trouble n'importe que s'il est anormal dans les relations de voisinage. Ainsi, il doit être recherché si les nuisances, même en l'absence de toute infraction aux règlements (3ème Civ., 4 janvier 1990, n°87-18.724, Bull n°4 ; 3ème Civ., 24 octobre 1990, n°88-19.383, Bull n°205 ; 3ème Civ., 12 octobre 2005, n°03-19.759, Bull n°195), n'excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage.

Le caractère anormal est, ainsi, une donnée de fait appréciée souverainement par les juges du fond (2ème Civ., 27 mai 1999, n°97-20.488, Bull n°100 ; 2ème Civ., 30 juin 2005, n° 04-13.070).

Il suffit donc de constater un dommage traduisant un inconvénient excessif de voisinage pour que le demandeur puise obtenir réparation du préjudice qui lui est causé.

Le caractère anormal d'un trouble de voisinage doit s'apprécier in concreto en tenant compte des circonstances de lieu (CA Aix-en-Provence, 4e ch. B, 15 oct. 1996; n° 15/04007 ; CA Paris, pôle 4, ch. 2, 11 mai 2016, n°95/04541 : pour un immeuble d'habitation collectif parisien) ou bien que lorsqu'il y a un trouble de voisinage, "l'anormalité des troubles de voisinage s'apprécie en fonction des circonstances de temps et de lieu, tout en tenant compte de la perception ou de la tolérance des personnes qui s'en plaignent " (CA Paris, 2e ch. B, 27 mars 1997 n° 95/0213315 ), mais aussi qu'elle ne doit pas être appréciée " en fonction de la seule réceptivité des victimes" (CA Paris, 19e ch. A, 22 avr. 1997 n°94/12871).

Il incombe au demandeur de démontrer l'anormalité du trouble.

L'article 1242 alinéa 1er du code civil prévoit que : "On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde".

Les époux [F] font seulement valoir à l'appui de leur demande que Monsieur [M] a commis une faute en ne veillant pas à l'entretien de ses installations privatives, ce qui a eu pour conséquence les infiltrations d'eau dans leur appartement.

Ils ne démontrent pas avoir subi un trouble dépassant les inconvénients normaux de voisinage s'agissant d'un seul sinistre d'infiltrations d'eau lié à des fuites sur des appareils sanitaires défectueux et à la non-conformité générale de ces installations sanitaires en place dans l'appartement de Monsieur [M].

Le caractère anormal des désordres d'infiltrations d'eau n'est pas caractérisé, Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F] établissant seulement la réalité de ces désordres mais pas leur caractère anormal.

Cependant, les fuites sur des appareils sanitaires défectueux et la non-conformité générale de ces installations sanitaires en place dans l'appartement de Monsieur [M] permettent de retenir sa responsabilité sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1er du code civil.

En conséquence, la responsabilité de Monsieur [M] sera retenue sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1er du code civil.

3. Sur les demandes des époux [F]

Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F] soutiennent que :

- Monsieur [M] ne justifie pas avoir fait réaliser les travaux d'étanchéité de ses installations et leur mise en conformité conformément aux préconisations de l'expert judiciaire de sorte qu'il convient de l'y condamner sous astreinte,

- au titre du préjudice matériel, la MAIF leur a versé une indemnité de 2.612,25 € TTC et la compagnie Generali une indemnité de 3.708,50 euros TTC soit la somme totale de 6.320,75 euros,

- pour autant les travaux de remise en état de leur appartement ont été évalués par l'expert judiciaire à la somme de 8.100 euros TTC de sorte que Monsieur [M] et son assureur doivent être condamnés à leur verser la somme de 1.779,25 euros au titre de leur préjudice matériel,

- le sinistre a bouleversé leur vie, alors qu'ils vivaient à [Localité 12] et qu'ils ont été contraints de déménager à [Localité 9] à la suite des infiltrations d'eau,

- ils sollicitent donc la somme de 20.720 euros fixée par l'expert judiciaire au titre de leur préjudice de jouissance.

Monsieur [I] [M] et la Compagnie Generali soutiennent que :

- Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F], qui admettent eux-mêmes avoir perçu la somme de 3 708 € de la Compagnie Generali, échouent à rapporter la preuve d'un préjudice matériel qui n'aurait pas encore été indemnisé, comme de tout préjudice immatériel,

- les juges ne sont pas tenus de suivre la proposition de l'expert, notamment s'ils l'estiment disproportionnée ou irréaliste,

- s'agissant du préjudice matériel, Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F] font état d'un prétendu reliquat leur restant dû à hauteur de 1 779,25 €, mais en réalité ils ont d'ores et déjà été indemnisés de l'intégralité de leurs préjudices matériels,

- aux termes de son rapport, l'expert a chiffré les préjudices matériels en partant des devis communiqués par les demandeurs, pour un montant de 9 141,00 € TTC, puis il a réduit le montant de ces préjudices à la somme de 8 100 € TTC, ayant retenu que ces devis comprenaient des prestations d'embellissements par rapport à l'existant et que les prix indiqués étaient légèrement supérieurs aux valeurs du marché ; en outre, l'expert n'a pas étayé le mode de calcul retenu à partir des réclamations manifestement disproportionnées des époux [F],

- l'écart entre le montant des devis produits par les époux [F] et l'indemnité d'assurance qu'ils ont reçue ne se justifie pas par l'augmentation du coût des matériaux et/ou l'aggravation des dommages,

- l'expert judiciaire a relevé aux termes de sa note de synthèse l'inertie des époux [F], depuis le versement le 7/12/17 par la MAIF de la somme de 3.462,00 €, qui aurait permis de ragréer les murs touchés, d'installer le ballon d'ECS sur un mur sain ou avec une chaise de maintien, de remplacer le WC et l'armoire de toilette cassés et de raccorder la plomberie et, depuis le versement le 26/03/2019 par la société Generali de la somme de 3 708,00 €, qui aurait permis de supprimer les désordres après assèchement des parties touchées,

- s'agissant du préjudice de jouissance, le calcul retenu est radicalement inexact dès lors qu'il s'agit en réalité d'une résidence secondaire, pour laquelle la valeur locative retenue l'expert, comme la période durant laquelle le préjudice allégué se serait écoulé, sont purement erronées.
Sur le préjudice matériel

En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats que les époux [F] ont perçu en réparation de leur préjudice matériel :

- le 7/12/17 par la MAIF la somme de 3.462,00 €,
- le 26/03/2019 par la société Generali la somme de 3 708,00 €,
Soit une somme globale de 6.320,75 euros

Ils estiment que leur préjudice matériel n'a pas été suffisamment réparé, l'expert judiciaire ayant retenu dans son rapport la somme de 8.100 euros TTC au titre des travaux de remise en état, laquelle est justifiée selon eux par l'augmentation du coût des matériaux et de la main d'œuvre compte tenu du temps écoulé et de l'aggravation résultant de la persistance des infiltrations.

Toutefois, il est établi qu'ils n'ont effectué aucuns travaux de remise en état dès la cessation des infiltrations et l'augmentation du coût des matériaux et de la main d'œuvre en raison de l'écoulement du temps ne saurait à elle seule justifier d'augmenter substantiellement la somme qui doit leur être allouée au titre de la réparation de leur préjudice matériel.

Dans ces conditions, le tribunal considère, dans le cadre de l'appréciation souveraine des éléments qui lui sont soumis, que le préjudice matériel des époux [F] a été suffisamment réparé par le versement de la somme globale de 6.320,75 euros de sorte qu'il ne peut être fait droit à leur demande complémentaire de réparation à hauteur de 1.779,25 euros.

En conséquence, il y a lieu de débouter les époux [F] de leur demande de condamnation de Monsieur [M] et de la compagnie Generali à leur verser la somme de 1.779,25 euros au titre de leur préjudice matériel.

Sur le préjudice de jouissance

Monsieur et Madame [F] sollicitent la condamnation de Monsieur [M] et de la compagnie Generali à leur verser la somme de 20.720 euros au titre de leur préjudice de jouissance.

En l'espèce, l'expert judiciaire a relevé ce qui suit :

"Nous avons examiné l'évaluation de ces préjudices, présentée par Maître Koudoyor dans son dire du 13 janvier 2020, pour les intérêts des époux [F]. Elle considère que ses clients ont subi une perte complète de jouissance depuis le 10 avril 2017.
Maître Koudoyor chiffre le préjudice sur la base d'une valeur locative moyenne de 1.400 euros/ mois, ce qui représente 1.400 euros x 31 mois soit un total de 43.400 euros à janvier 2020.
Nous avons précisé dans notre document de synthèse que cette demande nous paraissait très exagérée.
En effet, nous avons rappelé :
Qu'en décembre 2017, la MAIF a versé aux époux [F] la somme de 3.462 euros, ce qui leur aurait permis de faire ragréer les murs endommagés et ainsi permettre l'installation d'un ballon d'eau chaude sanitaire sur un mur sain ou avec une chaise de maintien, de remplacer le wc et l'armoire de toilette cassés et de raccorder la plomberie ;
Que le 26 mars 2019, Generali a versé aux époux [F], par le biais du syndic de l'immeuble, la somme de 3.708 euros, ce qui aurait permis de terminer la réfection du logement après assèchement des parties touchées.
Dans ces conditions, nous avons estimé que le trouble de jouissance des époux [F] devrait être calculé de la façon suivante :
- préjudices du 10/03/2017 au 30/01/2018 calculés pour une perte de jouissance soit 1.400 euros x 10 mois = 14.000 euros
- préjudices du 30/01/2018 au 30/01/2020 calculés pour un trouble de jouissance évalué à 20% soit 1.400 euros x 20% x 24 mois = 6.720 euros

Soit un préjudice estimé à un montant total de 20.720 euros.
Nous maintenons cet avis".

Le tribunal observe que le calcul retenu par l'expert est réalisé sur la base d'une valeur locative de 1.400 euros alors qu'il n'est établi par aucune pièce versée aux débats que Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F] étaient réellement occupants de cet appartement dont ils sont propriétaires et qu'ils ont dû déménager à la suite du sinistre.

Le tribunal au regard des pièces versées aux débats ne dispose d'aucun élément permettant de s'assurer de la réalité de la valeur locative indiquée, en l'absence notamment de la surface de l'appartement des époux [F].

A la lecture :

- des rapports d'expertise tant amiable que judiciaire (pièces n° 4 et 6 des époux [F]), étant précisé que les dires des parties à l'expert ne sont pas annexés au rapport d'expertise judiciaire et que les parties ne les versent pas aux débats,

- ainsi que de la lettre de la MAIF en date du 04 juin 2018 (pièce n°5 des époux [F]),
il apparait que le sinistre est survenu le 10 mars 2017, que le taux d'humidité résiduelle plus de 8 mois après la réparation est toujours de 90 % et qu'une fuite était toujours active le 17 septembre 2018,

Le tribunal observe qu'il n'est pas possible considérer que le sinistre rendait inutilisable la salle de bains des époux [F] et donc rendait totalement inhabitable leur appartement, la déclaration de sinistre du 10 avril 2017 faisant état de dommages " aux embellissements " (pièce n°1 des époux [F]).

Le versement de la somme de 3.708 euros par Generali le 26 mars 2019 aurait cependant dû, comme relevé par l'expert judiciaire, permettre de supprimer les désordres après assèchement des parties touchées (pièce n°6 des époux [F]).

Le préjudice de jouissance ne peut donc être pris en considération au-delà de cette date.

Il est relevé au surplus que les époux [F] ne demandent pas l'actualisation de leur préjudice aux termes de leurs dernières conclusions de sorte qu'il est permis de considérer que les travaux ont été entrepris et que leur préjudice de jouissance a cessé.

Dans ces conditions, le tribunal, dans le cadre de l'appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui sont soumis, considère que le préjudice de jouissance subi par les époux [F] sur la période du 10 mars 2017 au 26 mars 2019, soit pendant près de 24 mois, sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 3.000 euros.

En conséquence, Monsieur [I] [M] et Generali seront condamnés in solidum à verser à Madame et Monsieur [F] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.

Sur la demande de réalisation de travaux d'étanchéité sous astreinte

En l'espèce, l'expert judiciaire indique dans son rapport : "pour éviter tout nouveau désordre d'infiltration, il est indispensable de mettre l'installation sanitaire du logement de Monsieur [M] en parfaite conformité avec les règlements sanitaires de la ville de [Localité 12] qui imposent une parfaite étanchéité des pièces d'eau.
Les travaux mettront fin aux fuites résiduelles et assureront une parfaite étanchéité de la salle d'eau.

Nous avons examiné le devis correspondant fourni par les consorts [M]. Il s'agit du devis DJS Renov du 4 février 2020, qui s'élève à un montant total TTC de 20.570 euros

Ce devis présente la rénovation complète de la salle d'eau. Il est chiffré en ensembles, sans détail de quantité, ni de prix unitaire. Il manque de précisions sur l'étanchéité prévue au sol. Celle-ci doit être de type SEL. L'entreprise doit préciser clairement sur son devis et sa facture la marque et le type du matériau d'étanchéité mis en œuvre, qui devra être appliqué avec des remontées de 15 cm sur les murs périmétriques.

Nous retenons ce devis mais il doit être complété des éléments manquants. Ces travaux sont à la charge de Monsieur [M]. Ils doivent être réalisés dans le respect des règles de l'art de la profession, par un professionnel dûment qualifié et assuré. L'intervention d'un maitre d'œuvre ne sera dans ce cas pas nécessaire" (pièce n°6 des époux [F] : rapport d'expertise judiciaire page 18).

Si l'expert judiciaire estime que des travaux, destinés à mettre l'installation sanitaire du logement de Monsieur [M] en conformité avec le règlement sanitaires de la ville de [Localité 12] imposant une parfaite étanchéité des pièces d'eau, doivent être mis en œuvre pour prévenir tout risque de nouveau désordre, il indique dans le même temps que le devis DJS Renov du 4 février 2020 manque de précisions sur de nombreux points (étanchéité au sol, marque et type de matériau d'étanchéité mis en œuvre, remontée sur les murs périmétriques), de sorte que ce devis ne saurait être retenu en l'état.

Dans ces conditions, il ne saurait être fait droit à la demande des époux [F] tendant à voir condamner Monsieur [I] à réaliser sous astreinte "les travaux prévus dans le devis DJS Renov du 04/02/2020 avec une étanchéité de type SEL au sol et aux murs de la salle d'eau".

En conséquence, cette demande sera rejetée.

4. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du sens de la présente décision, Monsieur [I] [M] et Generali seront condamnés in solidum au paiement des dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire et frais d'expertise judiciaire.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F] ne sollicitent pas de condamnation au titre des frais irrépétibles et compte tenu du sens de la présente décision, il y a lieu de débouter Monsieur [I] [M] et Generali de leurs demandes formulées à ce titre.

- Sur l'exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

DECLARE la MAIF irrecevable en l'intégralité de ses demandes ;

DEBOUTE Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F] de leur demande de condamnation de Monsieur [I] [M] et de la compagnie Generali à leur verser la somme de 1.779,25 euros au titre de leur préjudice matériel ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [I] [M] et la compagnie Generali à verser à Madame et Monsieur [F] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

DEBOUTE Monsieur [L] [F] et Madame [T] [F] de leur demande de condamnation de Monsieur [I] [M] à faire réaliser sous astreinte "les travaux prévus dans le devis DJS Renov du 04/02/2020 avec une étanchéité de type SEL au sol et aux murs de la salle d'eau", sous le contrôle d'un architecte aux frais de Monsieur [M] ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [I] [M] et la compagnie Generali au paiement des dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire ;

DEBOUTE Monsieur [I] [M] et la compagnie Generali de l'intégralité de leurs demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024.

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 23/01825
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;23.01825 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award