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22/03/2024 | FRANCE | N°21/09709

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 22 mars 2024, 21/09709


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me FRANCESCHI




8ème chambre
3ème section

N° RG 21/09709
N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

N° MINUTE :

Assignation du :
24 juin 2021









JUGEMENT

rendu le 22 mars 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic le Cabinet HOMELAND, S.A.S.
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Maître Catherine FRANCESCHI de la SELEURL FRANCESCHI AVOCAT,

avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1525


DÉFENDERESSE

S.A.R.L. IBERT GESTION, représentée par la S.A.S. ALLIANCE, prise en la personne de Maître [W] [D], mandataire judiciair...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me FRANCESCHI

8ème chambre
3ème section

N° RG 21/09709
N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

N° MINUTE :

Assignation du :
24 juin 2021

JUGEMENT

rendu le 22 mars 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic le Cabinet HOMELAND, S.A.S.
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Maître Catherine FRANCESCHI de la SELEURL FRANCESCHI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1525

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. IBERT GESTION, représentée par la S.A.S. ALLIANCE, prise en la personne de Maître [W] [D], mandataire judiciaire, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire
[Adresse 2]
[Localité 4]

non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Madame Céline CHAMPAGNE, juge

assistées de Léa GALLIEN, greffier,

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09709 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

DÉBATS

A l’audience du 19 janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Céline CHAMPAGNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

En raison de l'empêchement de la présidente, la décision a été signée par l'un des juges qui en ont délibéré, en application de l'article 456 alinéa 1er du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
Premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Par assignation en date du 24 juin 2021, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] a fait assigner la société Ibert Gestion, au visa de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 1240 du code civil, aux fins de :
« CONSTATER que Ibert Gestion a commis des fautes de gestion caractérisant des manquements à ses obligations de conservation de l'immeuble situé [Adresse 1], ainsi que d'administration et d''entretien des parties communes,
En conséquence,
PRONONCER la mise en cause de la responsabilité civile professionnelle du Cabinet IBERT GESTION,
CONSTATER que les copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] ont subi collectivement un trouble de jouissance faute de réalisation des travaux votés dans le hall d'entrée dans les meilleurs délais du fait des carences de Ibert Gestion, ainsi qu'un préjudice moral du fait de la pression générée par cette situation et l'inertie dont a fait montre Ibert Gestion ;
CONSTATER que les préjudices subis collectivement par les copropriétaires ont pour unique cause les fautes de gestion commises par Ibert Gestion ;
En conséquence :
CONDAMNER Ibert Gestion à verser au Syndic la somme de 80 267,07 € à titre de dommages-intérêts en raison des manquements à ses obligations légales qui sont de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle ;
CONDAMNER IBERT GESTION à l'exécution provisoire de droit du jugement ;
CONDAMNER Ibert Gestion au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code procédure civile ; et
CONDAMNER Ibert Gestion aux entiers dépens de la présente procédure. »

Par jugement en date du 30 juin 2021, la société Ibert Gestion ayant été placée en redressement judiciaire, converti, par jugement en date du 05 août 2021 en procédure de liquidation judiciaire, Maître [W] [D] de la SAS Alliance ayant été désignée pour exercer les fonctions prévues à l'article L622-20 du code de commerce.

Par acte en date du 11 janvier 2022, le syndicat des copropriétaires a donc fait assigner la SAS Alliance afin de demander, au visa de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et des articles 1240 du code civil et L622-22 du code de commerce, de :
« JOINDRE la présente assignation à avec l'affaire enrôlée à la 8° chambre 3° section du Tribunal Judiciaire de PARIS sous le numéro de RG n° 21/09709,
En conséquence,
RECEVOIR le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] en ses fins, demandes et prétentions et les juger bien fondées.
CONSTATER qu'IBERT GESTION représenté par Me [W] [D], es qualité de liquidateur judiciaire a commis des fautes de gestion caractérisant des manquements à ses obligations de conservation de l'immeuble situé [Adresse 1], ainsi que d'administration et d'entretien des parties communes,
En conséquence,
PRONONCER la mise en cause de la responsabilité civile professionnelle d'IBERT GESTION représenté par Me [W] [D], es qualité de liquidateur judiciaire,
CONSTATER que les copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] ont subi collectivement un trouble de jouissance faute de réalisation des travaux votés dans le hall d'entrée dans les meilleurs délais du fait des carences d'IBERT GESTION, représenté par Me [W] [D], es qualité de liquidateur judiciaire, ainsi qu'un préjudice moral du fait de la pression générée par cette situation et l'inertie dont a fait montre IBERT GESTION, représenté par Me [W] [D], es qualité de liquidateur judiciaire ;
CONSTATER que les préjudices subis collectivement par les copropriétaires ont pour unique cause les fautes de gestion commises par IBERT GESTION, représenté par Me [W] [D], es qualité de liquidateur judiciaire ;
En conséquence :
CONSTATER que la créance du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] s'élève à la somme de 80 267,07 € à titre de dommages-intérêts en raison des manquements à ses obligations légales qui sont de nature à engager la responsabilité civile professionnelle d'lBERT GESTION représenté par Me [W] [D], liquidateur judiciaire
FIXER la créance du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] à la somme totale de 85 267,07 € (hors dépens à parfaire) se décomposant comme suit :
- 80 267,07 à titre de dommages-intérêts,
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Me [W] [D], es qualité de liquidateur judiciaire d'lBERT GESTION à inscrire au passif d'IBERT GESTION et fixer la créance d'lBERT GESTION à la somme de 85 267,07 €.
CONDAMNER Me [W] [D], es qualité de liquidateur judiciaire d'IBERT GESTION à inscrire au passif d'IBERT GESTION, outre la créance du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble .16-situé [Adresse 1] à hauteur de 85 267,07 € , les dépens afférents à la présente procédure et ses suites. »

La procédure a été jointe à l'instance principale par mention au dossier le 15 juin 2022.

Bien que citée à personne, la SAS Alliance n'a pas constitué avocat.
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09709 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions du demandeur.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 novembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 02 juin 2023, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 08 septembre 2023.

Par jugement en date du 08 septembre 2023, le tribunal a révoqué l'ordonnance de clôture, ordonné la réouverture des débats afin d'admettre la décision du juge commissaire du tribunal de Nanterre en date du 04 avril 2023, transmise par le conseil du syndicat des copropriétaires après la tenue de l'audience et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 29 novembre 2023 pour clôture et fixation de la date des plaidoiries.

L'ordonnance de clôture a été prononcée à cette date et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 19 janvier 2024, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 22 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise en jeu de la responsabilité de la société Ibert Gestion

Le syndicat des copropriétaire recherche la responsabilité de son ancien syndic, la société Ibert Gestion, au visa, au dispositif de son assignation de l'article 1240 du code civil selon lequel « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Cependant, dans la mesure où les deux parties sont liées par le contrat de syndic conclu et que le syndicat des copropriétaires reproche à la société Ibert Gestion la commission de fautes dans l'accomplissement de son mandat, il ne peut donc rechercher sa responsabilité sur le terrain délictuel.

Il cite toutefois, dans le corps de son assignation, les dispositions de l'article 1992 du code civil, selon lequel « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.
Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire. »

Il lui reproche en effet d'avoir commis des fautes de gestion durant l'exercice de son mandat de syndic, tenant à l'inexécution de décisions votées en assemblée générale, et souhaite obtenir réparation des préjudices subis de ce fait par les copropriétaires.

Il explique ainsi que bien que des travaux portant sur les parties communes de l'immeuble, et notamment le hall, aient été votés en 2017 et 2018, ces derniers n'avaient toujours pas débuté, près de trois ans et demi plus tard, le syndic n'ayant tout d'abord fourni aucune explication sur ce point puis fait état de l'absence d'aboutissement d'une procédure judiciaire engagée à l'encontre de copropriétaires et enfin argué de la balance débitrice de la copropriété.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09709 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

Il lui reproche à cet égard de ne pas avoir fait procéder, avec diligence, à la saisie immobilière du local appartenant aux consorts [R], copropriétaires débiteurs, cette action ayant été votée lors de l'assemblée du 28 mars 2019 mais la procédure n'ayant été engagée que plus d'un an et demi plus tard, de telle sorte que cette faute a empêché de résorber une partie de la balance débitrice des copropriétaires dans les meilleurs délais et donc de mener à bien la réalisation des travaux portant sur les parties communes.

Enfin, il lui fait grief de son retard et de sa défaillance dans l'exécution de la décision prise lors de l'assemblée du 12 décembre 2017 portant sur la souscription d'un emprunt collectif auprès du CFF au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale tenue le 12 décembre 2017 que les copropriétaires ont voté la réalisation de divers travaux pour un montant de 292 817,55 euros (reprise structurelle des murs refends rez-de-chaussée et plancher haut rez-de-chaussée, 1er, 2ème étages et parties communes confiées à la société Oratoire architecture ; reprise structure plancher haut lots 2, 6 et 11 ; chevalement du mur de refend lot 2 ; reprise structure murs et plancher haut hall rez-de-chaussée et lot 3) et décidé le recours à un emprunt auprès du Crédit Foncier.
Lors de l'assemblée générale du 28 mars 2018, ils ont voté d'autres travaux portant sur la reprise de structure du lot 8 et lors de celle du 28 mars 2019, ils ont adopté une résolution visant à faire procéder à la saisie immobilière en vue de la vente du lot appartenant aux consorts [R], redevables au 04 mars 2019 de la somme de 31 039,04 euros.

Par courriel en date du 29 mars 2019, M. [T], copropriétaire, a pris attache avec le syndic, dans le prolongement de la dernière assemblée générale, afin de lui transmettre les coordonnées d'une avocate pouvant utilement s'occuper de la procédure à engager.
En l'absence de réponse, il a ensuite, par courriels en date du 24 avril et 06 mai 2019, interrogé le syndic sur les suites données à son précédent courriel, demande réitérée par courrier en date du 23 août 2019 dans lequel il s'est également plaint de l'état d'avancement très partiel des travaux votés en 2018.

Par courriel en date du 25 octobre 2019, le syndic lui a répondu en ces termes : « suite à notre conversation téléphonique de ce jour, nous vous adressons ci-joint, copie du bulletin d'audience pour le 5 décembre concernant la procédure [R].
Par ailleurs, nous vous informons qu'au niveau des travaux, il reste ceux du hall d'entrée et du restaurant [R], bloqués à cause de la procédure.
Pour le prêt auprès du Crédit Foncier, il est en cours d'instruction et nous attendons la décision quant à sa validation sous un mois ».

Par courriel du même jour, M. [T] a indiqué prendre acte de la durée d'instruction de la demande de prêt tout en s'étonnant qu'elle ne soit toujours pas validée alors que le sujet avait été évoqué en assemblée générale en mars 2018, soit plus d'un an et demi auparavant.

Par courriel en date du 25 novembre 2019, il a donc interrogé le syndic sur l'état d'avancement de la demande, puis de nouveau le 02 décembre 2019.

Par courriel en date du 03 janvier 2020, après avoir obtenu du syndic des informations sur les différents sujets en cours au sein de la copropriété, il a fait un retour par courriel aux copropriétaires en leur indiquant que :
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09709 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

« -un rendez-vous est prévu vendredi 10 janvier prochain avec l'architecte et la préfecture dans la perspective d'une levée de la situation de péril,
-l'audience de procédure aux fins de saisie immobilière du lot appartenant aux consorts [R] et fixée au 5 décembre aurait été reportée en raison des grèves intervenues au tribunal de grande instance de Paris ;
à cet égard, Madame [Z] m'indique ne pas être informée à ce stade de la nouvelle date d'audience fixée faute d'avoir interrogé l'avocat en charge de ce dossier depuis le 5 décembre dernier et me revenir courant de semaine prochaine pour me faire part de la nouvelle date d'audience, ainsi que de la date de signification délivrée aux consorts [R]
-Ibert Gestion ne serait pas parvenu à obtenir un prêt collectif de la part du Crédit Foncier de France (obtention dudit prêt qui je le rappelle est attendue depuis l'AG du 12 décembre 2017, soit il y a désormais près de 2 ans...)
A défaut de prêt collectif octroyé par le Crédit Foncier de France, Ibert Gestion envisagerait donc désormais-soit plus de 2 ans après que les copropriétaires attendent ce prêt collectif pour la finalisation des travaux dans les parties communes dans les meilleurs délais- de solliciter un autre établissement de crédit pour obtenir un prêt collectif.
Néanmoins le PV d'AG du 12 décembre 2017 rédigé par Ibert Gestion prévoit uniquement une autorisation conférée au syndic aux fins de solliciter un prêt auprès du Crédit Foncier de France ; ce qui signifie que, lors de la prochaine AG de mars 2020, il sera nécessaire de voter une nouvelle résolution afin d'autoriser le syndic à solliciter un prêt auprès de tout établissement de crédit ; de sorte que l'obtention d'un prêt collectif et, partant, la finalisation des travaux dans les parties communes, ne sera manifestement pas envisageable avant juin 2020. »

M. [T] a ensuite, par courriels en date des 11 janvier et 20 janvier 2020, relancé le syndic afin de connaître l'état d'avancement du litige avec les consorts [R] et de l'obtention du prêt.

Par courriel de réponse, en date du 30 janvier 2020, le syndic lui a confirmé les informations relayées par M. [T] auprès des copropriétaires dans son courriel du 03 janvier 2020 et ce dernier lui a alors demandé de préciser de toute urgence les travaux restant à accomplir, le calendrier envisagé, les sommes nécessaires pour y parvenir et les éventuels fonds manquants pour financer cette réalisation.

Par courriel en date du 02 juin 2020, réitéré le 08 juin et 11 juin 2020, M. [T] a une nouvelle fois interrogé le syndic sur le calendrier prévisionnel envisagé pour la réalisation des travaux dans le hall de l'immeuble et sur la date de délibéré de l'instance concernant les consorts [R].

Le 11 juin 2020, le syndic lui a communiqué le délibéré dans l'affaire opposant la copropriété aux consorts [R] et l'a informé ne pas être en mesure de relancer les travaux du hall en raison de la balance des copropriétaires présentant un solde débiteur de 174 805,71 euros.
Par courriel du 12 juin 2020, il lui a indiqué que des mises en demeure allaient être très prochainement adressées aux copropriétaires débiteurs.

Par courriel en date du 09 juillet 2020, il a demandé au syndic d'informer les copropriétaires de l'état d'avancement des travaux et du recouvrement des charges auprès des copropriétaires débiteurs ainsi que de celui du lancement de la procédure contre les consorts [R], demande réitérée le 16 juillet 2020 en ces termes « si je pouvais avoir des réponses aux questions posées, sans avoir à vous relancer 1 semaine après à chaque fois, cela serait fort appréciable. »
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09709 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

Ces demandes insistantes ont également été relayées par d'autres copropriétaires.
Mme [X] a ainsi indiqué au syndic, dans un courriel du 16 juillet 2020 :
« j'appuie la demande de M. [T].
Compte tenu de l'absence de travaux depuis presqu'un an maintenant, l'immeuble s'en trouve une fois de plus dégradé. Je signale d'ailleurs une importante fuite d'eau dans les parties communes dans le petit cagibi fermé au deuxième étage, qui infiltre le plafond et laisse une énorme flaque d'eau au premier étage. C'est extrêmement dangereux et j'ai moi-même évité de justesse une chute importante.
Pouvez-vous svp intervenir urgemment et revenir vers nous quant aux questions évoquées par Monsieur [T] à savoir :
-l'état d'avancement des travaux/le recouvrement des charges auprès des copropriétaire débiteurs et
-l'état d'avancement de la procédure contre les consorts [R] ?
Merci par avance de vos réponses et de votre diligence quant à la fuite signalée. »

M. [Y] a, pour sa part, dans un courriel adressé à M [T] le 17 juillet 2020, indiqué : « comme vous je m'afflige de la très étrange manière de communiquer de notre syndic. Je ne m'explique pas non plus son total manque de diligence » et mentionné l'opportunité de changer de syndic lors de la tenue de la prochaine assemblée générale prévue en septembre 2020.

M. [T] a continué à interroger le syndic, son courriel du 03 août 2020 indiquant ainsi qu'il n'avait pas de réponses à ses questions du 09 juillet, et par réponse adressée le 04 août 2020 au syndic il lui a indiqué prendre note du stade d'avancement de la procédure concernant les consorts [R] et précisé, concernant l'état d'avancement des travaux :
« j'ai bien vu qu'ils n'avaient pas été effectués depuis de nombreux mois.
Afin de tenter de justifier cette inertie, vous m'avez indiqué les 11 et 12 juin que le syndic faisait face à une balance débitrice importante de la part des copropriétaires et que, de ce fait, vous adressiez des mises en demeure aux copropriétaires débiteurs.
Quand est-il de l'envoi de ces mises en demeure annoncé par vos soins le 12 juin ou de toute autre mesure mise en œuvre pour parvenir à réaliser les travaux du hall, qui attendent désormais depuis fin 2017 (soit il y a près de 3 ans) ? »

Le 04 août 2020, le syndic lui a indiqué que les mises en demeure avaient été envoyées le 23 juillet 2020 et que les travaux du hall ne pouvaient être engagés en raison de la balance des copropriétaires présentant un solde débiteur de 163 807,04 euros.

Par courriel du même jour, au vu des explications fournies par le conseil de la copropriété, M. [T] a fait valoir qu'il lui semblait possible d'engager la procédure de saisie-immobilière à l'encontre des biens des consorts [R] et demandé au syndic des éléments sur les actions entreprises pour le recouvrement des arriérés de charges pour les besoins de la réalisation des travaux du hall.

Par courriel en date du 05 août 2020, le syndic lui a ainsi répondu :
« Bonjour Monsieur
1/ si la saisie attribution du compte bancaire s'est avérée infructueuse, cela ne veut pas dire que le débiteur ne peut pas payer mais que son compte n'a pas de solde positif.
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09709 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

Compte tenu du bail commercial existant pour l'exploitation du restaurant, il nous appartient de saisir les loyers. L'huissier va y procéder dans les prochains jours.
En cas d'échec, la saisie immobilière sera lancée.
2/ si les mises en demeure envoyées le 23 juillet 2020 restent infructueuses, début septembre nous lancerons des procédures de recouvrement de charges aux copropriétaires concernés. »

M. [T] a alors indiqué au syndic, le 05 août 2020, prendre note que « l'envoi des mises en demeure annoncé le 12 juin est finalement intervenu le 23 juillet. Et un mois et demi de plus ».

M. [T] a ensuite, continué tout au long de l'année 2020 à solliciter le syndic sur l'état d'avancement des dossiers en cours portant sur le recouvrement des charges et sur les travaux en attente, sans pour autant obtenir satisfaction puisqu'il indique dans son courriel du 27 janvier 2021 « je suis au regret de constater qu'absolument rien n'a été réglé dans le fonctionnement de votre syndic puisque les mêmes maux persistent (absence de retour sur la simple question du rendez-vous avec l'architecte depuis désormais 2 semaines, alors qu'il nous avait été affirmé par Mme [Z] que ce rendez-vous interviendrait au plus tard le 29 janvier). »

Il a indiqué dans son courriel en date du 01 février 2021, adressé à la société Oratoire architecture (sic) :
« après que votre standard m'ait informé en fin de semaine dernière que l'absence de tenue d'une visite avec les entrepreneurs concernés en votre présence résultait de l'absence de règlement par Ibert Gestion de certaines de vos factures émises en 2020-ce que l'ensemble des membres du conseil syndical ne peuvent que déplorer.
Cette information étant portée à notre connaissance, j'ai pris l'attache d'Ibert Gestion et notamment de sa gérante dès vendredi qui s'est en conséquence engagée à ce que vos factures soient mises en paiement dès lundi. »

Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est notamment chargé d'assurer l'exécution des délibérations de l'assemblée générale.

Or, l'historique des échanges ainsi retracés démontre que le syndic s'est montré défaillant dans l'exécution de sa mission, en ne donnant aucune suite utile aux résolutions votées en assemblée générale portant sur l'exécution de travaux urgents et sur la procédure de saisie immobilière à engager afin de permettre à la copropriété de recouvrer des fonds, d'autant plus nécessaires pour réaliser ces travaux que l'obtention du prêt, voté par les copropriétaires, n'a pas abouti.

A cet égard, il convient de relever que les pièces produites démontrent que l'échec de la demande tient à la gestion qui en a été faite par le syndic.

En effet, par courriel en date du 05 septembre 2019, la chargée d'affaires de la Caisse d'Epargne Ile de France a sollicité le syndic pour qu'il la tienne informée de la suite à donner au dossier, précisant que « compte tenu de la fin de traitement des dossiers Crédit Foncier, suite à la reprise de l'activité par la CE IDF, les dossiers doivent être complets au plus vite. »

Par message en date du 24 octobre 2019, le syndic a transmis, afin de finaliser le dossier de prêt, « le tableau récapitulatif des montants pour les travaux et les intervenants sur le chantier ainsi que l'attestation du taux d'impayés. »
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09709 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

En réponse, la chargée d'affaires lui a indiqué, le lendemain, que « la personne chargée de l'accord n'arrivera pas avec les éléments fournis sur votre doc à prendre une décision positive.
Comment peut-on lier vos chiffres avec les OS des différentes entreprises ?
Sans cela, le dossier va être refusé. »

Puis par courriel en date du 06 novembre 2019, elle lui a expliqué que (sic) « cf mon mail du 25 octobre et sans réponse de votre part, je ne peux donner suite au dossier.
Je n'ai plus aucune latitude de délai.
Comme indiqué dans mon mail précédent, je n'aurai jamais un accord compte de dossier tenu que le devis ou OS ne pourront pas être « liés » au tableau récapitulatif. »

Enfin, dans son courriel en date du 24 février 2020, adressé au syndic, elle a indiqué :
« je vous confirme que nous n'avons pas pu donner suite à ce dossier.
Différents éléments : un taux d'impayés d'arriérés de charges supérieur à 15%, le tableau des montants des travaux fournis qui ne correspondait en rien aux ordres de service nous ont obligés à ne pas pouvoir valider ce dossier.
Malgré mes nombreux rendez-vous avec Mme [Z], nous ne sommes pas arrivées à constituer le dossier pour obtenir un accord.
Compte tenu des délais de traitement des derniers dossiers Crédit Foncier (arrêt au 31/12/2019) nous avons été obligés de classer ce dossier sans suite. »

La responsabilité du syndic est par conséquent engagée du fait des fautes commises dans la gestion qui a été la sienne de l'immeuble dont il avait la charge.

Sur la demande de dommages et intérêts

Le syndicat des copropriétaires explique que du fait des fautes de gestion commises par le syndic, les copropriétaires ont subi collectivement un trouble de jouissance certain faute de réalisation des travaux dans le hall d'entrée dans les meilleurs délais, puisqu'ils ont été contraints de supporter des parties communes dans un état délabré.

Il indique ainsi, s'agissant des copropriétaires occupants, qu'ils n'ont pu bénéficier de l'occupation paisible et agréable qu'est en droit d'attendre un propriétaire occupant ayant investi des sommes considérables dans l'achat d'un appartement à [Localité 6], et, s'agissant des copropriétaires bailleurs, qu'ils n'ont pu appliquer un loyer en cohérence avec les niveaux de loyer retenus pour un quartier réputé de [Localité 6].

Il estime ainsi le préjudice des premiers à la somme globale de 12 000 euros au total et celui des seconds à la somme globale de 6000 euros.

Il explique de plus que du fait de l'inertie du syndic pour diligenter les procédures de recouvrement de charges à l'encontre des copropriétaires défaillants et celle de saisie immobilière votée en 2019, la balance de la copropriété présente un solde débiteur de 52 267,07 euros.
Or, il considère que cette créance aurait pu être résorbée si l'ancien syndic avait effectué les procédures contentieuses de recouvrement de charges à l'encontre des copropriétaires débiteurs alors que son défaut de diligence l'a privé de recouvrer sa créance et de rééquilibrer la trésorerie de l'immeuble.
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09709 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

Il soutient donc que son préjudice correspond précisément au solde débiteur ainsi établi.

Enfin, il fait valoir qu'en raison de l'absence de réalisation des travaux dans le hall dans les meilleurs délais, certains des copropriétaires ont été contraints de consacrer un temps considérable à tenter d'amener le syndic à remplir ses obligations contractuelles, en adressant de très nombreuses correspondances, en l'appelant à de nombreuses reprises et en organisant des rendez-vous.
Il indique que ces démarches ont ainsi inévitablement causé un important stress à certains copropriétaires, qui se sont retrouvés confrontés à gérer la défense des intérêts de la copropriété en lieu et place du syndic que les copropriétaires avaient pourtant mandaté et payé pour ce faire.
Il réclame donc à ce titre une indemnisation de 10 000 euros en réparation du préjudice moral des copropriétaires.

Un syndicat des copropriétaires peut effectivement solliciter réparation du préjudice subi à condition qu'il soit collectif, c'est-à-dire qu'il touche l'ensemble des copropriétaires, et qu'il soit ressenti de manière identique par chacun d'entre eux.
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant du préjudice moral évoqué, le syndicat des copropriétaires indiquant lui-même que seuls certains copropriétaires ont été confrontés à un stress important du fait de la gestion des intérêts de la copropriété.
Au surplus, les pièces produites démontrent l'implication particulièrement active d'un seul copropriétaire parmi les 26 que compte la copropriété.

S'agissant du trouble de jouissance, tenant à l'état de délabrement des parties communes, même si le syndic indique dans son courriel en date du 30 janvier 2020 : « quant aux travaux, la Préfecture nous a accordé un délai de neuf mois pour les achever, ce qui correspond à un surseoir de péril et non à un arrêté de péril », il s'en déduit que l'immeuble, même s'il ne faisait pas l'objet d'un arrêté de péril, était néanmoins dans un état dégradé.

Le trouble de jouissance apparaît par conséquent caractérisé et il convient ainsi de l'indemniser à hauteur de 5000 euros.

Enfin, s'agissant du préjudice tiré de l'absence de mise en œuvre des procédures de recouvrement des charges dues, la balance de l'immeuble arrêtée au 30 septembre 2021 fait apparaître quelques soldes débiteurs dans une faible proportion (entre 144 et 602,52 euros) et cinq comptes débiteurs de plus de 4000 euros, les consorts [R] ayant ainsi un solde débiteur de 33 851,72 euros.
Le syndicat des copropriétaires considère donc que son préjudice équivaut au montant de cette balance soit 52 267,07 euros.

Toutefois, quand bien même le syndic aurait engagé les procédures adéquates, rien ne permet d'affirmer qu'elles auraient permis au syndicat des copropriétaires de récupérer l'intégralité des sommes dues.
L'inaction du syndic a ainsi seulement privé la copropriété d'une chance d'obtenir éventuellement les sommes dues et de rééquilibrer sa trésorerie.
Le préjudice subi doit par conséquent s'analyser en une perte de chance dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
En l'espèce, il convient de fixer cette perte de chance à 40% .

Par conséquent, il convient de fixer la créance du syndicat des copropriétaires à la somme de 20 906, 82 euros (52 267,07 X 40%).
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/09709 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4J4

Sur les autres demandes

Le syndicat des copropriétaires demande que soient fixés au passif de la société, les dépens et la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.

Cependant, l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens trouvent leur cause dans le présent jugement qui en détermine le montant et la charge, lequel est postérieur au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire.
Il en résulte que ces chefs de créance ne donnent pas lieu à déclaration ni à fixation au passif, mais à condamnation.

La société Ibert Gestion, prise en la personne de son liquidateur, la SAS Alliance, partie perdante, est par conséquent condamnée aux dépens de l'instance.

Tenue aux dépens, la société Ibert Gestion, prise en la personne de son liquidateur, la SAS Alliance, est également condamnée à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3500 euros au syndicat des copropriétaires.

L'exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

FIXE la créance du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] au passif de la société Ibert Gestion à la somme de 25 906, 82 euros ;

CONDAMNE la société Ibert Gestion, prise en la personne de son liquidateur, la SAS Alliance, aux dépens ;

CONDAMNE la société Ibert Gestion, prise en la personne de son liquidateur, la SAS Alliance, à régler au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3500 euros ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 22 mars 2024

Le greffierPour la présidente empêchée
Madame Céline CHAMPAGNE, juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 21/09709
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;21.09709 ?
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