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26/03/2024 | FRANCE | N°23/14942

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 26 mars 2024, 23/14942


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :





2ème chambre civile

N° RG 23/14942
N° Portalis 352J-W-B7H-C26BU

N° MINUTE :




Assignation du :
07 Novembre 2023









JUGEMENT STATUANT SELON LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
rendu le 26 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [M] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Elisa GILLET, avocat au barreau de Lyon, avocat

plaidant et par Maître Marina CROUX, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #U0009



DÉFENDERESSE

Madame [G] [V]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Claire ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre civile

N° RG 23/14942
N° Portalis 352J-W-B7H-C26BU

N° MINUTE :

Assignation du :
07 Novembre 2023

JUGEMENT STATUANT SELON LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
rendu le 26 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [M] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Elisa GILLET, avocat au barreau de Lyon, avocat plaidant et par Maître Marina CROUX, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #U0009

DÉFENDERESSE

Madame [G] [V]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Claire VARIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2162

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles 839 et 481 du Code de procédure civile et L.121-3 du Code de l’organisation judiciaire,

Robin VIRGILE, Juge, statuant par délégation du Président du Tribunal Judiciaire, assisté de Sylvie CAVALIÉ, Greffière,

Décision du 26 Mars 2024
2ème chambre civile
N° RG 23/14942 - N° Portalis 352J-W-B7H-C26BU

DÉBATS

A l’audience publique du 27 Février 2024, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 26 mars 2024 par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

***********

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

M. [U] [V] est décédé le [Date décès 1] 2021.

Avant son décès, celui-ci avait, par acte notarié en date du 31 décembre 2017, donné à chacune de ses filles Mme [M] [V] et Mme [G] [V] pour moitié la nue propriété d'un appartement sis, [Adresse 3] (troisième arrondissement), de sorte que celle-ci en sont devenues pleines-propriétaires au décès de leur père.
Par acte d’huissier du 7 novembre 2023, Mme [M] [V] a fait assigner selon la procédure accélérée au fond Mme [G] [V] sur le fondement de l'article 815-9 du code civil aux fins essentielles de la voir condamner à lui payer la somme provisionnelle de 16.000 euros à valoir sur ses droits dans l’indivision, au titre de sa part dans les bénéfices acquis depuis le 14 février 2021.

A l’audience du 27 février 2024, Mme [M] [V] soutient oralement ses écritures en date du 22 février et maintient ses demandes, à savoir :

« Vu l’article 1380 du code de procédure civile,
Vu les articles 815-9, 815-11 et suivants du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,

REJETER la totalité des demandes, fins et conclusions de Madame [G] [V] [L],

JUGER que Madame [G] [V] [L] jouit exclusivement du bien indivis sis [Adresse 3] et qu’elle doit à ce titre une indemnité d’occupation à l’indivision depuis le 14 février 2021,

CONDAMNER à titre principal, Madame [G] [V] [L] à régler à Madame [M] [V] la somme provisionnelle de 15.636 € à valoir sur ses droits dans l’indivision, au titre de sa part dans les bénéfices acquis depuis le 14 février 2021 arrêté au 31.03.2024,

CONDAMNER à titre subsidiaire, si toutefois la présente juridiction décidait de tenir compte du préjudice du jouissance subit à cause des travaux, Madame [G] [V] [L] à régler à Madame [M] [V] la somme provisionnelle de 7.299 € à valoir sur ses droits dans l’indivision, au titre de sa part dans les bénéfices acquis depuis le 14 février 2021 arrêté au 31.03.2024,

CONDAMNER Madame [G] [V] [L] à régler à Madame [M] [V] la somme mensuelle provisionnelle de 500€ par mois, à valoir sur ses droits dans l’indivision en contrepartie de la jouissance exclusive du bien dont elle bénéficie, à compter du mois d’avril 2024,

ENJOINDRE Madame [G] [V] [L] à remettre à Madame [M] [V] les documents suivants :
- Les décomptes de charges de copropriété pour les années 2021, 2022, 2023
- Les PV d’assemblée générale pour les années 2021 et 2023,
- La déclaration de sinistre effectuée par Madame [G] [V] [L] au titre du sinistre de l’appartement,
- Les différents échanges, expertises amiables et tout autre document en lien avec le sinistre de l’appartement, avec notamment l’assurance du bien, l’assurance de la copropriété,
Et ce sous astreinte de 30€ par jour à compter de la signification de la décision à venir,

DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

CONDAMNER Madame [G] [V] [L] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Marina CROUX, Avocat au Barreau de PARIS ;

CONDAMNER Madame [G] [V] [L] à régler à Madame [M] [V] la somme de 3.000€ euros au titre de l’article 700 du code civil »

Par conclusions signifiées par voie électronique le 27 février 2024 et soutenues oralement, Mme [G] [V] demande de :

« Vu les articles 815-9 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 696, 699 et 700 du Code de Procédure Civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,

A TITRE LIMINAIRE

JUGER que Madame [M] [V] ne justifie pas d’une urgence à bénéficier d’une procédure accélérée au fond.

DÉBOUTER Madame [M] [V] de ses demandes, fins et conclusions.

Décision du 26 Mars 2024
2ème chambre civile
N° RG 23/14942 - N° Portalis 352J-W-B7H-C26BU

L’INVITER à mieux se pourvoir en assignation liquidation-partage.

A TITRE PRINCIPAL

JUGER que Madame [G] [V] ne jouit pas exclusivement du bien indivis sis
[Adresse 3].

JUGER que s’il existe une indemnité d’occupation elle ne serait due qu’à l’indivision et non à Madame [M] [V], personne physique.

DEBOUTER Madame [M] [V] de ses demandes, fins et conclusions.

L’INVITER à mieux se pourvoir en assignation liquidation-partage.

A TITRE SUBSIDIAIRE

FIXER le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle due à l’indivision à la somme mensuelle de 758,10 euros.

FIXER les droits de Madame [M] [V] dans l’indivision à la somme mensuelle de 379,05 euros.

FIXER les droits de Madame [M] [V] dans l’indivision à la somme totale de 13.645,80 euros entre le 14 février 2021 et le 14 février 2024.

JUGER que Madame [G] [V] a payé pour le compte de l’indivision la somme totale de 21.421 euros.

JUGER que Madame [G] [V] ne serait redevable que de la somme de 2.935,30 euros à l’indivision.

JUGER que cette indemnité d’occupation ne serait due qu’à l’indivision et non à Madame [M] [V], personne physique.

DEBOUTER Madame [M] [V] de sa demande de communication de documents sous astreinte

JUGER que les comptes entre parties seront calculés par le Notaire dans l’acte liquidatif.

EN TOUTE HYPOTHÈSE

CONDAMNER Madame [M] [V] à verser à Madame [G] [V] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral.

CONDAMNER Madame [M] [V] à verser à Madame [G] [V] la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER Madame [M] [V] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Claire VARIN, dont les frais d’huissier (pour les 2 constats d’huissier), les frais du géomètre-expert et les frais de l’expertise immobilière), soit la somme de 2.520 euros.

STATUER CE QUE DE DROIT quant à l’exécution provisoire de la décision à intervenir

L'affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il sera rappelé que les demandes des parties de « juger que » tendant à constater tel ou tel fait ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront en conséquence pas lieu à mention au dispositif.

Sur la demande de Mme [G] [V] de rejet des demandes de Mme [M] [V] à défaut d'urgence et de l'inviter à mieux se pourvoir

Mme [G] [V] fait valoir que le tribunal n'est saisi en procédure accéléré au fond qu'en présence d'une urgence, dont Mme [M] [V] ne justifie pas, de sorte qu'elle doit être renvoyée à mieux se pourvoir.

Mme [M] [V] soutient que ce moyen est contraire aux règles de procédure civile, et que conformément à la combinaison des articles 1380 du code de procédure civile et 815-11 du code civil, elle n'a pas à justifier d'une urgence.

Sur ce,

Selon l'article 1380 du code de procédure civile, les demandes formées en application des articles 772, 794, 810-5, 812-3, 813-1, 813-7, 813-9 et du deuxième alinéa de l'article 814, des articles 815-6, 815-7, 815-9 et 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond.
Il résulte de l'article 839 du code de procédure civile que la procédure accélérée au fond relève de la compétence du président du tribunal judiciaire.

L'article 481-1 du code de procédure civile dispose que :

« A moins qu'il en soit disposé autrement, lorsqu'il est prévu par la loi ou le règlement qu'il est statué selon la procédure accélérée au fond, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes:
1° La demande est portée par voie d'assignation à une audience tenue aux jour et heure prévus à cet effet ;

2° Le juge est saisi par la remise d'une copie de l'assignation au greffe avant la date fixée pour l'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d'une partie ;

3° Le jour de l'audience, le juge s'assure qu'il s'est écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense. La procédure est orale ;

4° Le juge a la faculté de renvoyer l'affaire devant la formation collégiale, à une audience dont il fixe la date, qui statuera selon la procédure accélérée au fond ;

5° A titre exceptionnel, en cas d'urgence manifeste à raison notamment d'un délai imposé par la loi ou le règlement, le président du tribunal, statuant sur requête, peut autoriser à assigner à une heure qu'il indique, même les jours fériés ou chômés ;

6° Le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire dans les conditions prévues aux articles 514-1 à 514-6 ;

7° La décision du juge peut être frappée d'appel à moins qu'elle n'émane du premier président de la cour d'appel ou qu'elle n'ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande.

Le délai d'appel ou d'opposition est de quinze jours. »

En l'espèce, il est d'abord observé que Mme [M] [V] n'a pas saisi le tribunal judiciaire, mais le président du tribunal judiciaire. La demande de Mme [G] [V] n'est pas fondée en droit, et sollicite tout à la fois le rejet au fond des prétentions de Mme [M] [V] mais également de la renvoyer à mieux se pourvoir, ce qui n'est pas cohérent, d'autant que le renvoi à mieux se pourvoir est la conséquence d'une incompétence de la juridiction, qui n'est en l'espèce pas formée. En tout état de cause, il résulte de l'article 481-1 du code de procédure civile susvisé que l'urgence n'est pas l'un des critères de la procédure au fond, de sorte que ce moyen de Mme [G] [V] est inopérant et qu'il n'y a pas lieu de rejeter les demandes formées par Mme [M] [V] à ce titre.

Sur la demande de Mme [M] [V] de distribution des bénéfices

Mme [M] [V] expose que Mme [G] [V] jouit exclusivement du bien sis [Adresse 3] depuis de très nombreuses années. Elle soutient qu'elle s’y est installé et y a fixé son domicile, et qu' elle y résidait d’ailleurs déjà au moment de la donation en 2007. En réponse aux moyens de sa Mme [G] [V], qu'elle estime de mauvaise foi, elle indique que celle-ci a reconnu que sa sœur (Mme [M] [V]) n'est plus revenue dans le bien depuis le décès de leur père, et qu'elle a toujours reconnu le principe d'une indemnité d'occupation, que ce soit lors des courriers échangés avec les notaires, lors des tentatives de règlement amiable ou à l'occasion de l'expertise diligentée par celle-ci.

Elle expose être devenue, depuis le décès de M. [U] [V], pleinement propriétaire de la moitié de ce bien indivis. Elle expose que les revenus de l'indivision sont constitués de l'indemnité d'occupation.
Elle décrit cet appartement comme disposant d'une surface de 56m², mais observe qu'en l'absence de métrage l'administration a retenu une surface de 82m². Selon elle, en retenant une surface de 56m², le loyer de référence serait au regard de l'encadrement des loyers de 1584 euros par mois pour la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023 (sur une base de 28,30 euros / m²) et de 1.607,20 euros pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 (sur une base de 28,70 euros / m²).

Compte tenu de l'abattement de 20%, elle considère que l'indemnité d'occupation doit être de 1.267 euros par mois sur la période du 14 février 2021 au 14 octobre 2023, soit a minima la somme de 40.544 euros. Elle expose ne pas contester le règlement par sa sœur pour le compte de l'indivision des charges de copropriété et des taxes foncières, mais indique ne pas avoir reçu de justificatif, et évalue ces charges à un total depuis le décès de M. [U] [V] à un total de 8.000 euros sur une base de 250 euros par mois, étant relevé que la taxe foncière s'élève à 638 euros par an. Elle en conclut que les revenus nets de l'indivision depuis le décès de M. [U] [V] sont a minima de 32.000 euros, de sorte qu'elle sollicite la somme de 16.000 euros au titre de la distribution des bénéfices indivis.

Enfin, elle sollicite le versement de la somme provisionnelle de 500 euros par mois au titre des bénéfices futurs de l'indivision dans la mesure ou Mme [G] [V] continue de jouir exclusivement de ce bien.

Mme [G] [V] expose notamment que Mme [M] [V] ne prouve pas qu'elle est confrontée à une impossibilité de droit ou de fait d'user du bien indivis. Elle soutient que sa sœur détient les clefs de l’appartement du [Adresse 3], où elle a habité pendant plusieurs années, d'abord pendant ces études puis qu'elle y a résidé de façon ponctuelle en 2006, 2017, 2018, 2019 et 2021.

Sur ce,

Aux termes de l’article 815-9 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. Il en résulte qu'une indemnité d'occupation ne peut être mise à la charge d'un indivisaire qu'en cas d'impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d'user de la chose.

Dès lors que les fruits et revenus que le bien aurait normalement produits pendant la période d'occupation privative alléguée auraient alors nécessairement appartenu à l'indivision, il apparaît que seule l’indivision doit être considérée comme bénéficiaire de l'indemnité d'occupation due par un indivisaire ayant joui privativement d'un bien indivis, en ce que l'indemnité d'occupation ne fait que remplacer la perte de ces fruits et revenus. En d'autres termes, l'indemnité d'occupation, qui a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la jouissance privative d'un coindivisaires, est due à l'indivision jusqu'au partage et doit entrer dans la masse active partageable.

L’article 815-11 du code civil dispose que :

« Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive (...) ».

Aux termes de l’article 815-9 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

En l’espèce, les échanges produits montrent que Mme [M] [V] a vainement sollicité de sa sœur la distribution des bénéfices indivis, de sorte que le président du tribunal judiciaire de Paris est, compte tenu de l'existence d'une contestation à ce sujet, en mesure de procéder à la distribution d'éventuels bénéfices.

Puisqu'il n'est pas soutenu que l'indivision générerait d'autres fruits que ceux issus de l'indemnité d'occupation éventuellement due par Mme [G] [V], la demande de Mme [M] [V] de distribution des bénéfices implique d'abord nécessairement de démontrer une jouissance privative du bien indivis par Mme [G] [V].

Il est très largement démontré que Mme [G] [V] jouit du bien indivis [Adresse 3], ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.
S'agissant du caractère privatif de cette occupation, tant l'acte de donation du bien par M. [U] [V] en date du 31 décembre 2007 que l'assignation pour la présente procédure prouvent que Mme [G] [V] a établi son domicile dans ce bien. Si Mme [M] [V] fait valoir que les pourparlers préalables pour parvenir à un partage amiable montrent que Mme [G] [V] ne contestait pas le caractère gratuit de son occupation, ni le fait d'être redevable d'une indemnité d'occupation, force est de constater que les pièces produites démontrent uniquement une jouissance par Mme [G] [V] de ce bien, mais non pas une jouissance privative. En effet, [G] [V] ne soutient pas uniquement pour la première fois dans la présente instance que sa sœur détient les clefs du bien indivis, mais pouvait au contraire dès son courrier du 26 avril 2022 adressé au conseil de Mme [M] [V] écrire « ce qui est d'autant plus vrai que maman et ma sœur ont toujours les clés de l'appartement, dans lequel elles sont venues plusieurs fois. Si elles m'ont en effet prévenue à l'avance, il a fallu à chaque fois que nous nous adaptions avec ma femme au regard du choix de leurs dates ». Mme [M] [V] ne produit aucune pièce corroborant l'impossibilité d'accéder au bien, laquelle ne peut se déduire du simple fait non contesté que Mme [G] [V] y vive.

Si Mme [M] [V] a toujours contesté, via son conseil, l'affirmation de sa sœur selon laquelle elle n'aurait pas la jouissance exclusive, elle ne conteste ni dans ses écritures ni dans ses courriers être détentrice des clefs, et elle ne soutient pas que les verrous auraient été changés. Le fait qu'il est constant que Mme [M] [V] ne s'est pas rendue dans le bien depuis le décès de leur père est indifférent, dès lors que le caractère exclusif de la jouissance d'un bien par un indivisaire ne s'apprécie pas en considération de l'usage effectif du coindivisaire, mais de la possibilité d'user du bien. Il s'ensuit que si une jouissance du bien par Mme [G] [V] est effectivement démontrée, et s'il est tout sauf exclu qu'elle en tire, par delà les problèmes conjoncturels de dégât des eaux, un avantage certain puisqu'elle y a établi son domicile, force est de constater que le caractère exclusif de cette jouissance n'est pas démontrée, et qu'il n'est juridiquement pas possible de fixer une indemnité d'occupation à sa charge.

Par conséquent, à défaut d'autres fruits de l'indivision allégués par Mme [M] [V], la demande de distribution des bénéfices formée par Mme [M] [V] sera rejetée.

Sur la demande de Mme [M] [V] de communication de pièces

Mme [M] [V] sollicite la condamnation sous astreinte de tous échanges et documents relatifs à la copropriété et au sinistre du bien indivis, à savoir les documents suivants :
- Les décomptes de charges de copropriété pour les années 2021, 2022, 2023 ;
- Les PV d’assemblée générale pour les années 2021 et 2023 ;
- La déclaration de sinistre effectuée par Madame [G] [V] [L] au titre du sinistre de l’appartement ;
- Les différents échanges, expertises amiables et tout autre document en lien avec le sinistre de l’appartement, avec notamment l’assurance du bien, l’assurance de la copropriété ;

Elle expose que Mme [G] [V] ne lui transmet que partiellement ces pièces.

Mme [G] [V] s'oppose à cette demande de communication de pièces, mais ne forme aucun moyen à ce sujet.

Sur ce,

Les articles 11 et 142 du code de procédure civile permettent à une partie de demander la communication de pièces détenues par une autre partie, s’il est établi que la pièce est détenue par celui dont on demande la condamnation sous astreinte et si une condamnation en justice est le seul moyen d’obtenir les dites pièces.

En l'espèce, Mme [M] [V] ne démontre pas ni même ne soutient se heurter à une impossibilité d'obtenir les décomptes de charges de copropriété ou les procès-verbaux d'assemblée générale , ce qui apparaîtrait hautement improbable au regard de sa qualité d'indivisaire. En revanche, il est justifié s'agissant d'un bien indivis de faire droit à sa demande et de faire injonction à Mme [G] [V] de lui communiquer la déclaration de sinistre effectuée par ses soins, ainsi que tous les échanges écrits avec les assureurs et éventuels experts (dont tout rapport d'expertise au titre du sinistre du bien [Adresse 3]. Il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte, aucun élément ne corroborant que Mme [G] [V] ne respectera pas l'injonction qui lui est faite par le président du tribunal judiciaire.

Sur la demande de Mme [G] [V] de condamner Mme [M] [V] à lui payer 10.000 euros à titre de dommages et intérêts

Mme [G] [V] sollicite la somme de 9.000 euros de dommages et intérêts, estimant que la procédure menée par sa sœur est « sinon abusive » du moins allusive, et considère qu'il s'agit d'une mise en cause intempestive malgré les tentatives de partage amiable.

Mme [M] [V] fait valoir qu'elle a toujours été d'accord pour se voir attribuer le bien, mais que sa sœur a sollicité une valeur moindre. Elle estime que c'est au contraire l'attitude de sa sœur qui lui cause un préjudice, et non l'inverse.

Sur ce,

En application des dispositions de l’article 1240 du code civil, pour que la responsabilité délictuelle d’une personne soit établie, doivent être caractérisés une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Selon l'article 1380 du code de procédure civile, les demandes formées en application des articles 772, 794, 810-5, 812-3, 813-1, 813-7, 813-9 et du deuxième alinéa de l'article 814, des articles 815-6, 815-7, 815-9 et 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond. Si d'autres textes du code de procédure civile délimitent les pouvoirs du président du tribunal judiciaire statuant suivant la procédure accélérée au fond, aucun d'entre eux ne prévoit qu'il puisse octroyer des dommages et intérêts.

En l'espèce, la demande de dommages et intérêts au titre de la responsabilité civile délictuelle n'entre pas dans le périmètre des demandes dont peut connaître le président du tribunal judiciaire statuant suivant la procédure accélérée au fond.

Par conséquent, la demande de dommages et intérêts formée par Mme [G] [V] sera déclarée irrecevable.

Sur les demandes accessoires

Il est justifié de décider que chaque partie supporte la charge de ses dépens, aucune d'elles ne succombant en la plénitude de sa demande.
L'équité justifie de rejeter les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application des dispositions de l’article 481-1 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le président du tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe selon la procédure accélérée au fond, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit n'y avoir lieu à renvoyer Mme [M] [V] à mieux se pourvoir ;

Rejette les demandes de Mme [M] [V] tendant à la fixation à la charge de Mme [G] [V] d'une indemnité d'occupation du bien sis, [Adresse 3] (troisième arrondissement) depuis le 14 février 2021 et à la distribution des bénéfices de l'indivision du 14 février 2021 au 31 mars 2024 ;

Fait injonction à Mme [G] [V] de communiquer à Mme [M] [V], s'agissant du bien sis, [Adresse 3] (troisième arrondissement), la déclaration de sinistre effectuée par ses soins, ainsi que tous les échanges écrits avec les assureurs et éventuels experts (dont tout rapport d'expertise) ;
Rejette le surplus de la demande de Mme [M] [V] de communication de pièces ;

Déclare irrecevable la demande de Mme [G] [V] en paiement de dommages et intérêts dirigée contre Mme [M] [V] ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit ;

Rejetons le surplus des demandes.

Fait et jugé à Paris le 26 Mars 2024

La greffièreLe Président
Sylvie CAVALIÉRobin VIRGILE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 23/14942
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;23.14942 ?
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