TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
4ème chambre 2ème section
N° RG 21/14374
N° Portalis 352J-W-B7F-CVOIG
N° MINUTE :
Assignation du :
04 Novembre 2021
JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024
DEMANDEUR
Monsieur [E] [V] [N]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Sophie TIDIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire #PC483
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. GROUPE IMMOBILIER FINANCES
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Jean-Denis GALDOS DEL CARPIO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0056
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Matthias CORNILLEAU, Juge
assistés de Nadia SHAKI, Greffier,
Décision du 04 Avril 2024
4ème chambre 2ème section
N° RG 21/14374 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVOIG
DÉBATS
A l’audience du 01 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame VASSORT-REGRENY, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 18 janvier 2016, monsieur [E] [N] a confié à la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES (GIF) un mandat de location sans exclusivité portant sur l’appartement sis [Adresse 1] à [Localité 5] dont sa mère possédait l'usufruit et dont il s’est vu au décès de celle-ci attribuer la pleine propriété.
Le mandat prévoyait un loyer hors charges de 2.280 euros, ces dernières étant fixées à 190 euros par mois avec régularisation annuelle, les lieux pouvant être loués à usage d'habitation, à usage professionnel ou à usage mixte, un dépôt de garantie d'un montant de 2.280 euros étant prévu.
Préalablement à la signature du bail, des échanges ont eu lieu entre les parties relativement notamment à la T.V.A et un projet de bail a été adressé à monsieur [N].
Le 14 avril 2016, un bail à usage professionnel de bureau a été consenti au cabinet d'avocat N&N moyennant un loyer hors taxes et hors charges de 1.900 euros, soit 2.280 euros au titre du loyer principal au taux de T.V.A de 20% outre les charges, le locataire s’acquittant d'une somme totale mensuelle de 2.470 euros .
Le terme du bail était fixé au 18 avril 2022, date à laquelle le bailleur y a mis fin.
Par courrier du 10 novembre 2020, monsieur [N] a sollicité de la société GIF le remboursement d'un certain nombre de sommes payées selon lui au service des impôts au titre de la TVA. La mise en demeure adressée le 6 avril 2021 par le conseil de monsieur [N] à la société GIF est restée sans effet.
C'est dans ces conditions que monsieur [N] a suivant acte du 4 novembre 2021 fait délivrer assignation en responsabilité à la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 juin 2022 ici expressément visées, monsieur [N] demande au tribunal de :
« Vu l’article 1992 du Code civil,
Vu les articles 514, 699 et 700 du Code de procédure civile,
- Juger que la société GROUPE IMMOBILIER FINANCES a commis une faute engageant sa responsabilité de mandataire à l’égard de son mandant Monsieur [N],
- Juger que Monsieur [N] n’a commis aucune faute,
- Condamner la société GROUPE IMMOBILIER FINANCES à payer à Monsieur [N] la somme de 24 .468 € au titre du préjudice subi pour la période du 1 er janvier 2017 au 18 avril 2022, sauf à parfaire,
- Condamner la société GROUPE IMMOBILIER FINANCES à payer à Monsieur [N] la somme de 5 000 € en réparation de ses préjudices financier et moral subis du fait de la résistance abusive de la société GROUPE IMMOBILIER FINANCES,
- Débouter la société GROUPE IMMOBILIER FINANCES de l’intégralité de ses demandes,
- Condamner la société GROUPE IMMOBILIER FINANCES au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Sophie TIDIER, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile. ».
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 26 octobre 2022 ici expressément visées, la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES demande au tribunal judiciaire de Paris de :
« - Juger que la société GIF n’est responsable qu’à hauteur de 50% du préjudice invoqué par Monsieur [N], lui-même étant responsable dans la même proportion de son propre préjudice
- Juger que le préjudice subi par Monsieur [N] ne peut s’analyser que comme une perte de chance évaluée à 50%
- Juger que Monsieur [N] ne rapporte la preuve de la consistance du préjudice qu’il invoque qu’à hauteur d’une somme de 20.578 euros
- Juger que par application du partage de responsabilité et par ailleurs du calcul du préjudice selon un mécanisme perte de chance évaluée à 50%, le préjudice indemnisable de Monsieur [N] s’établit à la somme de 5.144,50 euros
- Débouter Monsieur [N] de toutes demandes plus amples contraires
- Débouter Monsieur [N] de sa demande au titre d’un préjudice moral et financier
- Réduire à de plus justes proportions la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-Statuer ce que de droit sur les dépens. ».
Pour un complet exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures régulièrement communiquées conformément aux dispositions de l’article 455 alinéa 2 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en procédure écrite, la juridiction n'est saisie que des seules demandes reprises au dispositif récapitulatif des dernières écritures régulièrement communiquées avant l'ordonnance de clôture et que les demandes de « donner acte », visant à « constater », à « prononcer », « dire et juger » ou à « dire n'y avoir lieu » notamment, ne constituent pas des prétentions saisissant le juge au sens de l'article 4 du code procédure civile dès lors qu'elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert . Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif du présent jugement.
Il est également rappelé qu'en application de l’article 768 du code de procédure civile, « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. ».
Sur l'action en responsabilité
Monsieur [N] fait grief à la société GIF d'avoir rédigé et signé en son nom le bail en indiquant le montant de la TVA alors même qu'il l'avait questionnée sur ce point avant la conclusion de celui-ci; or le fait de mentionner la TVA l'a rendu débiteur de l'ensemble des obligations des personnes soumises à cette taxe; monsieur [N] explique encore que lorsqu'il s'est rendu compte de cette obligation en 2020, il a régularisé la situation auprès de l'administration fiscale qui l'a imposé en conséquence, ce qui est revenu à amputer son revenu locatif de 20%. Monsieur [N] soutient que ce faisant la société GIF a contrevenu à son obligation de résultat de lui garantir un loyer mensuel hors charges d'un montant de 2.280 euros. Monsieur [N] entend rappeler que si la société GIF, professionnel de l'immobilier chargé en l'espèce de la rédaction et de la signature du bail (article 5.1 du mandat), ignorait les règles fiscales applicables, il lui appartenait de les vérifier et elle ne peut dès lors se défausser de sa responsabilité sur le mandant. Monsieur [N] précise que son préjudice est constitué de la TVA outre les pénalités de recouvrement réclamées par l'administration fiscale.
Tout en concédant une erreur sur une question de droit fiscal de sa part, la société GIF résiste en opposant qu'elle n'est ni avocat, ni expert comptable et qu'il appartenait au bailleur de se rapprocher d'un avocat fiscaliste ; qu'en se contentant d'une réponse non étayée, monsieur [N] s'est engagé avec légèreté, ce qui oblige à opérer un partage de responsabilité par moitié. En tout état de cause, la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES soutient que le demandeur ne justifie pas du préjudice invoqué à hauteur de la somme réclamée les règlements n'étant justifiés que jusqu'au mois de juillet 2021 et qu'en tout état de cause le préjudice ne peut s'analyser que comme une perte de chance estimée à 50% de louer le bien H.T , ce qui limite le droit à réparation à hauteur de 5.144,50 euros.
Sur ce,
L' article 1191 alinéa 1 du code civil énonce : «le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ».
Selon l'article 1992 «le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ».
En application de ces textes, le mandataire est sauf cas fortuit, présumé en faute du seul fait de l'inexécution de son mandat. Cette présomption ne saurait en revanche être étendueà l'hypothèse d'une mauvaise exécution ; il appartient donc en ce cas au mandant d'établir les fautes de gestion de son mandataire (Civ.1ère , 18 janvier 1989 D.1989.302 ; Civ.1ère 16 mai 2006 n°03-19. 936).
Retenir la responsabilité contractuelle d'une partie à une convention impose dès lors en application des dispositions précitées de caractériser un manquement aux obligations contractuelles, un préjudice et un lien de causalité entre le manquement et le préjudice.
Selon l'article 9 du code procédure civile, «il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
Aux terme du mandat en l'espèce confié, la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES était notamment chargée de chercher le locataire et de rédiger le contrat de bail (article 5.1), l' article 3.4 du mandat fixant le loyer hors charges à la somme de de 2.280 euros et l'article 3.5 les charges à 190 euros par mois.
Le 14 avril 2016, la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES a pour le compte de monsieur [N] consenti un bail professionnel stipulant un loyer hors taxes et hors charges de 1.900 euros, soit 2.280 euros au titre du loyer principal au taux de T.V.A de 20% outre les charges, le locataire s’acquittant d'une somme totale mensuelle de 2.470 euros.
Les courriels versés en procédure attestent préalablement à la signature du bail, d'échanges entre les parties relativement notamment à la T.V.A ; un projet de bail a été adressé à monsieur [N] qui a fait rectifier celui-ci sur plusieurs points.
S'agissant des échanges qui ont eu lieu relativement à la TVA, monsieur [N] (agissant à cette date pour le compte de sa mère dont il justifiait détenir un pouvoir versé en procédure) questionne l'agence en ces termes: «Exprimer le loyer en TVA séparé a-t-il un impact sur le revenu de ma mère, sur la fiscalité qu'elle supporte ? », question à laquelle la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES a répondu : « pour répondre à votre question sur la T.V.A , le fait que le preneur d'exprimer le bail en indiquant la T.V.A n'a aucune incidence pour votre maman qui est une personne physique ».
Les deux parties s'accordent à considérer dans le cadre de la présente procédure que la réponse ainsi apportée était erronée.
Sur le moyen selon lequel il appartenait au bailleur de se rapprocher d'un avocat fiscaliste et selon lequel en se contentant d'une réponse non étayée , monsieur [N] s'est engagé avec légèreté, il est noté que contrairement à ce que soutient la défenderesse, la réponse semble étayée puisqu'il est expliqué qu'il n'existe aucune incidence dans la mesure où le bailleur est une personne physique. En outre comme monsieur [N] le relève, alors même qu'il avait soulevé une éventuelle difficulté, que le bail consenti était un bail professionnel, il appartenait au mandataire, professionnel de la location, non au bailleur, de s'assurer des incidences fiscales de la formulation des stipulations contractuelles dont elle avait la charge.
Aucune légèreté blâmable du mandant, ni aucun partage de responsabilité ne saurait donc être retenu de ce chef comme le sollicite la société défenderesse.
S'agissant en revanche du montant du préjudice , force est de constater avec cette dernière que celui-ci n'est nullement justifié .
En premier lieu monsieur [N] ne produit en effet que quelques captures d'écran de son compte fiscal ; aucun avis d'imposition n'est communiqué qui mentionnerait la somme totale appelée pour la TVA due au titre de la location du bien en cause sis [Adresse 1] à [Localité 5]. En second lieu même formulés sans expression séparée de la T.V.A , les revenus locatifs aurait été soumis à imposition, le préjudice subi étant dès lors constitué, non de la somme acquittée au fisc mais de la différence entre celle-ci et celle qui aurait été due en cas de formulation autre de la stipulation relative au loyer. Or monsieur [N] ne fournit sur ce point aucun élément au tribunal .
Au regard de ces éléments , il ne saurait être fait droit à la demande formée par monsieur [N] à hauteur de 24.468 euros mais seulement dans la limite de 5.144,50 euros, la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES concédant une part de responsabilité dans la limite de cette somme.
Les préjudices moral et financier dont il est demandé indemnisation à hauteur de la somme totale de 5.000 euros n'étant pas davantage justifiés, monsieur [N] sera débouté du chef de cette demande .
Sur les autres demandes et sur les demandes accessoires
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Par application de l' article 700 du code de procédure civile, le juge condamne, sauf considération tirée de l'équité, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En l'espèce la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES qui succombe , supportera les dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par maître S.TIDIER, avocat.
Pour les mêmes motifs, la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES devra payer au demandeur la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
L'exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances dont relève le cas présent et introduites comme en l'espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l'écarter.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal statuant conformément à la loi, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe le jour du délibéré :
CONDAMNE la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES à payer à monsieur [E] [N] la somme de 5.144,50 euros en indemnisation du préjudice subi;
DEBOUTE monsieur [E] [N] de sa demande d'indemnisation des préjudices moral et financier formée à hauteur de 5.000 euros ;
CONDAMNE la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES à supporter les dépens de l’instance ;
ACCORDE à maître S.TIDIER avocat, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile;
CONDAMNE la SARL GROUPE IMMOBILIER FINANCES à payer à monsieur [E] [N] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles ou mal fondées;
RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit;
Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024.
Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKINathalie VASSORT-REGRENY