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25/03/2024 | FRANCE | N°20/11100

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 25 mars 2024, 20/11100


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :




2ème chambre civile

N° RG 20/11100
N° Portalis 352J-W-B7E-CTFHA

N° MINUTE :


Assignation du :
22 Octobre 2020















JUGEMENT
rendu le 25 Mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [S] [HN]
[Adresse 2]
[Localité 11]

Madame [K] [V]
[Adresse 8]
[Localité 16]

Madame [U] [N] veuve [O]
[Adresse 7]
[Localité

1]

représentés par Maître Nathalie ZAGURY BENHAMOU de la SELEURL LEV LAW AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0004



DÉFENDEURS

Maître [Y] [H]
[Adresse 9]
[Localité 13]

S.C.P. ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre civile

N° RG 20/11100
N° Portalis 352J-W-B7E-CTFHA

N° MINUTE :

Assignation du :
22 Octobre 2020

JUGEMENT
rendu le 25 Mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [S] [HN]
[Adresse 2]
[Localité 11]

Madame [K] [V]
[Adresse 8]
[Localité 16]

Madame [U] [N] veuve [O]
[Adresse 7]
[Localité 1]

représentés par Maître Nathalie ZAGURY BENHAMOU de la SELEURL LEV LAW AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0004

DÉFENDEURS

Maître [Y] [H]
[Adresse 9]
[Localité 13]

S.C.P. [18] [H]
[Adresse 9]
[Localité 13]

tous deux représentés par Maître Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0435

Association [19]
[Adresse 10]
[Localité 12]

représentée par Maître Joëlle MOUCHART GOLDZAHL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0509

Monsieur [F] [I]
[Adresse 14]
[Localité 17]

Monsieur [D] [N]
[Adresse 4]
[Localité 13]

Tous deux représentés par Maître Anne-Claude HOGREL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0369

Madame [L] [A] [N]
[Adresse 3]
[Localité 15]

Madame [E] [P] [N]
[Adresse 6]
[Localité 15]

Toutes deux représentées par Maître Marie-Françoise MERLOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C421

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Catherine LECLERCQ RUMEAU, 1ère Vice-présidente Adjointe
Claire ISRAEL, Vice-Présidente
RobinVIRGILE, Juge

assistés de Sylvie CAVALIÉ, Greffière

DEBATS

A l’audience collégiale du 14 Décembre 2023 tenue publiquement Catherine LECLERCQ RUMEAU a présidé et fait lecture du rapport, en application de l’article 804 du code de procédure civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024 ; ultérieurement, ils ont été informés que la décision serait prorogée, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

Décision du 25 Mars 2024
2ème chambre civile
N° RG 20/11100 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTFHA

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

[W] [N] dont le dernier domicile était à [Localité 20] est décédé le [Date décès 5] 2020, sans postérité.

Aux termes d'un testament authentique reçu le 11 mars 2020 par Maître [Y] [H] et Maître [JX] [C], notaires à [Localité 20], [W] [N] a désigné en qualité de légataire universelle l'association " Institut de [22] " ([22]), à charge pour celle- ci de délivrer 50 % de son patrimoine net de droits à :
▪ [F] [I] pour 17,5% : petit cousin germain par alliance,
▪ [D] [N] pour 17,5% : son petit neveu,
▪ [K] [V] pour 5% : sa demi-sœur,
▪ [L] [N] pour 5% : sa nièce,
▪ [E] [N] pour 5% : sa nièce.
Il a en outre désigné [F] [I] comme exécuteur testamentaire.

Par codicille olographe en date du 12 mars 2020, l'association [22] a été remplacée par l'association " [19] " ci-après désignée [19].

Le 16 juillet 2020, [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] veuve [O], frère et sœurs de [W] [N], et donc héritiers légaux de second ordre, ont déposé plainte contre [F] [I] et [D] [N] pour abus de faiblesse.

Par exploits d'huissier en date du 22 octobre 2020, ils ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris, l'Association [19], [F] [I], [D] [N], [L] [A] [N] et [E] [P] [N] aux fins essentielles de voir prononcer la nullité du testament (RG 20/11100).

Par exploit en date du 7 janvier 2021, ils ont par ailleurs saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir stopper les opérations successorales dans l'attente de la décision statuant au fond.

Par ordonnance rendue le 29 octobre 2021, le juge des référés a notamment :
- autorisé la SCP [18] [H], notaires, à poursuivre les opérations de liquidation jusqu'aux opérations de partage, lesquelles ne pourront être effectuées avant qu'une décision exécutoire soit rendue sur la validité du testament en date du 11 mars 2020,
- interdit à la SCP [18] [H] de se dessaisir, dans le même délai, des valeurs de toute nature dépendant de la succession qu'elle pourrait détenir, sauf pour s'acquitter des charges courantes de l'indivision successorale.

Par exploits en date du 12 janvier 2022 et 3 mars 2023, les demandeurs ont fait assigner en intervention forcée la SCP [18] [H] (RG 22/608) et Maître [Y] [H], notaire (RG 23/04603). Ces procédures ont été jointes à la présente instance par le juge de la mise en état les 31 janvier 2022 et 23 octobre 2023.

Le 26 juillet 2022, [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] veuve [O] ont formé une inscription de faux incidente à l'encontre du testament authentique en date du 11 mars 2020. Cette inscription a été enregistrée comme acte de procédure sous le numéro de RG 22/10135 et communiquée au Ministère public.

Sur accord de l'ensemble des parties constaté lors des audiences de mise en état des 9 janvier 2023 et 23 janvier 2023, il a été décidé que cet incident serait joint au fond et purgé par le tribunal.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives signifiées le 4 octobre 2023, [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] demandent au tribunal de :
Vu les articles 303 à 308 du CPC
Vu les articles 901 du Code Civil et suivants
Vu les articles 970 et suivants du Code civil
Vu les articles 1001 du Code Civil et suivants
Vu les articles 971 et 972 du Code Civil
Vu l'article 1240 du Code civil
Vu l'article 775 et suivants du Code Civil, l'article 778 du Code civil,
DECLARER recevable la demande d'inscription en faux du 10 août 2022 par Monsieur [S] [HN], Mesdames [K] [B] et Madame [U] [N] veuve [O] ;
REJETER toutes les demandes, fins et conclusions des consorts [D] [N], [F] [I], [E] [N], [L] [N], de l'association [19] et de la SCP [18][H] ;
EN CONSEQUENCE :
A titre principal
PRONONCER la nullité du testament authentique en date du 11 Mars 2020 pour non-respect des conditions de forme
PRONONCER la nullité du codicille en date du 12 mars 2020 pour non-respect des conditions de forme et pour abus de faiblesse de Monsieur [W] [N]
A titre subsidiaire
PRONONCER la nullité du testament authentique en date du 11 Mars 2020 et du codicille en date du 12 mars 2020 pour abus de faiblesse sur la personne de Monsieur [W] [N].
En tout état de cause,
ORDONNER l'exclusion de Monsieur [D] [N] de tout droit sur l'ensemble des biens de la succession en raison du recel successoral.
DECLARER que la responsabilité de Maître [Y] [H] et de la SCP [18] [H] est engagée ;
CONDAMNER in solidum Maître [Y] [H] et la SCP [18] [H] à payer à Monsieur [S] [HN], et Mesdames [K] [V] et [U] [O] née [N], la somme 1.000.000 d'euros à titre de réparation de leurs préjudices ;
ORDONNER les opérations de compte-liquidation et partage de la succession de Monsieur [W] [N] ;
DESIGNER, pour y procéder le président de la Chambre Interdépartementale des Notaires de Paris, avec faculté de déléguer tout membre de sa compagnie, à l'exclusion de Maître [Y] [H] et de la SCP [18] [H], notaire à Paris ;
DIRE, en tant que de besoin, que le Notaire commis pourra s'adjoindre le Commissaire-priseur de son choix, à l'effet de procéder au recollement de l'inventaire des biens meubles dépendant de la succession de Monsieur [W] [N] ;
CONDAMNER in solidum l'Association [19], Monsieur [D] [N], Monsieur [F] [I] tant en son nom personnel qu'en qualité d'exécuteur testamentaire, Madame [L] [A] [N], Madame [E] [P] [N] et la SCP [18] [H], Me [Y] [H] à la 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER in solidum l'Association [19], Monsieur [D] [N], Monsieur [F] [I] tant en son nom personnel qu'en qualité d'exécuteur testamentaire, Madame [L] [A] [N], Madame [E] [P] [N] et la SCP [18] [H], Me [Y] [H] aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives n°6 signifiées par voie électronique le 5 septembre 2023, [D] [N] et [F] [I] demandent au tribunal de :
Vu les dispositions des articles 778, 901, 967 à 980, 1001 et s. et 1240 du Code civil.
Vu les dispositions des articles 303 à 308, 306, 700 du Code de procédure civile.
- AU PRINCIPAL DECLARER IRRECEVABLE la procédure d'inscription de faux incidente et SUBSIDIAIREMENT LA DECLARER mal fondée.
- DEBOUTER Monsieur [S] [HN], Madame [K] [V] et Madame [U] [O] née [N], de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
- DESIGNER la SCP [18] [H], notaires associés en la personne de Maître [Y] [H], aux fins de mener les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [W] [N].
- CONDAMNER solidairement Monsieur [S] [HN], Madame [K] [V] et Madame [U] [O] née [N] à payer à Monsieur [F] [I] et Monsieur [D] [N], la somme de 10.000 euros chacun, soit au total la somme de 20.000 euros, en réparation de leur préjudice moral.
- CONDAMNER solidairement Monsieur [S] [HN], Madame [K] [V] et Madame [U] [O] née [N] à payer à Monsieur [F] [I] et Monsieur [D] [N], la somme de 15.000 euros chacun, soit au total la somme de 30.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- LES CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance.
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans leurs dernières conclusions en réponse signifiées par voie électronique le 3 avril 2023, Mesdames [E] et [L] [N] demandent au tribunal de :
Vu les dispositions des articles 778, 901, 967 à 980, 1001 et s. et 1240 du Code civil.
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- JUGER que Mesdames [L] et [E] [N] s'en rapportent à justice, sans acquiescement, sur les demandes de nullité tant en la forme qu'au fond du testament et de son codicille ainsi que sur sa remise en cause au visa des dispositions de l'article 901 du Code civil, ainsi que sur la procédure pour le moins tardive d'inscription de faux incidente,
- DEBOUTER Monsieur [S] [HN], Madame [K] [B] et Madame [U] [O] née [N], de toutes demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mesdames [L] et [E] [N],
- CONDAMNER solidairement Monsieur [S] [HN], Madame [K] [B] et Madame [U] [O] née [N] à payer à chacune de Mesdames [L] et [E] [N] la somme de 5.000 euros soit au total la somme de 10.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER solidairement Monsieur [S] [HN], Madame [K] [B] et Madame [U] [O] née [N] aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 25 octobre 2023, l'Association [19] demande au tribunal de :
Vu l'article 306 du code de procédure civile,
Vu les articles 901 à 911 du code civil
Vu les articles 971 à 974 et 1001 du code civil
- DEBOUTER [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] veuve [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, principales et accessoires
- PRONONCER LA JONCTION entre l'acte enregistré sous le RG 22/10135 et la présente procédure ;
- CONDAMNER in solidum [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] veuve [O] à payer à l'association [19] la somme de 21.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] veuve [O] en tous dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 17 avril 2023, la SCP [18][H] demande au tribunal de :
Sur la déclaration d'inscription de faux :
- DECLARER IRRECEVABLES Monsieur [S] [HN], Madame [K] [B] et Madame [U] [O], née [N], en la déclaration d'inscription de faux qu'ils déposée au greffe du Tribunal le 26 juillet 2020.
Subsidiairement,
- LES EN DECLARER MAL FONDES.
Sur le fond
- DEBOUTER Monsieur [S] [HN], Madame [K] [B] et Madame [U] [O], née [N], de toutes leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la concluante.
- CONDAMNER in solidum Monsieur [S] [HN], Madame [K] [V] et Madame [U] [O], née [N], à payer à la concluante la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 CPC.
- CONDAMNER in solidum Monsieur [S] [HN], Madame [K] [V] et Madame [U] [O], née [N], aux entiers dépens de l'instance et dire que Me Barthélemy Lacan, avocat, pourra, en application de l'article 699 CPC, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 3 juillet 2023, Me [Y] [H] demande au tribunal de :
- Joindre la présente instance en intervention forcée avec l'instance principale, enrôlée sous le n°20/11100.
- Donner acte au concluant de ce qu'il fait siens les moyens et arguments développés dans l'instance principale par la Scp [18] [H].
- Condamner in solidum Monsieur [S] [HN], Madame [K] [B] et Madame [U] [O], née [N], à payer au concluant la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 CPC, sans préjudice de la demande formée au même titre par la Scp [18] [H]
- Condamner in solidum Monsieur [S] [HN], Madame [K] [B] et Madame [U] [O], née [N], aux entiers dépens de l'instance et dire que Me Barthélemy Lacan, avocat, pourra, en application de l'article 699 CPC, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé plus ample des moyens de fait et de droit développés au soutien de leurs prétentions, lesquels sont présentés succinctement dans les motifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 octobre 2023 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 14 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'inscription de faux incidente

Le 26 juillet 2022, [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] veuve [O] ont formé une inscription de faux incidente à l'encontre du testament authentique en date du 11 mars 2020.

Messieurs [N] et [I], l'Association [19] et la SCP [18] [H] soulèvent l'irrecevabilité de cette inscription pour non-respect des dispositions de l'article 306 du code de procédure civile, faisant essentiellement valoir que :
-l'inscription remise au greffe le 26 juillet 2022 n'a été dénoncée à la partie adverse que le 30 août 2022, soit au-delà du délai légal d'un mois,
-les demandeurs procèdent par voie de suppositions ou d'interrogations sans articuler avec précision des moyens,
-le pouvoir spécial accompagnant la déclaration d'inscription est irrégulier car il ne figure pas sur le bordereau de communication de pièces accompagnant la déclaration remise au greffe et n'est signé par aucun de ses signataires.

En réplique, [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] objectent que :
- en raison des vacances judiciaires, la demande d'inscription tamponnée le 26 juillet 2022 n'a été enregistrée que le 10 août 2022, cette date constituant le point de départ du délai d'un mois qui a donc bien été respecté,
- les moyens qu'ils développent sont précis et non équivoques et corroborés par leurs pièces, à savoir l'absence de choix du légataire par le testateur et la rédaction du testament en amont de sa prétendue dictée le 11 mars 2020 ,
- le pouvoir spécial est régulier comme cela résulte du courrier d'accompagnement qui référence aux pouvoirs originaux et sa date est certaine puisque " remis durant cette période ".

[L] et [E] [N] s'en remettent à justice, sans acquiescement.

Sur ce,

L'article 306 du code de procédure civile prévoit que :
" L'inscription de faux est formée par acte remis au greffe par la partie ou son mandataire munie d'un pouvoir spécial.
L'acte, établi en double exemplaire, doit, à peine d'irrecevabilité, articuler avec précision les moyens que la partie invoque pour établir le faux.
L'un des exemplaires est immédiatement versé au dossier de l'affaire, et l'autre, daté et visé par le greffier, est restitué à la partie en vue de la dénonciation de l'inscription au défendeur.
La dénonciation doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l'inscription. "

Il résulte de ces dispositions que le point de départ du délai d'un mois fixé à peine d'irrecevabilité pour dénoncer l'inscription de faux à la partie adverse est la date de sa remise au greffe.

En l'espèce, l'examen de l'acte litigieux et plus particulièrement la mention " reçue au BOC le " suivie du tampon et de la signature du greffier établissent que l'inscription de faux a été remise au greffe le 26 juillet 2022.
Cette date est par ailleurs corroborée par le soit transmis du 10 août 2022 qui confirme la réception par le greffe de l'inscription de faux le 26 juillet 2022.

Il s'ensuit que le délai pour dénoncer l'inscription expirait le 26 août 2022 et la circonstance que le greffe ait retourné l'exemplaire le 10 août 2022 est à cet égard indifférente, étant observé que ce retour permettait en tout état de cause la signification dans le délai imparti par l'article 306 susvisé.

Or, il n'est pas contesté que la dénonciation de l'inscription n'a été effectuée que le 30 août 2022.

L'inscription de faux est en conséquence irrecevable, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par Messieurs [N] et [I], l'Association [19] et la SCP [18] [H].

L'inscription de faux étant déclarée irrecevable, il y a lieu de statuer au vu de la pièce arguée de faux.

Sur les demandes en nullité du testament et du codicille

[S] [HN], [K] [B] et [U] [N] demandent au tribunal de prononcer la nullité du testament du 11 mars 2020 et du codicille du 12 mars 2020, à titre principal, pour non-respect des conditions de forme, et subsidiairement, pour " abus de faiblesse ".

Sur la nullité du testament du 11 mars 2020

Au soutien de leurs prétentions, [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] font valoir que :
- le testament n'a pas été écrit sous la dictée du testateur mais rédigé par son notaire Me [H], comme le prouverait l'envoi d'un projet de testament par l'étude notariale à [W] [N],
- c'est notamment Me [H] qui a choisi le légataire au regard des relations privilégiées qu'il entretenait avec les institutions du [21], [W] [N] n'ayant pour sa part aucune connaissance des associations [22] ou [19],
- un faisceau d'indices démontrent l'état de faiblesse et la vulnérabilité de [W] [N] : son âge avancé (93 ans lors de la rédaction du testament), son isolement familial, sa maladie (cancer), la mise en place par [D] [N] et [F] [I] d'une situation de dépendance affective, ces derniers filtrant ses appels et ses visites,
- l'état de faiblesse et de vulnérabilité est en outre attesté par les éléments médicaux du dossier et notamment le certificat médical du Docteur [R] du 8 juillet 2020, le certificat médical du Docteur [MG] et le rapport d'expertise du Docteur [G] du 10 mars 2023.
- les témoignages des chargés de clientèle bancaire de [W] [N], et de son entourage direct (assistante de vie, kinésithérapeute) ainsi que les opérations financières réalisées par celui-ci dans les dernières années de sa vie (vente en viager de biens immobiliers à vil prix, achat et vente de faux tableaux et œuvres d'art) confirment la dégradation de sa santé mentale et sa vulnérabilité. Des plaintes pénales pour abus de faiblesse ont d'ailleurs été déposées.

Décision du 25 Mars 2024
2ème chambre civile
N° RG 20/11100 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTFHA

En défense, [D] [N] et [F] [I] contestent la nullité, opposant essentiellement que :
- le testament respecte en tous points les dispositions légales prévues aux articles 1001, 971 à 974 et 1371 du code civil dès lors qu'il a été reçu par deux notaires, dicté par le testateur en présence des notaires et écrit par l'un d'entre eux, lu au testateur et signé par les deux notaires et le testateur,
- la procédure d'inscription de faux étant irrecevable, la validité formelle du testament ne peut être remise en cause,
- sur le fond, les griefs tirés de l'insanité d'esprit ou de l'abus de vulnérabilité ne sont pas établis et sont au contraire démentis par les nombreux témoignages, photos, correspondances qu'ils versent aux débats et qui démontrent la réalité des liens familiaux qui les unissaient au testateur et leur grande proximité après le décès de son épouse,
- Le choix du légataire universel a été effectué en parfaite cohérence avec l'histoire familiale du [W] [N] qui avait passé son enfance dans un orphelinat et avait à cœur de gratifier une structure juive dédiée aux enfants,
- [W] [N] souffrait d'un cancer et non d'une maladie mentale dégénérative l'empêchant d'exprimer sa volonté, ce qui est confirmé par la lecture des certificats médicaux des docteurs [R] et [MG] pointant sa parfaite santé mentale,
- Le rapport d'expertise du Docteur [G] établi le 10 mars 2023 dans le cadre de la procédure pénale est partial, ce professionnel s'étant limité à interroger les témoins et intervenant mentionnés par les demandeurs. Il est également en contradiction avec les renseignements médicaux fournis les docteurs [X] et [J],
- ils sont totalement étrangers aux opérations financières dénoncées par les demandeurs dont certaines sont très antérieures à la rédaction du testament, et aucune suite n'a été réservée aux différentes plaintes pénales déposées en mars 2020.

[L] et [E] [N] s'en rapportent à justice.

Me [H] s'associe à la défense de [D] [N] et [F] [I] s'agissant de la nullité pour vice de forme.
Sur le fond :
- il conteste être le rédacteur du testament et le document présenté par les demandeurs comme un brouillon est en réalité une copie réalisée postérieurement.
- il dément avoir substitué sa volonté à celle de son client sur le choix du légataire et explique avoir simplement renseigné ce dernier qui lui avait fait part de son souhait d'instituer une œuvre d'éducation d'enfants juifs, ajoutant qu'il n'entretient aucun lien avec la communauté du [21].
- Quant à l'abus de faiblesse qui lui est reproché, outre qu'il s'agit d'une notion pénale étrangère à la nullité des testaments, il rappelle que le testament litigieux est un testament authentique reçu par deux notaires qui ont unanimement apprécié la volonté affirmée et lucide du testateur, et qu'il appartient à celui qui invoque l'insanité d'esprit de prouver cet état à la date d'établissement du testament. Or, à l'instar de [D] [N] et [F] [I], il considère que cette preuve n'est pas rapportée, soulignant qu'il ignorait la maladie dont était atteint [W] [N] et que le simple fait qu'il soit âgé, alité et physiquement diminué n'excluait pas une volonté utile et aiguisée.

L'Association [19] conclut au rejet des demandes de nullité tant sur la forme que sur le fond, reprenant les mêmes arguments que ceux développés par [D] [N] et [F] [I], et Me [H].

Sur ce,

Sur la nullité pour vice de forme

L'article 1001 du code civil dispose que "les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis par les dispositions de la présente section et de la précédente doivent être respectées à peine de nullité."
En vertu de l'article 972 alinéa 1 du code civil, " Si le testament est reçu par deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l'un de ces notaires l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. "
Aux termes de l'article 1371 du code civil, " l'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté. En cas d'inscription de faux, le juge peut suspendre l'exécution de l'acte. "

En l'espèce, le testament litigieux a été reçu le 11 mars 2020 par Me [Y] [H] et Me [JX] [C] et mentionne qu'il " a été écrit de sa main par Maître [Y] [H], l'un des notaires soussignés, tel qu'il est dicté par le testateur au notaire ; puis ledit notaire l'a lu au testateur qui a déclaré le comprendre parfaitement et reconnaître qu'il exprime parfaitement et intégralement ses volontés et ses propos, le tout en la présence réelle, simultanée et non interrompue de Me [JX] [C]. "
L'inscription de faux ayant été déclarée irrecevable, ces mentions font foi et ne peuvent être utilement combattues.

La demande en nullité pour vice de forme formée par [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] au motif que le testament n'aurait pas été écrit sous la dictée du testateur sera en conséquence rejetée.

Sur la nullité pour " abus de faiblesse "

L'abus de faiblesse est une notion pénale étrangère aux nullités prévues par le code civil en matière de testament. Au vu des écritures des demandeurs, le tribunal analyse la demande tendant à annuler le testament au motif de l'abus de faiblesse commis au préjudice de [W] [N] comme une demande de nullité fondée sur l'insanité d'esprit ou sur la violence.

Sur la nullité pour cause d'insanité d'esprit :

En vertu de l'article 414-1 du code civil, "pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte."
Aux termes de l'article 901 du même code, "pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence."

Ainsi, le testateur ne doit pas souffrir d'affections mentales par l'effet desquelles son intelligence a été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée, l'empêchant de de comprendre la portée de son acte.

C'est à [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] qu'il appartient de rapporter la preuve que le défunt n'était pas sain d'esprit au moment de la rédaction du testament du 11 mars 2020.

En l'espèce, il ressort de la lecture du testament litigieux que [W] [N] est apparu aux deux notaires comme une personne "saine d'esprit et ayant toute faculté d'exprimer clairement ses volontés ".

Le Docteur [MG], expert auprès de la cour d'appel de Paris en médecine interne, gériatrie et biologie du vieillissement, confirme ce constat dans un certificat établi le 8 juillet 2020, soit 4 mois après la rédaction du testament et un mois avant le décès survenu le [Date décès 5] 2020. Il décrit [W] [N] comme "parfaitement lucide avec un bon discernement ", "répondant aux questions posées de manière claire et cohérente ", "bien orienté dans le temps et dans l'espace."
De même, dans un certificat médical également rédigé le 8 juillet 2020, le Docteur [R], psychiatre et expert auprès de la cour de Paris, retient une altération des capacités physiques et intellectuelles en rapport avec le vieillissement et les manifestations d'un cancer en phase terminale, mais conclut que " Monsieur [N] peut exprimer sa volonté ".

Cette absence d'insanité d'esprit ne saurait être contredite par l'expertise réalisée par le Docteur [G] le 10 mars 2023 dans le cadre de la procédure pénale, ce professionnel n'ayant pu procéder à l'examen de [W] [N] et s'étant limité à analyser le dossier médical et à recueillir des témoignages. Au surplus, cette expertise qui conclut à la très grande vulnérabilité de l'intéressé ne met pas en évidence l'impossibilité pour celui-ci d'exprimer sa volonté, rapportant au contraire que son oncologue, le Docteur [X] " n'avait pas constaté de trouble cognitif évident lors de ses échanges avec M. [N] " et que son médecin traitant, le Docteur [J], a attesté dans un certificat médical daté du 2 mars 2020 que " M. [N] était en pleine possession de ses facultés mentales et en état de remplir ses obligations administratives. "

En définitive, il ressort de l'ensemble de ces éléments que si [W] [N] était diminué par l'âge et la maladie, il n'est pour autant pas démontré qu'il n'était pas au moment de la rédaction de son testament en capacité de comprendre la portée de ses actes et d'exprimer ses volontés.

Sur la nullité pour cause de violence

[S] [HN], [K] [B] et [U] [N] reprochent également à [D] [N] et [F] [I] d'avoir abusé de la vulnérabilité de [W] [N] en le plaçant dans une situation de dépendance affective et en l'isolant.

Aux termes de l'article 901 du code civil, " pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence."

Selon l'article 1143 du code précité, il y a violence " lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans laquelle se trouve son cocontractant à son égard obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. "

Il ressort des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile qu'il incombe à celui qui se prévaut d'une disposition légale de rapporter la preuve que les conditions de son application se trouvent bien réunies dans le cas d'espèce.

C'est donc à [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] qu'il appartient de rapporter la preuve que le consentement du défunt a été vicié par la violence.

Il ressort des débats et n'est pas contestable qu'à la date de rédaction du testament, [W] [N] était âgé de 93 ans, très affecté par le décès de son épouse, et très malade puisque souffrant d'un cancer qui allait l'emporter cinq mois plus tard. C'était donc une personne vulnérable qui avait besoin d'assistance comme l'ont confirmé les docteurs [G], [M] et [R], les deux derniers concluant à la nécessité de mettre en place un régime de protection. Et de fait, une décision de sauvegarde de justice a été rendue le 15 juillet 2020 par le juge des tutelles.

[D] [N] et [F] [I] justifient, par la production de nombreux documents (photos, attestations, correspondances) de leurs liens étroits et anciens avec [W] [N] et reconnaissent que cette proximité s'est encore accentuée après le décès de Madame [N] en juillet 2019, [D] [N] ayant pris la décision de s'installer à son domicile pour mieux l'accompagner.

Pour autant, les demandeurs échouent à démontrer que [D] [N] et [F] [I] auraient abusé de cet état de dépendance pour isoler [W] [N] et le contraindre à tester en leur faveur. En particulier, cette preuve ne saurait résulter des éléments suivants :
- les témoignages des chargés de clientèle bancaire qui attestent avoir attiré à plusieurs reprises l'attention de [W] [N] sur la nécessité de mettre en place un régime de protection ou de faire appel à son notaire pour donner procuration à [D] [N], ou signalent que [W] [N] leur aurait demandé de clôturer des contrats au Luxembourg et de rapatrier les fonds en France,
- l'attestation de l'assistante de vie qui confirme la dégradation de l'état de santé de l'intéressé justifiant une assistance permanente,
- le témoignage du kinésithérapeute qui relate que [W] [N] oubliait souvent leurs rendez-vous.

Les dénonciations de ventes à vil prix de la résidence principale du couple [N] en 2010, d'un appartement en viager en 2016, ou encore d'achat et revente de fausses œuvres d'art sont inopérantes s'agissant de la question de la validité du testament au regard de leur ancienneté et du fait qu'aucun lien entre ces opérations et [D] [N] et [F] [I] n'est établi.

Les différentes plaintes pénales déposées par les demandeurs et dont on ignore la suite qui leur a été réservée ne sauraient davantage constituer la preuve de l'abus d'un état de vulnérabilité de [W] [N].
En conclusion, à défaut de démonstration par [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] d'une insanité d'esprit de [W] [N] ou de violence exercée sur sa personne par les légataires au moment de la rédaction du testament querellé, leur demande tendant à son annulation sera rejetée.

Sur la nullité du codicille du 12 mars 2020

[S] [HN], [K] [B] et [U] [N] sollicitent l'annulation du codicille olographe du 12 mars 2020 pour non-respect des règles de forme et des règles de fond, soutenant essentiellement que :
- ce codicille a été antidaté, ce qui équivaut à une absence de date.
- la preuve de cette antidate est rapportée par un courriel du 23 mars 2020 de l'expert-comptable de l'association [22] sollicitant la substitution de cette association par l'association [19].

L'association [19] reconnaît l'antidate, affirmant dans ses dernières écritures que le codicille a nécessairement été écrit après le 23 mars 2020. Toutefois, elle expose que :
- dans l'hypothèse où la nullité du codicille serait prononcée, le testament du 11 septembre garderait toute son efficacité et l'association [22] redeviendrait la légataire universelle, de sorte que les requérants sont dépourvus d'intérêt à agir en l'absence de grief,
- la mention d'une date inexacte, en vertu d'une jurisprudence, n'est pas une cause de nullité de dispositions testamentaires si une période d'établissement peut être déterminée avec précision par des éléments intrinsèques au testament, corroborés par des éléments extrinsèques et qu'il n'est pas démontré, au cours de cette période, que le testateur était frappé d'une incapacité de tester. Or, en l'espèce, elle affirme que les éléments intrinsèques et extrinsèques permettent de situer entre le 23 mars et le 24 juin 2020 la période d'établissement du codicille.
Cette argumentation est reprise par [D] [N] et [F] [I], ainsi que par Me [H].

Sur ce,

Aux termes de l'article 970 du code civil, " le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme. "

Cependant, il est admis qu'en dépit d'une date erronée, un testament olographe n'encourt pas la nullité lorsque des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible.

En l'espèce, il est établi par un courrier rédigé le 23 mars 2020 par [T] [Z], expert-comptable de l'association [22], et transféré à Me [H], qu'il a été demandé d'"héberger cet héritage sur l'Association [19] ([19]) et non sur [22]."

Il s'ensuit que le codicille rédigé par [W] [N] pour substituer l'association [22] par l'association [19] et portant la date du 12 mars 2020 a nécessairement été antidaté, ce qui n'est désormais contesté par aucune des parties.
Ce codicille ayant été déposé au fichier des dernières volontés le 24 juin 2020, il a donc nécessairement été établi entre le 23 mars et le 24 juin 2020.

Ainsi qu'il vient d'être jugé, [W] [N] ne souffrait d'aucune incapacité l'empêchant de tester à la date du 11 mars 2020 et son consentement n'a pas été vicié par la violence. Il ressort par ailleurs des certificats établis par les docteurs [M] et [R] le 8 juillet 2020 qu'il était toujours en mesure d'exprimer clairement sa volonté en juillet 2020, de sorte qu'entre le 23 mars 2020 et le 24 juin 2020, il n'est pas démontré qu'il ait été frappé d'une incapacité de tester.

Il n'est pas allégué que [W] [N] ait par ailleurs pris d'autres dispositions testamentaires durant cette période susceptible de révoquer le codicille ou incompatibles avec lui.

En conséquence, le codicille querellé est régulier et [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] seront déboutés de leur demande en nullité.

Sur la demande d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage

[S] [HN], [K] [B] et [U] [N] demandent l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [W] [N].

Dans leurs écritures, [D] [N] et [F] [I] ne s'opposent pas aux opérations mais sollicitent la désignation de la désignation de la SCP [18][H] en qualité de notaire commis.

Sur question du tribunal à l'audience, ils ont précisé que leur demande tendant à l'ouverture des opérations de partage ne s'inscrit que dans l'hypothèse d'une annulation du testament litigieux mais qu'ils ne souhaitent pas voir ordonner le partage judiciaire de la succession dans l'hypothèse du rejet de cette demande d'annulation.

Sur ce,

Le testament du 11 mars 2020 ayant été reconnu valable, [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] ne font pas partie de l'indivision successorale dès lors qu'ils ont été exclus de la succession par ledit testament. Ils ne sont donc pas fondés à demander le partage de la succession de [W] [N].

Par suite, leur demande de partage judiciaire sera rejetée, de même que la demande de [D] [N] et [F] [I] tendant à la désignation de la SCP [18][H], laquelle est sans objet, le partage n'étant pas ordonné.

Sur le recel successoral

[S] [HN], [K] [B] et [U] [N] sollicitent que [D] [N] soit exclu de tous droits sur la succession, en raison du recel successoral dont il s'est rendu coupable.
A l'appui de leur demande, ils font valoir que [D] [N] a multiplié les manœuvres pour capter l'héritage de [W] [N], notamment en se présentant auprès des banques comme étant son petit-fils, en filtrant les appels téléphoniques, en destituant les héritiers légaux, en exerçant des pressions sur l'assistante de vie, ou encore en utilisant le carnet de chèques pour ses propres besoins.

[D] [N] conteste le recel, dénonçant des accusations non étayées par le moindre élément de preuve et précise que les deux seuls chèques litigieux sont signés de la main de [W] [N] et s'analysent en des présents d'usage qui, par définition, ne sont ni rapportables ni réductibles.

Sur ce,

Aux termes de l'article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.

Le recel successoral est constitué, pour un successible, par le fait de dissimuler certains effets de la succession afin de se les approprier indûment et d'en priver ainsi les autres ayants droit. Le recel porte donc sur des biens ou des droits d'une succession, dans une situation d'indivision successorale ayant pour but de rompre l'égalité dans le partage.

En l'espèce, [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] ayant été exclus du testament du 11 mars 2020 dont la validité a été reconnue, ils ne sont pas successibles et ne sont donc pas fondés à agir sur le fondement du recel successoral.

Au surplus, force est de constater que les moyens qu'ils développent au soutien de leur demande tendent en réalité à remettre en cause l'existence du testament désignant [D] [N] légataire à titre universel alors qu'il a déjà été jugé que le testament est valable.

Ils seront en conséquence déboutés de leur demande au titre du recel successoral.

Sur la demande de dommages et intérêts dirigée contre Me [H] et la SCP [18][H]

[S] [HN], [K] [B] et [U] [N] recherchent la responsabilité professionnelle de Me [H] et de la SCP [18][H] et réclament leur condamnation in solidum à leur verser la somme de 1 000 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice. Ils reprochent essentiellement au notaire d'avoir préparé et orienté le testament du 11 mars 2020, d'avoir violé le principe de confidentialité et le secret professionnel en adressant copie de ce testament à [D] [N] et [F] [I] et d'avoir manqué au devoir de vigilance et de conseil à l'occasion des ventes immobilières et de l'établissement du testament.

Me [H] et la SCP [18][H] concluent au rejet de l'ensemble des demandes en l'absence de démonstration d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité.

Sur ce,

En application des dispositions de l'article 1240 du code civil, pour que la responsabilité délictuelle d'une personne soit établie, doivent être caractérisés une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l'espèce, le testament du 11 mars 2020 ayant été reconnu valable, les demandeurs qui invoque le préjudice pour la succession de [W] [N] résultant des manquements du notaire, ne justifient donc d'aucun préjudice personnel dès lors qu'ils ne sont pas héritiers.

Ils ne démontrent par ailleurs pas le préjudice personnel qu'ils auraient subi du fait de la communication de ce testament ou d'un éventuel manquement du notaire à son devoir de conseil et de vigilance s'agissant des ventes immobilières.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] à l'encontre de Me [H] et de la SCP [18][H].

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

[D] [N] et [F] [I] sollicitent la condamnation solidaire de [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] à leur verser à chacun la somme de 10 000 euros pour procédure abusive.

Sur ce,

Il résulte de l'article 1240 du code civil, que l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit, indépendamment de son bien-fondé, et qu'elle ne peut constituer une faute susceptible de donner lieu à dommages et intérêts que si elle est abusive, à savoir notamment si elle a été exercée de manière dilatoire, de mauvaise foi, dans l'intention de nuire, ou par une légèreté blâmable.

En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément que [S] [HN], [K] [B] et [U] [N], qui ont pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits, aient agi à l'encontre de [D] [N] et [F] [I] avec une légèreté blâmable ou une intention de nuire.

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

[S] [HN], [K] [B] et [U] [N] qui succombent en leurs demandes à l'instance seront condamnés in solidum aux dépens.

L'équité justifie de rejeter toutes les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, susceptible d'appel, mis à disposition au greffe,

DECLARE irrecevable l'inscription de faux incidente formée par [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] ;
REJETTE la demande de nullité du testament authentique de [W] [N] du 11 mars 2020 formée par [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] ;

REJETTE la demande de nullité du codicille de [W] [N] du 12 mars 2020 formée par [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] ;

REJETTE la demande d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [W] [N] ;

REJETTE la demande de désignation de la SCP [18][H] formée par [D] [N] et [F] [I] :

REJETTE la demande au titre du recel successoral formée par [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] ;

REJETTE la demande de dommages-intérêts formée par [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] et dirigée contre Maître [H] et la SCP [18][H] ;

REJETTE la demande de dommages-intérêts formée par [D] [N] et [F] [I] et dirigée contre [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] ;

CONDAMNE [S] [HN], [K] [B] et [U] [N] in solidum aux dépens ;

DIT que les dépens pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par Maître Barthélemy LACAN,
avocat ;

REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 25 Mars 2024

La Greffière La Présidente
Sylvie CAVALIÉ Catherine LECLERCQ RUMEAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 20/11100
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;20.11100 ?
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