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04/04/2024 | FRANCE | N°20/08949

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 04 avril 2024, 20/08949


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions exécutoires
délivrées le :

à Maître MONGELOUS et
Maître MARTIN

Copies certifiées conformes
délivrées le :

à Maître BLANC, Maître
PETRELLI, Maître
BONNET et Maître
WEDRYCHOWSKY








8ème chambre
2ème section


N° RG 20/08949
N° Portalis 352J-W-B7E-CSZB4


N° MINUTE :


Assignation du :
06 Août 2020







JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024

DEMANDERESSE

Socié

té COIFFURE DE LA MADELEINE, exerçant sous l’enseigne [7]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Stéphane MONGELOUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0284








DÉFENDEURS

S.A. AXA FRANCE IARD, en sa qual...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions exécutoires
délivrées le :

à Maître MONGELOUS et
Maître MARTIN

Copies certifiées conformes
délivrées le :

à Maître BLANC, Maître
PETRELLI, Maître
BONNET et Maître
WEDRYCHOWSKY

8ème chambre
2ème section

N° RG 20/08949
N° Portalis 352J-W-B7E-CSZB4

N° MINUTE :

Assignation du :
06 Août 2020

JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024

DEMANDERESSE

Société COIFFURE DE LA MADELEINE, exerçant sous l’enseigne [7]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Stéphane MONGELOUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0284

DÉFENDEURS

S.A. AXA FRANCE IARD, en sa qualité d’assureur de Madame [S] [F] et de Monsieur [B] [C]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Hélène BLANC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0420

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] représenté par son syndic, la S.A.R.L. DUPOUY-FLAMENCOURT
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Maître Florence MARTIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1181

Madame [S] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître René-Louis PETRELLI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1160

Monsieur [B] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître René-Louis PETRELLI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1160

S.A. AXA FRANCE IARD, en sa qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Hugues WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P105

S.C.I. LE BARBIER
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Claire BONNET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0017

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président
Madame Anita ANTON, Vice-présidente
Madame Lucie AUVERGNON, Juge

assistés de Madame Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats, et de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,

Décision du 04 Avril 2024
8ème chambre
2ème section
N° RG 20/08949 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSZB4

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Au terme d'un bail commercial conclu avec la SCI Le Barbier, la SAS Coiffure de la Madeleine, a pris à bail à compter du 1er janvier 2001, un local commercial situé au 1er étage d'un immeuble soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, donnant sur l'[Adresse 1] et sur la rue Jean Mermoz d'une surface de 294 m², ainsi qu'une cave au deuxième sous-sol, où elle exploite le salon de coiffure "[7]".

Le syndic de l'immeuble est le cabinet Dupuy-Flamencourt et l'assureur de l'immeuble est Axa France IARD.

L'appartement situé au second étage, au-dessus du salon de coiffure [7] appartient à la SCI Le Lieutenant qui le loue à Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F], lesquels ont pour assureur la compagnie Axa. Les deux terrasses réunies de cet appartement sont situées directement au-dessus du salon, occupant la largeur de l'immeuble.

Les 16 août et 11 octobre 2016 ainsi que le 30 janvier 2017, la SAS Coiffure de la Madeleine a été victime de trois dégâts des eaux successifs avec infiltrations dans le salon.

Par exploit d'huissier délivré le 14 février 2017, la SAS Coiffure de la Madeleine a assigné son bailleur, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], l'assureur de l'immeuble, Monsieur [C] et Madame [F] ainsi que leur assureur par devant le Président du tribunal de grande instance de Paris statuant en matière de référé aux fins de voir désigner un expert judiciaire au visa de l'article 145 du code de procédure civile.

Par une ordonnance en date du 6 avril 2017, Monsieur [J] a été désigné en qualité d'expert judiciaire avec une mission habituelle.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 20 décembre 2019.

Par exploits d'huissier délivrés les 6 et 10 août 2020, la SAS Coiffure de la Madeleine a assigné la SCI Le Barbier, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], l'assureur de l'immeuble, Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] ainsi que leur assureur aux fins d'obtenir la suppression sous astreinte par Monsieur [C] et Madame [F] du système d'arrosage automatique installé sur la terrasse ainsi que de l'ensemble de la végétation qui y est actuellement présente, et la condamnation in solidum des défendeurs à réparer ses préjudices matériels, immatériels (perte de chiffre d'affaires) et d'image.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 6 avril 2022, la SAS Coiffure de la Madeleine demande au tribunal de :

"Concernant Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] :
À titre principal, vu la théorie des troubles anormaux du voisinage,
À titre subsidiaire, vu les dispositions des articles 1242 et suivants du code civil,
À titre infiniment subsidiaire, vu les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil,

Concernant le syndicat des copropriétaires :
Vu les dispositions de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 30 octobre 2019 applicable depuis le 1er juin 2020,

Concernant Axa France IARD :
Vu les dispositions de l'article L124-3 du code des assurances,
En toute hypothèse, vu le rapport d'expertise judiciaire,

CONDAMNER in solidum Monsieur [B] [C], Madame [S] [F]; Axa France IARD en sa qualité d'assureur de Monsieur [B] [C] et de Madame [S] [F], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] représenté par son syndic Dupuy-Flamencourt, Axa France Iard en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à payer à Coiffure de la Madeleine la somme de 6.909, 00 € TTC en réparation du préjudice matériel subi à raison des trois dégâts des eaux survenus dans le salon "[7]", respectivement les 16 aout 2016, 11 octobre 2016 et 30 janvier 2017.

CONDAMNER in solidum Monsieur [B] [C], Madame [S] [F]; Axa France IARD en sa qualité d'assureur de Monsieur [B] [C] et de Madame [S] [F], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] représenté par son syndic Dupuy-Flamencourt, Axa France Iard en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à payer à Coiffure de la Madeleine la somme de 13.016,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chiffre d'affaires subie par Coiffure de la Madeleine durant les quatre jours de fermeture du salon nécessaires pour la réalisation des travaux de réfection.

CONDAMNER in solidum Monsieur [B] [C], Madame [S] [F]; Axa France IARD en sa qualité d'assureur de Monsieur [B] [C] et de Madame [S] [F], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] représenté par son syndic Dupuy-Flamencourt, Axa France Iard en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à payer à Coiffure de la Madeleine la somme de 9.762, 00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chiffre d'affaires subie par Coiffure de la Madeleine durant les trois journées entières de sinistre des 16 aout 2016, 11 octobre 2016 et 30 janvier 2017.

CONDAMNER in solidum Monsieur [B] [C], Madame [S] [F]; Axa France IARD en sa qualité d'assureur de Monsieur [B] [C] et de Madame [S] [F], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] représenté par son syndic Dupuy-Flamencourt, Axa France Iard en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à payer à Coiffure de la Madeleine la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice d'image.

ORDONNER à Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] de démonter ou faire démonter l'installation d'arrosage automatique mise en œuvre dans leur appartement et / ou terrasse dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 300 € par jour de retard pendant trois mois.

AUTORISER Coiffure de la Madeleine à faire constater par huissier de justice, chez Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F], le démontage ou non de l'installation d'arrosage automatique dans le délai ci-avant repris de quinzaine à compter de la décision de la signification de la décision à intervenir.

Une fois l'installation constatée comme effectivement démontée, INTERDIRE à Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] de remettre en place toute nouvelle installation d'arrosage automatique dans leur appartement et / ou terrasse sous peine d'astreinte de 10.000 € par manquement constaté.

ORDONNER à Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] de retirer l'intégralité de la végétation et plantations actuellement présentes sur les terrasses des deux appartements donnés à bail par la SCI Le Lieutenant et ce dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant trois mois.

DIRE que le jugement à intervenir sera rendu commun et opposable à la SCI Le Barbier, bailleresse de Coiffure de la Madeleine.

CONDAMNER in solidum Monsieur [B] [C], Madame [S] [F]; Axa France IARD en sa qualité d'assureur de Monsieur [B] [C] et de Madame [S] [F], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] représenté par son syndic Dupuy-Flamencourt, Axa France Iard en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à payer à Coiffure de la Madeleine la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER in solidum Monsieur [B] [C], Madame [S] [F]; Axa France IARD en sa qualité d'assureur de Monsieur [B] [C] et de Madame [S] [F], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] représenté par son syndic Dupuy-Flamencourt, Axa France Iard en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] aux entiers frais et dépens de l'instance en ceux compris les frais d'expertise judiciaire et frais et dépens de la procédure de référé expertise.

ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir"

Par conclusions n°4 notifiées par voie électronique le 29 août 2022, Madame [S] [F] et Monsieur [B] [C] demandent au tribunal de :

"DEBOUTER la SAS Coiffure de la Madeleine, ainsi que toutes parties, de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de Madame [S] [F] et de Monsieur [B] [C].

CONDAMNER la Société Axa France IARD en exécution de sa garantie multirisque habitation, à rembourser et relever indemnes Madame [S] [F] et Monsieur [B] [C] de toutes condamnations de toutes natures prononcées à leur encontre.

CONDAMNER la SAS Coiffure de la Madeleine à payer à Madame [S] [F] et de Monsieur [B] [C] une indemnité de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER la SAS Coiffure de la Madeleine aux dépens incluant les frais taxés de l'expertise judiciaire"

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 avril 2022, Axa France Iard en sa qualité d'assureur de Monsieur [B] [C] et de Madame [S] [F] demande au tribunal de :

"DIRE ET JUGER la demanderesse mal fondée en ses demandes.

DIRE ET JUGER qu'il n'a pas été apporté la preuve d'une responsabilité de M. [C] et Madame [F]

Les METTRE HORS DE CAUSE et par voie de conséquence leur assureur Axa

A titre subsidiaire

Pour les réparations matérielles,

DIRE ET JUGER qu'il était possible de faire réaliser les travaux entre le 16 mars le 11 mai 2020, date pendant lesquelles le salon a été fermé par décision administrative.

Concernant l'indemnisation de 9762 et 13 016 € à titre de réparation de la perte de chiffre d'affaires durant les 3 journées entières les 16 aout 2016,11 octobre 2016 et30 janvier 2017 puis les 4 journées de remise en peinture des lieux sinistrés

DIRE ET JUGER que la fermeture du salon n'a jamais été justifiée.

Concernant l'allocation de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'image subi par le salon de coiffure de prestige,

DIRE ET JUGER que le préjudice n'est pas prouvé.

DEBOUTER en conséquence la demanderesse de l'ensemble de ses réclamations fins et conclusions.

La CONDAMNER au versement de 2000 € au bénéfice de la concluante au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CONDAMNER aux entiers dépens"

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2021, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] demande au tribunal de :

"Vu le rapport d'expertise déposé par Monsieur [J],

DEBOUTER la société Coiffure de la Madeleine de l'intégralité de ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] ;

A titre subsidiaire :

CONDAMNER in solidum Monsieur [C] et Madame [F] et leur assureur, la compagnie Axa France, à garantir le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] de l'intégralité des condamnations qui seraient prononcées en faveur de la société Coiffure de la Madeleine ;

Vu l'article L113-5 du code des assurances :

CONDAMNER la société Axa France IARD es-qualité d'assureur de l'immeuble à garantir le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

CONDAMNER in solidum Madame [F], Monsieur [C] et leur assureur, la compagnie Axa France, à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], la somme de 858 € au titre du remboursement des sondages réalisés ;

CONDAMNER tout succombant à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens"

Par conclusions en réponse n°2 notifiées par voie électronique le 6 avril 2022, Axa France Iard en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] demande au tribunal de :

"Vu le rapport d'expertise du 20 décembre 2019,
Vu la pièce produite aux débats par la société AXA France IARD,
Vu les causes ci-dessus énoncées,

A titre principal,

DEBOUTER la société Coiffure de la Madeleine de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Axa France IARD, es-qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] jusqu'au 24 janvier 2015.

DEBOUTER le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] de sa demande subsidiaire de condamnation en garantie formulée à l'encontre de la société AXA France IARD es-qualité d'assureur de l'immeuble situé [Adresse 1] jusqu'au 24 janvier 2015.

DEBOUTER toute partie formulant une quelconque autre demande à l'encontre de la société Axa France IARD es-qualité d'assureur de l'immeuble situé [Adresse 1] jusqu'au 24 janvier 2015.

A titre subsidiaire,

DEBOUTER la société Coiffure de la Madeleine de l'ensemble de ses demandes dirigées du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] et par voie de conséquence de son assureur

En tout état de cause,

CONDAMNER la société Coiffure de la Madeleine à payer à la société Axa France IARD es-qualité d'assureur de l'immeuble situé [Adresse 1] jusqu'au 24 janvier 2015 une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER la société Coiffure de la Madeleine aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Me [G] [M] de la SCP Wedrychowski & Associés".

La SCI Le Barbier n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mai 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 8 février 2024.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 4 avril 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la cause des désordres et les responsabilités

La société Coiffure de la Madeleine soutient que Monsieur [C] et Madame [F] sont responsables du premier sinistre d'infiltration du 16 août 2016 :

- à titre principal sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage,
- à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions de l'article 1242 du code civil en tant que gardien de l'installation d'arrosage automatique,
- à titre infiniment subsidiaire sur le fondement de la responsabilité délictuelle visée aux articles 1240 et suivants du code civil,
- à raison de la fuite constatée sur le robinet d'alimentation de l'arrosage situé dans un orifice dans le mur côté façade.

Elle soutient qu'ils sont également responsables du second sinistre du 11 octobre 2016 :

- à titre principal sur le fondement du trouble anormal de voisinage,
- à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité du fait des choses visé à l'article 1242 du code civil,
- à titre infiniment subsidiaire sur le fondement de la responsabilité délictuelle visée à l'article 1240 du code civil,
- l'origine du dommage trouvant sa source dans un dysfonctionnement de l'installation d'arrosage automatique selon Monsieur [C] et Madame [F], à défaut dans leur arrosage trop important au moyen de l'installation d'arrosage automatique et / ou dans une erreur d'utilisation qui a eu pour effet de mettre la terrasse trop en charge provoquant un débordement au niveau du point faible de l'étanchéité en sous-face balcon et / ou dans une erreur d'utilisation.

Elle soutient enfin que Monsieur [C] et Madame [F] sont responsables du troisième sinistre du 30 janvier 2017 :

- à titre principal sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage,
- à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité délictuelle,
- à raison de leur arrosage trop important au moyen de l'installation d'arrosage automatique qui a eu pour effet de mettre la terrasse trop en charge provoquant un débordement au niveau du point faible de l'étanchéité en sous-face balcon et / ou d'une erreur d'utilisation.

La société Coiffure de la Madeleine soutient que le syndicat des copropriétaires est également responsable sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 des dommages ayant leur origine dans les parties communes et fait valoir que les débordements résultant de l'installation d'arrosage automatique sont une cause d'infiltration par le point de faiblesse de l'étanchéité, partie commune non réglementaire des terrasses.

Monsieur [C] et Madame [F] font valoir qu'ils n'encourent qu'une responsabilité partielle. Ils soutiennent que :

- seul le premier sinistre du 16 août 2016 peut être attribué avec certitude au système d'arrosage automatique, les autres d'infiltrations trouvant leur évidente cause dans la défaillance du système d'étanchéité de l'immeuble dont le syndicat des copropriétaires est gardien et responsable en vertu de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965,

- depuis l'installation de l'ancien système d'arrosage automatique de Monsieur et Madame [C], ledit système n'a donné lieu qu'à un seul sinistre, à caractère aussi ponctuel qu'exceptionnel le 16 août 2016, alors que Monsieur et Madame [C], en vacances, ne se trouvaient pas dans leur appartement, tandis que cet incident probablement dû à la vétusté de l'installation aurait pu être jugulé si Monsieur et Madame [C] s'étaient alors trouvés dans leur logement, ce qui est le cas durant la quasi-totalité de l'année, à l'exception précisément du mois d'août,

- l'action exercée sur le trouble anormal du voisinage ne peut donc prospérer puisqu'une infiltration d'eau en 17 années de voisinage ne revêt pas un caractère d'anormalité, relevant au contraire d'un incident unique et malheureux dont la cause a depuis été supprimée,

- un tel fondement ne peut dès lors venir au soutien de la demande de suppression de l'arrosage automatique formulée par la société Coiffure de la Madeleine.

- les végétaux et leur arrosage sont régulièrement entretenus, et depuis mars 2017 équipés d'un système d'arrosage automatique Gardena offrant toutes garanties, ne provoquant depuis plus aucun trouble de voisinage, et encore moins un trouble anormal de voisinage.

- il résulte expressément des mentions du modificatif en date du 16 janvier 2019 au règlement de copropriété de l'immeuble que les végétaux sont expressément admis sur les balcons et terrasses de l'immeuble à condition de reposer sur des réceptacles étanches et de ne pas porter atteinte à l'harmonie de l'ensemble de la façade.

La Compagnie Axa, assureur de Monsieur [C] et Madame [F], fait sienne l'argumentation de ses assurés en ce qu'ils contestent leur responsabilité.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1]) dément toute responsabilité en faisant valoir que l'expert judiciaire n'a retenu aucun défaut d'étanchéité de la dalle du balcon et n'a retenu comme cause des sinistres et des différents dégâts des eaux,

que l'arrosage automatique qui constitue une installation privative, faite à la demande et sous la responsabilité des locataires occupant l'appartement situé au 2ème étage, Monsieur [C] et Madame [F].

La compagnie Axa France IARD, en sa qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1]), conteste également toute responsabilité du syndicat des copropriétaires en faisant valoir que les trois dégâts des eaux subis par la SAS Coiffure de la Madeleine ne trouvent pas leur origine dans les parties communes de l'immeuble, mais dans une fuite du robinet d'alimentation de l'arrosage automatique pour le premier et du fait de l'arrosage des plantes par le biais du système automatique ou en direct manuellement pour les deux autres.

Sur la cause des désordres

En l'espèce, l'expert judiciaire en page 18 de son rapport précise que :
"Il a été confirmé l'existence de trois dégâts des eaux qui ont été localisés dans la même zone dans le salon de coiffure, altérant le plafond et le coffrage : le 16 août 2016, le 11 octobre 2016 et le 30 janvier 2017.
Si la 1ère origine a été identifiée, à savoir une fuite sur le robinet d'alimentation de l'arrosage automatique située dans l'appartement de Monsieur [C] et Madame [F], les deux suivantes ne l'ont pas été. […]

L'expert judiciaire précise également s'agissant de l'origine des désordres en page 21 de son rapport que "Il a pu être déterminé que la terrasse était assez bien protégée par le balcon du 3ème étage et que les eaux pluviales ne l'humidifient que sur sa partie extérieure. De ce fait des défauts potentiels d'étanchéité ne sont pas à l'origine des désordres. Les trois derniers désordres sont donc apparus du fait de l'arrosage des plantes, par le biais du système automatique ou en direct manuellement".

Il ajoute en page 23 : "Le fonctionnement de l'arrosage est fait exclusivement manuellement par Monsieur [C] sans aucun moyen de vérification de la pression d'eau, pour un temps d'ouverture d'1 mm par jour. Il est certain que compte tenu du fait que les végétaux sont luxuriants et en nombre très important pour une terrasse en loggia, l'installation n'est pas minimaliste ; ce qui multiplie les risques de débordements des réceptacles. Il est de ce fait assez anormal que le fonctionnement ne soit pas sous la responsabilité d'une entreprise spécialisée. En tout état de cause, il n'a pas été fourni de factures pour les années avant le déroulement de l'expertise judiciaire. Il est donc anormal que Monsieur [C], indépendamment du "volume" de plantes très important, pour une terrasse dont la vocation n'est pas d'être transformée en jardin, et tenant compte de plus de la surcharge apportée, n'ait pas sécurisé l'installation d'origine ; ceci depuis le départ du branchement situé dans l'appartement" (pièce n°10 de la société Coiffure de la Madeleine).

Il résulte de ces éléments que :

- la cause exclusive des trois sinistres réside dans le système d'arrosage installé par Monsieur [C] et Madame [F] pour arroser les nombreux végétaux installés sur la terrasse de l'appartement qu'ils louent, que ce soit par le biais du système automatique ou par son utilisation en manuel par eux-mêmes,

- les potentiels défauts ou absence d'étanchéité sous les dalles de pierre, ne sont pas à l'origine des désordres.

Sur les responsabilités

Les demandes de la société de la Madeleine à l'encontre de Monsieur [C] et Madame [F] sont fondées à titre principal sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, subsidiairement sur le fondement de l'article 1242 du code civil en tant que gardiens du système d'arrosage, et à titre infiniment subsidiaire sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

En droit, la théorie des troubles de voisinage, dégagée par la jurisprudence sur le fondement de l'article 544 du code civil, pose le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage. Il est constant que la responsabilité pour trouble anormal du voisinage peut porter sur un autre que le propriétaire : (par exemple : 3ème Civ., 22 juin 2005 pourvoi n° 03-20.068 bull III n 136 ; 3ème Civ., 21 mai 2008 pourvoi n° 07-13.769).

Le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage s'applique à tous les occupants d'un immeuble en copropriété quel que soit le titre de leur occupation (2ème Civ., 17 mars 2005, n° 04-11.279, Bull n 73). Cet occupant peut ainsi être un copropriétaire mais aussi un locataire (3ème Civ., 2 octobre 1996, n° 94-14.321).

Cette responsabilité revêt un caractère purement objectif qui s'appuie sur la constatation du dépassement d'un seuil de nuisance, indépendant de toute notion de faute, et indépendamment des autres régimes de responsabilité. Ainsi la victime d'un trouble de voisinage trouvant son origine dans un immeuble donné en location peut en demander réparation au propriétaire : le voisin troublé dispose ainsi d'une double action, à l'encontre du voisin locataire et à l'encontre du propriétaire du logement occupé par celui-ci, destinée à renforcer la garantie due à la victime (3ème Civ., 17 avril 1996, pourvoi n 94-15.876, Bulletin 1996 III n 108 :

Par ailleurs, le trouble n'importe que s'il est anormal dans les relations de voisinage. Ainsi, il doit être recherché si les nuisances, même en l'absence de toute infraction aux règlements (3ème Civ., 4 janvier 1990, n°87-18.724, Bull n°4 ; 3ème Civ., 24 octobre 1990, n°88-19.383, Bull n°205 ; 3ème Civ., 12 octobre 2005, n°03-19.759, Bull n°195), n'excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage.

Le caractère anormal est, ainsi, une donnée de fait appréciée souverainement par les juges du fond (2ème Civ., 27 mai 1999, n°97-20.488, Bull n°100 ; 2ème Civ., 30 juin 2005, n° 04-13.070).

Il suffit donc, en principe, de constater un dommage traduisant un inconvénient excessif de voisinage pour que le demandeur obtienne réparation du préjudice ou du désagrément qui lui est causé.

Le caractère anormal d'un trouble de voisinage doit s'apprécier in concreto en tenant compte des circonstances de lieu (CA Aix-en-Provence, 4e ch. B, 15 oct. 1996; n° 15/04007CA Paris, pôle 4, ch. 2, 11 mai 2016, n° 95/04541 : pour un immeuble d'habitation collectif parisien) ou bien que lorsqu'il y a un trouble de voisinage, "l'anormalité des troubles de voisinage s'apprécie en fonction des circonstances de temps et de lieu, tout en tenant compte de la perception ou de la tolérance des personnes qui s'en plaignent" (CA Paris, 2e ch. B, 27 mars 1997 n° 95/0213315 ), mais aussi qu'elle ne doit pas être appréciée "en fonction de la seule réceptivité des victimes" (CA Paris, 19e ch. A, 22 avr. 1997 n° 94/12871).

Il incombe au demandeur de démontrer l'anormalité du trouble.

Si la preuve fait défaut, le trouble demeure incertain et le juge ne pourra faire droit à la demande (CA Versailles, 3e ch., 24 nov. 2011, n° 10/04015).

Par exemple, le bruit généré par une piste de karting doit être établi par des données concrètes et fiables (Cass. 3ème civ., 26 oct. 2010, n° 09-70.734) ou encore une attestation faisant état d'une gêne de jour et nuit imputable à un chenil n'est pas suffisante sans préciser la fréquence des aboiements (CA Poitiers, 3e ch. civ., 1er oct. 2014, n° 13/03443).

Il en va de même pour une infraction aux règles de distances pour une écurie, ce manquement ne constitue pas en lui-même la démonstration d'un trouble excessif (Cass. 3e civ., 14 janv. 2016, n° 14-25.351).

Il appartient au juge de se prononcer au regard des éléments qui lui sont fournis par les parties (CA Bordeaux, 29 mai 2013, n° 12/3207).

Selon l'article 1240 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". L'alinéa 1er de l'article 1242 du code civil, "On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde".

La société Coiffure de la Madeleine soutient qu'un trouble peut être unique et tout à fait anormal au regard du lieu, de l'époque et de la destination des locaux affectés et que tel est le cas en l'espèce puisque le trouble consiste en des infiltrations affectant un salon de coiffure de prestige, ces infiltrations ayant pour origine un arrosage non maîtrisé de l'importante végétation située sur le balcon de l'appartement des époux [C], en plein [Localité 8], ce qui ressort selon elle du rapport d'expertise judiciaire.

Toutefois, en l'espèce, si l'expert judiciaire a relevé un nombre très important de végétaux sur la terrasse, il n'a pas pour autant qualifié ce nombre d'anormal contrairement à ce qui est soutenu par la demanderesse, l'expert ayant réservé ce qualificatif au fait que le fonctionnement du système d'arrosage ne soit pas sous la responsabilité d'une entreprise spécialisée, ce qui est différent.

Au cas présent, la société Coiffure de la Madeleine ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait subi un trouble dépassant les inconvénients normaux de voisinage s'agissant de trois sinistres d'infiltrations d'eau liés au dysfonctionnement ou à la mauvaise utilisation d'un système d'arrosage utilisé pour l'arrosage des plantes situés sur une terrasse en loggia.

Les seules circonstances tenant au fait qu'il s'agit d'un appartement situé à [Localité 8] avec un volume important de végétaux luxuriants sur une terrasse en loggia ne peuvent suffire à caractériser l'anormalité du trouble.

Cependant, le dysfonctionnement du système d'arrosage ou sa mauvaise utilisation par Monsieur [C] et Madame [F] pour l'arrosage des plantes situés sur leur terrasse en loggia établi par les conclusions de l'expert judiciaire permet de retenir leur responsabilité s'agissant des sinistres des 16 août et 11 octobre 2016 sur le fondement de l'article 1242 du code civil, invoqué à titre subsidiaire par la société Coiffure de la Madeleine.

Le tribunal précise qu'il importe peu que les désordres aient pour cause l'utilisation du système d'arrosage en automatique ou en manuel par Monsieur [C] et Madame [F], la mise en mouvement par l'homme étant un élément indifférent (par exemple : 2ème Civ., 20 mai 1974, pourvoi n°72-13.1482ème Civ. 16 octobre 1963, pourvoi n°62-11.279).

En outre, la mauvaise utilisation par Monsieur [C] et Madame [F] du système d'arrosage pour l'arrosage des plantes situées sur leur terrasse en loggia, établie par le rapport d'expertise judiciaire, permet de retenir leur responsabilité s'agissant du sinistre du 30 janvier 2017 sur le fondement de l'article 1240 du code civil, comme invoqué à titre subsidiaire par la société Coiffure de la Madeleine.

Le tribunal considère en revanche qu'il n'y a pas lieu de retenir la responsabilité du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 puisque l'origine des désordres ne se trouve pas dans les parties communes de l'immeuble dès lors qu'il résulte des conclusions de l'expert judiciaire que les potentiels défauts d'étanchéité ne sont pas à l'origine des désordres.

En conséquence, la responsabilité de Monsieur [C] et Madame [F] sera seule retenue sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1er du code civil.

La société Coiffure de la Madeleine sera déboutée de ses demandes formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1]) ainsi que de son assureur Axa France IARD.

2. Sur les dommages-intérêts sollicités par la société Coiffure de la Madeleine

La société Coiffure de la Madeleine sollicite l'indemnisation :

- d'un préjudice matériel ;
- d'un préjudice immatériel, lui-même double ;
- d'un préjudice d'image.

Sur le préjudice matériel

La société Coiffure de la Madeleine fait valoir que, compte tenu du standing de luxe du salon, le préjudice s'entend de la reprise globale de peinture des plafonds et murs affectés par les désordres d'infiltration et correspond au montant du devis établi par la société Lindera du 18 septembre 2017 d'un montant de 5.757, 50 € HT soit 6.909, 00 € TTC, devis qui a été retenu par l'expert judiciaire.

En l'espèce, l'expert judiciaire a relevé : "Dans le salon de coiffure, au rez-de-chaussée, côté façade rue sur la droite, il a été constaté un décollement de peinture en plafond sur 1 m2 et des microfissures de placoplâtre au niveau d'un coffrage en soffite sans lequel sont placées des installations de climatisation.
Au droit d'une grille de soufflage sur ce soffite il a été mis en œuvre un habillage en papier blanc dissimulant les conséquences des dégâts des eaux.
Dans un placard technique en angle de l'immeuble il a été observé une dégradation du plafond et des murs suite à des passages d'eau. Il a été effectué des mesures avec un humiditest qui se sont toutes avérées négatives quelles que soient les zones ; les supports sont donc secs. Il a d'ailleurs été précisé par le locataire qu'il n'y avait pas eu de dégât des eaux depuis le 30 janvier 2017" (page 17 du rapport d'expertise, pièce n°10 de la société Coiffure de la Madeleine).

Il conclut que "les désordres ont affecté l'esthétique des locaux exploités par la société Coiffure de la Madeleine" (page 24 du rapport).

Il considère enfin que "le devis de peinture de l'entreprise Lindera du 18 septembre 2017 d'un montant de 6.909 euros TTC […] est précis (quantitatif et prix unitaire) et il peut être retenu" (page 25 du rapport).

Dans ces conditions, la réparation du préjudice matériel de la société Coiffure de la Madeleine sera évaluée à la somme de 5.757, 50 € HT soit 6.909, 00 € TTC.

En conséquence, Monsieur [C] et Madame [F] seront condamnés in solidum à verser la somme de 6.909 euros TTC à la société Coiffure de la Madeleine en réparation de son préjudice matériel.

Sur le préjudice immatériel

La société Coiffure de la Madeleine soutient avoir subi un préjudice immatériel double correspondant :

- d'une part à un trouble de jouissance à raison de l'exécution des travaux de réfection consécutifs aux dégâts des eaux sachant que le salon est ouvert toute l'année,
- et d'autre part, un trouble de jouissance à raison des sinistres dès lors que pendant les trois dégâts des eaux survenus en six mois de temps, les 16 aout 2016, 11 octobre 2016 et 30 janvier 2017, l'organisation de l'activité a été perturbée.

Elle sollicite la somme de 13.016,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chiffre d'affaires subie durant les quatre jours de fermeture du salon nécessaires pour la réalisation des travaux de réfection et celle de 9.762, 00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chiffre d'affaires subie durant les trois journées entières de sinistre des 16 aout 2016, 11 octobre 2016 et 30 janvier 2017.

En l'espèce, s'agissant des préjudices immatériels, l'expert judiciaire a relevé ce qui suit :

"Un tableau a été transmis relatif à la perte financière du salon de coiffure pour fermeture de celui-ci pendant les travaux réalisés par l'entreprise Lindera qui s'élève à 13.016 euros correspondant à 4 jours de chiffre d'affaires (pièce n°21 de Me [V]).
De plus il est indiqué également un trouble de jouissance dû à la désorganisation de l'activité du salon de coiffure du fait des différents sinistres d'un montant de 9.762 euros. […] Je laisserai au tribunal le soin de statuer sur les montants des préjudices immatériels. Celui qui concerne la perte de chiffre d'affaires a été chiffré, le préjudice de jouissance est justifié" (page 25 du rapport d'expertise, pièce n°10 de la société Coiffure de la Madeleine).

Il ressort du devis de la société Lindera en date du 18 septembre 2017 versé aux débats en pièces n°31 et 32 par la société Coiffure de la Madeleine que l'entreprise estime que 4 jours de travail sont nécessaires pour effectuer les travaux de réfection.

Le tribunal observe que le tableau versé aux débats par la société Coiffure de la Madeleine pour justifier de la perte de chiffre d'affaires concerne une période du 09/08/2016 au 12/08/2016 et n'est pas certifié par un expert-comptable.

Le tribunal relève que la société Coiffure de la Madeleine, qui ne conteste pas que ces travaux de reprise ont été effectués, ne verse aucune facture acquittée et ne précise pas plus à quelle date ces travaux ont été effectués de sorte qu'il n'est pas possible au tribunal de considérer qu'il a été procédé à la réfection pendant des jours d'ouverture du salon de coiffure et d'indemniser la société Coiffure de la Madeleine d'un préjudice correspondant à la perte de chiffre d'affaires subie du fait de la fermeture du salon de coiffure pendant 4 jours.

Par ailleurs, le tribunal relève, s'agissant du préjudice immatériel résultant des trois sinistres, qu'il est établi que :

- les désordres ont affecté les locaux de la société Coiffure de la Madeleine,

- les trois sinistres n'ont pu que désorganiser l'activité habituelle du salon de coiffure et les tâches confiées à ses salariés,
- la société Coiffure La Madeleine exploite un salon de coiffure qui peut être qualifié de luxe ou de prestige sous l'enseigne "[7]", situé [Adresse 1].

Toutefois, le tribunal relève également que le salon de coiffure n'a pas été contraint à une fermeture les 16 août 2016, 11 octobre 2016 et 30 janvier 2017, la société Coiffure de la Madeleine invoquant seulement la perturbation de son activité pendant ces trois jours.

Dans ces conditions, le préjudice subi par la société Coiffure de la Madeleine pendant les trois jours correspondants aux désordres est avéré et sera justement réparé, dans le cadre de l'appréciation souveraine par le tribunal des éléments qui lui sont soumis, par l'allocation d'une somme de 6.000 euros.

En conséquence, Monsieur [C] et Madame [F] seront condamnés in solidum à verser la somme de 6.000 euros à la société Coiffure de la Madeleine en réparation de son préjudice immatériel (perte de chiffre d'affaires).

Sur le préjudice d'image

La société Coiffure de la Madeleine soutient avoir subi un préjudice d'image à raison du caractère répété des dégâts des eaux dont l'origine restait indéterminée et de l'état esthétique selon elle déplorable du salon pendant une période d'un an et sollicite à ce titre la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts.

En l'espèce, l'expert judiciaire indique "le salon de coiffure [7], suite aux 3 dégâts des eaux, a subi une détérioration de son image et les travaux n'ont pu être entrepris avant un an, soit un montant de 20.000 euros.
Je laisserai au tribunal le soin de statuer sur les montants des préjudices immatériels" (page 25 du rapport d'expertise).

Le tribunal relève que la société Coiffure de la Madeleine ne verse aucune pièce, ni ne fait état d'aucun élément permettant d'établir qu'elle a concrètement subi un préjudice d'image auprès de sa clientèle, laquelle aurait été confrontée à un visuel désagréable du salon de coiffure.

Dans ces conditions, sa demande formulée au titre de la réparation d'un préjudice d'image, qui n'est établi ni en son principe ni en son montant, ne peut être accueillie.

En conséquence, il y a lieu de débouter la société Coiffure de la Madeleine de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 euros en réparation de son préjudice d'image.

3. Sur la demande de suppression de l'installation d'arrosage automatique et de retrait de l'intégralité de la végétation et plantations

La société Coiffure de la Madeleine sollicite du tribunal qu'il ordonne sous astreinte à Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] de retirer l'intégralité de l'installation d'arrosage automatique, de leur faire interdiction sous astreinte de réinstaller tout système d'arrosage automatique, qu'il l'autorise à faire intervenir un huissier de justice chez Monsieur [C] et Madame [F] afin de constater le démontage ou non de l'installation d'arrosage automatique, et de leur ordonner de retirer l'intégralité de la végétation se trouvant sur la terrasse.

A l'appui de ces demandes, elle fait valoir que l'expert judicaire a conclu en page 14 de son rapport : "je confirme que la seule façon d'éviter de nouveaux désordres pour le salon de coiffure et la façade de l'immeuble au droit du balcon est de supprimer l'arrosage automatique" (pièce n°10 de la société Coiffure de la Madeleine).

En l'espèce, si l'expert judiciaire a indiqué dans son avis final que seule la suppression de l'installation d'arrosage automatique pourra supprimer définitivement tout risque de débordement des eaux d'arrosage, dès lors qu'un dysfonctionnement du système ou une intervention humaine mal gérée pourront toujours être à l'origine d'un arrosage trop important engendrant des désordres, le tribunal relève toutefois que :

- aucun autre désordre depuis le 17 janvier 2017 jusqu'à ce jour, soit pendant une période de 7 ans, n'a été causé par cette installation de sorte que la suppression du système d'arrosage est sollicitée en raison d'un risque seulement hypothétique de survenance d'un nouveau sinistre d'infiltration,

- aucun fondement juridique n'est invoqué par la société Coiffure de la Madeleine au soutien de ses demandes,

- le règlement de copropriété incluant un état descriptif de division autorise expressément la présence de végétaux sur les balcons et terrasses de l'immeuble (pièce n°2 de Monsieur [C] et Madame [F]),

- enfin, l'expert judiciaire relève en page 24 de son rapport que les végétaux et système d'arrosage ne présentent pas de risques du point de vue de la solidité du bâtiment en ces termes : "Si les désordres ont affecté l'esthétique des locaux exploités par la société Coiffure de la Madeleine, il n'en a rien été pour ce qui est de leur solidité".

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il ne pourra être fait droit aux demandes de la société Coiffure de la Madeleine tendant à voir ordonné le retrait de l'intégralité de l'installation d'arrosage automatique, faire interdiction à Monsieur [C] et Madame [F] de réinstaller tout système d'arrosage automatique et leur ordonner de supprimer toute végétation sur leur terrasse.

En conséquence, la société Coiffure de la Madeleine sera déboutée de ses demandes tendant à voir ordonner à Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] de retirer l'intégralité de l'installation d'arrosage automatique sous astreinte, de leur faire interdiction de réinstaller tout système d'arrosage automatique sous peine d'astreinte, d'être autorisée à faire intervenir un huissier de justice chez Monsieur [C] et Madame [F] afin de constater le démontage ou non de l'installation d'arrosage automatique et de leur voir ordonner de retirer l'intégralité de la végétation se trouvant sur la terrasse.

4. Sur la demande du syndicat des copropriétaires de remboursement des sondages réalisés

Le syndicat des copropriétaires sollicite la somme de 858 € au titre du remboursement des sondages réalisés.

En l'espèce, les sondages ayant été réalisés au titre de l'examen de l'étanchéité de la terrasse, laquelle n'est pas en cause dans la survenance des sinistres et la responsabilité de Monsieur [C] et Madame [F] étant retenue, il convient de faire droit à cette demande et de les condamner à rembourser le syndicat des copropriétaires.

En conséquence, Monsieur [C] et Madame [F] seront condamnés in solidum à rembourser au syndicat des copropriétaires la somme de 858 euros correspondant aux sondages réalisés.

5. Sur la garantie d'Axa France IARD, en sa qualité d'assureur de Monsieur [C] et de Madame [F]

Monsieur [C] et Madame [F] sollicitent la condamnation de la société Axa France IARD à les relever intégralement indemnes de toutes condamnations prononcées à leur encontre, en exécution de ses garanties au titre du contrat multirisques habitation qu'ils ont souscrit pour leur logement, notamment afin de garantir les tiers.

En l'espèce, la société Axa France Iard ne conteste pas être l'assureur de Monsieur [C] et de Madame [F], ni devoir sa garantie au titre du contrat multirisques habitation invoqué par eux, de sorte qu'elle sera tenue de les relever indemnes des condamnations prononcées.

En conséquence, la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de Monsieur [C] et de Madame [F] devra les relever indemnes des condamnations prononcées.

6. Sur l'opposabilité du jugement à la SCI Le Barbier

Le tribunal relève que la demande tendant à voir déclarer opposable le présent jugement à la SCI Le Barbier alors que celle-ci est dans la cause est sans objet.

7. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du sens de la présente décision, Monsieur [C] et Madame [F] seront condamnés in solidum au paiement des dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire ainsi que les frais et dépens de la procédure de référé expertise.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Il y a lieu de condamner in solidum Monsieur [C] et Madame [F] à payer la somme de 3.000 euros à la société Coiffure de la Madeleine au titre des frais irrépétibles, et la somme de 2.000 euros au syndicat des copropriétaires à ce titre.

L'équité ne commande pas de prononcer une condamnation à ce titre au profit des compagnies d'assurance dans la cause.

Monsieur [C] et Madame [F] seront déboutés de leur propre demande formulée à ce titre.

- Sur l'exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] à verser à la société Coiffure de la Madeleine la somme de 6.909 euros TTC en réparation de son préjudice matériel ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] à verser à la société Coiffure de la Madeleine la somme de 6.000 euros en réparation de son préjudice immatériel ;

CONDAMNE la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur multirisques habitation de Monsieur [C] et de Madame [F], à relever Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] indemnes des condamnations prononcées, en principal, frais et accessoires, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles ;

DEBOUTE la société Coiffure de la Madeleine de l'intégralité de sa demande de dommages et intérêts formée en réparation de son préjudice d'image ainsi que du surplus de ses demandes indemnitaires ;

DEBOUTE la société Coiffure de la Madeleine de ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1]) ainsi que de son assureur Axa France IARD ;

DEBOUTE la société Coiffure de la Madeleine de ses demandes tendant à voir ordonner à Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] de retirer l'intégralité de l'installation d'arrosage automatique sous astreinte, de leur faire interdiction de réinstaller tout système d'arrosage automatique sous peine d'astreinte, d'être autorisée à faire intervenir un huissier de justice chez Monsieur [C] et Madame [F] afin de constater le démontage ou non de l'installation d'arrosage automatique et de leur voir ordonner de retirer l'intégralité de la végétation se trouvant sur la terrasse ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] à rembourser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1]) la somme de 858 euros correspondant aux sondages réalisés ;

DIT n'y avoir lieu de prononcer l'opposabilité du présent jugement à l'égard de la SCI Le Barbier qui est partie à l'instance ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] au paiement des dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire et frais et dépens de la procédure de référé expertise ;

ACCORDE le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] à payer la somme de 3.000 euros à la société Coiffure de la Madeleine et la somme de 2.000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1]) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu de prononcer de condamnation au titre des frais irrépétibles au profit des compagnies d'assurances dans la cause ;

DEBOUTE Monsieur [B] [C] et Madame [S] [F] de leur demande formulée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024.

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 20/08949
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;20.08949 ?
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