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25/03/2024 | FRANCE | N°23/04677

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jtj proxi fond, 25 mars 2024, 23/04677


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Dominique FONTANA


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Agathe MARTIN

Pôle civil de proximité


PCP JTJ proxi fond

N° RG 23/04677 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2IAV

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le lundi 25 mars 2024


DEMANDERESSE
Madame [G] [S], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Agathe MARTIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0509


DÉFENDERESSE
S.A. GENERALE, d

ont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Dominique FONTANA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #K0139



COMPOSITION DU TRIBUNAL
Jean CORBU, Vice-président...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Dominique FONTANA

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Agathe MARTIN

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi fond

N° RG 23/04677 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2IAV

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le lundi 25 mars 2024

DEMANDERESSE
Madame [G] [S], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Agathe MARTIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0509

DÉFENDERESSE
S.A. GENERALE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Dominique FONTANA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #K0139

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Jean CORBU, Vice-président, statuant en juge unique,
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience, et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 05 février 2024
Délibéré du 25 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 25 mars 2024 par Jean CORBU, Vice-président assisté de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 25 mars 2024
PCP JTJ proxi fond - N° RG 23/04677 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2IAV

EXPOSE DU LITIGE

Madame [G] [S], est titulaire d'un compte bancaire n°[XXXXXXXXXX01] ouvert dans les livres de SOCIETE GENERALE dont elle est cliente depuis 40 ans.
Elle soutient qu'elle avait une assurance vie d'un montant de 17000 euros grâce à l'héritage de ses parents, sur un compte GENERALI dans la banque BOURSORAMA et qu'elle faisait régulièrement des virements de son assurance vie sur son compte bancaire de la SOCIETE GENERALE pour régler les charges de la vie courante.
Elle ajoute que le 14 juillet 2022, elle a fait un virement de 15000 euros de son compte GENERALI sur son compte SOCIETE GENERALE afin de mettre ses économies d'une part sur son livret A et d'autre part sur son livret d'Epargne Populaire de la SOCIETE GENERALE.
Elle indique que le 18 juillet 2022, en vérifiant ses comptes, elle a constaté que son compte bancaire n°[XXXXXXXXXX01] avait été piraté et qu'un retrait de 4000 euros avait été effectué. Elle souligne que ce virement lui est apparu manifestement frauduleux dans la mesure où elle indique sur ce type d'opération systématiquement POUR : MME [G] [S], alors que celui-ci mentionnait POUR : [S] [G], avec le prénom [G] en minuscule.
Elle précise avoir le 18 juillet 2022 aussitôt écrit un message à Madame [K] de la Société Générale via le site Internet en mettant son numéro de téléphone portable sous son nom afin que sa conseillière la rappelle au plus vite et puisse la rassurer.
Elle ajoute que les pirates ont trouvé son numéro et lui ont téléphoné pour la menacer, contestant leur avoir communiqué un quelconque renseignement ou information sur ses comptes.
Elle estime que sa conseillière n'a pas pris la mesure de la gravité de la situation, lui proposant un RDV téléphonique le 20 juillet 2022 car elle n'avait pas le temps de s'occuper de son cas immédiatement.
C'est dans ces circonstances qu'elle indique avoir constaté que son compte bancaire a été piraté une seconde fois le 19 juillet 2022 et une nouvelle somme de 4000 euros a été prélevée sur ce compte, avec la même mention que précédemment portant son prénom en minuscule, et ramenant la totalité des sommes détournées à 8000 euros.
Elle précise que Madame [K] l'a informée quelques jours plus tard que le bénéficiaire des fonds serait un dénommé [M] [I], Madame [S] ne connaissant pas cette personne et apprenant par la banque que ce dernier aurait lui-même fait l'objet d'un détournement de fonds.
Le 21 juillet 2022, Madame [G] [S] a déposé plainte au commissariat de police d'[Localité 5] et le 26 juillet 2022 la SOCIETE GENERALE lui a remboursé la somme de 5557,44 euros, laissant un montant de 2442,56 euros non remboursé.

Devant l'échec des tentatives de résolution amiable du différend, Madame [G] [S], par acte de Commissaire de justice du 7 juin 2023 remis à personne morale, a fait assigner la SOCIETE GENERALE devant le juge du pôle civil de proximité du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir, sous bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de cette dernière à lui verser :
- 2442,56 euros au titre du solde de la somme volée sur son compte bancaire, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,
-2000 euros de dommages et intérêts en compensation de son préjudice moral,
-2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
ainsi que sa condamnation au paiement des entiers dépens de l'instance.

Le dossier appelé à l'audience du 17 octobre 2023 et a fait l'objet d'un renvoi à la demande de la SOCIETE GENERALE et les parties ont été convoquées par le greffe à l'audience du 5 février 2024.

A cette audience, les parties ont comparu représentées par leurs conseils, Madame [G] [S] maintenant ses demandes dans les termes de son assignation.
La SOCIETE GENERALE, aux termes de ses conclusions n°1 a demandé de voir débouter Madame [G] [S] de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle réplique qu'étant tenue au principe de non-ingérence, elle ne pouvait s'opposer aux virements validés et authentifiés, qu'elle n'a commis aucune faute et que la demanderesse ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué dans son principe et montant.
Elle souligne que la restitution opérée à hauteur de 5557,44 euros a été effectuée dans le cadre du retour de fonds auprès de la banque du bénéficiaire.

Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties reprises oralement à l'audience de plaidoirie pour un plus ample exposé des moyens développés à l'appui de leurs prétentions.

Conformément à l'article 467 du Code de procédure civile, le jugement à intervenir sera contradictoire.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 25 mars 2024, par mise à disposition au greffe, en application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions de l'article 133-23 du Code monétaire et financier : " Lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l'opération de paiement n'a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

L'utilisation de l'instrument de paiement telle qu'enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l'opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d'initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l'utilisateur de services de paiement. ".

En l'espèce, Madame [G] [S] conteste deux débits par virements, l'un de 4000 euros en date du 18 juillet 2022 et un autre en date du 19 juillet 2022 de 4000 euros, soit un total prélevé de 8000 euros.
Ayant été re-créditée le 26 juillet 2022 de la somme de 5557,44 euros, elle demande à récupérer le solde de 2442,56 euros.

Sur la responsabilité de la SOCIETE GENERALE

Il appartient au prestataire de service de démontrer que les opérations litigieuses ont été authentifiées, dûment enregistrées et comptabilisées et qu'elles n'ont pas été affectées par une déficience technique ou autre.

Dans son courrier de refus de remboursement de ce solde en date du 30 septembre 2022, la SOCIETE GENERALE précise qu'il ressort de l'analyse du dossier que ces opérations étaient bien autorisées par Madame [S], validées par la saisie d'un code secret aléatoire transmis par SMS au n° de son téléphone, sécurité inchangée depuis 2021, communiquant à un tiers ce code en plus de ses codes de connexion, la banque considérant qu'elle ne peut être tenue pour responsable.

Le 21 juillet 2022, Madame [G] [S] justifie (pièce 5) avoir déposé plainte auprès du commissariat d'[Localité 5] pour dénoncer les deux virements frauduleux à hauteur de 8000 euros dont elle a été victime et les circonstances de ceux-ci.

Pour justifier de l'authentification du payeur, la SOCIETE GENERALE produit les traces d'activité du 18 juillet 2022 faisant apparaître une demande d'ajout de compte bénéficiaire validée, sans que cet état ne permette d'identifier l'auteur de cette demande ni n'établisse qu'elles ont été réalisées par Madame [G] [S] (pièce 3).

Dès lors, la SOCIETE GENERALE échoue à démontrer la régularité du processus de l'opération litigieuse, particulièrement en ce qui concerne l'authentification du payeur.

Sur la négligence fautive de la demanderesse

L'article L133-19 du Code monétaire et financier prévoit en ses IV et V que :
IV. - Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17.
V. - Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n'exige une authentification forte du payeur prévue à l'article L. 133-44.

En l'espèce, Madame [G] [S] produit une plainte circonstanciée face à laquelle il n'est démontré par la banque ni une erreur de manipulation, ni négligence ou une fraude de la part de Madame [G] [S] ni même un virus ayant affecté l'ordinateur de cette dernière.

La SOCIETE GENERALE sera en conséquence condamnée à rembourser à Madame [G] [S] la somme de 2442,56 euros au titre du solde de la somme détournée sur son compte bancaire n°[XXXXXXXXXX01], avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Sur la demande en dommages et intérêts pour préjudice moral.

En application de l'article 1240 du code civil, il est de jurisprudence constante que la faute, même non grossière ou dolosive suffit, lorsqu'un préjudice en résulte, à justifier une condamnation à des dommages-intérêts.
Il résulte des pièces produites que Madame [G] [S] a accompli dès le 18 juillet 2022 les démarches nécessaires aux fins de faire opposition au premier virement litigieux et que devant l'absence de réaction immédiate de la banque, elle a été victime d'un deuxième piratage le lendemain pour une même somme de 4000 euros ; que la SOCIETE GENERALE a le 30 septembre 2022 fait état d'une autorisation donnée à ces virements, sans en justifier ni justifier d'une erreur ou d'une négligence de Madame [G] [S].

Qu'en l'absence de tout élément de preuve lui incombant, la SOCIETE GENERALE a commis une faute qui engage sa responsabilité et ce d'autant plus que malgré des échanges épistolaires réitérés et une tentative auprès du médiateur de la consommation auprès de la Société Générale en date du 17 octobre 2022 restée vaine (pièce 16), outre une mise en demeure d'Avocat de la demanderesse du 9 février 2023 (pièce 17) elle n'a pas été en mesure de proposer une issue favorable au litige.

Madame [G] [S], retraitée de 81 ans, disposant d'une pension de 854,36 euros par mois pour vivre et faisant état de problèmes de santé (pièces 10 et 11) a ainsi dû engager une action en justice qui nécessite déploiement de moyens et engendre une perte de temps et de l'anxiété caractérisant un préjudice moral qu'il convient de réparer à hauteur de 1000 euros.

La SOCIETE GENERALE sera en conséquence condamnée à verser à Madame [G] [S], la somme de 1000 euros en réparation de son préjudice moral,

Sur les demandes accessoires

La SOCIETE GENERALE, partie perdante, sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il sera accordé à Madame [G] [S] la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû engager en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge du tribunal judiciaire de Paris, statuant publiquement en dernier ressort par jugement contradictoire mis à disposition au greffe,

CONDAMNE la SOCIETE GENERALE ayant son siège social au [Adresse 3] à payer à Madame [G] [S] les sommes de :

-2442,56 euros au titre du solde de la somme détournée sur son compte bancaire n°[XXXXXXXXXX01], avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la SOCIETE GENERALE ayant son siège social au [Adresse 3] aux dépens de l'instance ;

RAPPELLE que le jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.

Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le président et le greffier susnommés et mis à disposition au greffe.

Fait et jugé à Paris le 25 mars 2024

le Greffierle Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jtj proxi fond
Numéro d'arrêt : 23/04677
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;23.04677 ?
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