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28/03/2024 | FRANCE | N°21/13286

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 28 mars 2024, 21/13286


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
2ème section

N° RG 21/13286
N° Portalis 352J-W-B7F-CVMN3

N° MINUTE :


Assignation du :
20 Octobre 2021



JUGEMENT
rendu le 28 Mars 2024
DEMANDERESSE

Société KANISOCA S.C.I N1, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Alexandre SOUBRANE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1862


DÉFENDEUR



Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic, la société COTRAGI, SAS
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Reynald BRONZO...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
2ème section

N° RG 21/13286
N° Portalis 352J-W-B7F-CVMN3

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Octobre 2021

JUGEMENT
rendu le 28 Mars 2024
DEMANDERESSE

Société KANISOCA S.C.I N1, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Alexandre SOUBRANE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1862

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic, la société COTRAGI, SAS
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Reynald BRONZONI de l’AARPI ANTES AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #R0250

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-Président
Anita ANTON, Vice-Présidente
Lucie AUVERGNON, Vice-Présidente

assistés de Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats et de Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,
Décision du 28 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/13286 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVMN3

DÉBATS

A l’audience du 25 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

***

EXPOSÉ DU LITIGE

L’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 6] est soumis au régime de la copropriété des immeubles bâtis. Le syndic en est la société Cotragi.

La SCI Kanisoca est propriétaire au sein de cet immeuble d’un appartement de type T3 composant le lot n°6, auquel sont attachés 378/10033èmes de la propriété du sol et des parties communes générales.

Le 17 septembre 2021, les copropriétaires se sont réunis en assemblée générale extraordinaire pour voter des travaux de restauration des structures des balcons et de maçonnerie de façades.

Lesdits travaux, rendus nécessaires par l’effondrement d’une partie d’un balcon survenu deux ans plus tôt, ont été approuvés à une large majorité, avec 7 votes « pour » représentant 8.424 tantièmes.

Par exploit d’huissier de justice délivré le 20 octobre 2021, la SCI Kanisoca S.C.I. N1 a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 6], afin de solliciter à titre principal l’annulation de cette assemblée au motif qu’elle n’aurait pas reçu sa convocation par lettre recommandée avec avis de réception à l’adresse de réexpédition de son courrier.

Ultérieurement à l’assignation, par une assemblée générale extraordinaire du 25 mars 2022, le démarrage des travaux a été autorisé, nonobstant la procédure intentée par la SCI Kanisoca. La SCI Kanisoca n’a pas assisté à cette assemblée générale mais ne l’a pas contestée, de sorte que les décisions prises qui y ont été prises sont devenues définitives et que les travaux de restauration ont pu commencer comme prévu.

Une assemblée générale extraordinaire en date du 7 octobre 2022 visant à annuler l’assemblée querellée, et à représenter les mêmes travaux au vote des copropriétaires a été convoquée le vendredi 9 septembre 2022. Deux lettres recommandées avec avis de réception ont été adressées à la SCI Kanisoca : la première au siège de la société situé [Adresse 3] à [Localité 5], et la seconde à l’adresse de l’immeuble.

Les résolutions régularisant le vote des travaux et annulant l’assemblée contestée ont été adoptées à la majorité de l’article 24.

La SCI Kanisoca n’a pas contesté l’assemblée générale extraordinaire du 7 octobre 2022.

Par conclusions en réplique notifiées par voie électronique le 3 janvier 2023, la SCI Kanisoca S.C.I. N1 demande au tribunal de :

« Vu l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les articles 9, 64 et 64-1 du décret du 17 mars 1967

CONSTATER que la demande de la société KANISOCA S.C.I. N1 tendant à voir prononcer l’annulation de l’assemblée générale du 17 septembre 2021 est devenue sans objet par suite de la décision prise en cours d’instance par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] qui a annulé la seconde résolution de ladite assemblée ;

DISPENSER la société KANISOCA S.C.I. N1 de toute participation à la dépense commune des frais générés par les assemblées générales des 17 septembre 2021, 25 mars 2022 et 7 octobre 2022 ;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à verser à une somme de 2.000 euros à la société KANISOCA S.C.I. N1 par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Alexandre SOUBRANE, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

DEBOUTER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de toutes ses demandes ».

Par conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 23 janvier 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 6] demande au tribunal de :

« Vu les articles 9 et 64 du décret du 17 mars 1967,
Vu les pièces versées aux débats,

CONSTATER que la demande de la SCI KANISOCA tendant à l’annulation de l’assemblée générale extraordinaire du 17 septembre 2021 est devenue sans objet

DEBOUTER la SCI KANISOCA de ses autres demandes

CONDAMNER la SCI KANISOCA à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], pris en la personne de son syndic le cabinet COTRAGI, une somme de 3.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile

La CONDAMNER en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Reynald BRONZONI, avocat au barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ».

Pour l’exposé exhaustif de leurs moyens en fait et en droit, il est renvoyé à leurs écritures, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 25 janvier 2024.

À l’issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 28 mars 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la demande initiale d’annulation de l’assemblée générale extraordinaire du 17 septembre 2021

La SCI Kanisoca S.C.I. N1 soutenait que :

- le syndic a envoyé ses convocations le 27 août 2021 pour une assemblée générale qui devait se tenir 17 septembre 2021, soit précisément le 21ème jour suivant l’envoi des convocations,

- le syndic devait nécessairement prévoir que ses courriers de convocation seraient reçus, sinon présentés à leurs destinataires moins de 21 jours avant la tenue de l’assemblée,

- en outre, le courrier de convocation ne lui est jamais parvenu, ni même ne lui a été présenté,

- la société Cotragi ne peut rapporter la preuve d’une convocation effective de la SCI Kanisoca puisque le courrier recommandé destiné à cette dernière est resté dans un bureau de poste, même après la tenue de l’assemblée générale,

- le syndic ne saurait persister à soutenir que la SCI Kanisoca pouvait accéder à sa convocation et aux pièces jointes à celle-ci en se connectant à son extranet cotragi.fr,

- en effet, il convient de rappeler que cette mise à disposition des documents ne peut se substituer à la notification d’une convocation par courrier recommandé que sous réserve d’un accord exprès du copropriétaire,

- or, la SCI Kanisoca n’a jamais donné son accord pour une telle solution,

- bien avant l’envoi de la convocation litigieuse, elle a contacté le syndic à plusieurs reprises pour lui indiquer qu’elle ne parvenait pas à avoir accès à son espace personnel,
Décision du 28 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/13286 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVMN3

- les travaux votés ne revêtaient manifestement aucun caractère urgent puisqu’ils étaient destinés à remédier à un sinistre survenu depuis plus de 2 ans, et à l’occasion duquel une assemblée générale avait déjà été convoquée pour adopter des mesures conservatoires dans l’attente de travaux définitifs,

- si une « urgence », à la supposer établie, est susceptible de permettre la convocation dans un délai de moins de 21 jours, elle ne saurait à l’évidence justifier que l’assemblée générale puisse se tenir sans qu’un copropriétaire soit dûment convoqué,

- elle a, dès le 6 septembre 2021, indiqué au syndic qu’elle n’avait pas reçu sa convocation et qu’elle se réservait donc la faculté de solliciter l’annulation de l’assemblée générale,

- ce dernier n’a pas estimé utile de reporter cette assemblée.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir en réponse que :

- la demande d’annulation de la SCI Kanisoca était uniquement motivée par un vice de forme, à savoir la non-réception de sa convocation en raison d’un dysfonctionnement de la poste,

- la SCI n’avait finalement aucune réelle motivation à empêcher la réalisation de ces travaux qui étaient indispensables à la conservation de l’immeuble et à la sécurité des personnes et des biens (il s’agissait d’empêcher la chute de balcons sur la voie publique),

- la SCI Kanisoca n’a jamais formulé aucun grief contre la réalisation de ces travaux, son propre balcon devant être consolidé, de sorte qu’elle avait tout intérêt à ce que les travaux soient faits rapidement pour pouvoir de nouveau en jouir normalement,

- la gérante de la SCI avait été informée de l’assemblée générale du 17 septembre 2021 par un voisin plusieurs jours à l’avance, elle avait accès à la convocation et aux pièces jointes sur l’extranet du syndic et a, malgré tout, fait le choix de ne pas se présenter à l’assemblée générale pour faire valoir d’éventuelles objections,

- elle ne s’est pas non plus présentée à l’assemblée générale du 25 mars 2022 autorisant le démarrage des travaux, et n’a pas contesté cette assemblée, ce qui signifie qu’elle n’avait rien à opposer à la réalisation des desdits travaux,

- elle a malgré tout maintenu sa demande en annulation ce qui a contraint le syndicat à convoquer une deuxième assemblée générale régularisatrice pour re-présenter les travaux au vote.

En droit, selon l’article 9 du décret du 17 mars 1967 « La convocation contient l'indication des lieu, date et heure de la réunion, ainsi que l'ordre du jour qui précise chacune des questions soumises à la délibération de l'assemblée. A défaut de stipulation du règlement de copropriété ou de décision de l'assemblée générale, la personne qui convoque l'assemblée fixe le lieu et l'heure de la réunion. La convocation indique le lieu, le ou les jours et les heures de consultation des pièces justificatives des charges. […] Sauf urgence, cette convocation est notifiée au moins vingt et un jours avant la date de la réunion, à moins que le règlement de copropriété n'ait prévu un délai plus long […] ».
Toute irrégularité dans la convocation est de nature à entraîner la nullité de l’assemblée générale, même en l’absence de grief pour le copropriétaire et même s’il a assisté à l’assemblée générale et a participé au vote (3ème Civ., 19 décembre 2007, n° 06-21.410).

En l’espèce, il résulte des éléments versés aux débats, du bulletin de suivi de la Poste de la lettre recommandée de convocation adressée à la SCI Kanisoca le 27 août 2021 (pièce n°9 de la SCI Kanisoca) que celle-ci n’a pas été convoquée à l’assemblée générale du 17 septembre 2021.

A cet égard, il importe peu que la réalisation des travaux votés lors de cette assemblée générale ne lui ait causé aucun grief ou que la gérante de la SCI copropriétaire ait eu, ou non, accès à la convocation et aux pièces jointes sur l’extranet du syndic.

En conséquence, il résulte de l’ensemble des éléments de fait et de droit précédemment exposés que la SCI Kanisoca était recevable et bien fondée en sa demande d’annulation de l’assemblée générale extraordinaire du 17 septembre 2021.

2. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du sens de la présente décision, le syndicat des copropriétaires sera condamné au paiement des dépens avec autorisation donnée à Maître Alexandre Soubrane, avocat en ayant fait la demande, de les recouvrer conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

- Sur la demande de dispense de participation à la dépense commune

Compte tenu du sens de la présente décision, il sera également fait droit à la demande de la société KANISOCA S.C.I. N1 de dispense de toute participation à la dépense commune des frais de la présente procédure, dans les conditions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

L’équité ne commande pas, en l’espèce, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile. En conséquence, les parties seront déboutées de leurs demandes respectives formulées à ce titre.

- Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 6] aux dépens, avec autorisation donnée à Maître Alexandre Soubrane, avocat en ayant fait la demande, de les recouvrer conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 6] et la SCI Kanisoca S.C.I. N1 de leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DISPENSE la SCI Kanisoca S.C.I. N1 de toute participation à la dépense commune des frais de la présente procédure, dans les conditions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 28 Mars 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/13286
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;21.13286 ?
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