TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :
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2ème chambre civile
N° RG 23/04535
N° Portalis 352J-W-B7G-CXFU6
N° MINUTE :
Assignation du :
20 Juin 2022
JUGEMENT
rendu le 26 Mars 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. LA COUTURE DES RELIGIEUSES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Maître Stéphane MONGELOUS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0284 et Maître Kathia BEULQUE, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. IV INVEST
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Maître Charles BAGHDASARIAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0003
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Robin VIRGILE, Juge, statuant en juge unique, assisté de Sylvie CAVALIÉ, Greffière
DÉBATS
A l’audience publique du 12 mars 2024, avis a été donné aux avocats que le jugement sera rendu le 26 mars 2024 par mise à disposition au greffe.
JUGEMENT
Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort
_______________
EXPOSE DES FAITS
Par acte du 8 juillet 2020 reçu par Me [Y] [I], notaire associé de la SELARL « [E] [X], [U] [G] et [Y] [I], sise [Adresse 2], la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES a vendu à la SARL IV INVEST d’un terrain à bâtir sis [Adresse 6], cadastré section [Cadastre 4], d’une surface d’1 ha, 91 a et 11 ca, moyennant le prix principal de 832 888 euros.
Cette vente a été consentie sous la condition suspensive mentionnée dans l'intérêt de l'acquéreur de l'obtention d'un permis de construire définitif, expurgé de tout recours, la dite condition suspensive devant être réalisée au plus tard le 31 juillet 2021. Il a également été prévu à l'acte une clause pénale d'un montant de 72.600 euros si l'une des parties ne régularise pas l'acte authentique de vente alors que toutes les conditions sont réunies.
Par acte du 6 mai 2021, une nouvelle promesse synallagmatique de vente sous conditions suspensive a été conclue entre les mêmes parties sur le même bien et au même prix, prévoyant que le dépôt du dossier de demande de permis de construire devra être effectué par l'acquéreur au plus tard le 31 décembre 2021. Cet acte mentionne par ailleurs que l'acquéreur sera redevable d'un intérêt dau taux de 3% l'an calculé sur le prix TTC au titre de la période allant du 1er janvier 2021 jusqu'à soit la date de dépôt du dossier de demande de permis de construire, soit la réception par le vendeur du courrier de l'acquéreur l'informant de sa décision de ne pas déposer de permis de construire, soit au plus tard jusqu'au 31 décembre 2021 à défaut de justificatif de dépôt de demande de permis de construire par l'acquéreur.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mars 2022, Me [I] a sollicité de l'acquéreur le versement de la somme de 24.986,64 euros pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2021, à défaut de justificatif par la SARL IV INVEST du dépôt d'une demande de permis de construire.
Par exploit d'huissier en date du 23 juin 2023, la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES a fait assigner la SARL IV INVEST devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles de la voir condamnée à lui payer la somme de 24.986,64 euros.
Dans son assignation en date du 23 juin 2023, laquelle vaut conclusions, la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES demande au tribunal de :
« Vu la promesse synallagmatique de vente sous conditions suspensives en date du 6 mai 2021,
Vu les dispositions des articles 1231 et suivants du Code Civil,
Vu également les dispositions de l’article 1304-3 du Code Civil,
Juger que la promesse synallagmatique de vente sous conditions suspensives reçue par Maître [Y] [I], le 6 mai 2021, entre la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES et la SARL IV INVEST, portant sur un terrain à bâtir sis [Adresse 6], cadastré section [Cadastre 4], Lieu-dit [Localité 5], d’une surface d’1 ha, 91 a et 11 ca, est caduque ;
Condamner la SARL IV INVEST à payer à la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES, la somme de 24 986.64 € correspondant à l’intérêt conventionnel convenu entre la SARL IV INVEST d’une part, et la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES d’autre part, en cas de caducité du compromis encourue à raison du défaut de dépôt de la demande de permis de construire stipulé à la promesse, par la SARL IV INVEST, avant le 31 décembre 2021, et justifié au moyen de la production du récépissé de dépôt dressé par la mairie, intérêt au taux de 3% calculé sur le prix TTC pour la période allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 ;
Condamner la SARL IV INVEST à payer à la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamner la SARL IV INVEST aux entiers frais et dépens de l’instance ;
Rappeler que l’exécution provisoire est de droit. »
La défenderesse n'a pas adressé de conclusions avant l'ordonnance de clôture, intervenue le 21 juin 2023.
A l'audience du 12 mars 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024.
MOTIFS
Sur la demande de la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES de condamner la SARL IV INVEST à lui payer la somme de 24.986,64 euros
La SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES fait valoir, pour l'essentiel que :
- le compromis prévoyait expressément qu’à défaut de dépôt dans le délai convenu, la promesse serait caduque de plein droit,
- elle a pris l'initiative par courriel des 6 et 20 décembre 2021 de demander à la SARL IV INVEST de justifier du dépôt en question, sans obtenir de réponse,de sorte que la promesse de vente est devenue caduque
- a défaut de dépôt avant le 31 décembre 2021 d'une demande conforme de permis de construire, le compromis prévoyait que l’intérêt conventionnel convenu fixé au taux de 3% l’an calculé sur le prix TTC, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021, est dû soit la somme de 24 986.64 euros (832 888 euros x 3%).
Sur ce,
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En vertu de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ou moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
En l'espèce, figure au compris de vente du 6 juillet 2021 la clause ainsi libellée :
« En contrepartie de l’allongement de ce délai par rapport à celui qui avait été convenu entre les parties dans la première promesse de vente, et l’immobilisation plus importante du bien qui en découle pour le VENDEUR, les parties conviennent que l’ACQUEREUR sera redevable d’un intérêt au taux de 3% l’an calculé sur le prix TTC, au titre de la période allant du 1 er janvier 2021 jusque :
- Soit la date de dépôt du dossier de demande de permis de construire et d’autorisation d’exploitation commerciale, savoir au plus tard jusqu’au 31 décembre 2021, justifié par la production par L’ACQUEREUR au VENDEUR du récépissé dressé par la mairie ;
- Soit la date butoir du 31 décembre 2021, à défaut de justificatif de dépôt de demande produit à cette date par L’ACQUEREUR ;
- soit la réception par le VENDEUR du courrier recommandé avec accusé de réception adressé par L’ACQUEREUR l’informant de sa décision de ne pas déposer son dossier de demande d’urbanisme qu’elle qu’en soit la raison.
L’intérêt sera dû pour toute la durée ainsi calculée et devra être versé par virement bancaire sur le compte de l’étude du notaire soussigné.
A défaut de dépôt dans le délai convenu, la présente promesse sera caduque de plein droit, sans formalité préalable, et l’intérêt conventionnel susvisé devra être versé par L’ACQUEREUR au VENDEUR dans les conditions définies ci-dessus.
L’ACQUEREUR devra remettre une copie du dossier de dépôt au VENDEUR concomitamment au dépôt.
L’ACQUEREUR devra ensuite procédure à l’affichage de ce permis dans les dix (10) jours de la délivrance dudit permis et justifier de cet affichage par trois (3) constats d’huissier permettant de justifier de l’affichage continu. Il devra justifier au VENDEUR de l’accomplissement de chacune de ses obligations dans les huit (8) jours ouvrés de chacune de leur réalisation.
Si ce permis fait l’objet d’un recours contentieux, gracieux ou hiérarchique dans les deux mois de son affichage et/ou d’un retrait pour illégalité dans les trois mois de sa délivrance, la condition suspensive sera réputée comme n’étant pas réalisée et les présentes comme caduques, sauf si L’ACQUEREUR décidait de renoncer au bénéfice de la condition, faisant alors son affaire personnelle des recours […] ».
Il en résulte qu'en ce qu'elle vient notamment sanctionner l'absence de dépôt de permis de construire dans le délai imparti, ladite clause s'analyse en une clause pénale.
La SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES prouve, au travers du compromis de vente produit, l'existence de l'obligation pour la SARL IV INVEST d'accomplir des démarches de dépôt d'une demande de permis de construire.
La SARL IV INVEST ne prouve pas avoir accompli cette démarche.
Dès lors, à défaut de démontrer qu’elle a déposé une demande de permis de construire, et conformément aux stipulations contractuels, le compromis de vente est caduc. Il n'y a pas lieu de prononcer sa caducité mais uniquement de la constater, puisque ledit compromis a prévu une caducité de plein droit.
Le montant de la clause pénale se calcule donc, au regard des stipulations contractuelles, en appliquant un taux de 3% par an au prix de vente TTC de 832.888 euros, sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2021, soit un total de 24.986,64 euros. Compte tenu de l'immobilisation du bien sur une année entière au regard du seul du second compromis de vente et du caractère comminatoire s'attachant à la clause pénale, ce montant n'apparaît pas manifestement excessif, de sorte qu'il n'y a pas lieu à modérer d'office la clause pénale.
Par conséquent, la SARL IV INVEST sera donc condamnée à payer à la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES la somme de 24.986,64 euros au titre de la clause pénale prévue au compromis de vente du 6 mai 2021.
Sur les demandes accessoires
La SARL IV INVEST, partie qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens.
L'équité justifie de rejeter la demande de la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, il y a lieu de rappeler que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire. Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Constate la caducité de plein droit de la promesse synallagmatique de vente sous condition suspensive en date du 6 mai 2021 reçue par Me [Y] [I] entre la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES et la SARL IV INVEST et portant sur un terrain à bâtir sis [Adresse 6], cadastré section [Cadastre 4], Lieu-dit [Localité 5], d’une surface d’1 ha, 91 a et 11 ca ;
Condamne la SARL IV INVEST à payer à la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES la somme de 24.986,64 euros au titre de la clause pénale prévue au compromis de vente du 6 mai 2021 précité ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SARL IV INVEST aux dépens ;
Rejette la demande de la SARL LA COUTURE DES RELIGIEUSES formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.
Fait et jugé à Paris le 26 mars 2024
La GreffièreLe Président
Sylvie CAVALIÉRobin VIRGILE