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28/03/2024 | FRANCE | N°21/14421

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 28 mars 2024, 21/14421


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
2ème section

N° RG 21/14421
N° Portalis 352J-W-B7F-CVQA4

N° MINUTE :


Assignation du :
12 novembre 2021




JUGEMENT
rendu le 28 Mars 2024
DEMANDERESSE

La SCI ISAMU, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Laurent SALEM, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1392


DÉFENDEUR

Sy

ndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic, le Cabinet JURIN IMMOBILIER, EURL
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Carole DAVIES NAVA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
2ème section

N° RG 21/14421
N° Portalis 352J-W-B7F-CVQA4

N° MINUTE :

Assignation du :
12 novembre 2021

JUGEMENT
rendu le 28 Mars 2024
DEMANDERESSE

La SCI ISAMU, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Laurent SALEM, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1392

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic, le Cabinet JURIN IMMOBILIER, EURL
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Carole DAVIES NAVARRO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1290

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-Président
Anita ANTON, Vice-Présidente
Lucie AUVERGNON, Vice-Présidente

assistés de Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats et de Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,
Décision du 28 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/14421 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVQA4

DÉBATS

A l’audience du 25 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI Isamu est propriétaire des lots n° 1 et 5 d’un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Le lot n° 1 est défini dans le règlement de copropriété comme comprenant un accès par la cour et la rue à un ensemble, au sous-sol une réserve, au rez-de-chaussée une boutique, une cuisine, un WC, dans bâtiment A.

Le lot n° 5 est défini comme étant un accès porte gauche, un appartement comprenant une chambre, un salon, au 1er étage, dans le bâtiment A.

Lors de l’assemblée générale du 2 juillet 2021, ont été notamment adoptées les 5 résolutions suivantes :

- RESOLUTION N°32 : Cession du lot n°22 à M. [I] [C] (Article 25)

L'assemblée générale ordinaire des copropriétaires du 2 juillet 2021 décide de céder pour une somme symbolique de 1€ le lot n°22 (sous-sol du Bâtiment A2) à M. [I] [C]. Ce lot a été assaini et occupé depuis longtemps par M. [C], mais n'a pas été encore enregistré ni dans sa propriété ni dans l'actuel règlement de copropriété. L'assemblée générale ordinaire est aussi informée que le règlement de copropriété sera modifié après enregistrement auprès d'un notaire actant que le lot n°22 devient propriété de [I] [C].

- RESOLUTION N°33 : Cession des lots n° 17 et 18 à Mme [B] [H] (Article 25)

L'assemblée générale ordinaire des copropriétaires du 2 juillet 2021 décide de céder pour une somme symbolique de 1€ les lots n°17 et 18, sites au sous-sol du Bâtiment A2, assainis par M. [O] et cédés à Mme [B] [H], mais pas encore enregistrés ni dans sa propriété ni dans l'actuel règlement de copropriété. L'assemblée générale ordinaire est aussi informée que le règlement de copropriété sera modifié après enregistrement auprès d'un notaire actant que les lots n°17 et 18 sont la propriété de Mme [B] [H].

RESOLUTION N°35 : Cession des lots n°43 et 44 à M. [A] [G] (Article 25)

L'assemblée générale ordinaire des copropriétaires du 2 juillet 2021 décide de céder pour une somme symbolique de 1€ les lots n°43 et 44 à M. [A] [G] (lots situés dans le sous-sol du Bâtiment C, assainis et occupés depuis longtemps par M. [G] mais pas encore enregistré ni dans sa propriété ni dans l'actuel règlement de copropriété. Le règlement de copropriété sera modifié après enregistrement auprès d'un notaire actant que les lots n°43 et 44 deviennent propriété de [A] [G].

RESOLUTION N°37 : Cession du lot n°47 à M. [V] [D] et Mme [Z] [Y] (Article 25)

L'assemblée générale ordinaire des copropriétaires du 2 juillet 2021 décide de céder pour une somme symbolique de 1€ le lot n°47 (sous-sol du Bâtiment C) à Monsieur [V] [D] et Madame [Z] [Y]. L'assemblée générale ordinaire est aussi informée que le règlement de copropriété sera modifié après enregistrement auprès d'un notaire actant que le lot n°47 devient propriété de M. [D].

RESOLUTION N°38 : Cession du lot n°47 à M. & Mme [D] (Article 25)

L'assemblée générale ordinaire des copropriétaires du 2 juillet 2021 décide de céder pour une somme symbolique de 1€ la partie d'escalier et le palier menant du troisième au quatrième étage du bâtiment B et situé derrière la porte palière de l'appartement mais enregistré dans le règlement de copropriété « comme partie commune spéciale au bâtiment B avec contribution du lot aux charges associées ». Il est aussi décrit dans l'acte de propriété et dans le règlement de copropriété comme « escalier d'accès à l'appartement situé au quatrième étage » et est répertorié par géomètre comme attaché au lot. L'assemblée générale ordinaire est informée que le règlement de copropriété sera modifié après enregistrement auprès d'un notaire actant le transfert de propriété et de destination en faveur de M. et Mme [D].

La SCI Isamu a voté contre toutes ces résolutions.

Le procès-verbal de l’assemblée générale du 2 juillet 2021 a été notifié le 13 septembre 2021 à la SCI Isamu.

Par exploit d’huissier délivré le 12 novembre 2021, la SCI Isamu a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir, sur le fondement de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, annuler les résolutions 32, 33, 35, 37 et 38 de l’assemblée générale du 2 juillet 2021, condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec dispense de participation à la dépense commune des frais de procédure.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022, la SCI Isamu demande au tribunal de :

« Vu l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965,

PRONONCER l’annulation des résolutions 32, 33, 35, 37 et 38 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 5], du 2 juillet 2021,

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à payer à la SCI ISAMU la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DISPENSER la SCI ISAMU de toute participation à la dépense commune des frais de procédure relatifs à la présente procédure, la charge de ces frais devant être répartie entre les autres copropriétaires,

DEBOUTER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] en toutes ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 5] en tous les dépens ».

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 31 mars 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] demande au tribunal de :

« JUGER la SCI ISAMU tant irrecevable que mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

L’en DEBOUTER.

JUGER que la requérante ne rapporte pas la preuve des moyens invoqués à l’appui de son assignation introductive d’instance.

JUGER que la preuve de l’abus de majorité n’est pas rapportée.

DEBOUTER, en conséquence, la SCI ISAMU de ses demandes d’annulation des résolutions 32, 33, 35,37 et 38 de l’Assemblée Générale de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 5], ainsi que de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
CONDAMNER la SCI ISAMU, au visa de l’article 1240 du code civil à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 5], la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

La CONDAMNER à verser au Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 5], une indemnité de procédure de 5.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

JUGER n’y avoir lieu de faire bénéficier la demanderesse de la dispense de participation à la dépense commune des frais de procédure.

CONDAMNER la SCI ISAMU aux entiers dépens, dont distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile, au profit de Me Carole DAVIES. ».

Pour l’exposé exhaustif de leurs moyens en fait et en droit, il est renvoyé à leurs écritures, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 25 janvier 2024.

À l’issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 28 mars 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de « dire / juger /constater » qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

1. Sur la demande d’annulation des résolutions 32, 33, 35, 37 et 38 de l’Assemblée Générale du 2 juillet 2021

La SCI Isamu soutient que :

- en réalité, un état hypothécaire levé au titre des lots concernés, laisse apparaître que le syndicat les a acquis le 4 avril 2014, des personnes qui avaient établi le règlement de copropriété, Monsieur [E] et Madame [R], moyennant le prix de 1.000 € soit 125 € par cave, le syndicat ayant, ensuite, cédé à un copropriétaire, Monsieur [M], deux de ces lots moyennant un prix de 500 €, soit 250 € par cave,

- les résolutions contestées ont pour effet de céder gratuitement puisqu’au prix de 1 euro symbolique, des caves appartenant au syndicat à certains copropriétaires, au motif que ces copropriétaires auraient auparavant occupé irrégulièrement, et sans aucune autorisation, ces caves,

- les résolutions sont discriminatoires, poursuivent un intérêt contraire à celui de la collectivité des copropriétaires, et sont constitutives d’un abus de majorité puisqu’adoptées sans motif sérieux, certains copropriétaires se voyant obtenir l’opportunité d’acquérir des caves sans les payer, au préjudice d’autres copropriétaires, comme la SCI Isamu, qui en tant que copropriétaire du lot n° 5, correspondant à un appartement, ne dispose pas d’une cave,

- ces résolutions qui prévoient la cession de toutes les caves dont le syndicat était propriétaire au sous-sol, causent, de plus, un préjudice particulier à la SCI ISAMU en sa qualité de propriétaire du lot n° 1, lequel comporte une réserve en sous-sol,

- en effet, le compteur général d’eau de l’immeuble est situé dans ce lot n° 1, et le règlement de copropriété prévoit, à sa page 34, qu’il devra être déplacé dans une partie commune générale, et par ailleurs que tant qu’il ne sera pas déplacé, une servitude d’accès sera créée sur le lot n° 1,

- le fait que le syndicat des copropriétaires soit propriétaire de différentes caves au sous-sol, aurait permis au syndicat de prévoir un déplacement, dans un de ces locaux lui appartenant, du compteur d’eau comme prévu par le règlement de copropriété.

- en vendant toutes ses caves, le syndicat des copropriétaires perd cette possibilité qui entraîne la pérennisation de la servitude prévue au règlement de copropriété.

- les résolutions relatives à la vente des lots correspondant aux caves, moyennant le prix de 1 € pour chaque cave, ont été votées exclusivement dans l’intérêt de certains copropriétaires et sont contraires à l’intérêt collectif des copropriétaires,

- à supposer même qu’une cave ait été nettoyée par un copropriétaire, ce qui a un coût très faible, cela ne saurait justifier une cession à un prix dérisoire d’une telle cave,

- rien ne peut justifier la cession au prix d’un euro de deux caves, qui ont nécessairement une valeur beaucoup plus importante, à certains copropriétaires au préjudice de l’ensemble de la copropriété.

S’agissant en particulier de la résolution 38, la SCI isamu fait également valoir que :

- la résolution 38 prévoit, par ailleurs, que le règlement de copropriété sera modifié mais sans préciser de quelle manière, si la partie commune cédée sera intégrée aux lots dont sont propriétaires Monsieur et Madame [D], ou si un nouveau lot sera créé,

- aucune précision n’est indiquée dans la convocation et il n’est même pas précisé dans la résolution que l’éventuelle modification du règlement de copropriété sera à la charge de l’acquéreur de la partie commune,

- il s’agit donc d’une résolution qui a été votée exclusivement dans l’intérêt de Monsieur et Madame [D], et qui est contraire à l’intérêt collectif des copropriétaires puisqu’elle augmente la valeur d’un lot sans effet sur la répartition des charges.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir en réponse que :

- les caves constituant les lots 17, 18, 22, 43, 44 et 47, étaient, avant le vote des résolutions contestées par la SCI Isamu, sa propriété, celle-ci s’étant portée acquéreur dans le cadre de la procédure de liquidation de l’ancien propriétaire de l’immeuble qui en avait conservé la propriété,

- ces caves, qui étaient insalubres, ont été occupées par des copropriétaires qui les ont nettoyées et assainies, pendant de très nombreuses années, de sorte que le conseil syndical de l’immeuble a estimé devoir procéder à la régularisation de cette situation, en proposant au vote de l’assemblée la cession des caves constituant les lots 17, 18, 22, 43, 44 et 47,

- la SCI Isamu faisait partie du conseil syndical et n’avait émis aucune objection aux décisions qui allaient être proposées à l’Assemblée générale prévue pour se tenir le 2 juillet 2021,

- les cessions ont été acceptées par les copropriétaires à une écrasante majorité de sorte qu’il est difficile de considérer que les résolutions critiquées ont été prises au détriment des intérêts de la collectivité des copropriétaires,

- l’assemblée générale est souveraine pour prendre toutes décisions à la majorité requise, ce qui a été le cas en l’espèce,

- les copropriétaires, dont les noms sont mentionnés dans les résolutions, ont nettoyé et assaini les caves, à leurs entiers frais, de telle sorte que le prix symbolique de cession ne constitue qu’une juste indemnisation des soins et peines ainsi consacrés à la remise en état des caves,

- ces mêmes copropriétaires auront à supporter le coût des frais et actes nécessaires pour officialiser juridiquement les cessions,

- les charges de copropriété afférentes aux caves, jusque-là supportées par la collectivité des copropriétaires, au prorata de leurs millièmes, seront désormais réglées par les seuls copropriétaires cessionnaires.

En droit, il appartient au copropriétaire qui demande la nullité d'une décision fondée sur l'abus de majorité de démontrer que celle-ci a été adoptée sans motif valable :

1 - dans un but autre que la préservation de l'intérêt collectif de l'ensemble des copropriétaires (Civ. 3ème, 8 février 1989, n° 87-14322 ; 17 décembre 2014, n° 13-25.134),

2 - ou encore qu'elle rompt l'égalité entre les copropriétaires (Civ. 3ème, 11 décembre 2006, n° 05-10.924), en favorisant les intérêts personnels de copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires (Civ. 3ème, 9 juin 2016, n° 15-17.529) par exemple en cas de cession à vil prix d’une partie commune ou d’un emplacement de stationnement, même effectuée en fonction de critères objectifs et prédéterminés, en l'occurrence la qualité de copropriétaire résidant à titre d'habitation ou à titre professionnel et le nombre des millièmes de copropriété sans contrepartie pour les copropriétaires lésés (Civ. 3ème, 11 décembre 2006, n° 05-10.924; 8 septembre 2016, n° 15-16.954 ; Cour d’appel de Paris, Pôle 4, Chambre 2, 13 juin 2012, n° RG 10/08400, s’agissant de la nullité de résolutions approuvant la vente à un prix très inférieur à la valeur vénale du bien de bâtiments des services généraux : 100.000 € pour 4.000 m² au lieu de 500.000 €),

3 - ou qu’elle a été prise avec l'intention de nuire ou de porter préjudice à certains (Civ. 3ème, 29 novembre 2011, n° 10-28.146 : décision de réintégration dans les parties communes d’une cave servant de chambre froide à un copropriétaire mettant à néant une décision d’autorisation précédemment votée, tandis qu’une autre résolution précédente avait décidé de soumettre au juge la question controversée des droits du copropriétaire sur le sous-sol ; 8 avril 2014, n° 13-11.983).

Par ailleurs, il est de principe que l'assemblée générale est souveraine et n'a pas à motiver ses décisions de refus (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Chambre 2, 4 octobre 2017, n° RG 15/13391) dans le procès-verbal, lequel n'est pas un compte-rendu des débats, dès lors que le syndicat est en mesure de justifier a posteriori de motifs sérieux et légitimes en contre preuve de l'abus allégué, en explicitant et en développant les motifs de refus de l'assemblée générale (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Chambre 2, 11 septembre 2013, n° RG 12/00157).

En l’espèce, aux termes des résolutions 32, 33, 35, 37 et 38 de l’assemblée générale du 2 juillet 2021, les cessions de cave, parties communes, ont toutes été réalisées au prix de 1 euro symbolique, c’est-à-dire en réalité sans contrepartie financière.

Si, comme le fait valoir le syndicat des copropriétaires, ces caves, parties communes, ont été nettoyées et assainies aux frais des copropriétaires qui les occupaient et auxquels elles ont été vendues, cet élément objectif ne saurait pouvoir être considéré comme une contrepartie financière réelle à la cession.

Nonobstant les critères objectifs et prédéterminés ayant déterminé l’attribution des caves à certains des copropriétaires, à savoir l’occupation et le nettoyage et l’assainissement à leurs frais, cette cession de parties communes sans contrepartie pour les copropriétaires lésés entraine une rupture d'égalité entre les copropriétaires et constitue un abus de majorité.

Il résulte de l’ensemble des éléments de fait et de droit exposés que la SCI Isamu est bien fondée en sa demande d’annulation des résolutions 32, 33, 35, 37 et 38 de l’assemblée générale du 2 juillet 2021.

En conséquence, il y a donc lieu d’annuler les résolutions 32, 33, 35, 37 et 38 de l’assemblée générale du 2 juillet 2021.

2. Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation de la SCI Isamu au versement d’une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et destinée à compenser le préjudice subi en raison du retard de prise en charge par les copropriétaires concernés des charges afférentes aux caves, objet des cessions.

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires, qui succombe, ne caractérise aucune faute de la part de la SCI Isamu dans l'exercice de son droit d’ester en justice.

Le syndicat des copropriétaires ne caractérisant pas de faute ni de préjudice particulier lié à l'exercice de ses droits par la SCI Isamu, il ne saurait être fait droit à sa demande formée à ce titre.

Il en sera débouté.

3. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du sens de la présente décision, le syndicat des copropriétaires sera condamné au paiement des dépens.

- Sur la demande de dispense de participation à la dépense commune

Compte tenu du sens de la présente décision, il sera également fait droit à la demande de la SCI Isamu de dispense de toute participation à la dépense commune des frais de la présente procédure, dans les conditions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Le syndicat des copropriétaires sera condamné à verser la somme de 1.500 € à la SCI Isamu et sera débouté de sa demande formulée à ce titre.

- Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

ANNULE les résolutions 32, 33, 35, 37 et 38 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] en date du 2 juillet 2021 ;

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] aux dépens ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] à verser la somme de 1.500 euros à la SCI Isamu au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DISPENSE la SCI Isamu de toute participation à la dépense commune des frais de la présente procédure, dans les conditions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 28 Mars 2024

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/14421
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;21.14421 ?
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