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22/03/2024 | FRANCE | N°21/13689

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 22 mars 2024, 21/13689


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 21/13689 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVNUA

N° PARQUET : 21/1084

N° MINUTE :

Assignation du :
27 Octobre 2021

C.B.




[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 22 Mars 2024

DEMANDEUR

Monsieur [C] [W]
domicilié : chez Monsieur [I] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Sylvain SALIGARI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, v

estiaire #C2455


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Adresse 2]

Madame Virginie PRIE, Vice-Procureure


Décision du 22/03/2024
Chambre du contentieux
de la...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 21/13689 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVNUA

N° PARQUET : 21/1084

N° MINUTE :

Assignation du :
27 Octobre 2021

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 22 Mars 2024

DEMANDEUR

Monsieur [C] [W]
domicilié : chez Monsieur [I] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Sylvain SALIGARI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2455

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Adresse 2]

Madame Virginie PRIE, Vice-Procureure

Décision du 22/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 21/13689

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

Assistées de Madame Manon Allain, Greffière

DEBATS

A l’audience du 02 Février 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Madame Manon Allain, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 27 octobre 2021 par M. [C] [W] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions de M. [C] [W] notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 8 février 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 1er décembre 2023, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 2 février 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Décision du 22/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 21/13689

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 25 mars 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Le 3 septembre 2004, M. « [P] [W], né le 31 décembre 1992 à [Localité 4] (Mauritanie) », s'est vu délivré une certificat de nationalité française par le greffier en chef du tribunal d'instance d'Aulnay-Sous-Bois, sa nationalité française étant établie par filiation maternelle sur le fondement de l'article 18 du code civil, sa mère, Mme [S] [O] née le 19 août 1975 à [Localité 4] (Mauritanie), étant française sur le fondement de l'article 18 du code civil pour être née à l'étranger d'un père français, son propre père, [J] [O], né en 1936 à [Localité 4] (Mauritanie), étant français sur le fondement de l'article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, pour être né aux colonies d'un français en sa qualité d'originaire d'un territoire d'outre-mer de la République française et pour avoir conservé la nationalité française à l'indépendance de la Mauritanie, puisqu'il résultait des précédents certificats qui lui ont été délivrés par le juge d'instance de Marseille, les 3 mai 1963 et 14 juin 1988, qu'il était domicilié en dehors du territoire d'un Etat qui avait antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française (pièce n°10 du demandeur).

Une décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française lui a été opposée ultérieurement, le 15 mai 2020, par le directeur des services de greffe judiciaires du service de la nationalité du tribunal judiciaire de Paris, au motif que revendiquant la nationalité française par filiation paternelle, il ne justifiait pas que son grand-père paternel ait conservé la nationalité française à l'indépendance de son pays d'origine (pièce n°1 du demandeur).

Dans le cadre de la présente procédure, M. [C] [W], , se disant né le 31 décembre 1992 à [Localité 4] (Mauritanie), revendique la nationalité française, à titre principal, par filiation maternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Il fait valoir que sa mère, Mme [S] [O], née le 19 août 1975 à [Localité 4] (Mauritanie), est française, le certificat de nationalité française dont elle a pu bénéficier indiquant qu'elle est française sur le fondement de l'article 18 du code civil dès lors qu'à sa naissance, son père, [J] [O], était français. A titre subsidiaire, il revendique la nationalité française sur le fondement de l'article 21-13 du code civil.

Sur le fond

Si un certificat de nationalité française fait effectivement preuve de cette nationalité pour celui qui en est titulaire, il reste que le procureur de la République peut toujours, en application de l’article 29-3 du code civil, le contester, lorsque les conditions pour établir la nationalité française ne lui paraissent pas avoir été remplies lors de sa délivrance; conformément à l’article 30 alinéa 2 du code précité, la charge de la preuve incombe alors au ministère public qui doit démontrer que le certificat de nationalité française est erroné ou fondé sur de faux documents, ce qui, dans une telle hypothèse, lui fait perdre toute force probante, laquelle dépend des documents qui ont permis de l’établir.

En l'espèce, il est d'abord relevé, comme l'indique le ministère public à juste titre, que le certificat de nationalité française a été délivré à « [P] [W], né le 31 décembre 1992 à [Localité 4] (Mauritanie) » alors que dans le cadre de la présente instance, le demandeur se désigne sous l'identité « [C] [W] » (pièce n°10 du demandeur).

Le demandeur produit son acte de naissance transcrit sur les registres du service central d'état civil indiquant qu'il se prénomme « [C] » (pièce n°2 du demandeur).

En tout état de cause, même à supposer que le certificat de nationalité française puisse être attribué à M. [C] [W], il est relevé qu'il a été délivré en vertu des dispositions de l'article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

La nationalité française de M. [C] [W] doit donc résulter de la nationalité française de sa mère et d'un lien de filiation légalement établi a l’égard de celle-ci, au moyen d’actes d’état civil probants.

En l'espèce, il résulte des mentions portées sur le certificat de nationalité française, qu’il lui a été délivré au visa :
- de l'acte de naissance de l'intéressé délivré par le service central de l'état civil,
- de l'acte de naissance de la mère de l'intéressé délivré par le service central de l'état civil,
- de l'acte de naissance du grand-père maternel de l’intéressé délivré par le service central de l'état civil,
- du certificat de nationalité française délivré à la mère de l'intéressé le 23 octobre 1997,
- de l'avis du garde des sceaux rendu le 9 septembre 1993,
- du livret de famille des parents de l'intéressé,
- de la carte nationale d’identité de la mère de l'intéressé, d'un justificatif de domicile et de la vérification TELNAT.

Comme le relève le ministère public à juste titre, ces pièces sont insuffisantes à rapporter la preuve du lien de filiation entre M. [C] [W] et Mme [S] [O], et entre cette dernière et [J] [O]. Ace titre, le tribunal rappelle qu'un livret de famille ne constitue pas un acte d'état civil.

Par ailleurs, il n'est pas davantage justifié par ces pièces de la nationalité française de [J] [O], ni de celle de Mme [S] [O].

En effet, d'une part, les certificats de nationalité française délivrés à ceux-ci ne permettent pas d'en rapporter la preuve. En effet, aux termes de l’article 30 du code civil, un certificat de nationalité française ne vaut présomption de nationalité française que pour son titulaire dans les instances le concernant, et il ne peut dispenser les tiers, fussent-ils ses propres enfants, de rapporter la preuve de leur nationalité française dans les instances les concernant.

D'autre part, ces pièces ne démontrent ni que [J] [O] était français lors de sa naissance en 1936, pour être né d'un père né dans un territoire qui avait alors le statut de colonie, ni qu'il avait conservé la nationalité française lors de l'indépendance de la Mauritanie en fixant son domicile de nationalité hors d'un ancien territoire d'outre-mer à l’indépendance.

Dès lors, le certificat de nationalité française délivré le 3 septembre 2004 sous le numéro 1400/2004, l'a été à tort.

Il appartient donc à M. [C] [W] de rapporter la preuve de sa nationalité française.

Sur la nationalité française par filiation

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par le demandeur, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

Il doit être également rappelé que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Il résulte de l’application combinée de ces textes que seuls ont conservé la nationalité française :
- les originaires du territoire de la République française (et leur conjoint, veuf ou descendant) tel que constitué le 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française, c'est-à-dire en ce notamment inclus La Réunion, auxquels étaient assimilés les “métis” (et leurs descendants) nés de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, était présumé de souche européenne et d’origine française, reconnus comme tels citoyens français par jugements rendus sur le fondement du décret du 5 septembre 1930 (pour l’Afrique Occidentale Française) ou du 15 septembre 1936 (pour l’Afrique équatoriale française),
- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
- celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
- enfin, celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants,
- les enfants mineurs de 18 ans suivant la condition parentale selon les modalités prévues à l’article 153 du code de la nationalité française de 1945 dans sa version issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 telle que modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Le domicile au sens du droit de la nationalité s’entend d’une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations ; il ne se réduit pas au lieu de travail.

Il appartient ainsi à M. [C] [W], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

M. [C] [W] fait valoir que sa mère est française en application de l'article 18 du code civil dès lors que son père était français à sa naissance, et que la nationalité française de sa mère n'est pas contestée. Pour en justifier, il verse aux débats un certificat de nationalité française et une carte nationale d'identité française délivrés à Mme [S] [O] (pièces n°5 et 11 du demandeur).

Or, comme le fait valoir à juste titre le ministère public, M. [C] [W] ne démontre pas et ne justifie pas de la nationalité française de sa mère.

En effet, d'une part, comme il a été rappelé ci-dessus, un certificat de nationalité française ne vaut présomption de nationalité française que pour son titulaire dans les instances le concernant, et il ne peut dispenser les tiers, fussent-ils ses propres enfants, de rapporter la preuve de leur nationalité française dans les instances les concernant.

D'autre part, une carte nationale d'identité n'est qu'un élément de possession d'état de français et ne suffit pas à rapporter la nationalité français de son détenteur.

M. [C] [W] ne justifie donc pas que sa mère est française, et partant qu'il est français par filiation maternelle.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés par le ministère public, M. [C] [W] sera débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation maternelle.

Sur la nationalité française par déclaration

Aux termes de l’article 21-13 du code civil, dans sa rédaction ici applicable, peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes qui ont joui, d’une façon constante, de la possession d’état de Français, pendant les dix années précédant leur déclaration.
M. [C] [W] fait valoir que les conditions posées par l'article 21-13 du code civil sont réunies dans la mesure où il a joui de la possession d'état de français depuis plus de dix ans.

Or, comme le relève le ministère public, l'acquisition de la nationalité française sur le fondement de l'article 21-13 du code civil est subordonnée à la souscription préalable d'une déclaration devant le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou le consul.

En l'espèce, M. [C] [W] ne démontre, ni même n'allègue, avoir souscrit une telle déclaration.
Dès lors, sa demande tendant à voir dire qu'il est de nationalité française sur le fondement de l'article 21-13 du code civil sera jugée irrecevable.
Par conséquent, le demandeur ne revendiquant la nationalité à aucun titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'il n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [C] [W], qui succombe, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge irrecevable la demande de M. [C] [W] tendant à se voir dire français au titre de l'article 21-13 du code civil ;

Déboute M. [C] [W] de sa demande tendant à voir déclarer qu'il est de nationalité française ;

Juge que M. [C] [W], né le 31 décembre 1992 à [Localité 4] (Mauritanie), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne M. [C] [W] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 22 Mars 2024

La Greffière La Présidente
Manon Allain Antoanela Florescu-Patoz


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 21/13689
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;21.13689 ?
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