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28/03/2024 | FRANCE | N°21/05577

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 28 mars 2024, 21/05577


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
2ème section

N° RG 21/05577
N° Portalis 352J-W-B7F-CUIGV

N° MINUTE :





Assignation du :
13 Avril 2021






JUGEMENT
rendu le 28 Mars 2024
DEMANDEURS

Madame [S] [V]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Madame [E] [V]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Monsieur [L] [V]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Monsieur [Z] [V]
domicilié : chez Madame [G] [K]
[A

dresse 5]
[Localité 9]

Tous représentés par Maître Marine DEPOIX de la SELARL AKAOUI DEPOIX PICARD, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #C0673



Décision du 28 Mars 2024
8ème chambre 2ème s...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
2ème section

N° RG 21/05577
N° Portalis 352J-W-B7F-CUIGV

N° MINUTE :

Assignation du :
13 Avril 2021

JUGEMENT
rendu le 28 Mars 2024
DEMANDEURS

Madame [S] [V]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Madame [E] [V]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Monsieur [L] [V]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Monsieur [Z] [V]
domicilié : chez Madame [G] [K]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Tous représentés par Maître Marine DEPOIX de la SELARL AKAOUI DEPOIX PICARD, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #C0673

Décision du 28 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/05577 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUIGV

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], représenté par son Syndic, le Cabinet LIONCEAU IMMOBILIER, SARL
[Adresse 4]
[Localité 6]

représenté par Maître Jacques RAYNALDY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant/postulant, vestiaire #P0164

Société AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentée par Maître Hélène BLANC, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0420

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-Président
Anita ANTON, Vice-Présidente
Lucie AUVERGNON, Présidente

assistés de Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffière lors des débats et de Lucie RAGOT, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 25 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V] sont nus-propriétaires d’un appartement situé au 6ème étage de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6].

Madame [E] [V] et Monsieur [L] [V] en sont les usufruitiers.
L’immeuble du [Adresse 3] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis. Il a pour syndic le cabinet Lionceau Immobilier.

Le 11 octobre 2016, Madame et Monsieur [V] se sont plaints d’un dégât des eaux trouvant son origine dans un défaut d’étanchéité de la toiture terrasse.

Un constat amiable de dégât des eaux a été rédigé entre Monsieur [L] [V] et le Cabinet Lionceau Immobilier.

Le 4 mai 2017, l’assemblée générale a décidé à l’unanimité de faire procéder à la réfection des toitures-terrasses selon devis de l’entreprise Couvertex. Lesdits travaux se sont élevés à la somme totale de 84.000 euros.

Il a été précisé dans le procès-verbal d’assemblée générale qu’« au vu de l’urgence, les travaux seront réalisés dès que possible ». Ils n’ont pourtant débuté qu’au mois d’octobre 2017.

Après la réalisation des travaux, Monsieur et Madame [V] ont constaté la persistance des infiltrations d’eau.

Afin d’y remédier, une fissure sur le mur de la courette a été rebouchée le 17 novembre 2017 et le tuyau d’eau froide a été remplacé le 20 novembre suivant.

La Matmut, en sa qualité d’assureur de Monsieur [V], a diligenté une mesure d’expertise confiée au cabinet Guillon Expertises, qui a rendu un rapport d’expertise amiable et contradictoire le 4 décembre 2017

En l’absence de travaux de nature à remédier à ces désordres, les consorts [V] ont été contraints d’assigner en référé expertise le syndicat des copropriétaires ainsi que son assureur, la compagnie Axa.

Suivant ordonnance du 4 juillet 2018, Madame [O] [Y] a été désignée en qualité d’expert judiciaire et s’est vue confier une mission d’usage.

Le rapport d’expertise judiciaire a été déposé le 30 mars 2020.

Par exploit de commissaire de justice délivré le 13 avril 2021, à défaut de résolution amiable de ce litige, Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V], ont assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] et son assureur la compagnie Axa France IARD devant le tribunal judiciaire de Paris, afin notamment de les voir condamner in solidum à leur verser les sommes suivantes :
- 9.772,40 € au titre de leur préjudice matériel,
- 4 600 € au titre de leur préjudice de jouissance somme à parfaire à compter du mois de juillet 2020,
- 5 000 € au titre de leur préjudice moral
avec intérêts légaux à compter de la date de l’assignation

Par conclusions en réplique n°1 notifiées par voie électronique le 8 septembre 2022, Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V], demandent au tribunal de :

« Vu l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965

DECLARER Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V], Monsieur [Z] [V] recevables et bien fondés en leurs demandes,

CONDAMNER in solidum le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son Syndic Professionnel le Cabinet Lionceau Immobilier et la compagnie Axa France IARD à verser aux consorts [V] la somme de 9.772,40 € au titre de leur préjudice matériel,

CONDAMNER in solidum le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son Syndic Professionnel le Cabinet Lionceau Immobilier et la compagnie Axa France IARD à verser à Madame [E] [V] et Monsieur [L] [V] la somme totale de 4 600 € au titre de leur préjudice de jouissance somme à parfaire à compter du mois de juillet 2020,

CONDAMNER in solidum le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son Syndic Professionnel le Cabinet Lionceau Immobilier et la compagnie Axa France IARD à verser aux consorts [V] la somme de 5 000€ au titre de leur préjudice moral,

ORDONNER que les indemnités allouées porteront intérêts légaux à compter de la date de la présente assignation,

DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son Syndic Professionnel le Cabinet Lionceau Immobilier et la compagnie AXA France IARD de l’ensemble de leurs demandes,

CONDAMNER in solidum le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son Syndic Professionnel le Cabinet Lionceau Immobilier et la compagnie Axa France IARD à verser aux consorts [V] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER in solidum le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son Syndic Professionnel le Cabinet Lionceau Immobilier et la compagnie Axa France IARD à verser aux consorts [V] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise s’élevant à la somme de 3 816 €,

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ».

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 15 avril 2022, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

« Vu les dispositions de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu le rapport d’expertise du 30 mars 2020,

RECEVOIR le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] en ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

À titre principal

ENTERINER les conclusions de l’expert sur le préjudice matériel,

DIRE que celui-ci correspond à la somme de 7 734,10 €,

DEBOUTER les consorts [V] de toutes autres demandes, fins et conclusions.

À titre subsidiaire

DIRE que le préjudice de jouissance ne saurait excéder la somme de 1248 €,

DEBOUTER les consorts [V] de toutes autres demandes, fins et conclusions.

En toute hypothèse

CONDAMNER la société Axa à garantir le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] des condamnations prononcées à son encontre,

CONDAMNER les consorts [V] au paiement d’une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance ».

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2022, Axa France IARD demande au tribunal de :

« Vu le rapport d’expertise de Madame [Y].

ESTIMER satisfactoire la proposition faite notamment par lettre officielle de janvier 2021 par la concluante au demandeur à savoir
- 7 734,10 € pour les travaux de peinture et de carrelage
- 1248 € pour le préjudice de jouissance comme déterminé par l'expert.
DIRE ET JUGER cette proposition satisfactoire ».

Pour l’exposé exhaustif de leurs moyens en fait et en droit des parties, il est renvoyé à leurs écritures, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 25 janvier 2024.

À l’issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 28 mars 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

Décision du 28 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/05577 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUIGV

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur les demandes d’indemnisation formulées par les consorts [V]

Les consorts [V] soutiennent que :

- l’origine des désordres était liée au mauvais état de la couverture et à la présence d’une canalisation fuyarde dans la cloison de la salle de bains/ sanitaire du logement des consorts [V] l’expert judiciaire ayant retenu, sans équivoque, la responsabilité de syndicat des copropriétaires,

- cette responsabilité ne fait d’ailleurs l’objet d’aucune contestation et sera donc actée,

- seule reste en suspens, et justifie l’engagement de cette procédure, la question du quantum des préjudices des demandeurs qui contestent les sommes retenues par l’expert judiciaire,

- l’expert judiciaire a retenu le devis l’entreprise NMBAT n°04/01 du 4 janvier 2019 d’un montant de 8 849,05€ correspondant aux travaux de remise en état de leur appartement mais a considéré qu’il convenait de diminuer son montant concernant la peinture et le prix au m² de pose de carrelage (40 € au lieu de 70 €) et donc de le diminuer de 1 000 € soit une somme totale retenue de 7 734,10 € TTC,

- ils versent aux débats un devis actualisé et plus récent de la même société, même si celle-ci a changé de dénomination, d’un montant de 9.772,40 €,

- les prestations devisées sont exactement les mêmes, les quantités sont identiques, seuls les prix unitaires ont été modifiés pour prendre en considération les impératifs économiques, notamment l’augmentation des prix des matériaux et des matières premières,

- le devis initial n’était valable que deux mois, le nouveau devis présenté, qui devient lui aussi ancien, date du 28 septembre 2020 et sera à actualiser aussi, surtout eu égard au contexte économique actuel,

- les prix ont augmenté substantiellement en raison des longs délais inhérents à cette procédure (référé et fond).

Le syndicat des copropriétaires fait valoir en réponse que :

- il n’existe pas de discussion relative à l’imputabilité des désordres, ces derniers ont à l’évidence connu une double cause : dégradation de l’étanchéité de la toiture terrasse située à l’aplomb de l’appartement des demandeurs et présence d’un tuyau fuyard remplacé en novembre 2017 et la responsabilité en incombe à la copropriété, le syndicat des copropriétaires ayant été au demeurant diligent dans cette affaire,

- les consorts [V] sollicitent une série de préjudices qui n’ont pas été retenus par l’expert judiciaire et qui apparaissent totalement excessifs,

- s’agissant du préjudice matériel, les demandeurs sollicitent une somme de 9.772,40 € aux termes d’un nouveau devis qui n’a jamais été soumis à l’expert, le devis initial de la société NMBAT ayant été considéré par l’expert comme correspondant aux travaux à réaliser, sauf une erreur de calcul sur le poste peinture, à la différence d’un autre devis jugé excessif, le nouveau devis n’étant pas un devis actualisé mais un nouveau devis qui apparait également excessif.

Il fait également valoir qu’il n’est pas justifié d’un quelconque préjudice moral et que l’argumentation des consorts [V] pour obtenir une indemnisation à ce titre est injustifiée, en ce qu’elle repose sur deux points factuellement inexacts à savoir la date de cessation des infiltrations et la prétendue inertie du syndicat des copropriétaires.

- depuis le 20 novembre 2017, les infiltrations ont cessé ainsi que l’a justement relevé l’expert rejetant la demande d’un préjudice de jouissance postérieur à cette date, ce point apparaissant incontestable sauf à remettre en cause l’origine des désordres ce que ne font pas les consorts [V],

- il n’y a donc pas eu quatre années de nuisances comme ils le prétendent et il n’existe pas la moindre inertie du syndicat des copropriétaires qui a essayé diverses solutions pour mettre fin au sinistre dans des délais qui apparaissent tout à fait normaux.

Enfin, s’agissant du préjudice de jouissance, le syndicat des copropriétaires fait valoir que l’expert a retenu à juste titre qu’il n’existait pas de préjudice de jouissance et que :

- si un tel préjudice devait malgré tout être retenu, alors la période concernée ne saurait être postérieure au 20 novembre 2017 et le calcul opéré prête à discussion puisque : soit les consorts [V] ont pu continuer à jouir de la salle d’eau et du WC, et il n’existe qu’un préjudice d’ordre esthétique, en haut de la cloison carrelée… soit il y a un préjudice de jouissance et le calcul ne peut être opérée par une stricte application mathématique du ratio surface de la pièce endommagée/montant du loyer, et faire comme si, ce faisant, cette pièce devait être déduite de l’assiette du montant du loyer réglé,

- il ne saurait donc sérieusement être prétendu que le désordre esthétique est tel qu’il justifie l’indemnisation de 8 % de la surface de l’appartement depuis 2016.

Le syndicat des copropriétaires ajoute que la proposition transactionnelle d’AXA France apparait satisfaisante pour les demandeurs et excède même les conclusions de l’expert en ce que ce dernier n’avait pas retenu de préjudice de jouissance et que dès lors, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande formulée au titre des frais de procédure.

La société Axa France IARD fait valoir en réponse que :

- tout en retenant la responsabilité du syndicat, l’expert judiciaire a considérablement réduit les prétentions des demandeurs,

- par lettre officielle du 28 janvier 2021, la compagnie AXA, assureur du syndicat, a fait une proposition d’indemnisation incluant les honoraires de l’expert et les dépens et correspondant à la reprise des chiffres retenus par l’expert judiciaire :
- 7 734,10 € pour les travaux de peinture et de carrelage,
- 1 248 € pour le préjudice de jouissance comme déterminé par l'expert.
- l’expert a réduit à 7734,10 € les sommes nécessaires pour la peinture et le carrelage et a retenu le devis de 8849 € présenté par les consorts [V] mais a estimé que les prix pratiqués sur certains postes par l’entreprise ne correspondaient pas aux prix usuels en la matière et a réduit le prix au mètre carré de pose du carrelage de 70 € à 40 €, diminuant donc de 1000 € les sommes réclamées.

- le tribunal, qui n’a aucune compétence technique en matière de bâtiment, fait confiance à un expert pour l’éclairer sur le montant réel du coût d’un sinistre en fonction de son expérience professionnelle.

- l’expert a fait valoir à juste titre qu’il n’y avait pas absence de jouissance de la salle de bains mais un simple dommage esthétique qui pouvait perturber les propriétaires pendant le temps très court où ils utilisent leurs salles de bains chaque jour et a refusé de suivre cette méthode de calcul,

- les photos prises par l’expert montrent des tâches en plafond à un endroit limité ainsi que sur 10 cm en cloison dans une salle de bains au demeurant ancienne avec un carrelage démodé et un enchevêtrement de canalisations courant en apparent,

- il ne saurait sérieusement être prétendu que le désordre esthétique est tel qu’il justifie l’indemnisation de 8 % de la surface de l’appartement depuis 2016,

- le tribunal ne saurait s’arrêter aux arguments des indivisaires qui prétendent que ces quelques tâches en plafond empêchent les occupants de recevoir leur famille « parce qu’ils craignent pour leur sécurité et qu’ils éprouvent une forme de honte à leur égard à l’idée de la recevoir de telles conditions »

En droit, selon l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au litige issue de l’ordonnance du 30 octobre 2019, le syndicat est responsable de plein droit des dommages causés aux copropriétaires ayant leur origine dans les parties communes. Ainsi, dès lors que « le siège du dommage se situe dans les parties communes », la responsabilité du syndicat est engagée.

Le syndicat ne peut s'en départir en prouvant qu'il n'a commis aucune faute mais doit démontrer, pour seules causes exonératoires possibles, l'existence d'un cas de force majeure, une faute de la victime ou le fait d'un tiers (ex. Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 29 octobre 2019, n° RG 18/00685 ; Cour d'appel de Pau, 2ème chambre, section 1, 28 janvier 2020, n° RG 18/01411 ; Civ. 3ème, 15 juin 2023, n° 22-16.155).

Conformément aux principes généraux, le syndicat est tenu de réparer la totalité des dommages causés par les parties communes de l'immeuble (Cass. 3e civ., 22 sept. 2009, n°08-18.156).

Outre qu'il doit supporter les frais de remise en état tant des parties communes à l'origine des dommages que des parties privatives ayant subi des dégradations, le syndicat doit prendre en charge la réparation des préjudices supplémentaires générés par les incidents mettant en cause sa responsabilité : privation de jouissance des locaux (pertes de loyers : Cour d’appel de Paris, 1re ch., 30 nov. 1994 : n° RG 94-6784 ; perte de chance : Cass. 3e civ., 22 sept. 2009 : n° 08-18.156).

Le préjudice doit être suffisamment caractérisé (Cass. 3e civ., 30 nov. 1994 n° 92-16.674).

L’imputabilité des désordres au syndicat des copropriétaires n’étant pas contestée par les parties, il convient d’examiner successivement les préjudices dont les consorts [V] demandent réparation.

- Sur le préjudice matériel :

Les demandeurs sollicitent une somme de 9.772,40 € en réparation de leur préjudice matériel.

En l’espèce, les consorts [V] versent aux débats un devis du 28 septembre 2020 de la société CL Renov pour un montant de 9 772,40 € TTC (pièce n° 12 des consorts [V])

Ce devis n’a pas été soumis à l’expert judiciaire.

L’expert judiciaire précise en page 12 de son rapport : « le devis n°04/01 du 4 janvier 2019 établi par la société NMBAT peut être retenu, pour la somme de 8 834,10 € TTC (8 031 € hors taxes).
Il ne m’a pas été transmis un devis d’une autre entreprise permettant de s’assurer qu’une entreprise serait en mesure de réaliser les travaux nécessaires pour un coût inférieur. Toutefois la surface de 58 m2 à peindre semble surévaluée, ainsi que la pose du carrelage à 70 € du m2 (prix moyen 40€ soit 690 € en moins).
En conséquence, je propose de diminuer de la somme de 1 000 € le devis hors taxes et de retenir la somme de 7 734,10 € TTC (7 031 € hors taxes) ».

Les consorts [V] indiquent que le devis du 28 septembre 2020 a été réalisé par la même entreprise, laquelle a changé de dénomination sociale, que celui soumis à l’expert judiciaire.

Toutefois, le tribunal relève que le seul devis communiqué à l’expert judiciaire lui avait semblé avoir été réalisé en fonction d’une surface à peindre surévaluée et que l’affirmation selon laquelle les prix ont été modifiés pour prendre en considération la seule augmentation des prix des matériaux n’est étayée par aucun élément concret, en l’absence notamment de tout autre devis soumis aux débats.

Dans ces conditions, il n’y a lieu d’entériner les conclusions de l’expert judiciaire.

En conséquence, dans le cadre du pouvoir souverain des éléments qui lui sont soumis, le tribunal estime que le préjudice matériel de Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V], sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 7 734,10 € TTC et condamne in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic, le cabinet Lionceau Immobilier, et la compagnie Axa France IARD à leur verser cette somme.

- Sur le préjudice de jouissance :

Les consorts [V] sollicitent la somme de 4 600 €, somme à parfaire, au titre de leur préjudice de jouissance, jusqu’à complète réalisation des travaux de remise en état de leur appartement.

En l’espèce, selon le rapport d’expertise judiciaire, les désordres constatés dans la salle de bains des consorts [V] étaient les suivants : « Dans la salle de douche/ sanitaire les désordres en plafond et faux-plafond et sur la cloison séparative en mâche de fer de 10 cm environ. Le décollement du carrelage ».

Les demandeurs soutenaient dans le cadre d’un dire à l’expert subir un préjudice de jouissance de leur salle de bains sur 39 mois à partir du 11 octobre 2016 qui devait être évalué à 8 % du logement en fonction de sa surface et à la somme de 3 744 euros sur la base d’un loyer mensuel estimé à 1 200 euros charges comprises.

L’expert judiciaire a considéré en page 9 de son rapport que : « Concernant le préjudice de jouissance, il n’y a pas d’absence de jouissance dans la salle de bains /sanitaire actuellement tout fonctionne normalement. Je propose éventuellement un préjudice de l’apparition des désordres à leur résolution soit du 11 octobre 2016 au 20 novembre 2017 soit 13 mois ».

Le tribunal relève que les désordres constatés par l’expert doivent s’analyser en un préjudice esthétique les consorts [V] n’ayant pas été privés de l’usage de leur salle de bains.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de réparation de Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V], portant sur un préjudice qui doit s’analyser comme un préjudice esthétique à hauteur de la somme de 1 248 € et de condamner in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic, le cabinet Lionceau Immobilier, et la compagnie Axa France IARD à leur verser cette somme.

- Sur le préjudice moral :

Les consorts [V] sollicitent l’allocation d’une somme 5 000 € en réparation de leur préjudice moral.

Toutefois, le tribunal relève qu’il n’est pas démontré au regard des pièces versées aux débats que le syndicat des copropriétaires aurait commis une faute en tardant à mettre à l’ordre du jour les travaux réparatoires comme ils le soutiennent.

Si les consorts [V] invoquent un préjudice moral lié « à la gestion de ce dossier et à l’accomplissement de moultes démarches chronophages », ils ne caractérisent pas suffisamment l’existence de ce préjudice en versant aux débats des éléments de preuve concrets, de sorte que leur demande à ce titre doit être rejetée.
En conséquence, Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V], seront déboutés de leur demande formulée au titre de leur préjudice moral.

Décision du 28 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/05577 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUIGV

2. Sur la capitalisation des intérêts

Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V], sollicitent que les indemnités allouées portent intérêts légaux à compter de la date de l’assignation.
Selon l’article 1231-7 du code civil, « En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement ».
En conséquence, conformément à ces dispositions, les indemnités allouées porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

3. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Succombant à l’instance, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic, le cabinet Lionceau Immobilier, et la compagnie Axa France IARD seront condamnés in solidum au paiement des dépens, comprenant les frais et honoraires de l’expert judiciaire.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l’espèce, compte tenu du sens de la présente décision, l’équité ne commande pas de prononcer de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les parties seront donc déboutées de leurs demandes respectives formulées à ce titre.

- Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire.

Les parties seront déboutée du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic, le cabinet Lionceau Immobilier, et la compagnie Axa France IARD à verser à Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V], la somme de 7 734,10 € TTC en réparation de leur préjudice matériel ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic, le cabinet Lionceau Immobilier, et la compagnie Axa France IARD à verser à Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V], la somme de 1 248 € TTC en réparation de leur préjudice esthétique ;

DEBOUTE Madame [E] [V], Monsieur [L] [V], Madame [S] [V] et Monsieur [Z] [V] de l’intégralité de leur demande formulée au titre de leur préjudice moral ainsi que du surplus de leurs demandes indemnitaires ;

DIT que les indemnités allouées porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], représenté par son syndic, le cabinet Lionceau Immobilier, et la compagnie Axa France IARD aux dépens de l’instance, en ce compris les frais et honoraires de l’expert judiciaire ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives formulées par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 28 Mars 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/05577
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;21.05577 ?
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