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04/04/2024 | FRANCE | N°22/04874

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 04 avril 2024, 22/04874


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :


Copie certifiée conforme
délivrée le :







8ème chambre
2ème section


N° RG 22/04874
N° Portalis 352J-W-B7G-CWVVQ


N° MINUTE :


Assignation du :
20 Avril 2022








JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024

DEMANDERESSE

Société 2B2C
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Agnès LEBATTEUX SIMON de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASS

OCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0154


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] représenté par son syndic, le Cabinet CRAUNOT
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Nathalie...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :

Copie certifiée conforme
délivrée le :

8ème chambre
2ème section


N° RG 22/04874
N° Portalis 352J-W-B7G-CWVVQ

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Avril 2022

JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024

DEMANDERESSE

Société 2B2C
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Agnès LEBATTEUX SIMON de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0154

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] représenté par son syndic, le Cabinet CRAUNOT
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Nathalie BUNIAK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1260

Décision du 04 Avril 2024
8ème chambre
2ème section
N° RG 22/04874 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWVVQ

S.A. CABINET CRAUNOT
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Nathalie BUNIAK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1260

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président
Madame Anita ANTON, Vice-présidente
Madame Lucie AUVERGNON, Juge

assistés de Madame Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats, et de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L’immeuble sis [Adresse 4]) est soumis au régime de la copropriété des immeubles bâtis.

La SCI 2B2C est propriétaire dans cet immeuble des lots n°1, n°2, n°14 et n°15 correspondants à des caves situées au sous-sol de cet immeuble, une boutique et une réserve commerciale situées au rez-de-chaussée.

Lors de l’assemblée générale en date du 14 juin 2021, les copropriétaires ont été appelés à voter sur un « modificatif du règlement de copropriété concernant une actualisation de la destination des lots commerciaux 13 et 14 ».

Cette résolution a été rejetée, l’unanimité n’ayant pas été obtenue.

L’assemblée générale en date du 15 février 2022 a, par la suite, adopté la résolution n°17, rédigée en ces termes :

« 17° - VOTE SUR UN MODIFICATIF DU REGLEMENT DE COPROPRIETE CONCERNANT UNE ACTUALISATION DE LA DESTINATION DES LOTS COMMERCIAUX 13 ET 14 Article 26.1

Lors de l’assemblée générale du 14 juin 2021 la résolution n°21 n’ayant pas obtenu l’unanimité des copropriétaires présents ou représentés.
Elle est donc représentée cette année.

L’assemblée, après en avoir délibéré, à la majorité des présents et représentés soit 758e /1.000e POUR et 16e / 1.000e CONTRE, approuve un modificatif du règlement de copropriété, concernant une actualisation de la destination des lots et principalement sur l’usage des lots de commerce, selon le descriptif suivant :

Seuls seront autorisés dans les lots de commerce, les activités ne présentant pas de nuisances pour les autres lots notamment en ce qui concerne l’odorat et le bruit que ces activités entraineraient. Dans ce contexte, sont notamment interdites les activités commerciales figurant dans la liste ci-dessous, en étant précisé que cette liste est non exhaustive :

- Restaurant de quelque nature qu’il soit
- Atelier de préparation culinaire
- Bars
- Etablissements de nuit
- Activités à caractère sexuel ou para sexuel
- Pressing
- Laverie automatique
- Garage automobile
- Salle de jeux
- Bains douches
- Salle de sports et assimilé
- Epicerie, supermarché et plus généralement commerces de bouches ».

Les deux résolutions subséquentes suivantes ont également été adoptées :

- « 18° - MANDAT A DONNER AU SYNDIC AFIN DE SIGNER TOUS LES ACTES NOTARIES CONCERNANT LE MODIFICATIF DU REGLEMENT DE COPROPRIETE RESULTANT DE LA RESOLUTION ADOPTEE EN POINT N°17 (Article 24) » ;

- « 19° - AUTORISATION DU SYNDIC PAR LE SYNDICAT A INTRODUIRE UNE DEMANDE EN JUSTICE LA SCI 2B2C (Article 24) »

La SCI 2B2C a voté contre ces résolutions.

Par exploits d’huissier de justice délivrés le 20 avril 2022, la SCI 2B2C a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4]) représenté par son syndic, la société Craunot, et la société Craunot et demande au tribunal judiciaire de Paris de :

« Vu les dispositions des articles 9, 24 26 et 42 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les dispositions des articles 1240, 1241 et 1992 et suivants du code civil,

ANNULER les résolutions n°17 et n°18 de l’assemblée générale du 15 février 2022 ;

CONDAMNER la société Craunot, à titre personnel, à verser à la société 2B2C la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4]), représenté par son syndic en exercice, à verser à la société 2B2C la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNER in solidum la société Craunot à titre personnel et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4]), représenté par son syndic en exercice, à verser à la société 2B2C la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER in solidum la société Craunot à titre personnel et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4]), représenté par son syndic en exercice, aux entiers dépens ».

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4]) représenté par son syndic, la société Craunot, et la société Craunot ont tous deux constitué avocat.

Postérieurement à l’assignation, lors de l’assemblée générale du 7 juin 2022, le syndicat des copropriétaires a annulé les résolutions n°17 et 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022.

Par conclusions n°1 notifiées par voie électronique le 16 juin 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4]) demande au tribunal de :

« JUGER que la demande d’annulation des résolutions n°17 et 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022 est devenue sans objet,

DECLARER irrecevable la Société 2B2C de sa demande d’annulation des résolutions n°17 et 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022,

DEBOUTER la société 2B2C de sa demande d’annulation des résolutions n°17 et 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022,

DEBOUTER la société 2B2C de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre le Cabinet CRAUNOT, pris à titre personnel,

DEBOUTER la société 2B2C de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4]),

DEBOUTER la société 2B2C de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la société 2B2C à régler au syndicat des copropriétaires la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société 2B2C à régler au Cabinet Craunot la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société 2B2C aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Nathalie Buniak, Avocat à la Cour, en vertu de l’article 699 du code de procédure civile ».

Pour l’exposé exhaustif de leurs moyens en fait et en droit des parties, il est renvoyé à leurs écritures, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 octobre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 8 février 2024.

À l’issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 4 avril 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande d’annulation des résolutions n°17 et 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022

Au soutien de sa demande d’annulation des résolutions n° 17 et n° 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022, la SCI 2B2C fait tout d’abord valoir un défaut de majorité en soutenant que :

- selon le règlement de copropriété, la destination de l’immeuble est mixte et ne comprend aucune clause restrictive sur les activités commerciales pouvant être exercées dans l’immeuble, bien au contraire, puisque le règlement précise qu'il peut s’agit de n’importe quel commerce,

- dès lors, en approuvant le modificatif au règlement de copropriété « concernant une actualisation de la destination des lots » et en insérant dans le règlement de copropriété une liste d’interdictions d’activités commerciales, l’assemblée générale a modifié les stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l’immeuble, ce qui nécessitait l’unanimité des voix des copropriétaires,

- la majorité applicable au vote n’a pas été respectée puisque, bien que la résolution mentionne dans un premier temps une majorité de l’article 26.1, elle a finalement été votée « à la majorité des présents et représentés », c’est-à-dire à la majorité prévue à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965,

- à titre surabondant, la résolution n° 17 a pour objet, notamment, d’interdire les activités de restaurant, bars, établissements de nuit, or, les lots n°14 et n°15 appartenant à la SCI 2B2C sont exploités sous l’enseigne Mood, qui est un bar à cocktails,

- la résolution n° 17 a donc pour conséquence d’imposer à la SCI 2B2C une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, de sorte qu’elle ne pouvait être adoptée sans l’accord de cette dernière qui a voté « contre » la résolution n°17,

La SCI 2B2C soutient ensuite qu’il existe un abus de majorité dès lors que :

- aux termes de sa résolution n° 17, l’assemblée générale a purement et simplement décidé l’interdiction d’exploiter, notamment, un bar ou un établissement de nuit et ce alors qu’un bar est actuellement exploité en pied d’immeuble, dans le lot à usage commercial appartenant à la SCI 2B2C,

- cette décision a été prise de manière manifeste dans l’intention de nuire à l’activité du locataire de la SCI 2B2C et donc de nuire à la SCI 2B2C,

- subséquemment, la résolution n° 18 (mandat à donner au syndic afin de signer les actes notariés) doit être annulée puisqu’elle n’est que la conséquence de l’adoption de la résolution n° 17.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4]) fait valoir en réponse que :

- lors de l’assemblée générale du 7 juin 2022, le syndicat des copropriétaires a annulé les résolutions n°17 et 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022,

- depuis le 7 juin 2022, la demande de la SCI 2B2C est devenue sans objet,

- la SCI 2B2C a perdu tout intérêt à agir et sa demande est donc désormais irrecevable.

En droit, la Cour de cassation considère que la réitération des décisions attaquées par l'assemblée, contre laquelle un recours est formé par une assemblée générale ultérieure, ne fait pas obstacle à la recevabilité de l'action en nullité exercée contre les assemblées antérieures (3ème Civ., 2 mars 2017, pourvois n° 16-11.735 et 16-11.736).

Si la survenance de la nouvelle assemblée générale annulant les résolutions querellées rend la demande d’annulation des résolutions de l’assemblée générale précédente sans objet, elle n’a pas pour effet de priver le demandeur d’un intérêt à agir qui en cette matière doit s’apprécier au jour de l’introduction de sa demande.

En effet, la disparition en cours de procédure de l’objet de sa demande ne doit pas conduire le tribunal à le débouter purement et simplement comme en matière de fin de non-recevoir de l’ensemble de ses demandes, principales et accessoires, dès lors que pour statuer sur une éventuelle demande de dommages et intérêts ou de frais irrépétibles, il lui appartient de prendre en compte le bien-fondé de la demande devenue sans objet, apprécié au jour de l’introduction de l’instance.

Sur le fond, il sera rappelé que les décisions affectant la structure matérielle ou juridique de la copropriété, ne peuvent être prises qu’à la double majorité renforcée (en nombre et en voix) prévue par l’article 26, à savoir la majorité des membres du syndicat représentant au moins des deux tiers des voix (actes d’acquisition immobilière, actes de disposition ne résultant pas d’obligations légales ou réglementaires, modification du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l’usage et l’administration des parties communes, suppression du poste de concierge ou de gardien et aliénation de son logement s’il appartient au syndicat, les aliénations de parties communes dans le cadre du pacte de relance pour la ville, surélévation aux fins de création de nouveaux locaux à usage privatif : article 35 alinéa 1er, etc.).

Les décisions qui concernent le droit individuel de propriété, requièrent l’accord unanime de tous les copropriétaires (par exemple : l’aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l’immeuble, les travaux portant atteinte à la destination de l’immeuble, les modalités de jouissance des parties privatives, la modification de la répartition des charges, la dissolution de la copropriété).

En l’espèce, le règlement de copropriété précise, en son premier article « Destination de l’immeuble » :

« L’immeuble est destiné à l’habitation, à l’exercice de professions libérales ou à l’usage de bureaux, y compris de bureaux pour activités commerciales. Toutefois, pourront être utilisés à usage commercial les locaux formant les lots numéros treize, quatorze et quinze ».

Le règlement de copropriété stipule également :

« Locaux commerciaux ou artisanaux

Locaux situés au rez-de-chaussée formant les lots numéros treize, quatorze et quinze. Ces locaux pourront être utilisés pour l’exercice de n’importe quel commerce ou profession à la condition que l’activité exercée ne nuise ni à la sécurité de l’immeuble ni à la tranquillité des autres occupants, notamment par le bruit ou les odeurs ».

Il ressort donc du règlement de copropriété que la destination de l’immeuble est mixte (pièce n° 1 de la SCI 2B2C).

Il ressort également des pièces versées aux débats que les lots n° 14 et n° 15 appartenant à la SCI 2B2C sont exploités sous l’enseigne Mood, qui est un bar à cocktails.

Le tribunal relève que la résolution n° 17 qui a été adoptée est rédigée en ces termes :

« 17° - VOTE SUR UN MODIFICATIF DU REGLEMENT DE COPROPRIETE CONCERNANT UNE ACTUALISATION DE LA DESTINATION DES LOTS COMMERCIAUX 13 ET 14 Article 26.1

Lors de l’assemblée générale du 14 juin 2021 la résolution n°21 n’ayant pas obtenu l’unanimité des copropriétaires présents ou représentés.
Elle est donc représentée cette année.

L’assemblée, après en avoir délibéré, à la majorité des présents et représentés soit 758e /1.000e POUR et 16e / 1.000e CONTRE, approuve un modificatif du règlement de copropriété, concernant une actualisation de la destination des lots et principalement sur l’usage des lots de commerce, selon le descriptif suivant :

Seuls seront autorisés dans les lots de commerce, les activités ne présentant pas de nuisances pour les autres lots notamment en ce qui concerne l’odorat et le bruit que ces activités entraineraient. Dans ce contexte, sont notamment interdites les activités commerciales figurant dans la liste ci-dessous, en étant précisé que cette liste est non exhaustive :

- Restaurant de quelque nature qu’il soit
- Atelier de préparation culinaire
- Bars
- Etablissements de nuit
- Activités à caractère sexuel ou para sexuel
- Pressing
- Laverie automatique
- Garage automobile
- Salle de jeux
- Bains douches
- Salle de sports et assimilé
- Epicerie, supermarché et plus généralement commerces de bouches ».

Le règlement de copropriété comportait seulement, antérieurement à l’adoption de la résolution querellée, une clause applicable aux locaux commerciaux et artisanaux interdisant que l’activité exercée nuise à la sécurité de l’immeuble ou à la tranquillité des autres occupants, notamment par le bruit ou les odeurs.

Dans ces conditions, la résolution n° 17, qui modifie le règlement de copropriété pour interdire expressément, notamment, l’activité de bar, constitue une modification de la destination des lots de la SCI 2B2C ou des modalités de leur jouissance, lots dont il n’est pas discuté qu’ils sont affectés à l’activité de bar.

Cette modification du règlement de copropriété, qui porte atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives, nécessitait une décision à l’unanimité des copropriétaires et l'accord de la SCI 2B2C.

Postérieurement à l’assignation, lors de l’assemblée générale du 7 juin 2022, le syndicat des copropriétaires a annulé les résolutions n° 17 et 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022.

En conséquence, même s’il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de la SCI 2B2C qui est aujourd’hui devenue sans objet en raison de l’annulation des résolutions n° 17 et n° 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022 par l’assemblée générale du 7 juin 2022, il résulte de l’ensemble des éléments de fait et de droit précédemment exposés que la SCI K2B2C était bien fondée en sa demande d’annulation des résolutions n° 17 et n° 18 de l’assemblée générale du 15 février 2022.

2. Sur la responsabilité contractuelle du syndic et sur la responsabilité délictuelle du syndicat des copropriétaires

La SCI 2B2C formule des demandes de dommages et intérêts à l’encontre à la fois du syndic sur le fondement de la responsabilité contractuelle (article 1992 du code civil) et du syndicat des copropriétaires sur le fondement de la responsabilité délictuelle (article 1240 du code civil).

Elle soutient que le syndic a commis une faute dans l’exécution de son mandat et a engagé sa responsabilité, en faisant valoir que :

- le syndic a engagé sa responsabilité en n’informant pas les copropriétaires de l’illicéité manifeste du vote de la résolution n° 17 à la majorité de l’article 24,

- c’est lui-même qui a pris l’initiative d’inscrire cette résolution parfaitement illégale, et de la faire voter à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965,

- la SCI 2B2C était présente à l’assemblée générale et son représentant a alerté le syndic sur l’illicéité manifeste de la résolution, qui vise de manière évidente le locataire de la SCI 2B2C mais le syndic a ignoré le demandeur et a procédé au vote de ladite résolution,

- cet acharnement du syndic et l’absence de prise en compte des remarques du copropriétaire constituent un préjudice moral pour la SCI 2B2C, dont elle sera indemnisée.

Elle soutient également que le syndicat des copropriétaires a engagé sa responsabilité, en faisant valoir que :

- le syndicat des copropriétaires fait preuve d’un acharnement et d’un comportement abusifs à l’égard de la société 2B2C et de ses locataires,

- si les attaques ciblées dont elle fait l’objet proviennent manifestement des copropriétaires et ne peuvent fonder l’engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires, cela permet de démontrer l’environnement dans lequel s’inscrivent les dernières résolutions qui, quant à elles, engagent la responsabilité du syndicat,

- lors de la dernière assemblée générale en date du 15 février 2022, le syndicat des copropriétaires a mis au vote la modification pure et simple des stipulations du règlement de copropriété en ce qu’elles concernent la destination des lieux, afin d’interdire textuellement l’exercice des activités de bars, restaurants et établissements de nuit alors pourtant, que cette résolution avait déjà été inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 14 juin 2021 et avait été rejetée à défaut d’unanimité,

- l’acharnement du syndicat des copropriétaires à l’encontre de la SCI 2B2C est caractérisé,

- l’assemblée générale du 15 février 2022 a adopté une résolution n° 19 habilitant le syndic à agir en justice afin d’introduire une procédure judiciaire tant au référé qu’au fond, devant le tribunal compétent à l’encontre de la SCI 2B2C et de son locataire concernant les nuisances sonores subies par les occupants de l’immeuble, ainsi que l’utilisation non-conforme des caves et ce, afin d’obtenir la condamnation, sous astreinte, de la SCI 2B2C et de son locataire à faire cesser les nuisances et à respecter les dispositions du règlement de copropriété de l’immeuble,

- cette résolution marque parfaitement l’acharnement et l’intention de nuire dont le syndicat des copropriétaires fait preuve à l’égard de la SCI 2B2C.

- le syndicat est pourtant parfaitement informé de la parfaite conformité de l’exploitation des locaux par la société Mood, en ce compris les caves,

- le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4]), représenté par son syndic, s’acharne manifestement contre la société 2B2C et commet ainsi une faute à son égard, engageant sa responsabilité,

- le syndicat des copropriétaires engage également sa responsabilité à l’égard de la société 2B2C pour les fautes commises par le syndic Craunot, qui poursuivent par ailleurs le même objectif, avec l’intention de lui nuire, que le syndicat des copropriétaires lui-même.

- les fautes du syndicat des copropriétaires ont causé un préjudice moral non négligeable à la société 2B2C, qui doit parallèlement gérer un locataire qui subit le harcèlement et la volonté affichée du syndicat des copropriétaires de mettre un terme à l’activité exploitée dans les locaux.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4]) oppose qu’il n’a commis aucune faute pas plus que le syndic et fait valoir à ce titre que :

- la société 2B2C a immédiatement assigné le syndicat des copropriétaires et le Cabinet Craunot et ce sans tenter aucune démarche amiable au préalable,

- il n’existe aucun préjudice subi par la SCI 2B2C, dès lors que l’assemblée générale, moins de 4 mois après celle du 15 février 2022, a annulé les résolutions n° 17 et 18.

En droit, en application de l'article 1992 du code civil, le syndic est responsable de sa gestion et répond des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission à l'égard du syndicat des copropriétaires, cette responsabilité étant de nature contractuelle.

Conformément au droit commun, le syndic doit réparer le préjudice causé au syndicat, à un copropriétaire ou à un tiers par sa faute ou sa négligence.

La responsabilité civile du syndic, contractuelle à l’égard du syndicat des copropriétaires, délictuelle à l’égard d'un copropriétaire ou d'un tiers, peut être engagée selon les règles du droit commun.

Ainsi, le copropriétaire est fondé à agir sur un fondement délictuel ou quasi-délictuel à l’encontre du syndic (article 1240 du code civil) si l'une de ses fautes lui a causé un préjudice direct et personnel (dommages en parties privatives, troubles de jouissance).

Le syndicat des copropriétaires, quant à lui, est tenu de répondre des fautes du syndic, son mandataire (3ème Civ., 15 février 2006, n° 15-11.263), dans l'exercice de ses fonctions (une condamnation in solidum est donc possible, à charge pour le syndicat des copropriétaires d’exercer ensuite une action récursoire à l’encontre de son syndic).

Bien que les copropriétaires soient des tiers au contrat de mandat, leur action est recevable en ce qu'elle se fonde sur la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle du syndic en personne (ex. 3ème Civ., 6 mars 1991, n° 89-18.758, publié au bulletin) résultant d'une faute commise par ce dernier dans l'accomplissement de sa mission légale d'administration et de conservation de l'immeuble, en relation de causalité directe avec un préjudice subi, sans qu'il soit nécessaire que cette faute soit détachable ou dissociable de sa mission (ex. : 3ème Civ., 9 juillet 1985, n° 83-12.960, publié au bulletin).

En l’espèce, au regard des dispositions légales ci-dessus rappelées, la SCI 2B2C est irrecevable à agir sur le fondement de l’article 1992 du code civil (responsabilité contractuelle) à l’égard du syndic qui n’est qu’un tiers à son égard.

Dans ces conditions, sa demande de dommages et intérêts à l’encontre du syndic, la société Craunot, sera rejetée.

S’agissant de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre du syndicat des copropriétaires, il sera relevé qu’au regard des éléments versés aux débats, la SCI 2B2C ne caractérise pas avec une précision suffisante l’acharnement dont elle allègue faire l’objet et qui constituerait une faute qui aurait été commise par le syndic de nature à engager la responsabilité du syndicat des copropriétaires, pas plus qu’elle ne caractérise le préjudice qui en résulterait pour elle.

De même, les actes de harcèlement et de tentatives d’intimidation qu’elle allègue et qui seraient le fait de certains copropriétaires à l’encontre de son locataire sont insuffisamment caractérisés par les pièces versées aux débats et sont, quoi qu’il en soit, insusceptibles d’engager la responsabilité du syndicat des copropriétaires lui-même.

L’adoption d’une résolution n° 19 lors de l’assemblée générale du 15 février 2022 habilitant le syndic à agir en justice afin d’introduire une procédure judiciaire à son encontre et celle de son locataire concernant les nuisances sonores subies par les occupants de l’immeuble, ne saurait pas plus engager la responsabilité du syndicat des copropriétaires et ne concerne nullement la présente instance.

Enfin, la SCI 2B2C ne justifie par aucune pièce versée aux débats du principe et du quantum du préjudice moral qu’elle invoque en lien avec les fautes alléguées.

En conséquence, il y a lieu de rejeter sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Craunot, syndic, et de la débouter de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4]).

3. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du sens de la présente décision, le syndicat des copropriétaires sera condamné au paiement des dépens.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

L’équité ne commande pas, en l’espèce, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile. En conséquence, les parties seront déboutées de leurs demandes respectives formulées à ce titre.

- Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

REJETE la demande de la SCI 2B2C en annulation des résolutions n° 17 et n° 18 de l’assemblée générale de l’’immeuble sis [Adresse 4]) en date du 15 février 2022 ;

REJETE la demande de la SCI 2B2C de dommages et intérêts à l’encontre de la société Craunot, syndic ;

DEBOUTE la SCI 2B2C de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4]) ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4]) aux entiers dépens ;

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4]), la société Craunot, syndic, et la SCI 2B2C de leurs demandes respectives formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024.

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/04874
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;22.04874 ?
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