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29/03/2024 | FRANCE | N°19/13457

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 29 mars 2024, 19/13457


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 19/13457 - N° Portalis 352J-W-B7D-CREYO

N° PARQUET : 19/1047

N° MINUTE :


Assignation du :
19 Novembre 2019

A.F.P.


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 29 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [D] [I] en son nom propre et ès qualité de représentante légale de [X] [G] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Cecile MADELINE de la SCP EDE

N AVOCAT, avocats au barreau de ROUEN, avocats plaidant, Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0599


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 19/13457 - N° Portalis 352J-W-B7D-CREYO

N° PARQUET : 19/1047

N° MINUTE :

Assignation du :
19 Novembre 2019

A.F.P.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 29 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [D] [I] en son nom propre et ès qualité de représentante légale de [X] [G] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Cecile MADELINE de la SCP EDEN AVOCAT, avocats au barreau de ROUEN, avocats plaidant, Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0599

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 2]
Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure


Décision du 29/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 19/13457

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière, lors des débats et de Madame Manon Allain, Greffière, lors de la mise à disposition.

DEBATS

A l’audience du 09 Février 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 19 novembre 2019 par Mme [D] [I] en son nom propre et ès qualité de représentante légale de [X] [G] [I] au procureur de la République,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 5 mars 2021 ;

Vu le jugement de rabat de l'ordonnance de clôture rendu le 15 octobre 2021 pour la communication des pièces par la demanderesse ;

Vu les dernières conclusions de Mme [D] [I] en son nom propre et ès qualité de représentante légale de [X] [G] [I] notifiées par la voie électronique le 16 février 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public, notifiées par la voie électronique le 2 février 2022 ;

Vu la nouvelle ordonnance de clôture rendue le 8 décembre 2023 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 9 février 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Le ministère public sollicite du tribunal de « constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ». Il sera donc rappelé qu'une demande de « constat » ne constitue pas une prétention au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile. La demande de “constat” formulée par le ministère public ne donnera pas lieu à mention au dispositif.

Le tribunal rappelle par ailleurs qu'aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 3 janvier 2020. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action en contestation de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française

Le 9 juillet 2018, Mme [D] [I] a souscrit pour le compte de l'enfant [X] [G] [I], comme né le 11 décembre 2013, à [Localité 6] (Algérie), une déclaration de nationalité française, dossier DnhM 660/2017, sur le fondement de l'article 21-12 alinéa 3-1° du code civil, devant le tribunal d'instance de Sannois, dont récépissé a été remis le 12 mars 2019 (pièce n°25 de la demanderesse).

Un refus d'enregistrement leur a été notifié le 24 mai 2019, aux motifs que « l'acte de naissance présenté ne satisfaisait pas aux conditions de l'article 47 du code civil et de ce fait n'était pas probant » (pièce n°1 de la demanderesse).

Par acte d’huissier en date du 19 novembre 2019, Mme [D] [I] fait assigner monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris devant ce tribunal, aux fins notamment d'annuler la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française et de voir juger qu'[X] [G] [I] est de nationalité française.

Elle fait valoir qu'elle remplit l'ensemble des conditions posées par les dispositions de l'article 21-12 alinéa 3,1° du code civil.

Le ministère public demande au tribunal :
à titre principal de :
- rejeter les demandes de M. [X], [G] [I] comme non fondées ;
- dire que M. [X], [G] [I], né le 11 décembre 2013 à [Localité 6], (Algérie) n'est pas français ;
à titre subsidiaire :
- dire le procureur de la république recevable en sa demande reconventionnelle ;
- faire droit à la demande reconventionnelle du procureur de la république et annuler l’enregistrement de plein droit de la déclaration souscrite par [X], [G] [I].

Mme [D] [I] expose qu'elle a souscrit sa déclaration de nationalité française le 9 juillet 2018 ; qu'aucun récépissé ne lui a été remis préalablement à cette souscription alors qu'un tel récépissé aurait dû lui être remis selon l’article 29 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993, dans sa rédaction issue du décret n°2016-872 du 29 juin 2016 ; qu'un récépissé lui a été remis le 12 mars 2019 ; qu'en l'absence de décision d'enregistrement de la déclaration de nationalité française dans le délai de 6 mois à compter du 9 juillet 2019, l'enregistrement de la déclaration de nationalité française doit intervenir de plein droit.

Le ministère public expose que la souscription de la déclaration de nationalité française a eu lieu le 9 juillet 2018 ; que le récépissé n’est pas nécessairement remis le jour même de la souscription de la déclaration ; qu'en tout état de cause, l’unique objet du récépissé est de faire courir les délais d’enregistrement prévus à l’article 26-3 du code civil (délai de 6 mois pour les déclarations souscrites au titre de l’article 21-12), dont le non respect est sanctionné par l’article 26-4 alinéa 1er du code civil ; que la décision de refus d’enregistrement du 24 mai 2019 a respecté le délai de six mois fixé par la loi, de sorte qu’aucun enregistrement de plein droit ne peut dans ces conditions être ordonné ; qu'il sollicite à titre reconventionnel, l'annulation de l'enregistrement de la déclaration.

Sur le bien fondé de l'action

Aux termes de l'article 21-12 du code civil, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France. Aux termes de l'article 21-12 1° du code civil, peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance.

Il résulte de l'article 26-3 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 applicable, que le ministre ou le directeur des services de greffe refuse d'enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales ; sa décision motivée est notifiée au déclarant qui peut la contester devant le tribunal de grande instance durant un délai de six mois. L'action peut être exercée personnellement par le mineur dès l'âge de seize ans ; la décision de refus d'enregistrement doit intervenir six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration. L'article 26-4 du code civil poursuit qu'à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.

En l'espèce, la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française, notifiée le 24 mai 2019, mentionne que la souscription de la déclaration est intervenue le 9 juillet 2018 (pièce n°1 de la demanderesse). Un récépissé conformément à l'article 29 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 lui a été remis par le directeur des services de greffe du tribunal de Sannois le 12 mars 2019 (pièce n°18 de la demanderesse).

Entre le 9 juillet 2018 et la notification du refus du 24 mai 2019, il n'y a nulle trace d'une quelconque remise de pièces, d’une demande de pièces complémentaires formée par le directeur des services de greffe, le récépissé ayant été délivré à la requérante le 12 mars 2019, les dispositions légales précitées n'ayant pas été respectées.

Faute de délivrance d’un récépissé dans le délai légal et de toute autre mesure d’instruction démontrée, l’enregistrement est acquis de plein droit.

Partant, il y a lieu de juger que l’ensemble des pièces ayant été déposé le 9 juillet 2018, le refus d’enregistrement intervenu le 24 mai 2019 n’a pas été notifié dans le délai de 6 mois à compter du de la remise des pièces et que l’enregistrement de plein droit est donc acquis.

L’enregistrement de plein droit est donc réputé intervenu le 9 janvier 2019, soit à l’expiration du délai de 6 mois.

Le ministère public demande au tribunal à titre reconventionnel d'annuler l’enregistrement de plein droit de la déclaration souscrite par [X], [G] [I].

Il appartient donc au ministère public de rapporter la preuve, d'une part, que le demandeur ne bénéficie pas d’un état civil certain et fiable, et, d'autre part, de ce que les conditions de la déclaration de nationalité française ne sont pas remplies.

Il est en effet rappelé que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil, par la production de copies intégrales de s actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.

Il est également rappelé qu'aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Décision du 29/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 19/13457

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.

Sur l'état civil de l'enfant

Conformément aux dispositions de l’article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 tel que modifié modifié par le décret n°2005-25 du 14 janvier 2005, applicable à cette déclaration, la souscription de la déclaration prévue à l’article 21-12 du code civil doit être accompagnée de la production de l’extrait d’acte de naissance du mineur.

En l'espèce, pour justifier de l'état civil de l'enfant, la demanderesse verse aux débats la copie intégrale, délivrée le 24 octobre 2022, de l'acte de naissance de l'enfant [X] [G] [I] mentionnant qu'il est né le 11 décembre 2013 à 22 h 30 à [Localité 6], l'acte ayant été dressé le 13 décembre 2013, à 9H50, sous le numéro 9425, par l'officier d'état civil de la commune de [Localité 6], sur déclaration de [Y] [W] (pièce n°30 de la demanderesse).
Cet acte comporte la mention :
- d'une rectification par la décision de M. le procureur de la République de Skikda en date du 12 novembre 2014, sous le n° 3826 comme suit : le nouveau nom est [I] au lieu de [X] et
- d'une rectification par la décision de M. le procureur de la République de Skikda en date du 12 janvier 2015 sous le numéro 3826 comme suit : le nouveau nom est [I] au lieu de [I], le nouveau prénom est [X] [G] au lieu de [G].

Le ministère public conteste le caractère probant de l'acte de naissance de l'enfant au motif que son acte de naissance ne mentionne pas l’état civil complet du déclarant, [W] [Y], en ne mentionnant ni ses date et lieu de naissance, ni même son âge, ni son domicile, ni sa profession, et ce en violation des articles 30 et 63 de l'ordonnance algérienne n°70/20 du 19 février 1970 relative à l'état civil susvisée, que même si ces mentions ne seraient pas imposées par la loi algérienne, elles sont substantielles au sens du droit français.

Aux termes de l'article 30 de l’ordonnance n°70/20 du 19 février 1970 relative à l’état civil en Algérie, les actes d'état civil énoncent l'an, le mois, le jour et l'heure où ils sont reçus, les prénoms, nom et qualité de l'officier de l'état civil, les prénoms, noms, professions et domiciles de tous ceux qui y sont dénommés, les dates et lieux de naissance du père et de la mère dans les actes de naissance, des époux dans les actes de mariage, du décédé dans les actes de décès, sont indiqués lorsqu'ils sont connus.

S'agissant plus spécifiquement des actes de naissance, en application de l’article 63 de la même ordonnance, l'acte de naissance énonce le jour, l'heure et le lieu de naissance, le sexe de l'enfant et les prénoms qui lui sont donnés, les prénoms, noms, âge, profession et domicile des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant.

L'article 62 de la même ordonnance énonce limitativement les personnes habilitées à déclarer une naissance, à savoir : le père, ou, à défaut du père, par les docteurs en médecine ou en chirurgie, sages-femmes, officiers de santé ou autres personnes qui auront assisté à l'accouchement; et, lorsque la mère sera accouchée hors de son domicile, par la personne chez qui elle sera accouchée.

Le tribunal constate que dans l'acte de naissance de [X] [G] [I], le déclarant est désigné par son nom et prénom (pièce n°30 de la demanderesse). La demanderesse a produit en pièces n° 26 et 29 deux attestations délivrées le directeur de l'établissement pour enfants assistés de [Localité 6], qui indique que les enfants admis dans la structure sont déclarés à l’état civil par un représentant des services sanitaires de l’hôpital, cette mission étant effectuée pour l’année 2013 par M. [Y] [W].

Au vu de ces pièces, il convient de considérer que ces éléments sont suffisants pour déterminer l'identité et la qualité du déclarant de la naissance de l'enfant.

Par ailleurs, le ministère public indique les deux décisions produites en pièces n°23 et n°24 rendues par le tribunal de Skikda, d'octroi d'un nom de famille à l'enfant, apparaissent douteuses sur plusieurs points, notamment au vue des incohérences portant sur la date des décisions, sur le fait que les décisions mentionnent une requête du parquet général alors que l’on se trouve en première instance, devant le juge chargé de l’état civil du tribunal de Skikda, qu'elles ne sont absolument pas motivées et ne font notamment pas référence au jugement de kafala du 9 avril 2014 qui explique l’octroi du nom “[I]” à l’enfant ; que la transcription de cette décision sur l’acte de naissance de l’intéressé n’est enfin pas conforme à la décision rendue.

A ce titre, la demanderesse indique que les erreurs relevées par le ministère public restent purement matérielles et sans incidences conséquentes sur la situation juridique de l'enfant.
Elle produit les deux décisions n°14/03826 - 4279 et n°14/03826 – 150, rendues les 11 novembre 2014 par le tribunal de Skikda, en copies originales en langue arabe et leur traduction en français, délivrées le 12 novembre 2014 et 12 janvier 2015, par le juge chargé de l'état civil du tribunal, ordonnant l'attribution du nom de famille [I] et le prénom [X] [G] à l'enfant (pièce n°23 et n°24 de la demanderesse).

Le tribunal relève, comme l'indique la demanderesse à juste titre, que les incohérences relevées par le ministère public sont en réalité des erreurs purement matérielles, que les décisions indiquent que l'enfant a le nom [I] et le prénom [X] [G], ce qui correspond avec les mentions du nom et prénom indiqués dans son acte de naissance et que la transcription du nom et prénom est [I] [X] [G].

La demanderesse justifie ainsi d'un état civil fiable et certain en ce qui concerne l'enfant [X] [G] [I].

Sur le recueil de l'enfant

Sur le caractère judiciaire de la décision de recueil

La demanderesse verse aux débats l'acte de recueil légal (kafala), rendu par le président de la section aux affaires familiales du tribunal de Skikda, produit sous la forme d'une copie conforme à l'original, délivrée par le chef du service des actes divers du tribunal de Skikda, aux termes duquel Mme [D] [I] est désignée tutrice des affaires de l'enfant [X] [G], né le 11 décembre 2013 à [Localité 6] (pièce n°3 de la demanderesse).

En droit musulman applicable en Algérie, la kafala, qualifiée aussi de « recueil légal », se définit comme l'engagement de prendre bénévolement en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur, au même titre que le ferait un père pour son fils. Elle a pour but d'offrir un cadre familial à des enfants délaissés ou abandonnés, qu'ils aient ou non une filiation établie. Elle ne se confond pas avec une adoption – interdite en droit musulman – et ne confère aucun lien de filiation mais produit en France les effets d'une délégation de l'autorité parentale au kâfil recueillant l'enfant.

Ainsi, l'enfant [X] [G] a été recueilli par Mme [D] [I] sur décision de justice, ce que le ministère public ne conteste pas.

Sur l'effectivité du recueil

S'agissant de l'effectivité du recueil de l'enfant [X] [G] [I], non contestée par le ministère public, la demanderesse justifie sur la période de trois ans avant la souscription au 9 juillet 2018, date de la souscription de la déclaration de nationalité française, par la production de :
- une attestation d'abandon délivrée le 8 avril 2014 par le Ministère de la Solidarité Nationale de la Famille et des affaires de la Femme (pièce n°5 de la demanderesse) ;
- l'arrêté de placement du 8 avril 2014 (pièce n°6 de la demanderesse) ;
- du certificat de scolarité pour l'année 2016 (pièce n°9 de la demanderesse) ;
- le passeport algérien de l'enfant, délivré le 30 avril 2017 qui indique une adresse en France, au [Adresse 1] à [Localité 3], qui coïncide avec l'adresse de la demanderesse (pièce n°14) ;

Il est ainsi justifié du recueil effectif de l'enfant par Mme [D] [I].

Sur la nationalité française de la recueillante

Lorsque l'acte de recueil légal vise plusieurs personnes en qualité d'attributaires, la nationalité française d'un seul suffit à satisfaire la condition de l'article 21-12, 1° du code civil.

En l'espèce, la demanderesse produit une copie, délivrée le 19 juin 2019 par l'officier d'état civil de la commune de [Localité 4], de son acte de naissance, dont il ressort qu'elle est née le 2 septembre 1971, à 13h10 à [Localité 4] en France. En mention marginale est indiqué « certificat de nationalité française délivré par la directrice des services de greffe judiciaire du tribunal d'instance de Sannois, le 16 août 2018 » (pièce n°11 de la demanderesse).

Elle produit également une copie du certificat de nationalité française délivré par la directrice des services de greffe judiciaire du tribunal d'instance de Sannois, le 16 août 2018 et de sa carte nationale d'identité (pièces n°12 et n°13 de la demanderesse).

Il résulte de ces pièces que la demanderesse était française au moment du recueil de l'enfant.

Il est ainsi établi que Mme [D] [I] satisfait à la condition de nationalité du recueillant posée par l'article 21-12, 1°.

Ainsi, l'enfant [X] [G] [I] a été recueillie au titre d'une décision de justice, au sens de l’article 21-12, 1° du code civil, depuis plus de 3 années à la date du 9 juillet 2018, par Mme [D] [I], de nationalité française.

Les conditions de l’article 21-12, 1° du code civil sont donc réunies et l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 9 juillet 2018, au nom de l'enfant [X] [G] [I], doit être ordonné.

En application des articles 21-12 et 26-5 du code civil, il sera donc jugé que l'enfant [X] [G] [I] a acquis la nationalité française le 9 janvier 2019.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens et la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

L'instance ayant été nécessaire pour l'établissement des droits de Mme [D] [I], chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. En conséquence, elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement en premier ressort et contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Ordonne l’enregistrement de plein droit de la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 9 juillet 2018 par Mme [D] [I] au nom de l'enfant [X] [G] [I] devant le tribunal d'instance de Sannois (dossier DnhM 660/2017) ;

Juge que [X] [G] [I], né le 11 décembre 2013 à [Localité 6] (Algérie), a acquis la nationalité française le 9 janvier 2019 ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Déboute Mme [D] [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Fait et jugé à Paris le 29 Mars 2024

La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 19/13457
Date de la décision : 29/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-29;19.13457 ?
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