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26/03/2024 | FRANCE | N°22/07771

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 6ème chambre 1ère section, 26 mars 2024, 22/07771


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




6ème chambre 1ère section

N° RG 22/07771 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CXD35

N° MINUTE :




Assignation du :
22 juin 2022




JUGEMENT
rendu le 26 mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [K] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Anne-Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0391




DÉFENDERESSE

S.A.S. FV CONCEPTION
[Adresse 1]
[Localité

5]

représentée par Maître Alain TILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1661







Décision du 26 mars 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 22/07771 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CXD35


COMPOSI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

6ème chambre 1ère section

N° RG 22/07771 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CXD35

N° MINUTE :

Assignation du :
22 juin 2022

JUGEMENT
rendu le 26 mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [K] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Anne-Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0391

DÉFENDERESSE

S.A.S. FV CONCEPTION
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Alain TILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1661

Décision du 26 mars 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 22/07771 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CXD35

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Céline MECHIN, vice-président
Marie PAPART, vice-président
Clément DELSOL, juge

assisté de Catherine DEHIER, greffier,

DÉBATS

A l’audience du 31 janvier 2024 tenue en audience publique devant Clément DELSOL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Décision publique
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Céline MECHIN, président et par Catherine DEHIER greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******************

En qualité de maître d’ouvrage, [K] [Y] a entrepris des travaux de rénovation de l’appartement dont elle est propriétaire au 3e étage de l’immeuble situé [Adresse 3] suivant un devis n°2020-05-25 du 25 mai 2020 de la société Fv Conception d’un montant de 49 045,00 €ht soit 53 949,50 € ttc.

Par ordonnance de référé contradictoire du 03 mai 2021 sur assignation d’[K] [Y], le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a désigné Monsieur [I] [J] en qualité d’expert judiciaire pour examiner les désordres allégués. L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 07 janvier 2022.
Par acte d’huissier de justice délivré le 22 juin 2022, Madame [K] [Y] a fait citer la société Fv Conception devant le tribunal judiciaire de Paris. Elle forme les prétentions suivantes :
« Vu le rapport d’expert de Maître [J] ;
Vu les articles 1240 et suivants du Code civil ;
DIRE ET JUGER, Madame [Y] recevable en ses demandes et les déclarer bien fondées ;
DIRE ET JUGER que la société FV CONCEPTION est responsable de l’arrêt du chantier ;
CONDAMNER à verser à Madame [Y] la somme de 46.640,00 €, en réparation du préjudice subi ;
CONDAMNER la société FV CONCEPTION à payer à Madame [Y] la somme de 6.000,00 € par application des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens et ce compris les frais du rapport d’expertise.
PRONONCER l’exécution provisoire du jugement à intervenir. »
L’ordonnance de clôture date du 03 juillet 2023.

Par conclusions de révocation de l’ordonnance prononçant la clôture notifiées par voie électronique le 3 janvier 2024, la société Fv Conception forme les prétentions suivantes :
« Vu l’article 784 du Code de procédure civile,
Vu les motifs exposés par la Société FV CONCEPTION
REVOQUER l’ordonnance de clôture du 3 juillet 2023 notifiée le 5 août 2023
Renvoyer l’affaire à la mise en état pour les conclusions de la société FV CONCEPTION
Réserver les dépens. »

Par conclusions en rejet de la demande de rabat de l’ordonnance de clôture au fond n°2 notifiées par voie électronique le 24 janvier 2024, Madame [K] [Y] forme les prétentions suivantes :
« Vu les articles 784 et suivants du Code de procédure civile,
Il est demandé au Tribunal de :
A TITRE PRINCIPAL :
REJETER la demande de la société FV CONCEPTION aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture ;
DEBOUTER la FV CONCEPTION de l’ensemble de ses conclusions, demandes et fins ;
CONDAMNER la société FV CONCEPTION à payer à Madame [N] la somme de 500,00 € par application des dispositions de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens. »

Pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à la lecture de leurs écritures en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

I. La demande de révocation de l’ordonnance de clôture

L'article 803 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
En l’espèce, l’assignation introductive d’instance a été délivrée à la société Fv Conception le 22 juin 2022 par remise à étude, un employé présent sur les lieux de domiciliation Sofradom confirmant l’adresse et refusant de recevoir l’acte.
Maître [L] [Z] s’est constitué le 26 septembre 2022 dans les intérêts de la société Fv Conception.

Maître [O] [S] s’est constitué en lieu et place du précédent pour la société Fv Conception le 12 juin 2023.

Au cours de cette période, l’affaire a été appelée aux audiences de mise en état des 14 novembre et 05 décembre 2022, 27 mars et 03 juillet 2023, la défenderesse n’ayant produit aucune conclusions au fond ni sur incident aux fins de communication de pièce et de violation du principe du contradictoire, l'avocat constitué en second lieu alléguant seulement après la clôture ne pas avoir été en possession des pièces du demandeur.

Par ailleurs, l’ordonnance de clôture du 03 juillet 2023 a été régulièrement notifiée par le greffe par voie électronique le 09 août 2023 dont avis de réception de Maître [O] [S] du 22 août 2023, la société Fv Conception ayant attendu le 03 janvier 2024, soit près de quatre mois, pour produire des conclusions aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture.

En outre, il n’est pas contesté que les pièces du demandeur avaient régulièrement été communiquées au premier conseil de la société Fv Conception, ceci de telle sorte que le principe du contradictoire a été respecté.
En conséquence, aucun motif ne justifie la révocation de l’ordonnance de clôture et la société Fv Conception sera déboutée de sa demande.

II. La demande en paiement de Madame [Y]

L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Les entrepreneurs sont tenus d'une obligation de résultat à l'égard du maître de l'ouvrage (n°08-14.714).

a. Le contrat valablement formé

En l’espèce, Madame [Y] produit en pièce n°2 un devis n°2020-05-25 du 25 mai 2020 de la société Fv Conception d’un montant de 49 045,00 € ht soit 53 949,50 € ttc lequel stipule un calendrier de paiement de 30 % à la signature, deux fois 30 % à l’avancement des travaux puis 10 % à la réception de ceux-ci. Ce document n’est pas signé.
Il est également produit en pièce n°4 une facture n°2020-00037 du 07 août 2020 mentionnant ce devis et correspondant à 30 % pour la signature du devis, soit 16 184,85 € ttc.

La réalité de la relation contractuelle ayant pour assiette le devis susvisé résulte de l’échange des courriers produits en pièce n°7, les conseils des deux parties y faisant expressément référence.

b. Le manquement à une obligation contractuelle

En l’espèce, l’expert décrit le chantier en pages 9 à 13 du rapport d’expertise judiciaire. Il convient de retenir que l’évacuation demeure à terminer au titre du lot démolition ; que le lot maçonnerie est réalisé à 0 %; qu’au titre du lot plomberie, les réseaux d’EC/EF sont réalisés, qu’il manque les protections, que les réseaux EU et EV sont réalisés mais à refaire car non-conformes au DTU 60.1 ; qu’au titre du lot chauffage, la chaudière a été déplacée et que le réseau est réalisé, la position de la chaudière étant une source de désaccord en l’absence de précision dans le contrat ; qu’aucune autorisation préalable de travaux n’a été obtenue pour percer le mur de façade ; qu’au titre du lot électricité, la distribution est faite, le tableau de protection est en cours et il demeure un désaccord des parties en l’absence de précisions dans le contrat de la position des points d’alimentation ; que les lots VMC, cuisine, climatisation et peinture sont réalisés à 0 %.

Il indique que le défaut d’achèvement du chantier résulte de son interruption. À ce titre, en page 13 du rapport, l’expert précise que les travaux ont débuté le 08 septembre 2020, que par une missive du 30 septembre 2020, le maître d’ouvrage aurait fait part de son insatisfaction et que le chantier a cessé le 28 septembre 2020.

Ainsi, au titre des manquements établis, il convient de retenir un défaut d’information quant à la disposition des points d’alimentation et à la localisation de la chaudière, l'entrepreneur étant tenu de s'assurer des souhaits de son client avant l'exécution des travaux, le non-respect de la réglementation en vigueur quant aux réseaux d’eau vanne et l’altération du mur de façade sans accord préalable de la copropriété.

Ainsi, la faute de la société Fv Conception est caractérisée.

c. Les préjudices

De jurisprudence constante en application du principe de réparation intégrale du préjudice, la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, les dommages et intérêts alloués devant réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour lui ni perte, ni profit. En matière contractuelle, le préjudice doit être prévisible.
Le préjudice financier
En l’espèce, le montant total de travaux prévus contractuellement est de 49 045,00 € ht, soit 53 949,50 € ttc.

L’expert, en page 15 du rapport définitif, évalue le taux d’avancement des travaux à 18,7 % pour un total de 9 200,00 € ht, déterminant ainsi un montant de 39 845,00 € ht de travaux inexécutés.

Toutefois, l’expert indique que les sommes de 1 200,00 € et 3 500,00 € retenues au titre de l’avancement partiel des réseaux de chauffage et d’électricité pourraient ne pas être déduites, car il est peu probable qu’une autre société accepte de se raccorder sur un réseau partiellement exécuté.

9 200,00 – (1 200 + 3 500) = 4 500

Considérant cet élément, le montant des travaux exécutés est évalué à 4 500,00 € ht, soit 4 950,00 € ttc et les travaux inexécutés à 44 345,00 € ht.

Il résulte des éléments produits aux débats que le maître d’ouvrage a versé la somme de 30 % du montant des travaux à la signature, soit 16 184,85 € ttc.

16 184,85 - 4 950,00 = 11 234,85

Ainsi, le préjudice financier correspondant au manquement à l’obligation d’information et à l’exécution partielle des travaux est de 11 234,85 €.

Le préjudice pour perte de loyer et le trouble de jouissance
Madame [Y] indique qu’il était impossible de donner son bien à bail de septembre 2020 à janvier 2022, caractérisant une perte de loyer de 1 500,00 € par mois, des charges de 67,00 € par mois, une assurance de prêt de 723,00 € par mois.

L’article 1231-3 du code civil dispose que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.

En l’espèce, il convient de préciser que l’intention du maître d’ouvrage de donner le bien à bail et de générer des revenus locatifs n’a jamais été contractualisée et qu’ainsi, ce préjudice n’est pas prévisible.
En revanche, Madame [Y] n’a pas eu la possibilité de jouir de son bien, les photographies intégrées au rapport d’expertise judiciaire montrant un local brut, en chantier, manifestement inhabitable, ce que ne pouvait ignorer le défendeur.

Ainsi, la perte de jouissance du bien est totale depuis l’arrêt du chantier le 28 septembre 2020 et jusqu’à la date du jugement le 26 mars 2024, les travaux d’achèvement n’ayant pas été réalisés.

L’acte de vente notarié décrit un bien situé au 4e étage et constitué d’une entrée, d’une cuisine sur cour, d’une chambre et d’une salle de séjour sur rue d’une surface de 33,08 m².

Aucun élément produit aux débats ne permet de valoriser le bien sur le marché.

Il convient donc d’évaluer le trouble total de jouissance à 800,00 € par mois.
41 x 800 + 800/30 x 28 = 33 546,6667

Ainsi le trouble de jouissance est évalué à 33 546 €.

À ce titre, le maître d’ouvrage ne peut pas à la fois solliciter les sommes relatives à la perte de jouissance des locaux lesquelles permettent de faire face aux charges qu’ils génèrent et l’indemnisation de ces charges sans porter atteinte au principe de réparation intégrale.

Le total des préjudices
33 546 + 11 234,85 = 44 780,85

En conséquence, la société Fv Conception est condamnée à payer 44 780,85 € à Madame [K] [Y] au titre des préjudices résultant des désordres et de l’arrêt du chantier.

III. Les décisions de fin de jugement

a. Les dépens

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La société Fv Conception succombe et est condamnée aux dépens.

b. Les frais irrépétibles

L’article 700 1° du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La société Fv Conception succombe et est condamnée aux dépens. L’équité commande de la condamner à payer 6 000,00 € à Madame [K] [Y] au titre des dispositions susvisées.

c. L’exécution provisoire

En application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile. l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire statuant après débat en audience publique par jugement contradictoire en premier ressort et mis à disposition au greffe,

DÉBOUTE la société Fv Conception de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;

DECLARE la société Fv Conception responsable des préjudices subis par Madame [K] [Y] du fait de l’arrêt du chantier et des désordres ;

CONDAMNE en conséquence la société Fv Conception à payer Madame [K] [Y] 44 780,85 € au titre des préjudices subis ;

DÉBOUTE Madame [K] [Y] du surplus de ses prétentions ;

CONDAMNE en conséquence la société Fv Conception aux dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire ;

CONDAMNE en conséquence la société Fv Conception à payer 6 000,00 € à Madame [K] [Y] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

Fait et jugé à Paris le 26 mars 2024

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 6ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/07771
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;22.07771 ?
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