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04/04/2024 | FRANCE | N°21/15193

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 04 avril 2024, 21/15193


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître ANQUETIL

Copies certifiées conformes
délivrées le :
à Maître PORCHER et
Maître KOUDOYOR




8ème chambre 2ème section

N° RG :
N° RG 21/15193 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVV5S

N° MINUTE :




Assignation du :
08 Décembre 2021









JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024
DEMANDEURS

Monsieur [HV] [OP] [JU] [M] [DE]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [WN]

[C] [WO] épouse [IN]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Monsieur [R] [HK]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [TV] [NC] [P] épouse [HK]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Monsieur [A] [EP]
[Adresse 4]
[Localité 8]


Monsieur [L...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître ANQUETIL

Copies certifiées conformes
délivrées le :
à Maître PORCHER et
Maître KOUDOYOR

8ème chambre 2ème section

N° RG :
N° RG 21/15193 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVV5S

N° MINUTE :

Assignation du :
08 Décembre 2021

JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024
DEMANDEURS

Monsieur [HV] [OP] [JU] [M] [DE]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [WN] [C] [WO] épouse [IN]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Monsieur [R] [HK]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [TV] [NC] [P] épouse [HK]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Monsieur [A] [EP]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Monsieur [L] [NJ] [I] [ZA]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Monsieur [VO] [G] [OX]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [Z] [B] épouse [OX]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Monsieur [UI] [ZB]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Monsieur [IY] [U] [BX] épouse [ZB]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [F] [X] [OP] [K] épouse [DE]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [SC] [EF] [FL] épouse [RO]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [Y] [XN] [VH]
[Adresse 1]
[Localité 5]

Madame [AV] [N] [T] [SV]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Monsieur [J] [V] [D] [KE]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [O] [OP] [TC] [H] épouse [KE]
[Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [S] [CZ] [GO] épouse [DJ]
[Adresse 6]
[Localité 7]

Monsieur [ZM] [LK] [E] [EA]
[Adresse 4]
[Localité 8]

tous représentés par Maître Guillaume ANQUETIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0156

Décision du 04 Avril 2024
8ème chambre
2ème section
N° RG 21/15193 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVV5S

DÉFENDEURS

S.A.R.L. Société Parisienne de Gérance d’Immeuble
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentée par Maître Benjamin PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0450

Syndicat des copropriétaire de l’immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic [Localité 9] GTB
[Adresse 3]
[Localité 8]

représenté par Maître Averèle KOUDOYOR de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1635, et par Maître Hélène TOURNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1963

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président
Madame Anita ANTON, Vice-présidente
Monsieur Olivier PERRIN, Vice-Président

assistés de Madame Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats, et de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8] est un immeuble soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Monsieur [HV] [DE] et Madame [F] [DE] sont propriétaires du lot principal n°17 et détiennent 232 tantièmes.

Madame [SC] [RO] est propriétaire du lot principal n°16 et détient 216 tantièmes.

Madame [Y] [VH] est propriétaire du lot n°27 et détient 27 tantièmes.

Madame [AV] [SV] est propriétaire du lot principal n°20 et détient 213 tantièmes.

Monsieur [J] [KE] et Madame [O] [KE] sont propriétaires des lots n°5, 9 et 56 et détiennent 423 tantièmes.

Madame [S] [DJ] est propriétaire du lot principal n°8 et détient 145 tantièmes.

Monsieur [ZM] [EA] et Madame [WN] [IN] sont propriétaires du lot principal n°12 et détiennent 204 tantièmes.

Monsieur [R] [HK] et Madame [TV] [HK] sont propriétaires du lot principal n°13 et détiennent 257 tantièmes.

Messieurs [A] [EP] et [L] [ZA] sont propriétaires du lot principal n°11 et détiennent 197 tantièmes.

Monsieur [VO] [OX] et Madame [Z] [OX] sont propriétaires du lot principal n°25 et détiennent 230 tantièmes.

Monsieur [UI] [ZB] et Madame [IY] [ZB] sont propriétaires du lot principal n°27 et détiennent 242 tantièmes.

Lors de l'assemblée générale du 4 mars 2020, la société SPGI a été désignée en qualité de syndic de l'immeuble jusqu'au 3 juin 2021.

Le 1er juin 2021, le syndic a convoqué l'assemblée générale annuelle devant se tenir le 1er juillet 2021 uniquement par correspondance, alors que son mandat avait pris fin.

Le procès-verbal de l'assemble générale ordinaire du 1er juillet 2021 a été notifié aux copropriétaires le 14 octobre 2021.

Par exploit d'huissier délivré le 8 décembre 2021, Monsieur [HV] [DE], Madame [F] [DE], Madame [SC] [RO], Madame [Y] [VH], Madame [AV] [SV], Monsieur [J] [KE], Madame [O] [KE], Madame [S] [DJ], Monsieur [ZM] [EA], Madame [WN] [IN], Monsieur [R] [HK], Madame [TV] [HK], Messieurs [A] [EP], Monsieur [L] [ZA], Monsieur [VO] [OX], Madame [Z] [OX], Monsieur [UI] [ZB] et Madame [IY] [ZB] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Paris le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8] et son syndic, la société Parisienne de Gérance d'Immeuble, afin d'obtenir notamment à titre principal l'annulation de l'assemblée générale du 1er juillet 2021en son entier et à titre subsidiaire l'annulation des résolutions n°24 et n°25 de cette assemblée générale.

Par conclusions n°1 notifiées par voie électronique le 3 mars 2023, les copropriétaires demandeurs, demandent au tribunal de :

"Vu les articles 25,26, 42 et 43 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965
Vu les articles 15 et 17 du décret 67-223 du 17 mars 1967
Vu les articles 514, 695 et suivants, 699 et 700 du Code de procédure civile

DIRE Monsieur et Madame [DE], Madame [RO], Madame [VH], Madame [SV], Monsieur et Madame [KE], Madame [DJ], Monsieur [EA] et Madame [IN], Monsieur et Madame [HK], Messieurs [EP] et [ZA], Monsieur et Madame [OX] ainsi que Monsieur et Madame [ZB] recevables et bien fondés en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Et, y faisant droit ;

À titre principal :

DIRE que l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8] du 1er juillet 2021 a été irrégulièrement tenue ;

ANNULER en son entier l'assemblée générale du 1er juillet 2021 et chacune de ses résolutions ;

À titre subsidiaire :

ANNULER les résolutions n°23, n°24 et n°25 de cette assemblée générale du 1er juillet 2021 ;

En tout état de cause :

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Guillaume ANQUETIL, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8] à payer à Monsieur et Madame [DE], Madame [RO], Madame [VH], Madame [SV], Monsieur et Madame [KE], Madame [DJ], Monsieur [EA] et Madame [IN], Monsieur et Madame [HK], Messieurs [EP] et [ZA], Monsieur et Madame [OX] ainsi que Monsieur et Madame [ZB] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELER que ces condamnations devront être exécutées dans les conditions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire".

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2023, la société Parisienne de Gérance d'Immeuble, demande au tribunal de :

"METTRE hors de cause la SPGI ;

DIRE n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSER à chaque partie la charge de ses frais et dépens."

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8] demande au tribunal de :

"Vu la loi du 10 juillet 1965 et son Décret d'application,
Vu le règlement sanitaire de la Ville de [Localité 9],

DEBOUTER l'ensemble des demandeurs de leurs demandes.

Les CONDAMNER in solidum à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les CONDAMNER in solidum aux entiers dépens".

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 octobre 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 8 février 2024.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 4 avril 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale ordinaire du 1er juillet 2021 en son entier

Les copropriétaires demandeurs contestent la régularité de la tenue de l'assemblée générale en faisant valoir que :

- l'assemblée générale, même exclusivement tenue en "vote par correspondance", ne pouvait se dérouler sans secrétaire,

- Monsieur et Madame [ZB], ont voté "contre" la désignation de Monsieur [ZB] comme secrétaire de sorte qu'il n'y a pu avoir aucun secrétaire de cette assemblée générale (ni un autre copropriétaire, ni l'ancien syndic hors mandat qui n'avait plus aucune qualité),

- l'assemblée générale ne pouvait se tenir sans scrutateurs alors même que le règlement de copropriété prévoit la désignation de deux scrutateurs et que l'article 17 du décret de 1967 impose nécessairement la signature du procès-verbal par le ou les scrutateurs.

Le syndicat des copropriétaires soutient que :

- l'article 22-2 de l'ordonnance du 19 novembre 2020, applicable jusqu'au 30 septembre 2021, soit un mois après la fin de l'urgence sanitaire déclarée au 1er juin 2021 inclus, permet au syndic de prévoir que l'assemblée générale se tienne sans présence physique,

- cette assemblée a donc valablement été convoquée dans cette période de pandémie, avec les mesures transitoires qui s'imposent et a été organisée au moyen du vote par correspondance, étant précisé que les copropriétaires ont retourné leur formulaire de vote par correspondance dont les termes ont été valablement reportés sur le procès-verbal,

- les votes par correspondance posent le problème de la constitution du bureau qui par nature doit être désigné en début d'assemblée,

- la présidente : Mme [W] a assuré la présidence de cette assemblée et en cette qualité, Mme [W] ayant signé le procès-verbal de l'assemblée,

- M. [ZB] était proposé comme secrétaire de séance, mais il a finalement refusé et l'a mentionné dans son formulaire de vote par correspondance,

- pour autant, M. [ZB] a été élu par les autres copropriétaires,

- le cabinet SPGI qui a retranscrit les termes des formulaires de vote a mentionné l'élection de M. [ZB] en inscrivant le vote finalement opposé de ce dernier,

- lors de l'assemblée générale du 8 novembre 2022, les copropriétaires ont ratifié le mandat du Cabinet SPGI du 1er juillet 2021 au 30 septembre 2022, de sorte que c'est valablement que le Cabinet SPGI a assuré le secrétariat de l'assemblée du 1er juillet 2021,

- dans le cadre d'une assemblée 100 % par correspondance, il est impossible de collecter les candidatures pour être scrutateurs.

- l'article 15 du décret du 17 mars 1967 n'oblige pas à désigner un scrutateur, ce texte précisant qu'au début de chaque réunion "l'assemblée générale désigne … son président et s'il y a lieu, un ou plusieurs scrutateurs",

- la désignation des scrutateurs étant impossible et celle-ci n'étant pas obligatoire, le syndic a considéré que l'assemblée était valablement convoquée et tenue dès lors qu'une présidente et un secrétaire étaient élus.

Le syndic soutient que :

- par conclusions signifiées en cours d'instance, les demandeurs ont indiqué renoncer à solliciter l'annulation de l'assemblée générale dans son ensemble, et renoncer à réclamer l'application de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamnation aux dépens,

- ils ne réclament plus désormais que l'annulation des résolutions 23, 24 et 25 de l'assemblée générale du 1er juillet 2021,

- ce débat ne concerne que les relations entre la copropriété et les demandeurs,

- la concluante, assignée en son nom personnel, s'en remet à justice sur cette question,

- rien ne lui étant réclamé, de sorte qu'il conviendra de le mettre hors de cause.

En droit, l'article 15 du décret du 17 mars 1967 dispose que :

"Au début de chaque réunion, l'assemblée générale désigne, sous réserve des dispositions de l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 50 (alinéa 1er) du présent décret, son président et, s'il y a lieu, un ou plusieurs scrutateurs.
Le syndic assure le secrétariat de la séance, sauf décision contraire de l'assemblée générale".

L'article 17 du décret dispose quant à lui que :

"Il est établi un procès-verbal des décisions de chaque assemblée qui est signé, à la fin de la séance, ou dans les huit jours suivant la tenue de l'assemblée, par le président, par le secrétaire et par le ou les scrutateurs.
Le procès-verbal précise, le cas échéant, si les mandats de vote ont été distribués par le président du conseil syndical, par un membre du conseil syndical ou par le président de séance dans les conditions prévues à l'article 15-1.
Le procès-verbal comporte, sous l'intitulé de chaque question inscrite à l'ordre du jour, le résultat du vote. Il précise les noms et nombre de voix des copropriétaires ou associés qui se sont opposés à la décision, qui se sont abstenus, ou qui sont assimilés à un copropriétaire défaillant en application du deuxième alinéa de l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965.
Le procès-verbal mentionne les réserves éventuellement formulées par les copropriétaires ou associés opposants sur la régularité des décisions."

Dans le cadre de la crise sanitaire, il a été autorisé :

- par ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 que l'assemblée générale puisse être réduite à un vote par correspondance sans visioconférence préalable dans l'hypothèse où une telle organisation de l'assemblée générale par visioconférence ne serait pas possible, cette ordonnance précisant, s'agissant de la tenue de l'assemblée générale à distance, que : "Les copropriétaires participent à l'assemblée générale par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification", tout en soulignant par la suite que : "Lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'est pas possible, le syndic peut prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance".

- par ordonnance n° 202-595 du 20 mai 2020 de :
- retarder les assemblées générales de 2020,
- en cas de maintien, d'organiser l'assemblée générale à distance.

Selon l'article 22-2 I de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2020-1400 du 18 novembre 2020 applicable au présent litige : "Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, et jusqu'au 1er avril 2021, le syndic peut prévoir que les copropriétaires ne participent pas à l'assemblée générale par présence physique.

Dans ce cas, les copropriétaires participent à l'assemblée générale par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification. Ils peuvent également voter par correspondance, avant la tenue de l'assemblée générale, dans les conditions édictées au deuxième alinéa de l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée.

Par dérogation aux dispositions de l'article 17 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'est pas possible, le syndic peut prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance".

L'article 22-3 de cette ordonnance dispose également :

"Lorsqu'il est fait application de l'article 22-2, il est dérogé aux dispositions des articles 9, 14, 15 et 17 du décret du 17 mars 1967 susvisé dans les conditions suivantes :

1° L'assemblée générale des copropriétaires est convoquée sans qu'un lieu de réunion soit déterminé, ni indiqué dans la convocation ;

2° La convocation précise que les copropriétaires ne peuvent participer à l'assemblée générale que par visioconférence ou tout autre moyen de communication électronique, sans préjudice de la possibilité de voter par correspondance. Lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'est pas possible, la convocation précise que les copropriétaires ne peuvent voter que par correspondance ;

3° Le président de séance certifie exacte la feuille de présence et signe, le cas échéant avec le ou les scrutateurs, le procès-verbal des décisions dans les huit jours suivant la tenue de l'assemblée générale ;

4° Lorsque les décisions sont prises au seul moyen du vote par correspondance, le président du conseil syndical, ou à défaut, l'un de ses membres, ou en leur absence, l'un des copropriétaires votant désigné par le syndic, assure les missions qui incombent au président de séance en application des dispositions du décret du 17 mars 1967 susvisé".

Il sera rappelé qu'en cas d'absence de signatures sur le procès-verbal, l'assemblée générale reste valable même si le procès-verbal n'a pas été signé par le secrétaire de séance, le syndic, si le procès-verbal n'a pas été signé par un scrutateur (Cass. 3e civ., 13 nov. 2013, n° 12-24.167) ou par deux scrutateurs (Cass. 3e civ., 24 avr. 2013, n° 12-13.330 : Cass. 3e civ., 13 sept. 2018, n° 17-23.292), si le procès-verbal n'a pas été signé par le président de l'assemblée (CA Paris, pôle 4, ch. 2, 11 janv. 2012, n° 10/00997) et même si le procès-verbal n'est revêtu d'aucune signature (Cass. 3e civ., 26 mars 2014, n° 13-10.693).

L'absence de signature du procès-verbal affaiblit donc seulement sa force probante, facilitant la preuve contraire.

Il ressort ainsi de ces dispositions que, durant la période d'état d'urgence sanitaire, le syndic a été autorisé à faire le choix d'une assemblée générale tenue uniquement au moyen d'un vote par correspondance à la condition toutefois que le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'ait pas été possible.

Il en ressort également que les missions qui incombent au président de séance sont assurées par le président du conseil syndical, ou à défaut, l'un de ses membres, ou en leur absence, l'un des copropriétaires votant désigné par le syndic et que le président de séance certifie exacte la feuille de présence et signe, le cas échéant avec le ou les scrutateurs, le procès-verbal.

En l'espèce, le tribunal relève tout d'abord que la désignation des scrutateurs étant impossible dans le cadre d'une assemblée générale se tenant exclusivement par correspondance, l'assemblée est valablement convoquée et tenue dès lors qu'elle a désigné un président et un secrétaire de séance.

Il ressort des pièces versées aux débats que l'assemblée générale du 1er juillet 2021 s'est tenue exclusivement par correspondance.

Dans ces conditions, les copropriétaires demandeurs sont mal fondés à invoquer la nullité de l'assemblée générale en raison de l'absence de scrutateurs, faute de " réunion " au sens des dispositions précitées de l'article 15 du décret du 17 mars 1967 dans le cadre d'une assemblée générale qui a été organisée exclusivement au moyen du vote par correspondance.

Le tribunal relève ensuite que lors de l'assemblée générale du 4 mars 2020, la société SPGI était désignée comme syndic jusqu'au 3 juin 2021 par adoption de la résolution 11 (pièce n°3 des copropriétaires demandeurs).

La société SPGI a donc convoqué les copropriétaires pour une assemblée générale annuelle devant se tenir le 1er juillet 2021 uniquement par correspondance, alors qu'à cette date son mandat était expiré.

Toutefois, lors de l'assemblée générale du 8 novembre 2022, les copropriétaires ont ratifié le mandat de la société SPGI du 1er juillet 2021 au 30 septembre 2022.

La convocation prévoyait au point 1. 2 que l'un des copropriétaires, Monsieur [ZB], assurerait ce secrétariat.

Le procès-verbal de l'assemblée générale du 1er juillet 2021 a été notifié aux copropriétaires le 14 octobre 2021, avec la seule signature de la présidente de séance. Il ressort de ce procès-verbal, que Monsieur [ZB] aurait assuré le secrétariat de séance en étant désigné par 5891/8266 tantièmes (procès-verbal d'assemblée générale : pièce n°5 des copropriétaires demandeurs) alors que M. [ZB] a voté contre cette résolution. M. [ZB], qui soutient ne pas avoir été consulté et ne pas s'être proposé à cette fin, a été élu par les autres copropriétaires.

Il ressort de ces éléments que, malgré les mentions du procès-verbal de l'assemblée générale concernant le vote des copropriétaires pour que M. [ZB] assure le secrétariat de séance, le secrétariat de séance a été tenu par le syndic dont le mandat du 1er juillet 2021 au 30 septembre 2022 a été ratifié par l'assemblée générale du 8 novembre 2022.

Les copropriétaires demandeurs sont donc mal fondés à soutenir que l'assemblée générale du 1er juillet 2021 doit être annulée pour s'être tenue sans secrétaire de séance.

En conséquence, les copropriétaires demandeurs seront déboutés de leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 1er juillet 2021 en son entier.

2. Sur la demande d'annulation des résolutions 23, 24 et 25 de l'assemblée générale ordinaire du 1er juillet 2021

Les copropriétaires demandeurs soutiennent que :

- l'adoption des résolutions 23, 24 et 25 modifie les modalités de jouissance des parties privatives des propriétaires des lots des bâtiments A et B, tout en étant contraire au règlement sanitaire du département de Paris,

- l'article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, d'ordre public, prévoit que " l'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété ",

- les résolutions 23, 24 et 25 pour être adoptées devaient recueillir les votes "pour" de tous les copropriétaires des bâtiments A et B, dont ceux des demandeurs,

- l'adoption de ces résolutions réalise un abus de majorité en ce qu'elles n'ont d'intérêt que pour l'unique propriétaire du bâtiment C, au détriment des copropriétaires des bâtiments A et B.

Le syndicat des copropriétaires soutient que :

- par entrepôt des poubelles, il faut entendre l'entrepôt des conteneurs vides,

- le règlement de copropriété utilise en page 32 le terme de "poubelles" pour désigner les conteneurs et en page 29 le terme "ordures" pour désigner les ordures ménagères, son modificatif utilisant la même distinction, cette disposition datant de 1955, date du règlement de copropriété, et l'immeuble ayant alors un concierge,

- en page 29 du règlement de copropriété, il est prévu que la descente des ordures doit être faite après 19 heures,

- aux termes du modificatif du règlement de copropriété datant de 1958, les copropriétaires du bâtiment C ont seul l'usage de la cour F, les autres copropriétaires ne pouvant jeter leurs ordures dans ces poubelles en raison de cet usage exclusif,

- ce même modificatif prévoit bien que les poubelles de l'immeuble sont entreposés dans cette cour,

- le problème réside dans le fait qu'en 1958, l'immeuble avait possiblement deux poubelles, qu'en 2022, le nombre de poubelles s'est multiplié avec de surcroit le tri sélectif et que cela pose des problèmes d'usage de cette cour dont seuls les copropriétaires du bâtiment C ont pourtant l'usage,

- la société SNT, copropriétaire du bâtiment C a mis au vote la résolution de l'entrepôt de poubelles devant les bâtiments A et B afin que son usage exclusif ne soit plus troublé par les copropriétaires de ces bâtiments et afin que ses locataires du bâtiment C ne soient plus gênés par les passages et le bruit des dépôts d'ordures à toute heure dans ces récipients nonobstant le règlement de copropriété, ajoutant à cela les dispositions du règlement sanitaire de la ville de [Localité 9].

En droit, il sera rappelé que les décisions qui concernent le droit individuel de propriété, requièrent l'accord unanime de tous les copropriétaires (par exemple : l'aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble, les travaux portant atteinte à la destination de l'immeuble, les modalités de jouissance des parties privatives, la modification de la répartition des charges, la dissolution de la copropriété).

L'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : "Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :
a) Les actes d'acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux visés à l'article 25 d ;
b) La modification, ou éventuellement l'établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes ;
c) La suppression du poste de concierge ou de gardien et l'aliénation du logement affecté au concierge ou au gardien lorsqu'il appartient au syndicat.

Les deux questions sont inscrites à l'ordre du jour de la même assemblée générale.
Lorsqu'en vertu d'une clause du règlement de copropriété la suppression du service de conciergerie porte atteinte à la destination de l'immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives, la suppression du poste de concierge ou de gardien et l'aliénation du logement affecté au concierge ou au gardien lorsqu'il appartient au syndicat ne peuvent être décidées qu'à l'unanimité.
L'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.
Elle ne peut, sauf à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires, décider l'aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble ou la modification des stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble".

En l'espèce, le règlement de copropriété du 25 novembre 1955 à jour du modificatif du 3 octobre 1958 stipule que :

"TROISIEME MODIFICATION
Il est inséré ce qui suit au chapitre IV in fine
STIPULATION PARTICULIERE
Le droit d'usage du passage situé entre les cours E et F, ainsi que celui de la cour F, est exclusivement réservé aux propriétaires des lots composant le bâtiment C.
Leurs frais d'entretien et de réparations y afférentes seront à la charge des propriétaires des lots dudit bâtiment C dans la proportion ci-dessus établie (ventilation des charges pour le bâtiment C). Toutefois, les copropriétaires du bâtiment C, devront supporter dans la cour F, l'entrepôt des poubelles parties communes de l'ensemble de l'immeuble" (pièce n°1 des copropriétaires demandeurs).

Il ressort des dispositions du règlement de copropriété ci-dessus que si le droit d'usage de la cour F, partie commune, est bien réservé à l'usage exclusif des copropriétaires du bâtiment C, il existe dans ce même règlement de copropriété une dérogation à cet usage exclusif pour ce qui concerne l'entrepôt des poubelles parties communes de l'ensemble de l'immeuble.

Les résolutions 23 (pose d'une grille), 24 (emplacement des récipients à poubelles des résidents des bâtiments A et B) et 25 (construction, financement, d'un abri poubelles destiné à recevoir ces récipients, accompagné de son croquis et devis) de l'assemblée générale du 1er juillet 2021 ayant modifié la jouissance et l'usage de la cour F, partie commune, en supprimant la possibilité d'entreposer dans cette cour les poubelles parties communes de l'ensemble de l'immeuble (pièce n°5 des copropriétaires demandeurs), celles-ci relevaient d'un vote à la majorité de l'article 26.

Elles ne pouvaient donc être adoptées dans les conditions de majorité de l'article 25.

En conséquence, il y a lieu d'annuler les résolutions n°23, 24 et 25 de l'assemblée générale ordinaire du 1er juillet 2021.

3. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du sens de la présente décision, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8] sera condamné au paiement des dépens, qui pourront être recouvrés par Me Guillaume Anquetil, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Il y a lieu de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8] à payer la somme de 2.000 euros aux copropriétaires demandeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de rappeler que ces condamnations devront être exécutées dans les conditions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

- Sur l'exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE Monsieur [HV] [DE], Madame [F] [DE], Madame [SC] [RO], Madame [Y] [VH], Madame [AV] [SV], Monsieur [J] [KE], Madame [O] [KE], Madame [S] [DJ], Monsieur [ZM] [EA], Madame [WN] [IN], Monsieur [R] [HK], Madame [TV] [HK], Messieurs [A] [EP], Monsieur [L] [ZA], Monsieur [VO] [OX], Madame [Z] [OX], Monsieur [UI] [ZB] et Madame [IY] [ZB], de leur demande d'annulation de l'assemblée générale ordinaire du 1er juillet 2021 en son entier ;

ANNULE les résolutions n° 23, 24 et 25 de l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 8] en date du 1er juillet 2021 ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8] aux entiers dépens ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 8], à payer la somme de 2.000 euros à Monsieur [HV] [DE], Madame [F] [DE], Madame [SC] [RO], Madame [Y] [VH], Madame [AV] [SV], Monsieur [J] [KE], Madame [O] [KE], Madame [S] [DJ], Monsieur [ZM] [EA], Madame [WN] [IN], Monsieur [R] [HK], Madame [TV] [HK], Messieurs [A] [EP], Monsieur [L] [ZA], Monsieur [VO] [OX], Madame [Z] [OX], Monsieur [UI] [ZB] et Madame [IY] [ZB], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que ces condamnations devront être exécutées dans les conditions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024.

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/15193
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;21.15193 ?
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