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27/03/2024 | FRANCE | N°22/12809

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 3ème section, 27 mars 2024, 22/12809


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Copie exécutoire délivrée à :
- Maître Bigot, vestiaire W10
Copie certifiée conforme délivrée à :
- Maître Dominguez, vestiaire C1536




3ème chambre
3ème section


N° RG 22/12809 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CYDMA

N° MINUTE :


Assignation du :
24 octobre 2022













JUGEMENT
rendu le 27 mars 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. SOCIETE DU FIGARO
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Ma

ître Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0010



DÉFENDERESSE

S.A. ENTREPRENDRE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Francis DOMINGUEZ, avocat au barreau de PARIS, vestia...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Copie exécutoire délivrée à :
- Maître Bigot, vestiaire W10
Copie certifiée conforme délivrée à :
- Maître Dominguez, vestiaire C1536

3ème chambre
3ème section


N° RG 22/12809 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CYDMA

N° MINUTE :

Assignation du :
24 octobre 2022

JUGEMENT
rendu le 27 mars 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. SOCIETE DU FIGARO
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0010

DÉFENDERESSE

S.A. ENTREPRENDRE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Francis DOMINGUEZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1536

Décision du 27 mars 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 22/12809 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYDMA

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
AnneBOUTRON, vice-présidente
Elodie GUENNEC, vice-présidente

assistés de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l’audience du 17 janvier 2024 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Anne BOUTRON, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Le Figaro, immatriculée le 26 octobre 1954, est éditrice de différents journaux et magazines.
La société Entreprendre, immatriculée le 19 février 2009, a pour activités principales la prestation de services liés au management et à la gestion, l'édition, la presse, la communication, la publicité.
Par contrat en date du 20 novembre 2017, un photographe de mode professionnel a cédé à la société du Figaro une photographie représentant [H] [S] et son mari, [Y] [M].
En mars 2022, cette photographie a été publiée par la société Entreprendre en page de couverture du magazine “Gotha” (trimestriel n°22) sans crédit indiquant le nom de l'auteur et sans autorisation de la société du Figaro, la conduisant, les 29 mars 2022 et 4 avril 2022, à faire établir ces publications par procès-verbaux de commissaire de justice.
Le 13 avril 2022, la société du Figaro et le photographe de mode professionnel, auteur de la photographie, ont adressé conjointement une mise en demeure au directeur de la publication de la société Entreprendre, puis, en l’absence de réponse, ils lui ont fait délivrer le 6 mai 2022, une sommation par voie de commissaire de justice de retirer les publications et de communiquer ses chiffres de vente.
La société Entreprendre indique avoir fait procéder à réception de cette sommation, au retrait immédiat de la photographie de son site internet ainsi que du magazine de la vente.
Par acte de commissaire de justice du 24 octobre 2022, la société du Figaro a fait assigner la société Entreprendre devant ce tribunal en contrefaçon de droit d'auteur.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 28 septembre 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 17 janvier 2024 pour être plaidée.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 23 mai 2023, la société du Figaro demande au tribunal de :- la déclarer recevable et bien fondée en son action
- constater que la société Entreprendre a commis des actes de contrefaçon à son encontre en reproduisant l'œuvre litigieuse en une du magazine “Gotha” n°22
en conséquence
- condamner la société Entreprendre à lui payer 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte aux droits détenus sur l’œuvre contrefaite
- enjoindre à la société Entreprendre de cesser la commercialisation du magazine “Gotha” n°22 en exemplaires papiers et numériques et ordonner en conséquence le retrait de la vente dudit magazine dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard
- se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte
- interdire à la société Entreprendre toute reproduction ou exploitation sous quelque forme que ce soit de l’œuvre protégée
- condamner la société Entreprendre à lui payer 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens
- ordonner en tant que de besoin l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société du Figaro affirme être titulaire de droits patrimoniaux d’auteur sur la photographie litigieuse, et considère que l'utilisation de l'œuvre par la société Entreprendre, notamment par reproduction, sans son consentement en couverture du magazine “Gotha” n°22, constitue une contrefaçon. Elle réclame l'indemnisation forfaitaire du préjudice patrimonial qu'elle estime avoir subi du fait de cette contrefaçon, résultant de la diffusion et de la commercialisation en édition papier et en ligne du magazine litigieux, et de la durée de cette commercialisation. Elle soutient que la société Entreprendre a réalisé une économie en ne réglant pas les droits d'auteur dus pour la reproduction de l'œuvre. Elle demande le retrait de la vente de tous les exemplaires papiers et numériques du magazine litigieux, faisant valoir qu'il existe des commercialisations en cours, imputables à la société Entreprendre.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2023, la société Entreprendre demande au tribunal de :- à titre principal :
$gt; la recevoir en toutes ses demandes.
$gt; débouter la demanderesse de toutes les siennes.
$gt; juger par conséquent l'absence de préjudice justifié de la demanderesse
- subsidiairement, si par extraordinaire le tribunal estimait qu'il y a eu dommage, qui ne peut être que patrimonial et aucunement économique, il est demandé au tribunal de revenir à de plus justes proportions des demandes de la demanderesse
- en tout état de cause, condamner la demanderesse à 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Entreprendre admet que l'utilisation de la photographie litigieuse aurait dû faire l'objet d'un crédit et de l'indication de l'auteur après autorisation de la demanderesse dont elle aurait dû s'assurer. Elle oppose l'absence de préjudice pour la société du Figaro, du fait de l'ancienneté de la publication, et soutient que le manque à gagner et la perte subie ne sont pas justifiés, aucun document n'étant versé au débat. Elle souligne le peu de bénéfices réalisés et l'absence d'économie d'investissement intellectuel, matériel et provisionnel, ainsi qu'avoir procédé au retrait du magazine litigieux dès avant l'assignation.
MOTIVATION

I - Sur la contrefaçon de droit d’auteur

Aux termes de l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
L'article L.131-4 du même code dispose en son alinéa 1er que la cession par l'auteur de ses droits sur son œuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation.
En l'espèce, la société du Figaro est titulaire des droits patrimoniaux sur la photographie litigieuse en vertu du contrat de cession intervenu le 20 novembre 2017 avec son l'auteur, de la photographie litigieuse dont l'originalité n'est pas contestée (pièce n°12 de la demanderesse).
Par ailleurs, la société défenderesse a reproduit et exploité la photographie litigieuse, sans le consentement du titulaire des droits patrimoniaux d'auteur (pièce n°5 de la demanderesse), ce qu’elle ne conteste d’ailleurs pas.
Dès lors, en reproduisant et en commercialisant sans autorisation la photographie litigieuse, la société Entreprendre a commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur au préjudice de la société du Figaro.
II - Sur les mesures réparatrices

Aux termes de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Ce texte doit être interprété à la lumière de la législation européenne, en particulier, du considérant 26 de la directive n°2002/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle selon lequel le montant des dommages-intérêts pourrait également être calculé, par exemple dans les cas où il est difficile de déterminer le montant du préjudice véritablement subi, à partir d'éléments tels que les redevances ou les droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. Le but est non pas d'introduire une obligation de prévoir des dommages-intérêts punitifs, mais de permettre un dédommagement fondé sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit tels que les frais de recherche et d'identification.
Ainsi, il appartient au juge, y compris dans l'allocation de dommages et intérêts calculés selon une base forfaitaire, de veiller à ce que le montant alloué répare le préjudice réellement subi par la victime d'actes de contrefaçon.
L'article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, la société du Figaro n'a versé aucune pièce au soutien de ses demandes indemnitaires.
L'exploitation non-autorisée de la photographie litigieuse a causé un préjudice moral à la société du Figaro qui sera intégralement réparé par le versement à son bénéfice de 500 euros de dommages-intérêts par la société Entreprendre. À défaut de toute pièce justifiant le montant allégué au titre de l'indemnité forfaitaire, la société du Figaro sera déboutée du surplus de sa demande à ce titre.
La société Entreprendre a sollicité le retrait immédiat des publications litigieuses, en kiosque et en ligne (pièces n°5, 6, et 7 de la défenderesse), dès la réception de la sommation (pièce n°9 de la demanderesse). Par ailleurs, la société du Figaro ne démontre pas que la vente des produits litigieux sur les sites d'information et les plate-formes de revente de produits d'occasion est imputable à la société Entreprendre.
Dès lors, le surplus des demandes en réparation sera rejeté compte tenu que le préjudice est suffisamment réparé par l'allocation de dommages-intérêts.
III - Sur les demandes accessoires

III.1 - Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
La société Entreprendre, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens.
III.2 - Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
En l’espèce, il est tenu compte, dans le cadre de la fixation du montant alloué au titre des frais irrépétibles, de l'absence de tentative de médiation des parties en dépit de la nature de l'affaire et des invitations en ce sens du tribunal.
En conséquence, en équité, la société Entreprendre, partie tenue aux dépens, sera condamnée à payer 1500 euros à la société du Figaro à ce titre.
III. 3 - Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.
PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Condamne la société Entreprendre à payer à la société du Figaro 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon de ses droits patrimoniaux d'auteur ;

Déboute la société du Figaro du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Entreprendre aux dépens ;

Condamne la société Entreprendre à payer 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 27 mars 2024

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 22/12809
Date de la décision : 27/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-27;22.12809 ?
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