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25/03/2024 | FRANCE | N°19/07058

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 25 mars 2024, 19/07058


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :





2ème chambre civile

N° RG 19/07058 -
N° Portalis 352J-W-B7D-CQCQL

N° MINUTE :
Assignation du :
07 Juin 2019

AJ Totale n° 2019/44546 du 10/03/2020 (CA PARIS)


JUGEMENT
rendu le 25 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Z] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représenté par Maître Florian TOSONI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B1192

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DÉFENDEURS

Association APJA 75, uniquement en sa qualité de curatrice de Monsieur [J],
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Monsieur [D] [J], assisté par l’association APJA 7...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre civile

N° RG 19/07058 -
N° Portalis 352J-W-B7D-CQCQL

N° MINUTE :
Assignation du :
07 Juin 2019

AJ Totale n° 2019/44546 du 10/03/2020 (CA PARIS)

JUGEMENT
rendu le 25 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Z] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représenté par Maître Florian TOSONI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B1192

DÉFENDEURS

Association APJA 75, uniquement en sa qualité de curatrice de Monsieur [J],
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Monsieur [D] [J], assisté par l’association APJA 75, en sa qualité de curatrice,
[Adresse 4]
[Adresse 4]

Représenté par Maître Jérôme-marc BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0079,

Bénéficiaire d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/44546 du 10/03/2020 accordée par décision de la Cour d’Appel de Paris infirmant la décision du bureau d’aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 10/09/2019

Décision du 25 Mars 2024
2ème chambre civile
N° RG 19/07058 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQCQL

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Claire ISRAEL, Vice-Présidente, statuant en juge unique.
Assistée de Madame Audrey HALLOT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 22 Janvier 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 25 Mars 2024,

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire et en premier ressort

___________________________

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 17 octobre 2018, M. [D] [J] a unilatéralement promis de vendre à M. [Z] [I] le lot de copropriété n°6 de l’immeuble situé [Adresse 1], au prix de 97 000 euros, la promesse étant consentie pour une durée expirant le 16 janvier 2019 à 16 heures.

Par jugement du 9 novembre 2018, le juge des tutelles de Paris a ordonné le placement sous curatelle renforcée de M. [D] [J].

Par acte d’huissier du 14 février 2019, M. [Z] [I] a fait sommation à M. [D] [J] d’avoir à se présenter chez le notaire le 6 mars 2019 pour signer l’acte authentique de vente.

Le 6 mars 2019, Maître [B] [F], notaire à [Localité 7], a dressé un procès-verbal de carence, M. [D] [J] n’ayant pas comparu.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 1er avril 2019, M. [Z] [I] a mise en demeure M. [D] [J] de conclure la vente.

Par acte d’huissier du 7 Juin 2019, M. [Z] [I] a assigné M. [D] [J] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins essentielles de voir constater la perfection de la vente, ordonner sous astreinte la réalisation forcée de la vente en la forme authentique aux conditions prévues à la promesse de vente et condamner M. [D] [J] à lui verser une indemnité de 10 000 euros.

Par acte d’huissier du 11 septembre 2019, M. [Z] [I] a assigné l’association nationale tutélaire [8] (ANAT) en sa qualité de curateur de M. [D] [J].

La jonction des deux instances a été ordonné le 17 janvier 2020 par le juge de la mise en état.

Par jugement du 27 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné une expertise judiciaire et commis en qualité d’expert, le docteur [H] [V] avec pour mission de déterminer si, au jour de la promesse, les facultés mentales de M. [D] [J] étaient altérées de telle façon qu’il ne pouvait exprimer une volonté saine, c’est-dire promettre en connaissance de cause de vendre son bien et comprendre la portée de cette promesse.

Le docteur [V] a déposé son rapport le 11 avril 2022 qui conclut que « l’ensemble de l’histoire médicale de M. [J] permet d’affirmer qu’en octobre 2018 il n’était pas capable de réaliser une vente immobilière en mesurant la portée de son acte ».

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, M. [Z] [I] demande au tribunal de :

-Recevoir Monsieur [I] en ses demandes, fins et conclusions et les déclarer bien fondées,
-A contrario, débouter Monsieur [J] et l’ANAT de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence :

-Dire et Juger que la vente du bien immobilier constitué par le lot numéro 6 du bâtiment A, situé [Adresse 1] sera parfaite à partir du moment où toutes les conditions de celle-ci auront été remplies entre :

Monsieur [C] [I], né le 5 novembre 1985 à [Localité 6] demeurant [Adresse 2] d’une part,et Monsieur [D] [J], né le 6 juillet 1950 à [Localité 9] (Algérie), demeurant [Adresse 4] d’autre part au prix de 97 000 hors frais de notaire.
-Ordonner la réalisation forcée de la vente au profit de Monsieur [I], sous la forme authentique, en l’étude de Maître [F], Notaire à [Localité 7] portant sur le bien immobilier constitué par le lot numéro 6 du bâtiment A, situé [Adresse 1], de l’ensemble immobilier cadastré section [Cadastre 5] pour une surface de 00ha 20 a 24 ca, au premier étage, au fond du couloir face, au-dessus de l’allée cochère : Local à hauteur réduite (2m09), chambre sur le boulevard, cuisine sur cour. Au sous-sol une cave. Et les 5/1011ème des parties communes générales. Et les 32/1000ièmes des parties communes spéciales du bâtiment A moyennant un prix de 97000 € hors frais de notaire, aux conditions prévues à la promesse unilatérale de vente du 17 octobre 2018 et notamment à la condition que M. [J] justifie d’une purge du droit de préemption d’un ancien locataire (M. [U]) et du fait que l’appartement soit effectivement vide au moment de la réitération authentique de la vente. Assortir la réalisation forcée de la vente susmentionnée d’une astreinte de 1.000€ /jour contre M. [J] et ce à partir du moment où toutes les conditions de réalisation de ladite vente auront été réunies,
-Condamner M. [J] à justifier de la purge du droit de préemption de l’ancien locataire (M. [U]) et du départ des lieux de celui-ci (ainsi que de toutes personnes de son chef), le tout sous astreinte de 500€ / jour à compter de la survenance de la décision à intervenir,
-Dire que le prix de 97.000€ devra être payé, entre les mains du Notaire [F], à compter du moment où les conditions de la vente auront été réunies par M. [J],
-Condamner Monsieur [J] à verser à Monsieur [I] la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts résultant essentiellement de l’état déliquescent du bien vendu (ce qui avait été caché à M. [I] au moment de la conclusion de la promesse) et de la réticence abusive du vendeur à remplir ses engagements pourtant clairs, le tout tel que cela est développé dans le corps des présentes,
-Condamner également en tous les cas (et même en cas d’annulation de la vente), Monsieur [J] à verser à Monsieur [I] la somme de 31.754€ (somme à novembre 2022 inclus, à parfaire au jour de l’annulation de la vente ou de sa passation), pour le manque à gagner sur les loyers qu’il aurait dû percevoir depuis février 2019 et qu’il n’a pu percevoir du fait de la faute de M. [J],
-Ordonner la libération au profit de M. [I] de son indemnité d’immobilisation et ce si la vente ne devait pas être réalisée,
-Condamner au surplus Monsieur [J] à verser à Monsieur [I] la somme de 7.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Ordonner l’exécution provisoire du Jugement à intervenir,
-Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 juin 2022, M. [D] [J] et l’APJA75 agissant en qualité de curateur, demande au tribunal de :

-PRONONCER la nullité de la promesse unilatérale de vente,
-DEBOUTER Monsieur [I] de l’ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire,

-PRONONCER la caducité de la promesse unilatérale de vente,
-DEBOUTER Monsieur [I] de l’ensemble de ses demandes,

En tout état de cause
-CONDAMNER Monsieur [I] à verser à Monsieur [J] une somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Le CONDAMNER aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 mars 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 22 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de la promesse de vente

M. [D] [J] et l’APJA 75 se fondent sur les dispositions des articles 1129 et 464 du code civil pour demander l’annulation de la promesse de vente du 17 octobre 2018. Ils font valoir que :

-M. [J] a été placé sous curatelle renforcée par jugement du 9 novembre 2018, soit moins d’un mois après la signature de la promesse, le juge des tutelles ayant considéré qu’il était atteint d’une altération de ses facultés intellectuelles l’empêchant de pourvoir seul à ses intérêts,
-L’expert judiciaire conclut à son incapacité à réaliser une vente au jour de la promesse, notamment en raison de l’incapacité de M. [J] à gérer seul son budget, la mesure de protection devant notamment permettre de protéger ses ressources et ses biens,
-Dès le 5 janvier 2018, l’assistante sociale en charge de son suivi avait décrit une dégradation de son état, et lors de l’examen médical réalisé le 22 janvier 2018 par le Docteur [K] psychiatre, en vue de la mesure de protection, il était constaté des troubles cognitifs, en particulier un trouble du jugement, un trouble de la mémoire des faits anciens et des faits récents,
-La présence d’un notaire est insuffisante à garantir que M. [J] avait toutes ses facultés mentales et comprenait ce à quoi il s’engageait, de sorte qu’il a d’ailleurs accepté de baisser le prix de vente,
-Les lettres adressées à son nom n’émanent pas de lui mais de proches,
-Cette vente lui aurait causé un préjudice incontestable en le privant d’un loyer constituant un complément de revenu.

M. [Z] [I] conclut au rejet de cette demande et fait valoir, sur le fondement de l’article 464 du code civil que la preuve n’est pas rapportée, de la notoriété de l’incapacité de M. [J] à s’engager, ni d’un quelconque préjudice subi par lui du fait de la vente.

Il expose que :

-M. [J] était assisté de son propre notaire,
-Il n’a jamais eu connaissance lui-même de l’incapacité alléguée du promettant,
-M. [J] a écrit pour contester sa responsabilité dans l’absence de signature de la vente et est donc tout à fait en mesure de se défendre, le fait qu’il puisse ne pas avoir écrit lui-même ne démontrant en tout état de cause pas son incapacité,
-La réduction du prix de vente de 13 000 euros ne démontre pas l’incapacité du vendeur,
-S’agissant du préjudice, l’évaluation immobilière produite par les défendeurs ne tient pas compte de l’occupation du bien et du dégât des eaux important existant dans le local, de l’état de décrépitude du bien, des désordres qu’il génère dans la copropriété de sorte que le prix de vente étant parfaitement justifié.

Enfin, il conteste les conclusions de l’expertise judiciaire qui selon lui n’apporte pas les éléments pour éclairer le tribunal. Il soutient que l’expert relève essentiellement des lésions physiques et non cognitives, ne rapporte pas la preuve d’une démence alors que M. [J] a été capable de monter seul son dossier de vente, de faire réaliser les diagnostics, de mettre une annonce et de commercialiser le bien sur internet. Le fait qu’il ne puisse gérer son quotidien n’induit pas une incapacité à comprendre le processus d’une vente qui est un acte élémentaire. Il ajoute que le Test BEC 96 de 2014 de M. [J] est parfaitement correct, que l’assistante sociale ne relève aucune démence mais uniquement une faiblesse physique, que le certificat du Docteur [K] en 2018 est très court, ne comporte aucune analyse et conclut qu’il est capable d’exprimer sa volonté. Enfin, il souligne que l’expert n’a pas entendu les deux notaires et que M. [J] n’a pas été examiné.

Sur ce

Aux termes de l’article 1129 du code civil, conformément à l'article 414-1, il faut être sain d'esprit pour consentir valablement à un contrat.

Il résulte de l’article 414-1 du code civil, que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

En l’espèce, il appartient donc à M. [J] qui invoque son insanité d’esprit au moment de la signature de la promesse de vente pour en demander l’annulation, de rapporter la preuve d’un trouble mental affectant sa capacité à donner son consentement à cet acte.

L’expert judiciaire relève que dans un contexte de maladie cérébrovasculaire sévère, précoce et évolutive, M. [D] [J] a été victime d’un accident vasculaire cérébral en 2006, sa maladie évoluant ensuite vers des troubles cognitifs signalés dès 2014, d’abord légers, évoluant par la suite vers un syndrome démentiel, le tableau clinique évoquant une démence vasculaire très probable.

Si le test BEC 96 réalisé en octobre 2014 est en effet normal, comme le souligne le demandeur, pour 4 items sur 5, il est néanmoins antérieur de quatre ans à la signature de la promesse et l’expert souligne au vu du dossier médical que depuis, M. [J] a été victime de nouveaux épisodes d’aggravation sur le plan neurologique. De plus elle note que le test révèle dès 2014 une altération significative des capacités de résolution de problèmes et de conceptualisation, M. [J] n’étant pas en mesure de solutionner des problèmes arithmétiques ou verbaux très simples.

Elle souligne ensuite que les troubles cognitifs de M. [J] ont évolué jusqu’en 2019, traduisant des troubles du jugements, de la conscience de ses troubles et de la mesure de la portée de ses actes.

Si les pièces examinées par l’expert, à défaut d’avoir pu examiner M. [J] lequel a refusé l’examen, ne mentionnent pas expressément une « démence », l’expert, médecin gériatre, spécialiste du vieillissement cérébral normal et pathologique, a pu qualifier elle-même les différents troubles et symptômes décrits par l’assistante sociale et le Docteur [N] [K] notamment pour conclure à la présence d’une démence et à l’incapacité de M. [J] de réaliser une vente immobilière en octobre 2018, en mesurant la portée de son acte.

Elle souligne notamment en réponse à un dire du conseil de M. [Z] [I] que les séquelles motrices de l’AVC de M. [J] n’explique pas les déficits cognitifs observés dès 2014, puis ensuite notamment en 2017, ses importants troubles de jugement s’agissant de sa maladie, de la prise en charge nécessaire, du suivi de son traitement ou la description faite par l’assistance sociale sur les nombreuses incapacités et comportements inadaptés de M. [J], constitutifs de troubles du jugement importants, le mettant en danger financièrement et personnellement.

Il ressort en effet spécifiquement du rapport de demande de mesure de protection réalisé par Mme [P] [O], assistante sociale, le 21 juin 2017, que l’intéressé rencontre d’importantes difficultés à gérer son budget, à comprendre ses factures et les documents qui lui sont adressés, à solliciter les documents nécessaires pour effectuer ses démarches administratives, qu’il déclare que plusieurs chèques ont été volés dans son chéquier et que des sommes importantes retirées sur son compte bancaire, de sorte qu’elle conclut qu’une mesure de protection est nécessaire pour l’aider à protéger ses ressources et ses biens.

L’expert indique que l’ensemble de ces difficultés sont en lien avec une démence vasculaire dont les éléments sont retrouvés dans le certificat médical du 22 janvier 2018 établi par le docteur [N] [K], médecin spécialiste requis par le Procureur de la République, qui observe sans ambigüité les incapacités cognitives du patient.

Le docteur [N] [K] a en effet observé au terme de son examen du 22 janvier 2018, soit 10 mois avant la signature de la promesse de vente, « des troubles cognitifs, en particulier un trouble du jugement, un trouble de la mémoire des faits anciens et récents ». Il souligne que l’altération des facultés mentales de M. [J] n’est pas susceptible de connaître une amélioration et nécessite une assistance renforcée tant aux biens qu’à la personne, dans tous les actes de la vie civile.

L’expert judiciaire ajoute que contactée par elle, le docteur [K] a indiqué que M. [J] pouvait être atteint, en plus d’une démence, d’une maladie psychotique.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que dès juin 2017 et de façon plus nette encore en janvier 2018, M. [D] [J], souffrait de troubles cognitifs, en particulier de troubles du jugement et était dans l’incapacité manifeste de gérer seul son budget, des démarches administratives, avec une conscience altérée de sa situation financière, matérielle mais également personnelle et médicale.

Le fait que le médecin agrée ait noté qu’il est en « mesure d’exprimer sa volonté » signifie uniquement, dans le contexte d’un certificat réalisé dans le cadre d’une procédure de mise en place d’une mesure de protection, que le patient est en état d’être entendu par le juge et d’exprimer sa volonté, en aucun cas qu’il est en parfaite mesure de saisir la portée d’un acte juridique notarié comme une vente immobilière.

Il n’est nullement établi, contrairement à ce qu’affirme le demandeur, que M. [J] ait, seul, constitué le dossier de la vente, fait réaliser les diagnostics ou les différentes démarches nécessaires à la commercialisation de son bien, aucune pièce n’étant versée par M. [I] au soutien de cette affirmation, laquelle apparaît en totale contradiction avec les importantes difficultés de M. [J] décrites par l’assistante sociale notamment.

Enfin, le juge des tutelles, après avoir auditionné M. [D] [J] le 11 octobre 2018, soit six jours seulement avant la signature de la promesse de vente litigieuse, a décidé du placement de ce dernier sous le régime de la curatelle renforcée, en retenant dans son jugement qu’il est « atteint d’une altération de ses facultés intellectuelles consécutive à des troubles cognitifs l’empêchant de pourvoir seul à ses intérêts » et « qu’il a besoin d’être assisté et contrôlé dans les actes de la vie civile pour l’exercice de ses droits patrimoniaux ».

En conséquence, les troubles de M. [D] [J] ne pouvant s’être améliorés depuis janvier 2018 et ayant été constatés par le juge des tutelles quelques jours avant la signature de l’acte argué de nullité, il est démontré qu’à cette date, le 17 octobre 2018, il souffrait d’une altération telle de ses facultés mentales qu’il n’était pas sain d’esprit et ne pouvait valablement donner son consentement à la promesse unilatérale de vente consentie au profit de M. [Z] [I], peu important qu’il ait été assisté d’un notaire et peu important, sur le fondement des articles 414-1 et 1129 ci-dessus rappelés, que le bénéficiaire de la promesse n’ait pas eu connaissance de cette insanité d’esprit ou que la promesse ait ou non causé un préjudice à M. [J].

La nullité de la promesse de vente du 17 octobre 2018 sera donc prononcée.

Il en résulte que M. [Z] [I] ne saurait se fonder sur la promesse de vente annulée pour invoquer la perfection de la vente, M. [D] [J] ne s’étant pas valablement engagé à vendre son bien.

En conséquence, les demandes de M. [Z] [I] tendant à constater la perfection de la vente, à condamner sous astreinte M. [J] à signer l’acte authentique de vente et à justifier de la purge du droit de préemption et tendant à dire que le prix de vente devra être payé à compter du moment « où les conditions de la vente auront été réunies par M. [J] » seront nécessairement rejetées.

Sur l’indemnité d'immobilisation

M. [Z] [I] demande au tribunal d’ordonner la libération à son profit de la somme séquestrée au titre de l’indemnité d’immobilisation si la vente ne devait pas être réalisée.

Sur ce

Il résulte de la promesse de vente annulée en date du 17 octobre 2018 que les parties avaient convenu du versement par le bénéficiaire au titre de l’indemnité d'immobilisation d’une somme d’un montant de 4 850 euros, par virement bancaire au plus tard le 5 novembre 218 à la comptabilité du notaire séquestre, Maître LE BOURG THOMAS.

Si M. [Z] [I] ne verse aux débat aucune pièce établissant le versement de la somme de 4 850 euros au notaire séquestre, il n’est pour autant pas contesté par M. [J] et l’APJA 75 que cette somme a bien été versée par M. [Z] [I] au notaire de sorte que qu’il sera ordonné la restitution à son profit de toute somme versée au titre de l’indemnité d'immobilisation au profit de M. [I], la promesse étant nulle.

Sur les dommages et intérêts

M. [Z] [I] demande au tribunal de condamner M. [D] [J] à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts, soit la somme de 15 000 euros en réparation du manque à gagner résultant des conséquences du dégât des eaux caché par le promettant au moment de la conclusion de la promesse et 20 000 euros pour résistance abusive.

Il demande également la condamnation de M. [D] [J] à lui verser la somme de 31 754 euros à parfaire au jour de l’annulation de la vente ou de sa passation, pour le manque à gagner sur les loyers qu’il aurait dû percevoir depuis février 2019 et qu’il n’a pu percevoir du fait de la faute de M. [J].

Sur ce

Si en application de l’article 414-3 du code civil, celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation, encore faut-il que soient caractérisés, en application des dispositions du droit commun de la responsabilité délictuelle de l’article 1240 du code civil, une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
En l’espèce, la vente n’étant pas parfaite, dès lors que la promesse de vente est nulle, M. [Z] [I] ne justifie d’aucun préjudice personnel résultant de l’éventuel silence de M. [J] s’agissant de l’état du bien objet de la promesse, sur lequel

M. [I] n’a aucun droit.

Par ailleurs, il ne saurait y avoir de faute pour M. [J] d’avoir refusé de signer l’acte authentique de vente dès lors que la promesse de vente était nulle, de sorte qu’il ne peut lui être reproché aucune résistance abusive.

En conséquence, la demande indemnitaire au titre « du manque à gagner » résultant de l’état du bien et de la résistance abusive doit être rejetée.

Enfin, M. [Z] [I] se contente en fait d’invoquer le préjudice de perte des loyers qu’il aurait pu percevoir si la vente s’était conclue mais ne démontre nullement en quoi consiste la « faute civile » qu’il reproche à M. [J] et qui serait à l’origine de ce préjudice, étant rappelé que le refus de signer la vente ne saurait constituer une faute dès lors que la promesse de vente était nulle.

Cette demande indemnitaire sera donc également rejetée.

Sur les demandes accessoires

M. [Z] [I], partie succombant à l’instance, sera condamné aux dépens.

L’équité commande toutefois de rejeter l’ensemble des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la présente instance, introduite antérieurement au 1er janvier 2020, autorise le juge à ordonner l’exécution par provision de sa décision chaque fois qu’il l’estime nécessaire et que cette mesure est compatible avec la nature de l’affaire et autorisée par la loi.

Compte tenu de l’ancienneté du litige, il y a lieu en l’espèce d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, qui est compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Prononce la nullité de la promesse unilatérale de vente du 17 octobre 2018 consentie par M. [D] [J] à M. [Z] [I], portant sur le lot n°6 de l’immeuble situé [Adresse 1], cadastré Section [Cadastre 5], lieudit [Adresse 1], Surface 00 ha 20 a 24 ca,

Rejette les demandes de M. [Z] [I] tendant à :

-Constater la perfection de la vente du bien situé [Adresse 1] par M. [D] [J] à son profit, « à partir du moment où toutes les conditions de celle-ci auront été remplies »,
-Ordonner sous astreinte la réalisation forcée de la vente à son profit, sous la forme authentique aux conditions prévues à la promesse unilatérale de vente du 17 octobre 2018,
-Condamner sous astreinte M. [D] [J] à justifier de la purge du droit de préemption de l’ancien locataire et du départ des lieux de celui-ci,
-« Dire que le prix de 97 000 euros devra être payé, entre les mains du notaire Maître [F], à compter du moment où les conditions de la vente auront été réunies par M. [D] [J] »,
-Condamner M. [D] [J] à lui verser la somme de 35 000 euros de dommages et intérêts au titre de « l’état déliquescent du bien vendu » et de la réticence abusive,
-Condamner M. [D] [J] à lui verser la somme de 31 754 euros de dommages et intérêts pour le manque à gagner sur les loyers qu’il aurait dû percevoir depuis février 2019,

Ordonne la restitution à M. [Z] [I] de toutes sommes versées au titre de l’indemnité d’immobilisation stipulée à la promesse unilatérale de vente du 17 octobre 2018,

Condamne M. [Z] [I] aux dépens,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 25 Mars 2024

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 19/07058
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;19.07058 ?
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