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27/03/2024 | FRANCE | N°21/10634

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 27 mars 2024, 21/10634


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 21/10634
N° Portalis 352J-W-B7F-CU6LK

N° PARQUET : 21/794

N° MINUTE :

Assignation du :
04 Août 2021

VB



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 27 Mars 2024






DEMANDERESSE

Madame [N] [E] [O]
[Adresse 3]
[Localité 4] - MADAGASCAR

représentée par Maître Anthony CHHANN, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #E19

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DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 7]
[Localité 1]

Madame Laureen SIMOES, Substitute

Décision du 27/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 21/10634
N° Portalis 352J-W-B7F-CU6LK

N° PARQUET : 21/794

N° MINUTE :

Assignation du :
04 Août 2021

VB

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 27 Mars 2024

DEMANDERESSE

Madame [N] [E] [O]
[Adresse 3]
[Localité 4] - MADAGASCAR

représentée par Maître Anthony CHHANN, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #E191

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 7]
[Localité 1]

Madame Laureen SIMOES, Substitute

Décision du 27/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/10634

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 07 Février 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Victoria Bouzon, Magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 4 août 2021 par Mme [N] [O] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 26 avril 2022,

Vu les dernières conclusions de Mme [N] [O] notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2022,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 2 février 2023 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 1er mars 2023,

Vu le jugement de réouverture des débats et de révocation de l'ordonnance de clôture et rendu le 12 avril 2023,

Décision du 27/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/10634

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 décembre 2023, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 7 février 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Mme [N] [O] sollicite du tribunal de « constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ». Cette demande de « constat », qui ne constitue pas une prétention au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, ne donnera pas lieu à mention au dispositif.

Le tribunal rappelle toutefois qu'aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 28 janvier 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [N] [O], se disant née le 17 octobre 2000 à [Localité 6], [Localité 4] (Madagascar), revendique la nationalité française par filiation maternelle. Elle demande au tribunal de juger qu'elle est française par filiation en vertu de l'article 18 du code civil ou subsidiairement, par application de l'article 30-2 du code civil. Elle fait valoir que sa mère, [G] [S] [A], née le 19 octobre 1978 à [Localité 6], [Localité 6] (Madagascar), est française pour être issue de [P] [I] [S] [A], né le 18 mai 1944 à [Localité 2] (Madagascar) lui-même français pour être le fils de [C] [S] [Z], née le 30 juin 1908 à [Localité 4] (Madagascar) ayant acquis la nationalité française à sa majorité, le 30 juin 1929, en vertu de l'article 5 du décret du 5 novembre 1928, pour être née en France de parents étrangers, et ayant conservé la nationalité française sur le fondement de l'article 32-3 du code civil, pour ne pas s'être vu conférer la nationalité malgache lors de l'accession à l'indépendance de Madagascar. Elle précise que suivant jugement du 3 décembre 1982, le tribunal de grande instance de Paris a dit que [S] [Y] était française comme née d'une mère française, [C] [S] [Z].

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée en 2019 par le directeur des services de greffe judiciaires du pôle de la nationalité française du tribunal d'instance de Paris au motif que l'intéressée ne justifiait pas de sa nationalite française n'ayant pas produit la copie du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 3 décembre 1982 (pièce n°3 de la demanderesse).

Le ministère public demande au tribunal de dire que Mme [N] [O] n'est pas de nationalité française.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code, sans possibilité, pour lui, d'invoquer les certificats délivrés à des membres de sa famille, fussent-ils ses ascendants, dans la mesure où la présomption de nationalité française qui est attachée à ces certificats ne bénéficie qu'à leurs titulaires, et ce même s'ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

Il appartient ainsi à Mme [N] [O], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et Madagascar, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 26 de la convention d'entraide judiciaire signée le 4 juin 1973 et publiée le 30 juillet 1975 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain et de celui des ascendants qu'il revendique.
Décision du 27/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/10634

En l'espèce, Mme [N] [O] produit une copie, délivrée le 26 août 2002, de son acte de naissance, transcrit le 29 novembre 2000 sur les registres du service central de l'état civil, mentionnant qu'elle est née le 17 octobre 2000 à [Localité 6], [Localité 4] (Madagascar), de [W], [K] né à [Adresse 5] (Pakistan), le 1er juin 1969, boulanger, et de [G] [S] [A], née à [Localité 6] (Madagascar), le 19 octobre 1978, sans profession, son épouse, domiciliés à [Localité 4] (Madagascar), l'acte ayant été dressé le 17 octobre 2000 (pièce n°1 de la demanderesse).

La demanderesse produit en outre une copie, délivrée le 30 juillet 2021, de l'acte de mariage de [W] [K] et de [G] [S] [A], transcrit le 22 juin 1994 sur les registres du service central de l'état civil, dont il résulte que ces derniers se sont mariés le 23 avril 1994 à [Localité 4] (Madagascar), soit antérieurement à sa naissance (pièce n°15 de la demanderesse).

Il est ainsi justifié tant d'un état civil fiable et certain en ce qui concerne Mme [N] [O], que d'un lien de filiation légalement établi à l'égard de Mme [G] [S] [A], ce qui, au demeurant, n'est pas contesté par le ministère public.

Il est également justifié d'un état civil fiable et certain pour Mme [G] [S] [A] par la production de l'acte de naissance de cette dernière, transcrit le 20 mai 1988 sur les registres du service central de l'état civil, mentionnant que celle-ci est née le 19 octobre 1978 à [Localité 6], province de [Localité 6] (Madagascar) de [P] [I] [S] [A], né le 18 mai 1944 à [Localité 6] (Madagascar), commerçant, et de [X] [B], née vers 1952 à [Localité 8] (Madagascar), commerçante, son épouse, domiciliés à [Localité 4] (pièce n°11 de la demanderesse).

En ce qui concerne la preuve de sa nationalité française, Mme [N] [E] [O] invoque les dispositions de l'article 30-2 du code civil et fait valoir qu'elle-même, ainsi que Mme [G] [S] [A] ont joui de manière constante de la possession d'état de français.

Le ministère public n'a formulé aucune observation quant à l'application de ces dispositions.

L’article 30-2 du code civil dispose que lorsque la nationalité française ne peut avoir sa source que dans la filiation, elle est tenue pour établie, sauf la preuve contraire, si l'intéressée et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre ont joui d'une façon constante de la possession d'état de Français.

En l'espèce, c'est bien par filiation maternelle que Mme [N] [E] [O] revendique la source de sa nationalité française.

Il appartient donc à la demanderesse de justifier d'éléments de possession d'état pour elle-même et pour sa mère.

Décision du 27/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
N°RG 21/10634

La possession d’état de Français est le fait pour l’intéressé de s’être considéré comme tel et d’avoir été traité et regardé comme tel par les autorités publiques. Elle est établie par un ensemble d'éléments, dont l'appréciation est purement objective, et qui traduisent l'apparence du lien de nationalité unissant une personne à l'Etat français. En ce sens, pour être efficace, la possession d'état doit être constante, continue, non équivoque, et ne pas avoir été constituée ou maintenue par fraude ou mauvaise foi.

Comme précédemment relevé, l'acte de naissance de la demanderesse a été transcrit sur les registres du service central de l'état civil le 29 novembre 2000, soit peu de temps après sa naissance (pièce n°1 de la demanderesse).

La demanderesse produit également :
- une copie de son passeport français délivré le 23 août 2017, valable jusqu'au 22 août 2022 (pièce n°16 de la demanderesse),
- une copie de sa carte nationale d'identité, délivrée le 23 août 2017 et valable jusqu'au 22 août 2027 (pièce n°17 de la demanderesse).

Ainsi, Mme [N] [E] [O] justifie avoir été considérée comme française par l’administration, et ce depuis sa naissance. Il est ainsi établi qu'elle a joui de manière constante, continue et non équivoque de la possession d'état de française depuis sa naissance.

En ce qui concerne Mme [G] [S] [A], comme précédemment relevé, ses actes de naissance et de mariage ont été respectivement transcrits sur les registres du service central d'état civil les 20 mai 1988 et 22 juin 1994.

Il est également produit une copie du certificat de nationalité française n°276 délivré en 1987 à Mme [G] [S] [A] par le greffier en chef du Tribunal d'instance de Saint-Denis à la Réunion (pièce n°13 de la demanderesse)

Mme [N] [E] [O] justifie donc que Mme [G] [S] [A] a été considérée, et est toujours considérée, comme française par les autorités publiques. Il est ainsi établi que Mme [G] [S] [A] a joui, et continue de jouir, de la possession d'état de française, et ce de manière constante, continue et non équivoque.

Il appartient donc au ministère public, conformément à ces dispositions, d'en rapporter la preuve contraire.

Or, comme précédemment rappelé, le ministère public n'élève aucune contestation quant à l'application des dispositions de l'article 30-2 du code civil.

Ainsi, la demanderesse et sa mère jouissant d'une façon constante de la possession d'état de Français, sans qu'il ne soit apportée la preuve contraire, la nationalité française de Mme [N] [E] [O] est tenue pour établie en vertu de ces dispositions.

Dès lors, il sera jugé que Mme [N] [E] [O] est française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

L'instance ayant été nécessaire pour l'établissement des droits de Mme [N] [O], chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que Mme [N], [E] [O], née le 17 octobre 2000 à [Localité 6], [Localité 4] (Madagascar), est de nationalité française;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Fait et jugé à Paris le 27 Mars 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 21/10634
Date de la décision : 27/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-27;21.10634 ?
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