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04/04/2024 | FRANCE | N°21/12110

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 04 avril 2024, 21/12110


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions exécutoires
délivrées le :
à Maître GUIZARD et
à Maître MOULIN

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître REIS TOURANGIN







8ème chambre
2ème section


N° RG 21/12110
N° Portalis 352J-W-B7F-CVDCA


N° MINUTE :


Assignation du :
06 Septembre 2021







JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [Y] [XX]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Ma

ître Isabelle REIS TOURANGIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1951


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] représenté par son syndic, la société FONCIA [Localité 7] RIVE GAUCHE
[Adresse 1]
[L...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions exécutoires
délivrées le :
à Maître GUIZARD et
à Maître MOULIN

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître REIS TOURANGIN

8ème chambre
2ème section


N° RG 21/12110
N° Portalis 352J-W-B7F-CVDCA

N° MINUTE :

Assignation du :
06 Septembre 2021

JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024

DEMANDERESSE

Madame [Y] [XX]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Isabelle REIS TOURANGIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1951

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] représenté par son syndic, la société FONCIA [Localité 7] RIVE GAUCHE
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Aude GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0020
Décision du 04 Avril 2024
8ème chambre
2ème section
N° RG 21/12110 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVDCA

Société FONCIA [Localité 7] RIVE GAUCHE
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Fabrice MOULIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0837

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

Société OCTOPUS
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Isabelle REIS TOURANGIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1951

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président
Madame Anita ANTON, Vice-présidente
Monsieur Olivier PERRIN, Vice-président

assistés de Madame Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats, et de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L'immeuble sis [Adresse 3] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

L'immeuble a pour syndic la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche.

Madame [Y] [XX] était propriétaire des biens et droits immobiliers suivants :

- Lot n° 357
Au 8ème étage, 1ère porte à gauche à partir de l'escalier A, un appartement en duplex, comprenant : au 8ème niveau : séjour-salon donnant sur une terrasse, entrée avec accès à l'étage et cuisine équipée, WC au 9ème niveau, trois chambres, deux salles de bains wc. Terrasse en surplomb.
Et les 14 476 / 900347 millièmes de la propriété du sol et des parties communes générales.

- Lot n° 29
Une cave située au 1er niveau en infrastructure
Et les 50 / 900347 millièmes de la propriété du sol et des parties communes générales.

- Lot n° 281
Un box simple à usage de parking situé au 1er niveau de l'infrastructure
Et les 360 / 900347 millièmes de la propriété du sol et des parties communes générales.

En octobre 2020, Madame [Y] [XX] a engagé des travaux de rénovation de l'ensemble de son appartement, sous la direction de son architecte qui a transmis un dossier au syndic.

Le 3 mai 2021, elle a entrepris de faire changer à ses frais, et par son paysagiste, le revêtement de sol de la terrasse et d'y installer des pare-vues.

A la demande du syndic, Madame [Y] [XX] a fait cesser les opérations, pour solliciter l'autorisation de l'assemblée générale de la copropriété.

Le syndic a convoqué l'assemblée générale pour le jeudi 24 juin 2021, suivant le vote par correspondance en application de l'article 22-2 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020, précisant que :

- le formulaire de vote par correspondance devait être réceptionné par le syndic, trois jours francs avant la date de réunion,
- il pouvait être adressé soit par voie postale, soit par courriel à l'adresse suivante : [Courriel 6],
- afin que chacun puisse s'informer et échanger sur les décisions à prendre, une réunion d'information à distance, se tiendrait le jeudi 10 juin 2021 à partir de 18h par visioconférence avec mention des codes permettant de rejoindre la réunion.

Le 24 juin 2021, l'assemblée s'est tenue suivant le processus du vote par correspondance.

La résolution n°12 relative à l'autorisation demandée par Madame [XX] n'a pas été adoptée, faute d'obtenir la majorité requise (art 25 et 25-1 L. 10.07.1965).

Par lettre simple datée du 6 juillet 2021, postée le 08 juillet 2021, et reçue le 12 juillet 2021, le procès-verbal de ladite assemblée a été notifié à Madame [Y] [XX].

Par exploit d'huissier délivré le 6 septembre 2021, Madame [Y] [XX] a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche, syndic, devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir annuler la résolution n°12 de l'assemblée générale du 24 juin 2021 et d'obtenir la condamnation du syndic à lui verser 20.000 euros de dommages et intérêts.

Postérieurement à l'assignation, par acte notarié en date du 10 mars 2022, Madame [Y] [XX] a apporté à la SARL Octopus, les biens et droits immobiliers dont elle était propriétaire.

Par conclusions d'intervention volontaire en demande et de poursuite d'instance notifiées par voie électronique le 22 juin 2022, la société Octopus, en sa qualité de copropriétaire venant aux droits de Madame [Y] [XX], a fait valoir son intérêt à intervenir à l'instance et à la poursuivre aux fins de reprendre et développer, à son profit, les demandes et prétentions que Madame [Y] [XX] a portées devant le tribunal, par son exploit introductif d'instance du 06 septembre 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2023, Madame [Y] [XX] et la société Octopus demandent au tribunal de :

"Vu la loi 65-557 du 10 juillet 1965, notamment ses articles 6-3, 9, 10-1 et 26,
Vu le code civil, notamment ses articles 1240 et 1241,
Vu le code de procédure civile, notamment ses articles 699 et 700,

RECEVOIR Madame [Y] [XX] et la société Octopus en leurs demandes ;

Par conséquent,

ANNULER la résolution 12 votée par l'assemblée générale des copropriétaires du [Adresse 3], en date du 24 Juin 2021.

CONDAMNER la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche à payer 20 000 € de dommages et intérêts à la société Octopus.

En tout état de cause,

DISPENSER Madame [Y] [XX] de toute participation aux condamnations prononcées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

CONDAMNER solidairement le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à verser :

- à Madame [Y] [XX], la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- à la société Octopus, la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER solidairement le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Isabelle Reis Tourangin, avocat au Barreau de Paris, ainsi qu'il est dit à l'article 699 du Code de procédure civile".

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 décembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] demande au tribunal de :

"Vu les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et notamment son article 25,
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,
Vu les dispositions du règlement de copropriété,
et tous autres éléments de faits ou de droit à y suppléer ou ajouter

DEBOUTER Mme [XX] et la société Octopus de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER solidairement Mme [XX] et la société Octopus à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les CONDAMNER aux entiers dépens".

Par conclusions en défense n°2 notifiées par voie électronique le 14 avril 2023, la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche demande au tribunal de :

"Vu les éléments ci-dessus rappelés,
Vu l'articles 1240 du code civil et 700 du code de procédure civile

DEBOUTER Madame [XX] et la Société Octopus de l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche

CONDAMNER Madame [XX] à verser à la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens".

Pour l'exposé exhaustif de leurs moyens en fait et en droit, il est renvoyé aux dernières écritures des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 juin 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 8 février 2024.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 4 avril 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la recevabilité de la demande d'annulation de la résolution n° 12 de l'assemblée générale du 24 juin 2021

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] soutient que :

- en l'espèce, faute de majorité aucune décision n'a pu être prise, que ce soit en faveur ou contre les travaux souhaités par Mme [XX],

- il n'y a donc pas eu, selon lui, de refus exprimé par les copropriétaires lors de l'Assemblée Générale,

- Mme [XX] et la société Octopus ne peuvent poursuivre l'annulation d'une décision d'assemblée qui en réalité n'existe pas.

Madame [Y] [XX] et la société Octopus font valoir que :

- une résolution non adoptée est par définition rejetée, de sorte que la demande d'autorisation de travaux a bien été rejetée ce qui est une décision de refus,

- l'auteur de la demande était Madame [Y] [XX] et le procès-verbal mentionne son nom dans les votants POUR, ce qui place la copropriétaire dans les opposants à la résolution n° 12,

- la résolution n° 12 est une décision de refus attaquable par la copropriétaire du lot 357, de sorte que son action en annulation est recevable.

En droit, l'action en annulation est ouverte contre toute décision d'assemblée générale, qui est caractérisée dès lors qu'une question est soumise à l'ensemble des copropriétaires et est sanctionnée par un vote (Civ. 3ème, 13 novembre 2013, n° 12-12.084 ; 19 décembre 2007, n° 06-21.410).

En revanche, une résolution non sanctionnée par un vote, ne constitue pas une décision au sens de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, de sorte que les copropriétaires ne sont pas recevables à la contester (ex. Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4ème chambre A, 12 juin 2014, n° RG 13/14003, résolution relative au compte-rendu annuel de la mission du conseil syndical non soumise au vote).

En l'espèce, la résolution n°12, qui n'a pas été adoptée, a bien été sanctionnée par un vote et Madame [XX] qui a voté pour cette résolution a bien la qualité d'opposante dès lors qu'elle n'a pas été adoptée.

En conséquence, l'action en annulation de la résolution est bien recevable.

2. Sur la demande d'annulation de la résolution n° 12 de l'assemblée générale du 24 juin 2021

Madame [Y] [XX] et la société Octopus soutiennent que :

- le copropriétaire du lot 357, désormais la société Octopus, dispose de la jouissance exclusive de la terrasse, le revêtement de sol de la terrasse affectée à l'usage exclusif du lot n° 357 étant une partie privative,

- Madame [Y] [XX] pouvait donc engager les travaux de remplacement de ces dalles sans requérir préalablement une quelconque autorisation,

- le changement du revêtement de sol de cette terrasse (remplacement de dalles gravillonnées par des dalles en bois) ne modifie pas ni ne porte pas atteinte à l'aspect extérieur ou à l'harmonie de l'immeuble,

- la résolution n°12 est une décision de refus qui ne peut qu'être annulée en ce qu'elle porte atteinte au droit d'un copropriétaire de jouir de son lot ainsi qu'à l'égalité entre les copropriétaires,

- plusieurs copropriétaires ont déjà opéré le même changement de matériau, sur leurs balcons ou terrasses,

- le syndicat des copropriétaires ne rapporte pas la preuve qu'il se serait opposé à d'autres demandes d'autorisation de ce type ou qu'il aurait poursuivi les copropriétaires qui ont d'ores et déjà changé le revêtement de leurs balcons,

- en refusant d'accorder l'autorisation sollicitée par la copropriétaire du lot 357, l'assemblée générale a pris une décision arbitraire, relevant d'un abus de droit manifeste, et une mesure discriminante, en ce qu'elle entraîne une rupture d'égalité entre les copropriétaires dans la jouissance des parties à usage privatif de son lot (le revêtement de sol), en violation de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] fait valoir que :

- les travaux envisagés par Madame [XX] devaient doublement être soumis à l'autorisation de l'assemblée générale dès lors qu'ils touchaient à des parties communes et qu'ils étaient de nature à porter atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble,

- les terrasses constituent des parties communes sur lesquelles les copropriétaires ne disposent que d'un droit de jouissance exclusif, de sorte que les travaux consistant à retirer le revêtement de sol fixé à la terrasse portent atteinte à une partie commune,

- s'agissant du changement complet dudit revêtement, lesdits travaux sont de nature à affecter l'aspect extérieur de l'immeuble,

- tout changement dudit revêtement supposait une décision de l'assemblée générale, seule habilitée à autoriser des travaux sur les parties communes et/ou affectant l'aspect extérieur de l'immeuble,

- il ne saurait être contesté que les travaux projetés relèvent bien de l'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que sont adoptées à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant "l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble",

- Madame [XX] n'a fait l'objet d'aucun "traitement juridique discriminant et fautif" du fait de la soumission de sa demande à l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, contrairement à ce qu'elle prétend.

La société Foncia [Localité 7] Rive Gauche, syndic, fait valoir que :

- selon le règlement de copropriété, à l'exception du lot n° 1 pour lequel les fenêtres, balcons et terrasses constituent des parties privatives, les balcons, loggias et terrasses dont l'accès normal ne pourra se faire que par le lot privé, sera affecté à l'usage exclusif de ce lot, que les copropriétaires concernés ne pourront procéder à des aménagements et décorations qu'avec l'autorisation et sous le contrôle du syndic et qu'autant que les aménagements et décorations ne portent pas atteinte à l'aspect extérieur ou à l'harmonie de l'immeuble,

- la question n'est pas de savoir si les revêtements des terrasses constituent des parties communes ou privatives mais s'il est porté atteinte à l'aspect extérieur ou à l'harmonie de l'immeuble,

- les travaux projetés par Madame [XX] consistaient à changer les 130 m² de dalles gravillonnées par 130 m² de dalles de bois, or cette terrasse est située au 8ème étage d'un immeuble de 10 étages de telles sorte que l'aspect extérieur de l'immeuble en sera modifié a minima pour les occupants des 9ème et 10éme étages ainsi que pour les occupants des immeubles voisins,

- cette affectation de l'aspect extérieur de l'immeuble est clairement établie par les photographies versées aux débats et ce d'autant qu'il s'agit d'une superficie de 130 m² (pièce 7),

- en tout état de cause, le remplacement de l'intégralité des dalles d'une terrasse de 130 m² ne saurait être qualifié de simples aménagements et décorations tels que visés par le règlement de copropriété,

- est sans incidence, sur l'exigence d'une autorisation d'assemblée générale, le fait que certains copropriétaires aient procédé, sans autorisation, au recouvrement du sol de leur balcon ce qui ne doit d'ailleurs pas être confondu avec un remplacement de revêtement.

En droit, aux termes de l'article 9, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire use et jouit librement des parties privatives et des parties communes à la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble. Les parties privatives étant la propriété exclusive de chaque copropriétaire, ce dernier est libre d'aménager comme il l'entend les parties privatives de son lot (par exemple : pour l'aménagement d'une toiture-terrasse, partie privative, Cass. 3ème Civ., 16 mars 2005, n° 04-10.727).

Il y a lieu de se reporter au règlement de copropriété s'agissant du caractère privatif ou commun des terrasses et/ou balcon et sur l'étanchéité, et à défaut de dispositions dans le règlement de copropriété, de se référer aux principes posés par les articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965.

Certains règlements de copropriété attribuent à un ou plusieurs copropriétaires des droits privatifs sur des parties communes de l'immeuble. Ainsi, concernant en particulier, les terrasses et balcons : ces parties d'immeuble peuvent demeurer des parties communes, même si elles sont affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire.

Matériellement, une terrasse ne peut être classée dans sa totalité comme partie privative ; ses structures font corps avec le gros-œuvre du bâtiment - comme les murs qui délimitent un appartement - et la couche d'étanchéité sert à protéger les locaux de l'immeuble ; elles doivent pour ces motifs demeurer parties communes bien que grevées d'un droit d'usage privatif, de sorte que seul le revêtement superficiel peut véritablement constituer une partie privative (Cass. 3ème Civ., 18 déc. 1996, pourvoi n° 94-18.754, Bulletin 1996, III, n° 240 ; CA Paris, 20 juin 2001, n° 1998/05340, n° 1998/14249 ; CA Paris, 18 avr. 2001, n° 1999/03808 ; CA Aix-en-Provence, 9 déc. 2005, n° 02/04772).

Il s'ensuit que les dépenses relatives au gros-œuvre comme à l'étanchéité doivent rester à la charge du syndicat, le copropriétaire bénéficiaire de la terrasse conservant pour sa part les autres frais.

Toutefois, le règlement de copropriété peut stipuler que la partie gros-œuvre et l'étanchéité sont des parties privatives au même titre que le revêtement superficiel (Cass. 3ème Civ., 10 oct. 1990, pourvoi n°89-11.852).

Il sera également rappelé que les travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble nécessitent une autorisation exclusive de l'assemblée générale conformément à l'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965.

En l'espèce, le règlement de copropriété stipule en son chapitre 1, article 2 (page 22) "Usage des parties privatives" 3ème que : "A l'exception du lot n° 1 pour lequel les fenêtres, balcons et terrasses constituent des parties privatives, les balcons, loggias et terrasses dont l'accès normal ne pourra se faire que par le lot privé, seront affectées à l'usage exclusif de ce lot. Les copropriétaires concernés ne pourront procéder à des aménagements et décorations qu'avec l'autorisation et sous le contrôle du Syndic et qu'autant que les aménagements et décorations ne porteront en rien atteinte à l'aspect extérieur ou à l'harmonie de l'immeuble" (pièce n°2 de Mme [XX] et de la société Octopus).

Il résulte de ces dispositions que la terrasse du lot n°357 constitue une partie commune sur laquelle le copropriétaire ne dispose que d'un droit de jouissance exclusif.

L'article 5 du règlement de copropriété intitulé "composition des parties privatives" préciserait selon Mme [XX] et la société Octopus : "Les parties privatives comprendront : a) Les cloisons intérieures non porteuses, les revêtements de toute nature des sols, des murs et cloisons et des plafonds, le revêtement de sol des balcons, loggias ou terrasses affectés à l'usage exclusif d'un lot, mais non le dispositif d'étanchéité ni le gros-œuvre, sauf pour le lot n° 1 à l'égard duquel sera réputé également privatif le dispositif d'étanchéité et le gros œuvre" n'est pas versé aux débats.

Par lettre recommandée en date du 19 mai 2021, Madame [Y] [XX] a demandé au syndic d'inscrire à l'ordre du jour une résolution tendant à être autorisée à remplacer les dalles en béton gravillonné de la terrasse de son appartement, par des dalles en bois exotique bangkirai (pièce n°7 de Mme [XX] et de la société Octopus).

Lors de l'assemblée générale des copropriétaires du [Adresse 3], en date du 24 Juin 2021, la demande de Madame [XX] a été soumise aux copropriétaires sous la résolution n°12 qui n'a pas été adoptée.

Le procès-verbal de l'assemblée générale du 24 Juin 2021 précise en effet que :

"Autorisation à donner Mme [Y] [XX] (31 Censier) de remplacer à ses frais le revêtement superficiel du sol de sa terrasse située au 8ème étage (lot 357) en remplaçant les dalles existantes en béton gravillonné par des dalles en bois exotique posées sur les plots existants

Proiet de résolution : L'Assemblée Générale après avoir pris connaissance : du projet de Mme [Y] [XX] ( lot 357) 8ème étage de la notice technique sur la comparaison entre le matériau existant (dalles en béton gravillonnées) et le matériau souhaité en remplacement (dalles en bois exotique bangkirai), établie par l'entreprise Esprit Vert de Champagne sur Oise de la notice technique du matériau Bangkirai Décide d'autoriser Mme [Y] [XX] à remplacer, à ses frais, le revêtement superficiel du sol de sa terrasse située au 3ème étage (lot n° 357), en remplaçant les dalles existantes en béton gravillonné par des dalles en bois exotique posées sur les plots existants.

POUR : 246725 sur 900694 tantièmes. [V] [NH] (3402), [M] [BV](2936), [B] [VB] (360), [YJ] [VB] (2218), [Z](/ 1080), [I] [AV] (3170), [I] [XI] (24575), [L] [H] (6163), [P] [VN] (/0768), [W] [J] (3201), CH/[XO] [JI] (3138), [A] [O] (6990), [G] [VP] (3216), [K] [JP] (3246), [X] [ZH] (7/33), FINANCIERE [Localité 8] (4589), [PV] [U] (7504), [CI] [T](3/0), [CI] [PO] (310), [XX][CS] [Y] (/5/96), [GW] [PO] (8552), INVESTIPIERRE C/BNP PARIBAS(53238), [FO] / [NP] [VH]/ [FB] (10440),

[IV] [C](360) [HC] (3324) MAJA INVESTISSEMENT (/497), [GO] [UV] (4899), [RJ] [NW] (9085), [IN] [PO] (310), [VW] [D] OU [EB] (5338), [AC] [R] (/0564), [AC] [N] (670), [NB] [F] (310), [UM] [RD] (9099), VECA (9534).

CONTRE : 181288 sur 900694 tantièmes. [E]-[YS] (149246), [LI] [YD] (/0187), [TI] F (/ 544), [TI] G (J 1498) [DO] [T] (310,) [OK]-[KV] (8503)
ABSTENTIONS : 23902 tantièmes. [S] [OC] (10623), [JB] (4542), [GH] [AR] (8737).

44 copropriétaires totalisent 451915 tantièmes au moment du vote" (pièce n°6 du syndicat des copropriétaires)

Si comme le soutiennent Madame [XX] et la société Octopus, le règlement de copropriété en son article 5 "composition des parties privatives" stipule que ces parties privatives comprennent le revêtement de sol des terrasses affectés à l'usage exclusif d'un lot et non le dispositif, il semble que seul le revêtement superficiel puisse véritablement constituer une partie privative, puisque le même article exclut des parties privatives le dispositif d'étanchéité et le gros-œuvre.

Le gros-œuvre de la terrasse comprend la dalle de maçonnerie mais aussi l'étanchéité qui fait corps avec elle.

Au cas présent, les travaux envisagés par Madame [XX] et soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires consistent uniquement en le remplacement des dalles existantes en béton gravillonné posées sur plots par des dalles en bois exotique également posées sur les plots existants. La note aux copropriétaires du 19 mai 2021 précise "Il s'agit de changer de matériau existant, au profit d'un matériau quatre fois plus léger. Les nouvelles dalles en bois exotique seront posées sur les plots existants, elles ne seront pas ancrées dans le sol. De sorte que l'ensemble se présentera comme une terrasse sur plots, à l'identique de ce qui existe actuellement ; seul le matériau utilisé sera modifié" (pièces n°3, 4, 5, 7 et 8 de Mme [XX] et de la société Octopus)

Il en résulte que les travaux envisagés ne porteront pas sur la dalle de maçonnerie ni sur le dispositif d'étanchéité et ne concerneront que le revêtement superficiel de la terrasse.

Il ne peut dès lors être considéré que le changement de matériau des dalles qui correspond au revêtement superficiel du sol de la terrasse porte atteinte à une partie commune.

S'agissant toutefois de l'atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble, il est établi par les pièces versées aux débats, et notamment par la photographie versée en pièce n°7 par le syndic, que le remplacement de l'intégralité des dalles en béton gravilloné par des dalles en bois exotiques sur la terrasse concernée située au 8ème étage d'un immeuble de 10 étages et dont la superficie est de 130 m², ne sera pas invisible, compte tenu de la modification de la couleur, et de l'aspect du dallage,

pour les copropriétaires des 9ème et 10ème étage ayant une vue sur cette terrasse et pour les occupants des immeubles voisins, ayant une vue directe sur celle-ci.

En conséquence, le remplacement du dallage, qui porte atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble, justifiait une autorisation de l'assemblée générale à la majorité des voix de tous les copropriétaires conformément à l'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965.

Le refus de l'assemblée générale d'autoriser des travaux exécutés par un copropriétaire alors que cette autorisation préalable était requise, ne peut constituer un abus de majorité.

En conséquence, Madame [XX] et la société Octopus seront déboutées de leur demande de nullité de la résolution n°12.

3. Sur la responsabilité délictuelle de la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche, syndic

Madame [Y] [XX] et la société Octopus sollicitent la condamnation de la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche à verser 20.000 euros de dommages-intérêts à la société Octopus en faisant valoir que la responsabilité délictuelle du syndic doit être retenue pour avoir méconnu les termes du règlement de copropriété et pour avoir manqué à son devoir d'information et de conseil, au préjudice de la copropriétaire du lot 357,

Elles reprochent au syndic trois manquements successifs :

- avoir relayé sans discernement la demande de la présidente du conseil syndical de stopper les travaux de changement du revêtement de sol de la terrasse du lot 357,
- ne pas avoir autorisé lui-même, en tant que syndic, le changement du revêtement de sol,
- ne pas avoir délivré aux copropriétaires une information de nature à les éclairer sur la demande d'autorisation présentée par Madame [Y] [XX], et ne pas avoir indiqué que l'architecte de la copropriété avait été consulté sur cette demande d'autorisation,

La société Foncia [Localité 7] Rive Gauche, syndic, dénie tout manquement et fait valoir que Madame [Y] [XX] et la société Octopus ne rapportent la preuve d'aucun préjudice et d'aucun lien de causalité avec les manquements prétendument reprochés.

En droit, les copropriétaires qui supportent un préjudice spécifique sont fondés à mettre en cause la responsabilité du syndic sur le fondement non pas des dispositions relatives au mandat puisque le syndic n'est pas le mandataire de chaque copropriétaire, mais des dispositions de l'article 1240 du code civil, s'agissant alors d'une responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle.

Un copropriétaire est fondé à intenter une action en responsabilité civile délictuelle à l'encontre du syndic dès lors qu'il rapporte la preuve d'un préjudice personnel et direct trouvant sa cause dans une faute commise par le syndic.

En l'espèce, dès lors que le projet de résolution a été soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires conformément à la demande de Madame [XX] et qu'une autorisation des copropriétaires était nécessaire s'agissant de travaux portant atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble, aucune faute ne peut être reprochée au syndic par Madame [XX] et la société Octopus qui n'établissent en outre pas avoir subi un quelconque préjudice.

En conséquence, il convient de débouter la société Octopus et Madame [XX] de leur demande de condamnation de la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche à verser à la société Octopus la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts.

4. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du sens de la présente décision, Madame [Y] [XX] et la société Octopus seront condamnées in solidum au paiement des dépens.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Il y a lieu de condamner in solidum Madame [Y] [XX] et la société Octopus à payer la somme de 2.500 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et la somme de 2.000 euros à la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche au titre des frais irrépétibles.

Madame [Y] [XX] et la société Octopus seront déboutées de leurs propres demandes formulées à ce titre.

Il n'y a pas lieu de dispenser de faire application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

- Sur l'exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020,

les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

DECLARE Madame [Y] [XX] et la société Octopus recevables en leur demande d'annulation de la résolution n°12 de l'assemblée générale des copropriétaires du 24 juin 2021 mais les en DEBOUTE ;

DEBOUTE Madame [Y] [XX] et la société Octopus de leur demande de condamnation de la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche à payer 20.000 € de dommages et intérêts à la société Octopus ;

CONDAMNE in solidum Madame [Y] [XX] et la société Octopus aux dépens ;

CONDAMNE in solidum Madame [Y] [XX] et la société Octopus à payer la somme de 2.500 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et la somme de 2.000 euros à la société Foncia [Localité 7] Rive Gauche, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/12110
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;21.12110 ?
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