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27/03/2024 | FRANCE | N°22/12202

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 3ème section, 27 mars 2024, 22/12202


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Copie exécutoire délivrée à :
- Me Boissard, vestiaire P327
- Me Herman, vestiaire T3
Copie certifiée conforme délivrée à :
- Me Carminati, vestiaire E1465




3ème chambre
3ème section


N° RG 22/12202 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CX5D6

N° MINUTE :


Assignation du :
20 septembre 2022









JUGEMENT
rendu le 27 mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [X] [D]
[Adresse 3]
[Localité 7]

Madame [H] [O]
Int

ervenante volontaire
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentés par Maître Jean-Paul CARMINATI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1465


DÉFENDERESSES

E.P.I.C. COMÉDIE FRANÇAISE
[Adresse 10]
[...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Copie exécutoire délivrée à :
- Me Boissard, vestiaire P327
- Me Herman, vestiaire T3
Copie certifiée conforme délivrée à :
- Me Carminati, vestiaire E1465

3ème chambre
3ème section


N° RG 22/12202 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CX5D6

N° MINUTE :

Assignation du :
20 septembre 2022

JUGEMENT
rendu le 27 mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [X] [D]
[Adresse 3]
[Localité 7]

Madame [H] [O]
Intervenante volontaire
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentés par Maître Jean-Paul CARMINATI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1465

DÉFENDERESSES

E.P.I.C. COMÉDIE FRANÇAISE
[Adresse 10]
[Localité 4]

représentée par Maître Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0003

S.A.S.U PATHE LIVE
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître Anne BOISSARD de la SELEURL BOISSARD AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0327

Décision du 27 Mars 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 22/12202 - N° Portalis 352J-W-B7G-CX5D6

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Anne BOUTRON, vice-présidente
Elodie GUENNEC, vice-présidente

assistés de Lorine MILLE, greffiière

DEBATS

A l’audience du 18 janvier 2024 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Anne BOUTRON, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [X] [D] est professeur émérite de littérature française à la faculté des lettres de [11] Université dans laquelle il a enseigné l'histoire du théâtre du XVIIe siècle de 1995 à 2020.
Il expose être co-auteur, avec Mme [H] [O], professeure de français au lycée [8] à [Localité 9], d'un texte en trois actes, intitulé “Le Tartuffe ou l'hypocrite”, publié aux éditions Portaparole en 2021 qui constitue selon lui la version la plus proche possible de ce qu'a dû être la version d'origine du “Tartuffe” de [Y].
La Comédie Française, établissement public industriel et commercial, se présente comme ayant pour mission de représenter et d'assurer le rayonnement national et international des pièces de son répertoire, notamment composé de grandes pièces de théâtre tombées dans le domaine public.
La SAS Pathé Live, filiale du groupe Pathé, se présente comme ayant pour activité la diffusion en direct ou en différé, dans les salles de cinéma, d'œuvres audiovisuelles constituées de la captation intégrale de spectacles vivants grâce à un système de vidéotransmission par satellite.
Par contrat du 29 avril 2016, la Comédie Française a autorisé la société Pathé Live à capter et diffuser ses pièces de théâtre dans les salles de cinéma moyennant rémunération.
Par courriel du 26 janvier 2021, M. [D] a autorisé gracieusement la Comédie Française à présenter la version en trois actes “Le Tartuffe ou l'hypocrite”, dont la première représentation a eu lieu le 15 janvier 2022 avec une mise en scène de M. [L] [W]. S'en sont suivies une programmation de quarante représentations par la Comédie Française puis une tournée.
La pièce de théâtre “Le Tartuffe ou l'hypocrite” a été retransmise en direct le 15 janvier 2022, puis rediffusée du 6 au 22 février 2022 dans les salles de cinéma par la société Pathé Live.
Reprochant à la Comédie Française et à la société Pathé Live une exploitation de la pièce de théâtre “Le Tartuffe ou l'hypocrite” en violation de ses droits d'auteur, M. [D] les a mises en demeure, par courriers recommandés de son conseil du 7 mars 2022, de procéder à la déclaration à la société des auteurs et compositeurs dramatiques (ci-après SACD) des dates d'exploitation passées et futures de cette pièce de théâtre, et de lui communiquer les conditions contractuelles de la cession des droits audiovisuels consentis par la Comédie Française à la société Pathé Live concernant la retransmission cinématographique en direct le 15 janvier 2022 et par rediffusion sur la période du 6 au 22 février 2022.
Par courrier de son conseil du 30 mars 2022, la Comédie Française a refusé de faire droit à ces demandes, estimant que le travail de M. [D] ne constitue pas une adaptation originale susceptible d'une protection par le droit d'auteur.
C'est dans ces circonstances que par actes commissaires de justice du 20 septembre 2022, M. [D] a fait assigner la Comédie Française et la société Pathé Live en contrefaçon de droits d'auteur.
Mme [O] est intervenue volontairement à la procédure par conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2023.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 23 mai 2023, M. [D] et Mme [O] ont demandé au tribunal de :- les recevoir en leur action et les dire bien fondés
- dire que l'œuvre Le Tartuffe ou l'Hypocrite est une adaptation originale de l'œuvre Le Tartuffe ou l'Imposteur de [Y]
- dire qu’ils sont les coauteurs de l'œuvre originale Le Tartuffe ou l'Hypocrite
- constater les exploitations sans droit ni titre par la Comédie Française et la SAS Pathé Live de l'œuvre Le Tartuffe ou l'Hypocrite
- débouter la Comédie Française et la SAS Pathé Live en toutes leurs demandes
en conséquence
- condamner Comédie Française à leur payer :
$gt; 80 000 euros de dommages-intérêts en compensation de l'absence de prix de cession des droits de représentation de l'œuvre Le Tartuffe ou l'Hypocrite sur l'ensemble des exploitations produites ou coproduites par la Comédie Française au cours des années 2020 et 2023 ainsi que des captations consenties à la SAS Pathé Live
$gt; 10 000 euros de dommages-intérêts en compensation de l'absence volontaire de déclaration des conditions des représentations de l'œuvre Le Tartuffe ou l'Hypocrite à la SACD
$gt; 5000 euros de dommages-intérêts en compensation de l'absence de mention de leur qualité d'adaptateurs dans les documents de présentation de l'œuvre
$gt; 10 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance
- condamner la SAS Pathé Live à leur payer 3000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023, la Comédie Française a demandé au tribunal de :- à titre principal
$gt; juger que M. [D] et Mme [O] ne démontrent pas leur qualité de co-auteurs d'une adaptation originale
$gt; juger qu'il ressort des éléments versés au débat que le travail réalisé par M. [D] et Mme [O] ne constitue pas une adaptation originale de l'œuvre de [Y] et ne peut pas être considéré à ce titre comme une œuvre originale nouvelle dont M. [D] et Mme [O] pourraient revendiquer la qualité de coauteurs
- en conséquence, débouter M. [D] et Mme [O] de l'ensemble de leurs prétentions et demandes
- à titre subsidiaire juger que, M. [D] et Mme [O] sont exclusivement à l'origine et responsable de la situation qu'ils entendent dénoncer
- en conséquence, débouter M. [D] et Mme [O] de l'ensemble de leurs prétentions et demandes
- à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où le tribunal déclarerait bien fondées les prétentions de M. [D] et Mme [O] s'agissant du caractère protégeable du travail revendiqué et de leur qualité de coauteurs d'une œuvre d'adaptation originale, juger que, les demandes indemnitaires de M. [D] et Mme [O] sont injustifiées et disproportionnées
- en conséquence :
$gt; réévaluer le montant des dommages et intérêts à allouer à M. [D] et à Mme [O] en prenant en considération (i) la réalité des sommes qu'ils auraient perçues via la SACD en qualité de coauteurs d'une adaptation d'une œuvre du domaine public, après déduction des prélèvements opérés par la SACD pour ce type d'œuvres, et (ii) la responsabilité de M. [D] et Mme [O] dans la réalisation du dommage dont ils réclament réparation
$gt; débouter M. [D] et Mme [O] de leurs demandes de dommages et intérêts en compensation de l'absence de déclaration des représentations à la SACD et de l'absence de mention de leur qualité d'adaptateurs
- condamner M. [D] à verser à la Comédie-Française 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 27 septembre 2023, la société Pathé Live a demandé au tribunal de :- prendre acte du désistement d'action de M. [D] et Mme [O] à son égard et de son acceptation
- en tant que de besoin, débouter M. [D] et Mme [O] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens
- reconventionnellement
$gt; condamner M. [D] à lui payer à la société Pathé Live 10 000 euros à titre de dommages et intérêts
$gt; condamner in solidum M. [D] et Mme [O], à lui payer 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
$gt; condamner in solidum M. [D] et Mme [O] aux entiers dépens.

MOTIVATION

I - Sur le désistement d’instance à l’encontre de la société Pathé Live

Moyens des parties

M. [D] et Mme [O] déclarent abandonner toutes demandes pécuniaires autres que l'article 700 et les dépens à l'encontre de la société Pathé Live, et l'invitent à renoncer à ses demandes à leur encontre.
La société Pathé Live demande au tribunal de prendre acte du désistement d'action de M. [D] et Mme [O] à son égard et de son acceptation et formule une demande reconventionnelle à l’encontre de M. [D].
Réponse du tribunal

Aux termes des articles 394 et 395 du code de procédure, le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance.Le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur.
Toutefois, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond, demande reconventionnelle ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.

En l'espèce, si M. [D] et Mme [O] indiquent se désister de leurs demandes à l’égard de la société Pathé Live, ce désistement est limité à l’instance et non à leur action, faute de déclaration expresse en ce sens dans leurs écritures.
Par ailleurs, le maintien d’une demande reconventionnelle par la société Pathé Live à l’encontre de M. [D] rend le désistement imparfait à son égard et exclut le dessaisissement du tribunal et l’extinction de l’instance nouée entre M. [D] et la société Pathé Live.
Le désistement est parfait, en revanche, s’agissant de l’instance nouée entre Mme [O] et la société Pathé Live, ce qui n’exclut pas de statuer sur leurs demandes respectives formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
II - Sur l’originalité de la pièce litigieuse

Moyens des parties

M. [D] et Mme [O] estiment avoir réalisé une adaptation originale de l'œuvre préexistante “Le Tartuffe” de [Y]. Ils revendiquent la qualité de coauteurs et reprochent à la Comédie Française de ne pas les avoir crédités en tant qu'adaptateurs.
La Comédie Française oppose que la démarche générale des demandeurs n'a jamais été de rechercher l'expression de leur propre personnalité d'auteur, mais de restituer un texte préexistant, en effacant l'expression de leur personnalité au profit de celle de [Y], afin de reconstituer la version initiale du texte. Ils soutiennent que cette démarche, qui ne résulte pas d'une expression libre et créative, n'est pas compatible avec la revendication de la qualité d'auteur.
Réponse du tribunal

Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.
En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L'originalité d'une œuvre résulte notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires de son auteur qui caractérisent un effort créatif portant l'empreinte de sa personnalité, et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable.
Lorsque la protection par le droit d'auteur est contestée en défense, l'originalité d'une œuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend l'auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. En effet, le principe de la contradiction prévu à l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques revendiquées de l'œuvre qui fondent l'atteinte alléguée et apporter, le cas échéant, la preuve de l'absence d'originalité de l'œuvre.
II.1 - S'agissant des droits revendiqués par M. [D]

M. [D] affirme que la pièce “Le Tartuffe ou l'hypocrite” porte l'empreinte de sa personnalités, en ce qu'il : - a mené des recherches scientifiques, au moyen de sa méthode de “génétique théâtrale”, pour conduire une réflexion originale sur le travail créateur de [Y] et sur les modifications que ce dernier aurait apporté pour contourner les interdictions qui avaient frappé sa pièce originale
- a choisi le titre “Tartuffe ou l'hypocrite” et le sous-titre “comédie en trois actes restituée par [D]”, car personne avant lui n'avait une idée précise de la manière dont pouvait se présenter la première version de la pièce de [Y]
- a réalisé, dans un souci de vraisemblance historique et de cohérence, des suppressions et des modifications dans le texte de [Y], résultant de choix artistiques raisonnés
- a modifié l'intrigue de la pièce, ces modifications résultant d'idées et d'intuitions personnelles
- a réalisé un choix artistique personnel original en supprimant les derniers vers d'une scène pour les remplacer par quatre vers inventés par Mme [O] dans le style de [Y], et a déplacé le tout en clôture de la pièce
- a mené au travers de cette pièce un travail artistique original puisque la construction, la structure et les enchaînements sont dus à son intervention (ses conclusions pages 14 à 17, 29 et 30).

Il résulte de ces éléments que M. [D] décrit le travail qu'il a réalisé, à la manière d'un scientifique, en cherchant à reconstruire l'œuvre originale de [Y]. Si le tribunal constate que des modifications minimes et des suppressions ont été réalisées, elles ne résultent que de choix contraints par l’objectif poursuivi par M. [D] visant à reconstruire l’œuvre originelle de [Y]. En effet, sur la couverture de l’ouvrage publié aux éditions Portaparoles, [Y] est présenté comme l’auteur de la pièce “Le Tartuffe ou l’hypocrite”, et une mention indique “Comédie en trois actes restituée par [X] [D]”. Par ailleurs, dans le rabat de la couverture, M. [D] déclare : “ En mai 1664, [U] [S] applaudit à [Localité 12] Le Tartuffe ou l’hypocrite, comédie en trois actes de [Y]”, titre qu’il n’a donc pas créé mais seulement choisi dans un objectif de restitution la plus fidèle possible. Il poursuit en décrivant lui-même dans la préface la “reconstruction raisonnée” à laquelle il s’est livré, indiquant que “le texte proposé est une reconstruction de la version de1664” résultant d’une démarche scientifique et non de choix arbitraires. Dès lors, il ne s’agissait pas pour lui de créer une adaptation originale de l’œuvre de [Y], mais bien de mener un travail fidèle de restitution de l’œuvre d’origine, excluant tout apport créatif portant l’empreinte de sa personnalité, qui aurait dénaturé la pièce.
Ces éléments sont dès lors insuffisants à caractériser l'empreinte de la personnalité de M. [D], et la preuve de l'originalité de la pièce n'est pas rapportée.
Dès lors, M. [D] ne peut prétendre à la protection de la pièce “Le Tartuffe ou l'hypocrite” par le droit d’auteur.
II.1 - S'agissant des droits revendiqués par Mme [O]

Mme [O] revendique également la qualité de coauteur de la pièce “Le Tartuffe ou l'hypocrite” en mettant en avant un travail de collaboration avec M. [D], en tant que : - elle est inspiratrice du projet
- elle a testé le texte transmis par M. [D] avec ses élèves, dans une mise en scène originale
- elle a validé au fur et à mesure les modifications apportées par M. [D] et lui a proposé de nouvelles modifications
- elle a inventé les quatre vers finaux de la pièce (ses conclusions pages 18 à 20, 29 et 30) :
“Vous mettez votre nez où vous n’avez que faire.
Laissons au ciel le soin de détromper ma mère,
Puis par un doux hymen courronnons en Damis
La constance et l’ardeur d’un cœur vraiment épris”

En premier lieu, il convient de relever que Mme [O] n’expose aucune caractéristique originale dont serait constitué son apport.
En second lieu, les trois premiers arguments invoqués ne sont pas de nature à lui conférer la qualité d’auteur de la pièce. Concernant la rédaction des quatre derniers vers, ils ont été proposés par Mme [O] “pour annoncer le mariage de Damis et rappeler le dénouement heureux du conflit qui avait déclenché l’action” (ses conclusions page 19). Cependant, Mme [O] n’expose pas davantage les caractéritiques originales de ces vers dont elle revendique l’originalité. Par ailleurs, la Comédie Française établit que le contenu des vers est, pour partie, une reprise des vers écrits par [Y] et supprimés par M. [D], et pour l’autre, relève du fond commun du théâtre classique.
Il résulte de ces éléments que Mme [O] a accompagné M. [D] dans l'élaboration de la pièce, mais n'explicite pas en quoi son intervention porte l'empreinte de sa personnalité. Son travail de mise en scène ne lui confère pas la qualité de coauteur, ce travail devant être dissocié de celui d'élaboration de la pièce.
Dès lors, Mme [O] ne peut prétendre à la protection de la pièce “ Le Tartuffe ou l'hypocrite” par le droit d’auteur.
En conséquence, les demandes de M. [D] et de Mme [O] fondées sur le droit d'auteur seront rejetées.
III - Sur la demande reconventionnelle en dénigrement

Moyens des parties

La société Pathé Live sollicite la réparation de son préjudice, résultant des accusations intempestives de M. [D] dans les médias. Elle affirme que révéler l'existence d'un différend judiciaire à des tiers avant toute décision de justice est constitutif d'une faute.
M. [D] et de Mme [O] opposent que ces prises de paroles relèvent de la liberté d'information et participent d’un débat d’intérêt général.
Réponse du tribunal

Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Les atteintes à la réputation d'une personne, relevant de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont à distinguer de la mise en cause des produits et services d'une entreprise, relevant de la responsabilité délictuelle (en ce sens Cour de cassation assemblée plénière, 12 juillet 2000, n°98-10.160 et 98-11.155).
En l'occurrence, il résulte des pièces produites par la société Pathé Live que M. [D] et son conseil ont exposé dans les médias la teneur du différend les opposant à la Comédie Française et à la société Pathé Live, sans tenir de propos dirigés contre un produit ou service de la société Pathé Live (pièces Pathé Live n° 11 à 16).
Il résulte de ces éléments que les faits susvisés ne constituent pas un acte de dénigrement à l'égard de la société Pathé Live, qui sera déboutée de ses demandes sur ce fondement.
IV - Sur les dispositions finales

IV.1 - S'agissant des dépens

L'article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
M. [D] et Mme [O], parties perdantes, seront condamnés aux dépens. Ils le seront in solidum à l’égard de la société Pathé Live.
IV.2 - S’agissant des frais non compris dans les dépens

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
M. [D], partie condamnée aux dépens, sera condamné à payer 8000 euros à la Comédie Française.
En équité, M. [D] et Mme [O] seront dispensés de condamnation à ce titre à l’égard de la société Pathé Live.

V. 3 - Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.
PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Constate le désistement de M. [D] et de Mme [O] de leurs demandes à l’encontre de la société Pathé Live ;

Déclare parfait le désistement d’instance entre Mme [O] et la société Pathé Live ;

Constate le dessaisissement de la juridiction et l’extinction de ladite instance ;

Déclare imparfait le désistement d’instance entre M. [D] et la société Pathé Live ;

Déboute M. [D] et Mme [O] de leurs demandes à l’encontre de la Comédie Française ;

Déboute la société Pathé Live de sa demande indemnitaire au titre du dénigrement dirigée contre M. [D] ;

Condamne M. [D] et Mme [O] aux dépens ;

Condamne in solidum M. [D] et Mme [O] aux dépens à l’égard de la société Pathé Live ;

Condamne M. [D] à payer 8000 euros à la Comédie Française en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Pathé Live en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 27 mars 2024

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 22/12202
Date de la décision : 27/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-27;22.12202 ?
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