La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2024 | FRANCE | N°20/00083

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 22 mars 2024, 20/00083


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me BOMSEL DI MEGLIO, Me LETU,
Me CARLBERG, Me DEPOIX, Me OHAYON,
Me ROSANO et Me DE BARY
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me SERFATI




8ème chambre
3ème section

N° RG 20/00083
N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

N° MINUTE :

Assignation du :
30 octobre 2019







JUGEMENT

rendu le 22 mars 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndi

c la S.A. JEAN CHARPENTIER SOPAGI
[Adresse 10]
[Adresse 10]

représenté par Maître Véronique BOMSEL DI MEGLIO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E801


DÉFENDEURS

Monsieur [...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me BOMSEL DI MEGLIO, Me LETU,
Me CARLBERG, Me DEPOIX, Me OHAYON,
Me ROSANO et Me DE BARY
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me SERFATI

8ème chambre
3ème section

N° RG 20/00083
N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

N° MINUTE :

Assignation du :
30 octobre 2019

JUGEMENT

rendu le 22 mars 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic la S.A. JEAN CHARPENTIER SOPAGI
[Adresse 10]
[Adresse 10]

représenté par Maître Véronique BOMSEL DI MEGLIO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E801

DÉFENDEURS

Monsieur [Y] [R]
Monsieur [N] [O]
[Adresse 6]
[Adresse 6]

représentés par Maître Tanguy LETU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0120

Monsieur [F] [GV]
Madame [V] [GV]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentés par Maître Caroline CARLBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0169

S.A. MATMUT&CO, anciennement dénommée AMF ASSURANCE
[Adresse 9]
[Adresse 9]

représentée par Maître Marine DEPOIX de la SELARL AKAOUI DEPOIX PICARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0673

S.C.I. KARYAN
[Adresse 5]
[Adresse 5]

représentée par Maître Olivier OHAYON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0004

Madame [X] [B]
[Adresse 12]
[Adresse 12]

représentée par Maître Jesse SERFATI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0635

S.A AXA FRANCE IARD, en qualité d’assureur de Madame [X] [B]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représentée par Maître Florence ROSANO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0390

Madame [A] [S]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Victoire DE BARY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0575

Monsieur [D] [U]
Madame [C] [H]
Chez AZ IMMO
[Adresse 8]
[Adresse 8]

S.A.R.L. SOCIÉTÉ DE GESTION IMMOBILIÈRE THEABATI (S.G.I.T)
[Adresse 7]
[Adresse 7]

non représentés

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

PARTIE INTERVENANTE

MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES (MATMUT)
[Adresse 9]
[Adresse 9]

représentée par Maître Marine DEPOIX de la SELARL AKAOUI DEPOIX PICARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0673

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Céline CHAMPAGNE, juge
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Léa GALLIEN, greffier

DÉBATS

A l’audience du 11 janvier 2024 présidée par Madame Frédérique MAREC
tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 mars 2024.

En raison de l'empêchement de la présidente, la décision a été signée par l'un des juges qui en ont délibéré, en application de l'article 456 alinéa 1er du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
Premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L’immeuble situé [Adresse 2] est soumis au régime de la copropriété des immeubles bâtis et administré par la SA Jean Charpentier SOPAGI ès qualités de syndic.

La SCI Karyan est propriétaire du lot n° 10 constitué d’un appartement situé à l’entresol en face de l’escalier.

M. [D] [U] et Mme [C] [H] sont propriétaires du lot n° 9 constitué d’un appartement situé à l’entresol au fond du couloir à gauche.

M. [N] [O] et M. [Y] [R] sont propriétaires du lot n° 12 situé au 1er étage en face de l’escalier et au-dessus du lot de la SCI Karyan.

M. [F] [GV] et Mme [V] [GV] sont propriétaires du lot n° 13 sis au 1er étage au fond du couloir à gauche, au-dessus de l’appartement de M. [U] et Mme [H].
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Mme [X] [B], assurée auprès de la SA Axa France IARD, est propriétaire du lot n° 18 situé au 2ème étage en face de l’escalier, au dessus du lot des consorts [R]-[O], et donné en location à Mme [A] [S] entre 2013 et 2017.

La SARL CBL est propriétaire du lot n° 19 situé au 2ème étage au fond du couloir à gauche, au dessus de celui des époux [GV].

Des fuites ayant été constatées en septembre 2014 dans l’appartement de la SCI Karyan et en octobre 2014 dans l’appartement de MM [R] et [O], le syndic a fait procéder à des investigations par la société Sanirecord puis a fait intervenir M. [P] [M] et M. [Z], architectes, afin de déterminer l’origine des désordres et leurs conséquences sur l’immeuble.

Par exploits des 5 et 6 novembre 2015, le syndicat des copropriétaires a saisi le juge des référés de ce tribunal afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire au contradictoire des consorts Roccatagliata-Manzanares, de la SCI Karyan, de MM [R] et [O], de Mme [GV], de Mme [X] [B] et de la SARL CBL. M. [F] [GV] est intervenu volontairement à cette procédure.

Les opérations d’expertise confiées à M. [W] [VL], par ordonnance du 17 décembre 2015, ont été étendues à la société Amlin, assureur de l’immeuble, ainsi qu’à d’autres copropriétaires par une ordonnance du 25 mai 2016.

A la demande de Mme [B], elles ont également été étendues à son assureur, la SA Axa France IARD, à son administrateur de biens la société SGIT, et à sa locataire, Mme [S], par ordonnance du 10 novembre 2016.

L’expert a déposé son rapport le 20 janvier 2019.

Par actes des 30 et 31 octobre, 4 et 14 novembre et 9 décembre 2019, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a fait citer M. [D] [U], Mme [C] [H], M. [N] [O], M. [Y] [R], Mme [X] [B], son assureur la SA Axa France IARD, Mme [A] [S], la SARL Société de gestion immobilière Theabati (SGIT), les époux [GV], la SA AMF Assurances prise en sa qualité d’assureur des époux [GV], devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir réparation de ses préjudices.

Aux termes d’une ordonnance du 16 avril 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande d’annulation de l’assignation délivrée le 9 décembre 2019 par le syndicat des copropriétaires à l’encontre de Mme [A] [S] et rejeté la demande de mise hors de cause de celle-ci.

Par actes des 14 et 29 janvier 2020, la SCI Karyan a fait citer le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], Mme [X] [B], M. [N] [R], M. [K] [O] et la société Axa France IARD recherchée comme assureur de Mme [X] [B].

Les deux procédures ont été jointes par mention au dossier le 1er décembre 2021.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Une ordonnance du juge de la mise en état en date du 27 janvier 2023 a déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par Mme [A] [S] et condamné in solidum Mme [X] [B], M. [N] [O] et M. [Y] [R] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], la somme de 4.596,61 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice.

***

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mai 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] demande au tribunal, au visa des articles 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et 544 du code civil, et la jurisprudence relative aux troubles anormaux du voisinage, de :

« CONDAMNER in solidum Madame [X] [B], la S.A.AXA France IARD, Monsieur [Y] [R] et Monsieur [N] [O], au paiement, au profit du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], de la somme de 121 669,45 euros en réparation des préjudices subis par lui

CONDAMNER in solidum Madame [B], Monsieur [R] et Monsieur [O], à payer au Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] la somme de 14.000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente action au fond et du suivi de l’expertise ;

CONDAMNER in solidum Madame [X] [B], la S.A.AXA France IARD, Monsieur [Y] [R] et Monsieur [N] [O] au paiement des entiers dépens afférents à la présente instance, au profit du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], en ce compris la somme de 12.628 euros correspondant aux frais d’expertise judiciaire de Monsieur [VL]

- PRONONCER l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »

***

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 06 juillet 2022, la SCI Karyan demande au tribunal, au visa des articles 544, 1240 et 1242 alinéa 1 du code civil et de la loi du 10 juillet 1965, de :

« DÉCLARER la SCI KARYAN recevable et bien fondée en ses demandes ;

JUGER les consorts [N] [R], [Y] [O] et Madame [X] [B] responsables des désordres subis par la SCI KARYAN,

CONSTATER que la société AXA France IARD est assureur de Madame [X] [B] et de la SCI KARYAN

En conséquence,
CONDAMNER in solidum Monsieur [N] [R], Monsieur [K] [O], Madame [X] [B] et la société AXA France IARD, à verser à la SCI KARYAN les sommes suivantes:
• 21 317, 41 euros au titre du préjudice matériel avec intérêt au taux légal à compter du 20 janvier 2019, date du dépôt du rapport d’expertise,
• 50.132, 28 euros au titre du préjudice lié à la perte locative pour la période de mars 2015 à septembre 2020,
• 2.592 euros, au titre des charges travaux de copropriété
• 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
• aux entiers dépens dont les frais d’expertise.

ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »

***

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 03 juin 2022, les époux [GV] demandent au tribunal de :

« Condamner in solidum, ou solidairement, la SA MATMUT, Madame [B], avec la garantie d’AXA France IARD, et Messieurs [R] et [O] à payer à Monsieur et Madame [GV] la somme de 4.680€, en indemnisation de leur préjudice locatif,

Condamner in solidum, ou solidairement, la SA MATMUT, Madame [B], avec la garantie d’AXA France IARD, et Messieurs [R] et [O] à payer à Monsieur et Madame [GV] la somme de 16.987,30 € TTC, en remboursement des frais de remise en état,

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,

Condamner in solidum, ou solidairement, la SA MATMUT, Madame [B], et son assureur AXA France IARD, et Messieurs [R] et [O] à payer à Monsieur et Madame [GV] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner in solidum, ou solidairement, solidairement, la SA MATMUT, Madame [B] et Messieurs [R] et [O] à payer les entiers dépens conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile qui pourront être directement recouvrés par Maître Caroline Carlberg, Avocat au Barreau de Paris. »

***

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 08 mai 2023, Mme [B] demande au tribunal, au visa des articles 1240, 1242, 1984, 1991,1992 du code civil, de :

« DIRE ET JUGER que la responsabilité de Madame [B] ne peut valablement être engagée au titre de quelconque désordres et préjudices invoqués par le Syndicat des Copropriétaires et tout autre copropriétaire de l’immeuble ;

DEBOUTER le Syndicat des Copropriétaires [Adresse 2] ainsi que les Consorts [O] [R] de toute action et appel en garantie à l’encontre de Madame [B] au titre des condamnations indemnitaires ;

DEBOUTER les Consorts [O] [R] de toute action et appel en garantie à l’encontre de Madame [B] au titre des condamnations indemnitaires ;

JUGER que le Syndicat des Copropriétaires [Adresse 2] est pleinement responsable dans la survenance des désordres structurels causés à l’immeuble et aux copropriétaires ;

JUGER que le Syndicat des Copropriétaires [Adresse 2] ne pouvait ignorer la vétusté des parties communes de l’immeuble ce depuis plus de 20 ans sans y avoir réaliser différents travaux de confortement indispensable et nécessaire ;

CONSTATER l’absence de responsabilité de Madame [B] dans la survenance des désordres et préjudices invoqués par le Syndicat des Copropriétaires [Adresse 2] et/ou les Consorts [O] [R] ;

JUGER que les garanties souscrites par Madame [B] auprès de la société AXA France IARD au titre du sinistre en cause demeurent parfaitement applicables et mobilisables ;

JUGER que Madame [B] n’a pas réalisé de déclaration fausse ou mensongère auprès de la société AXA France IARD lors de la souscription de son contrat d’assurance propriétaire non occupant ;

CONDAMNER la société AXA France IARD à garantir Madame [B] de toute condamnation indemnitaire tant à titre principal, qu’accessoires, intérêts et frais.

CONDAMNER la société SGIT, à garantir Madame [B] de toute condamnation indemnitaire tant à titre principal, qu’accessoires, intérêts et frais.

CONDAMNER Madame [A] [S] à garantir Madame [B] de toute condamnation indemnitaire tant à titre principal, qu’accessoires, intérêts et frais.

En tout état de cause

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNER in solidum les parties succombantes, à payer à Madame [B] la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers frais et dépens de l’instance. »

***

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 04 octobre 2021, la SA Axa France IARD demande au tribunal de :

« SUR LA NULLITE DU CONTRAT
Vu les articles L113-2 et L113-8 du Code des assurances,
Vu les conditions particulières,

Juger que les conditions particulières du contrat sont opposables à Madame [B].
Juger que Madame [B] a fait une fausse déclaration intentionnelle concernant les sinistres survenus dans les 24 mois précédant la conclusion du contrat d’assurance.
Juger que l’opinion du risque que l’assureur s’est fait a été faussée.
En conséquence,
Juger que la nullité du contrat est opposable à Madame [B].
Débouter tout concluant de ses demandes faites à l’encontre de la compagnie AXA France

A titre subsidiaire,
SUR L’ABSENCE D’ALEA
Vu les conditions générales et particulières,
Vu l’article 1108 du Code civil,

Juger que les désordres ont été signalés par la SCI KARYAN à compter du mois de septembre 2014.
Juger que les désordres allégués par la SCI KARYAN et le syndicat des copropriétaires sont antérieurs à la prise d’effet du contrat souscrit par Madame [B] auprès de la compagnie AXA France.
Juger bien fondée la compagnie AXA France à opposer une non garantie pour absence d’aléa tant à son assuré qu’aux tiers lésés.
En conséquence,
Débouter tout concluant de ses demandes faites à l’encontre de la compagnie AXA France

A titre plus subsidiaire,
SUR L’EXCLUSION DE GARANTIE

Juger que les désordres imputés à Madame [B] résultent d’un défaut d’entretien manifeste.
Juger que la police souscrite par Madame [B] après de la compagnie AXA France prévoit l’exclusion de garantie pour les dommages résultant d’un défaut d’entretien imputable à l’assuré.
Juger bien fondée la compagnie AXA France à opposer l’exclusion de garantie pour défaut d’entretien et absence de réparation tant à son assurée qu’aux tiers lésés.
En conséquence,
Débouter tout concluant de ses demandes faites à l’encontre de la compagnie AXA France

A titre infiniment subsidiaire,
SUR LES DEMANDES

Limiter le préjudice matériel de la SCI KARAYAN à la somme de 8.652,23 euros.
Limiter le préjudice locatif de la SCI KARAYAN à 50% de la somme de 21.883,50 euros au mois de septembre 2018 s’agissant d’une perte de chance.
Débouter la SCI KARAYAN de ses demandes d’indemnisation à compter de septembre 2018
Juger que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]devra conserver à sa charge 50% du montant des travaux de reprise de la structure de l’immeuble.

SUR LES RECOURS DE LA COMPAGNIE AXA FRANCE
Vu l’article 544 du code civil,
Vu l’article 1103 du code civil,
Vu l’article 1992 du code civil,

Juger que Madame [S] engage sa responsabilité contractuelle envers Madame [B] pour ne pas avoir entretenu le bien loué conformément à ses obligations,
Juger que Monsieur et [O] et Monsieur [R] engagent leur responsabilité envers le syndicat des copropriétaires et de Madame [B] au titre des troubles anormaux du voisinage, et de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965,
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Juger que la société SGTI engage sa responsabilité envers Madame [B] pour ses manquements contractuels de gestionnaire de biens,
Condamner in solidum la société SGTI, Madame [A] [S], Monsieur [K] [O] et Monsieur [N] [R] à relever et garantir indemne la compagnie AXA France de l’intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et ce avec exécution provisoire
Condamner tout succombant à verser à la compagnie AXA France la somme de 3.000 au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Florence ROSANO avocat à la cour en application de l’article 699 du Code de procédure civile. »

***

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 15 octobre 2021, M. [N] [O] et M. [Y] [R] demandent au tribunal, au visa de la théorie prétorienne des troubles anormaux du voisinage, de :

« A TITRE PRINCIPAL

JUGER que la responsabilité de Monsieur [N] [O] et Monsieur [Y] [R] dans les désordres subis par le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] n’est pas engagée ;

En conséquence :
DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] de ses demandes, fins et conclusions ;

DEBOUTER la compagnie AXA FRANCE IARD de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de Monsieur [N] [O] et Monsieur [Y] [R] ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

JUGER Madame [B] responsable des désordres subis par le Syndicat descopropriétaires du [Adresse 2]

En conséquence :
CONDAMNER Madame [B] et son assureur la compagnie AXA FRANCE IARD à relever indemne et garantir Monsieur [N] [O] et Monsieur [Y] [R] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
Et si par extraordinaire le Tribunal de céans retenait une part de responsabilité des consorts [O]-[R] dans les désordres subis par le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] :

JUGER que la responsabilité des consorts [O]-[R] se limitera à un tiers des désordres subis par le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], selon la réparation proposée par l’Expert Judiciaire ;

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

LIMITER la demande d’indemnisation globale du préjudice du Syndicat des copropriétaires du[Adresse 2] à la somme de 60 834,45 € ;

En conséquence :
LIMITER la condamnation de Monsieur [N] [O] et Monsieur [Y] [R] au titredu préjudice subi par le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à la somme de 20 278,15 € ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE, SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DES CONSORTS [O]-[R]

JUGER que Madame [X] [B] est responsable d’un trouble de voisinage causé à Monsieur [N] [O] et Monsieur [Y] [R] ;

En conséquence :
CONDAMNER in solidum Madame [B] et son assureur AXA FRANCE IARD à verser à Monsieur [N] [O] et Monsieur [Y] [R] la somme de 13 500 € au titre de leur préjudice matériel ;

CONDAMNER in solidum Madame [B] et son assureur AXA FRANCE IARD à verser à Monsieur [N] [O] et Monsieur [Y] [R] la somme de 27 600 € au titre de leur préjudice locatif ;

CONDAMNER in solidum Madame [B] et son assureur AXA FRANCE IARD à verser à Monsieur [N] [O] et Monsieur [Y] [R] la somme de 2 837,12 € au titre des charges récupérables ;

CONDAMNER in solidum les succombants à verser à Monsieur [N] [O] et Monsieur [Y] [R] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens. »

***

Par conclusions notifiées le 15 mai 2023, Mme [A] [S] demande au tribunal, au visa des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et de l’article 1721 du code civil, de :

« DEBOUTER l’ensemble des parties des demandes former à son encontre ;

A défaut :

CONDAMNER Madame [B] à relever et garantir Madame [S] de l'ensemble des condamnations susceptible d'être mise à sa charge ;

En tout état de cause :

CONDAMNER Madame [B] à lui payer une somme de 10 000,00 € au titre des dommages et intérêts ;

DEBOUTER l’ensemble des parties de toute demande plus ample ou contraire ;

ECARTER l’exécution provisoire sur les éventuelles condamnations mises à la charge de Madame [S] ;

CONDAMNER Madame [B] ainsi que toute autre partie succombante à lui payer une somme de 10 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »

***

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 30 juin 2022, les sociétés MATMUT&CO anciennement dénommée AMF et la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT) demandent au tribunal, au visa des articles 328, 329 alinéa 1er et 700 du code de procédure civile, de :

« Prononcer la mise hors de cause de la MATMUT & Co

Recevoir la MATMUT en son intervention volontaire

Déclarer la MATMUT recevable et bien fondée en ses demandes

A titre principal,

Constater que l’Expert judiciaire a retenu la responsabilité exclusive Madame [B] et de Messieurs [R] et [O] dans la survenance des désordres subis par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2]

Constater que les consorts [GV] ne sont pas responsables des désordres subis

Prononcer la mise hors de cause de la MATMUT

Débouter les consorts [GV] de toutes leurs demandes formulées à l’encontre de la MATMUT

Subsidiairement

Limiter le préjudice locatif des consorts [GV] à la période courant à compter du 12 mars 2018 et jusqu’au 31 juillet suivant soit un montant de 3.598 € ou à titre infiniment subsidiaire à compter du 1er mars 2018 soit un montant de 3.900 €.

En tout état de cause,

Condamner in solidum Madame [B], son assureur AXA France IARD, Messieurs [R] et [O] à garantir la MATMUT contre toutes condamnations prononcées à son encontre,

Condamner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] représenté par le cabinet CHARPENTIER ou tout autre succombant à verser à la MATMUT la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du CPC outre les entiers dépens. »

***

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.

Bien que régulièrement cités, M. [D] [U], Mme [C] [H] et la SARL SGIT n’ont pas constitué avocat.

Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction le 17 mai 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 11 janvier 2024. A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 22 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la recevabilité de l’intervention volontaire

Suivant les articles 325 et suivants du même code, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. L'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme, et n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

Les conditions générales de la police d’assurance versée aux débats établissent que les époux [GV] sont assurés auprès de la MATMUT et non auprès de la société MATMUT & CO qui s’est constituée aux lieu et place de la société AMF Assurances.

Il convient dès lors de mettre cette dernière hors de cause et de recevoir la MATMUT en son intervention volontaire.

2- Sur les désordres et leur origine

Après avoir indiqué que l’immeuble est un bâtiment ancien conçu avec des solives et planchers en bois et qu’il a fait l’objet de plusieurs infiltrations d’eau récurrentes depuis plus de 25 ans ayant endommagé les structures des planchers de certains appartements et provenant des installations sanitaires de deux lots situés au 3ème étage, l’expert judiciaire rappelle que les désordres objets du présent litige sont distincts et se situent exclusivement au plafond du lot n°12, situé au 1er étage, et du lot n°10 situé à l’entresol.

Lors de sa première visite le 03 mars 2016, il a en effet constaté l’importante dégradation des planchers desdits studios, certaines poutres étant particulièrement délitées et ayant perdu leur capacité portante.

M. [VL] a par ailleurs relevé :

- dans le studio de la SCI Karyan constituant le lot n°10, des dégradations apparentes des solives du plafond et des cloisons de la kitchenette, certaines poutres ayant été étayées avec des poutres neuves ;
- dans le studio des consorts [R]-[O] constituant le lot n°12, un affaissement du plancher et des joints refaits autour du receveur de la douche à l’origine des infiltrations d’eau dans le studio de la SCI Karyan ;
- dans le studio de Mme [B] constituant le lot n°18, des joints refaits autour du receveur de douche à l’origine des infiltrations d’eau vers les étages inférieurs.

Aux termes de son rapport, il impute les désordres aux installations sanitaires du lot n°18 qui ont été à l’origine de quatre fuites d’eau depuis 2001 ayant causé d’importants dégâts au plafond du lot n°12, ainsi qu’à l’absence d’étanchéité des pièces humides de ce dernier qui a subi des traversées d’eau vers le plancher haut du lot n°10 appartenant à la SCI Karyan.

3- Sur les responsabilités

Au visa des articles 9 de la loi du 10 juillet 1965 et 544 du code civil ainsi que de la théorie des troubles anormaux du voisinage, le syndicat des copropriétaires expose que :

- le règlement de copropriété de l’immeuble stipule en son article 5ème que les parties communes comprennent notamment le gros œuvre des planchers ;
- l’architecte de l’immeuble, dans le cadre des investigations menées avant mise en œuvre de la procédure de référé-expertise, a noté que les solives constituant la structure du plancher étaient fortement endommagées par l’humidité et qu’il était nécessaire de mettre en place un étaiement d’urgence ;
- M. [VL] a pour sa part expressément relevé des dégradations apparentes des solives du plafond du lot n°10, un affaissement du plancher haut du lot n°12 et la présence d’insectes xylophages attirés par l’humidité causée par les dégâts des eaux privatifs successifs ;
- ces désordres, constitutifs de troubles anormaux du voisinage, proviennent exclusivement des studios de Mme [B] et de MM [O] et [R] dans des proportions respectivement de 2/3 et 1/3.

En réponse à l’argumentation des défendeurs selon lesquels la structure du bâtiment serait en mauvais état et que les désordres affectant les parties communes seraient pour partie dus à un mauvais entretien de l’immeuble, il fait valoir que :

- les travaux de confortement intervenus il y a plus de 20 ans se sont révélés efficaces et qu’en tout état de cause, un mouvement de fondation ne conduit à pas à un pourrissement des structures en bois mais à des fissures ou à des ruptures ;
- les dégâts des eaux survenus dans les années 90 provenaient d’appartements du 3ème étage, soit un et deux niveaux plus haut que les étages concernés par les désordres objets du présent litige, et les atteintes portées aux parties communes à l’occasion de ces dégâts des eaux ont été réparées ;
- le conseil donné au syndic en 2013 par un expert d’assurance portait sur la vérification de l’état du plancher bas du 3ème étage et non sur la réalisation d’un diagnostic de l’ensemble de la structure de l’immeuble comme le prétend Mme [B] ;
- l’expert judiciaire a enfin étudié visuellement l’ensemble des canalisations communes de l’immeuble et les canalisations incriminées par les défendeurs sont situées à bonne distance des désordres affectant les planchers de l’immeuble.

Au visa des articles 544 et 1240 du code civil, la SCI Karyan expose que :

- les consorts [O]-[R], et Mme [B] sont responsables de plein droit des désordres subis en provenance de leurs studios situés au 1er et 2ème étages ;
- il conviendra subsidiairement de juger que les désordres résultent des manquements de ces derniers puisque le rapport d’expertise a souligné non seulement l’existence de nombreuses et récurrentes infiltrations d’eau en provenance des installations sanitaires de l’appartement de Mme [B], mais également l’existence de malfaçons sur les deux studios litigieux dès lors qu’ils sont dépourvus d’une étanchéité conforme et réglementaire.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

M. et Mme [GV] soutiennent que :

- l’expert estime que les infiltrations d’eau proviennent du studio de Mme [B], situé au 2ème étage ;
- au vu des pièces qui lui ont été communiquées, notamment les comptes-rendus de la société de plomberie Sanirecord et de l’architecte de l’immeuble, il retient que ces infiltrations ont pris naissance en novembre 2001 et qu’elles se sont se sont poursuivies en 2007 et 2009, puis de septembre à décembre 2014 ;
- les infiltrations d’eau à répétition, en provenance du studio de Mme [B], ont ensuite migré vers le studio de MM [R] et [O] (1er étage) et du fait de l’inétanchéité de leurs pièces d’eau (cuisine et salle de bains), c’est finalement le plafond du studio de la SCI Karyan (situé à l’entresol) qui a été endommagé ;
- la responsabilité solidaire de Mme [B] et de Messieurs [R] et [O] devra donc être retenue.

Mme [X] [B] oppose que :

- les désordres structurels rencontrés par la copropriété sont très anciens, la responsabilité du syndicat des copropriétaires ayant été retenue par un jugement du 14 décembre 2000, pour le défaut d’entretien des parties communes à la suite de désordres subis par un copropriétaire ;
- le rapport d’expertise établi par M. [I] du 02 novembre 1999 avait alors indiqué de manière non équivoque que les désordres dans les parties communes et les infiltrations subies par l’immeuble avaient pour cause un tassement des fondations de celui-ci ;
- il a aussi constaté que les planchers n’étaient pas à niveau et que les murs séparatifs entre les paliers et les appartements apparaissaient lézardés ;
- le Cabinet Saretec a déjà préconisé au syndicat des copropriétaires, en juin 2013, de faire réaliser un diagnostic complet de la structure de l’immeuble, ce qui n’a pas été fait ;
- l’architecte [M] mandaté par la copropriété a relevé, en 2015, l’existence de fissures visibles au plafond concernant les appartements du 1er et 2ème étages de l’immeuble ;
- l’expert judiciaire ne disposait dès lors d’aucun élément lui permettant d’exclure que les affaissements des planchers hauts et bas des appartements des consorts [O] [R] et de la SCI Karyan n’étaient pas en lien avec les mouvements de l’immeuble ;
- le nouvel architecte de la copropriété, la société Ataa Dito, a précisé le 22 juillet 2015 que les causes de la détérioration étaient plurifactorielles et indiqué, le 6 juin 2016, la présence de vrillettes au plancher haut de la salle d’eau de l’appartement de la SCI Karyan ;
- aucune investigation technique n’a été réalisée au titre de l’étanchéité des réseaux communs d’eau, pourtant préconisée par la société Ataa Dito ;
- l’expert judiciaire, sollicité à plusieurs reprises par les conseils des parties, n’a donné aucune suite à ces demandes qu’il a tout simplement refusées sans aucune explication ;
- le syndicat des copropriétaires a profité, de parfaite mauvaise foi, de cette procédure d’expertise judiciaire pour faire peser une charge financière particulièrement lourde sur les consorts [O] [R] et Mme [B], ce en l’absence totale d’entretien de l’immeuble et la vétusté de ce dernier pendant plus de 25 ans ;
- la demande d’indemnisation de ce dernier à son encontre devra donc être intégralement rejetée.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

M. [N] [O] et M. [Y] [R] opposent que :

- les dégradations subies par l’immeuble ont des origines diverses, celui-ci ayant fait l’objet de multiples dégâts des eaux depuis plusieurs décennies ayant profondément dégradé sa structure ;
- le contrat de vente de leur studio du 1er étage a en effet révélé que des dégâts des eaux successifs ont atteint la structure de l’immeuble à la fin des années 80 et que d’importants travaux de consolidation ont eu lieu entre décembre 1990 et décembre 1994 ;
- aux termes de son rapport établi le 28 mars 1996, M. [G], expert judiciaire nommé à la demande du syndicat des copropriétaires, a constaté deux importantes sources d’humidité provenant de lots situés au 3ème étage ayant détérioré les structures des planchers et s’étant répandues dans les appartements des étages inférieurs ;
- le 2 novembre 1999, l’architecte de la copropriété, M. [I], a relevé des désordres dans les parties communes extérieures et intérieures, une fuite sur le robinet d’arrêt de l’alimentation d’eau dans la douche dans un appartement du 2ème étage (lot 19) et des défauts d’étanchéité dans les salles d’eau de certains appartements des 2ème et 3ème étages ;
- malgré la prise de conscience de l’absolue nécessité de réaliser des travaux de rénovation et de réparation des fuites, leur appartement a subi plusieurs dégâts des eaux en provenance de l’appartement de Mme [B] ;
- au regard notamment des infiltrations récurrentes en provenance du lot n°18 ainsi que de l’état de délabrement très avancé des structures des planchers de l’immeuble et du fléchissement généralisé à chaque étage, la non-conformité de leurs installations sanitaires n’a eu qu’un rôle résiduel dans la survenance des dommages ;
- les infiltrations d’eau anciennes ont contribué à favoriser le développement de champignons lignivores puis d’insectes xylophages ayant fortement dégradé les poutraisons ;
- leur appartement n’est donc pas à l’origine des infiltrations d’eau affectant la structure de l’immeuble, de sorte que leur responsabilité ne saurait être engagée.

Sur ce,

L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « Chaque copropriétaire dispose de ses parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. »

Le droit pour un propriétaire de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

La mise en oeuvre de cette responsabilité objective, spécifique et autonome, ne nécessite ni la preuve d'une faute ni la preuve d'une intention de nuire, mais uniquement la démonstration du caractère anormal du trouble invoqué.

A la suite de l’apparition de désordres en septembre 2014 dans l’appartement de la SCI Karyan situé à l’entresol de l’immeuble, le syndic a mandaté la SARL Sanirecord dont le compte-rendu établi le 24 septembre 2014 décrit la défectuosité des installations sanitaires de l’appartement n°12, propriété des consorts [R]-[O] (douche vétuste manquant de joints, l’eau s’infiltrant immédiatement dans le sol lors des essais d’écoulement) et préconise la réfection de l’étanchéité de la douche, y compris la paroi.
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Ce rapport a été communiqué par le syndic à MM [R] et [O] par courrier du même jour, leur demandant de fixer en urgence un rendez-vous avec l’entreprise de plomberie ou toute autre entreprise de leur choix pour qu’elle effectue rapidement les réparations leur incombant.

Dans un compte-rendu d’intervention du 13 octobre 2014 pour déterminer l’origine de la fuite subie par le lot n°12, la société Sanirecord explique que la douche du lot n°18 est en bon état mais que « lors de la réfection de celle-ci, le plombier a oublié de faire les joints silicone au pourtour du receveur, ce qui provoque des infiltrations par les joints ciment. »

Au terme d’un rapport de visite daté du 28 novembre 2014, M. [P] [M], architecte, confirme la présence de dégâts visibles sur les murs, cloisons et plafond au droit de la douche du lot n°10, la présence de dégâts visibles sur les murs et plafonds dans la salle d’eau du lot n°12 suite à des dégâts des eaux persistant provenant de l’étage supérieur et constaté la défectuosité des joints autour de la douche du lot n°18 « provoquant des infiltrations au niveau inférieur avec débordement au sol dans le séjour, remontée en cloison notamment du côté de la cuisine provoquant une panne électrique dans la pièce. » Il conclut que les structures de l’immeuble ne semblent pas touchées par ces sinistres et qu’il est urgent de supprimer leurs origines en procédant à la réfection de tous les joints autour des douches et au droit des faïences, et en assurant une bonne ventilation des pièces d’eau.
A l’occasion d’une inspection des planchers des lots concernés le 23 juin 2015, la société Dito GC a établi un rapport relevant la trace d’anciens dégâts des eaux importants et indiquant que la défaillance d’équipements privatifs et communs « a pu impacter directement les structures des planchers composés très certainement de solivages en bois » ; qu’il « est essentiel de lancer une opération de sondages ponctuels destructifs dans chaque appartement (lots 9/10/12/13) pour auditer immédiatement les structures en engager toutes mesures conservatoires de stabilité avec étaiements » et qu’il est demandé à « Messieurs [R] et [O] d’assurer l’étanchéité du meuble évier de la cuisine qui est disjoint de la faïence et dont chaque utilisation génère des projections d’eau qui se retrouvent dans l’appartement de l’entresol. »
Aux termes de son rapport daté du 20 janvier 2017, l’expert judiciaire a pour sa part relevé des dégradations apparentes des poutres ou solives du plafond et des cloisons de la kitchenette dans le studio de la SCI Karyan (lot n°10), certaines poutres du plafond ayant été étayées avec des poutres neuves.

Après avoir examiné le studio de MM [R] et [O] (lot n°12 situé au dessus), il explique avoir constaté des joints refaits autour du receveur de douche qui sont, selon lui, à l’origine des infiltrations d’eau dans le studio de la SCI Karyan, ainsi qu’un affaissement du plancher.

Les investigations réalisées dans le studio de Mme [B] (lot n°18 situé au 2ème étage) ont permis à M. [VL] de constater que des joints refaits autour du receveur de douche sont à l’origine des infiltrations d’eau vers les étages inférieurs ; que ces infiltrations à répétition depuis 2001 ont très fortement endommagé les planchers du 2ème et du 1er étages de l’immeuble ainsi que les cloisons séparant l’espace douche et la cuisine (effritement d’enduit voire fissures).

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

L’expert conclut que les infiltrations d’eau à répétition ont fortement altéré les poutres en bois des planchers hauts des lots n°10 et 12 qui sont endommagées jusqu’au coeur et ont perdu leur capacité portante, « l’humidité absorbée ayant attiré des insectes qui ont considérablement accéléré leur détérioration ».

Il ajoute que les infiltrations d’eau provenant du studio de Mme [B] ont pris naissance en juillet 2001 et se sont poursuivies en 2007, 2009 et 2014 malgré la réalisation de travaux qui se sont révélés non conformes aux règles de l’art et aux textes en vigueur ; que le studio de MM [R] et [O], dont le plafond a été fortement dégradé par ces infiltrations, a également subi des traversées d’eau vers le plancher haut du studio de la SCI Karyan ; que ce dernier a par ailleurs été endommagé par l’absence d’étanchéité des pièces humides du studio des consorts [R]-[O].

En réponse à la critique tenant à l’absence d’investigation technique sur les réseaux d’eau, il explique que les chutes eaux usées et eaux vannes ont été inspectées du 6ème étage au sous-sol.

Il a par ailleurs répondu aux observations des défendeurs en expliquant notamment que les désordres constatés par M. [G] en 1991 et lui même depuis 2017 sont circonscrits à trois portions de plancher et n’affectent donc pas toute la structure de l’immeuble ; qu’enfin la fuite accidentelle sur le robinet d’arrêt général dans le logement occupé par Mme [VN] au 3ème étage, constaté en juin 2013, est sans lien avec les désordres dont s’agit lesquels proviennent de fuites d’eau par intermittence ayant produit un effet dévastateur sur le bois.

De par leur nature et leur intensité, les nuisances résultant de venues d’eau anciennes et répétées excèdent les inconvénients normaux du voisinage et engagent par conséquent la responsabilité de plein droit de Mme [B], M. [O] et M. [R], propriétaires des installations sanitaires fuyardes, sans que le fait ou la faute de l’occupant des lieux ou du gestionnaire de bien puisse constituer envers les tiers lésés une cause étrangère exonératoire.

4- Sur la garantie de la SA Axa France IARD

La société Axa France IARD conteste sa garantie en faisant valoir principalement que le contrat d’assurance souscrit par Mme [B] le 18 décembre 2014 est nul pour fausse déclaration intentionnelle en ce que :

- en vertu de l’article L113-2 2° et 3° du code des assurances et eu égard à l’exigence de bonne foi qui pèse sur l’assuré, celui-ci doit déclarer les risques à l’assureur, aussi bien lors de la conclusion du contrat, qu’en cours de vie de la convention ;
- cet engagement est, en l’espèce, repris dans les conditions générales dont Mme [B] avait parfaitement connaissance ;
- celle-ci a déclaré lors de la souscription de la police « n’avoir au titre de cette habitation et au cours des 24 derniers mois, pas eu de sinistre et que son précédent contrat n’a pas été résilié par son assureur » ;
- il résulte toutefois des documents communiqués lors des opérations d’expertise que Mme [B] a été mise en demeure à plusieurs reprises par le syndic de reprendre ses installations entre septembre et décembre 2014 ;
- il est donc manifeste que l’assurée a fait une fausse déclaration au moment de la souscription du contrat d’assurance, ayant sciemment dissimulé à l’assureur que son appartement était à l’origine de sinistres.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Subsidiairement, elle soutient que :

- Mme [B] était auparavant assurée auprès d’une autre compagnie, dont elle n’a jamais communiqué les coordonnées, et a souscrit un nouveau contrat à compter du 1er décembre 2014 ;
- le fait générateur des désordres est manifestement bien antérieur à la prise d’effet de la police s’agissant de désordres survenus dès juillet 2001, comme l’indique l’expert ;
- l’assureur n’a pas vocation à prendre en charge un sinistre qui n’est aucunement accidentel et qui existait avant la souscription du contrat ;
- en tout état de cause, le contrat d’assurance souscrit par Mme [B] exclut de la garantie les dommages résultant d’un défaut d’entretien ou de réparation lui incombant ainsi que les dommages résultant d’un fait ou d’un événement dont elle avait connaissance lors de la souscription et de nature à mettre en jeu la garantie du contrat ;
- l’expert a constaté la vétusté, la défectuosité, la non conformité et l’absence d’entretien des installations de Mme [B] sur une décennie ;
- le défaut d’entretien est donc avéré et entraîne l’application de la clause d’exclusion.

En réponse, Mme [B] fait valoir que :

- l’assureur était partie aux opérations expertales de sorte que le rapport lui est parfaitement opposable ;
-la souscription d’une assurance propriétaire non occupant n’a été rendue obligatoire que le 1er janvier 2015 ;
- ses biens étaient gérés par son mandataire professionnel, le cabinet SGIT ;
- elle ne pouvait effectuer de prétendue fausse déclaration car elle n’était tout simplement pas informée des problématiques de sinistres dégât des eaux par son gestionnaire dont la responsabilité est pleinement engagée ;
- c’est de parfaite bonne foi qu’elle a considéré qu’il n’existait pas de sinistre dans les 24 mois précédent la souscription du contrat.

Sur ce,

L'article L. 113-2, 2° du code des assurances impose à l'assuré « de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat , sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ».

Selon l’article L 113-8 dudit code : « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre. »

L'admission de la nullité du contrat d'assurance pour omission ou fausse déclaration intentionnelle des risques suppose que l'assureur prouve la mauvaise foi de l'assuré ainsi que l'incidence de cette déclaration frauduleuse sur l'appréciation du risque par l'assureur, sans qu'il soit nécessaire, pour ce dernier, de démontrer que l'assuré a eu l'intention de lui causer un dommage (Cass. 2e civ., 16 juin 2022, n° 20-20.745).

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Mme [X] [B] a souscrit le 18 décembre 2014, auprès de la SA Axa France IARD, une police d’assurance « propriétaire non occupant ».

Les conditions générales du contrat rappellent que le souscripteur doit répondre exactement aux questions posées et que :
« Toute fausse déclaration intentionnelle, omission ou déclaration inexacte des circonstances du risque entraîne l’application des sanctions prévues par le code des assurances :
- la réduction des indemnités si vous êtes de bonne foi,
- la nullité du contrat si votre mauvaise foi est établie. »

L’examen des conditions particulières versées en procédure établit par ailleurs que Mme [B] a déclaré « n’avoir au titre de cette habitation et au cours des 24 derniers mois, pas eu de sinistre et que son précédent contrat n’a pas été résilié par son assureur ».

Il résulte cependant des pièces communiquées que les locataires des lots n°10 (SCI Karyan) et 12 (Consorts [O]-[R]) ont établi un constat amiable de dégât des eaux le 25 septembre 2014 et que le syndic de l’immeuble, après avoir été fait intervenir la SARL Sanirecord pour procéder à une recherche de fuite, a adressé le compte-rendu de celle-ci aux époux [B] par l’intermédiaire de leur gestionnaire de bien la société SGIT, suivant lettre recommandée avec accusé de réception distribué le 14 octobre 2014, leur demandant de fixer un rendez-vous en urgence pour effectuer les réparations nécessaires sous peine de voir leur responsabilité engagée en cas d’aggravation des dommages constatés chez le voisin.

L’examen du rapport de visite du 28 novembre 2014 rédigé par M. [P] [M], architecte de l’immeuble, démontre en outre qu’il a inspecté l’appartement de Mme [B] loué à Mme [S] où, après avoir constaté « les joints autour de la douche défectueux provoquant des infiltrations au niveau inférieur avec débordement au sol dans le séjour, remontée en cloison notamment du côté de la cuisine provoquant une panne électrique dans la pièce.”, il a conclu à l’urgence «de procéder à une réfection des joints autour de la douche et au droit de la faïence, afin de supprimer les causes des dégâts dans l’appartement et au niveau inférieur. »

Par courrier du 15 décembre 2014, la SA Jean Charpentier a remis ce rapport aux époux [B] par l’intermédiaire de la société SGIT, les mettant en demeure de faire procéder aux travaux pour supprimer définitivement les désordres occasionnés chez leurs voisins.

Il résulte de ces éléments que Mme [B] a sciemment occulté l'existence du sinistre ayant affecté l'immeuble à assurer au cours des deux dernières années précédant la souscription de l'assurance habitation auprès de la SA Axa France IARD.

L’extrême proximité du sinistre avec la signature du contrat révèle chez l’assurée une volonté intentionnelle de dissimuler ce précédent de nature à aggraver l'importance des préjudices causés par le sinistre lui-même, de sorte que la fausse déclaration intentionnelle de Mme [B] a modifié l'appréciation que l'assureur pouvait avoir de l'étendue des risques garantis.

La nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'article L. 113-8 est donc encourue et l’ensemble des demandes dirigées contre la SA Axa France IARD ne pourront être que rejetées.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

5- Sur les préjudices

A- Sur les préjudices du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] expose avoir été contraint de reprendre la structure porteuse de l’immeuble, très abîmée par les dégâts des eaux successifs, et de réaliser des travaux pour conforter les planchers et murs affectés pour une somme totale de 121 669,45 euros qui a été retenue par l’expert judiciaire.

Mme [B] ne conteste pas le montant des travaux de reprise sollicités par le demandeur.

MM [O] et [R] opposent qu’une partie des désordres sur la structure n’est pas imputable aux dégâts des eaux constatés par l’expert mais à la vétusté et à l’absence d’entretien de l’immeuble ; que le syndicat des copropriétaires devra donc garder à sa charge 50% du montant des travaux de sorte que le tribunal limitera la demande d’indemnisation du préjudice global de ce dernier à la somme de 60 834,45 euros.

Sur ce,

Le syndicat des copropriétaires est fondé à mettre en oeuvre tous les moyens techniques nécessaires à la réparation intégrale de son préjudice tels que validés par l’expert judiciaire, pour un montant total de 121 669,45 euros, soit :

- les travaux de reprise de la structure suivant facture de la société Leclere (93.218,40 euros)
- l’examen des structures suivant facture de la société Leclere (2.062,50 euros)
- l’étude de renforcement suivant facture de la société AEDIS (7.150,00 euros)
- les recherches de fuite suivant facture de la société BRISSET (158,11 euros)
- les honoraires de suivi des travaux par le syndic (3.917,02 euros)
- l’étude réalisée par la société ATAA DITO (2.376,00 euros)
- la maîtrise d’oeuvre des travaux de reprise des planchers par la société ATAA DITO ( 10.036,84 euros)
- l’assurance dommages-ouvrage (2.750,58 euros).

En l’absence de toute part de responsabilité du syndicat des copropriétaires dans la survenance des désordres objets de la présente procédure, limités à la portion de plancher séparant les lots 10, 12 et 18, Mme [B], M. [N] [O] et M. [Y] [R] seront condamnés in solidum au paiement de cette somme, étant précisé que la provision allouée par l’ordonnance de mise en état du 27 janvier 2023 à hauteur de 4.596,61 euros doit être déduite de ce montant.

B- Sur les préjudices de la SCI Karyan

1- Sur le préjudice matériel

La société Karyan sollicite l’octroi de la somme de 21 317, 41 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 20 janvier 2019, en réparation de son préjudice matériel en faisant notamment valoir que :

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

- l’effondrement du plancher au 1er étage a nécessité la reprise de l’ensemble de la structure, mais également des embellissements de l’ensemble de l’appartement dès lors que ledit plancher est situé à l’aplomb de la douche, du salon et de la cuisine ;
- contre toute attente, l’expert, sans se prononcer sur les coûts du devis transmis, a cru devoir fixer un montant forfaitaire de travaux de reprise pour chaque studio à hauteur de 13.500 euros TTC dont il a retranché « un montant évalué à 50%, ce qui correspondrait à des travaux d’amélioration par rapport à l’existant », soit un montant de 6.750 euros qui devrait rester à la charge de chacune des parties pour les travaux de remise en état de leur studio ;
- l’expert n’a procédé à aucune analyse technique du coût des devis transmis qu’il s’est contenté d’écarter sans aucun motif ;
- il a retenu un montant forfaitaire identique pour l’ensemble des trois studios, alors qu’il a été constaté que les désordres qui affectent le sien sont sans aucune mesure avec ceux constatés dans les autres studios ;
- il convient en conséquence d’écarter l’appréciation de l’expert et de fixer son préjudice matériel à hauteur de 21.317,41 euros correspondant aux deux devis communiqués à M. [VL] outre un devis de la société Renov’star du 07 septembre 2020 pour le façonnage d’une étanchéité liquide sur le sol de la cuisine et de la salle de bains.

Mme [X] [B], M. [O] et M. [R] ne contestent pas le montant de ce poste de préjudice revendiqué par la SCI Karyan.

Sur ce,

La SCI Karyan a effectivement communiqué à l’expert judiciaire :

- un devis établi le 12 février 2018 par la SARL Renov’star d’un montant de 17.655,18 euros TTC pour la réfection de la cuisine, la pose de carrelage, le remplacement d’un bac à douche, la pose de faïence murale dans la salle de bains, le remplacement du WC, la réfection du parquet et la réfection des peintures

- un devis établi le 13 février 2018 par la SARL Renov’star d’un montant de 1.902,23 euros relatif à la mise à nu de l’appartement pour permettre les travaux de structure (démontage de toute la cuisine et de la salle de bains, mise en place de bouchons sur les alimentations pour éviter les fuites et stockage dans la pièce principale).

S’il a retenu ce second devis au titre du préjudice matériel subi par la SCI Karyan, M. [VL] n’a en revanche pas retenu le premier considérant qu’il n’émanait pas d’un professionnel qualifié ; qu’il ne faisait pas ressortir la plomberie de l’étanchéité au sol et des murs qui sont en contact avec l’eau ; qu’il ne devrait pas prévoir l’encastrement des tuyaux de plomberie dans les murs et cloisons et que les studios étant uniformes, les écarts de prix des différents travaux de reprise étaient injustifiés.

La SCI Karyan est fondée à mettre en oeuvre tous les moyens techniques nécessaires à la réparation intégrale de son préjudice sans qu’il puisse être prétendu qu’elle bénéfice d’un enrichissement sans cause. Elle ne peut toutefois, sous couvert d’indemnisation, faire supporter aux co-responsables des désordres le paiement de travaux d’entretien qui lui incombent.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Le devis établi le 13 février 2018 par la SARL Renov’star, à hauteur de 1.902,23 euros, pour la mise à nu de l’appartement lui sera accordé, cette prestation étant nécessaire pour permettre au syndicat des copropriétaires de réaliser les travaux de reprise du plancher haut.

A l’examen des devis établis les 12 février 2018 et 07 septembre 2020 par la SARL Renov’star, il apparaît en revanche que ceux-ci intègrent un certain nombre de postes qui ne peuvent être considérés comme la conséquence du dégât des eaux subi (mise en place d’un nouveau plan de travail avec évier inox et plaque de cuisson, pose de faïence, changement du carrelage au sol de la cuisine et de la salle de bains, réfection du parquet et mise en place d’une étanchéité au sol).

L’analyse de l’expert judiciaire doit dans ces circonstances être entérinée et les travaux réparatoires fixés à la somme de 6.750 euros TTC.

Mme [B], M. [O] et M. [R] seront par conséquent condamnés in solidum à payer à la SCI Karyan la somme totale de 8.652,23 euros TTC (soit 1.902,23 euros + 6.750 euros) en réparation de son préjudice matériel.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil, cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

2- Sur le préjudice locatif

La SCI Karyan demande le paiement de la somme de 50.132, 28 euros au titre du préjudice lié à la perte locative pour la période de mars 2015 à septembre 2020, en faisant principalement valoir que :

- son locataire a notifié son congé à effet au 23 février 2015 en raison des désordres qui affectent le studio et du risque d’effondrement ;
- son appartement est resté inoccupé faute de pouvoir être reloué dans l’attente des travaux de reprise structurelle de l’immeuble, des travaux de reprise des studios des 1er et 2ème étages, et de l’indemnisation de son préjudice matériel pour entreprendre ses travaux de remise en état ;
- les travaux ayant été réalisés et réceptionnés en septembre 2020, elle est bien fondée à voir fixer son préjudice au titre de sa perte locative à la somme de 759,58 euros par mois à compter du mois de mars 2015 et arrêtée au mois de septembre 2020, à la somme de 50.132, 28 (soit 66 mois de février 2015 à septembre 2020).

Mme [X] [B], M. [O] et M. [R] ne contestent pas le chiffrage du préjudice locatif réclamé par la SCI Karyan.

Sur ce,

La SCI Karyan a donné son appartement à bail à M. [E] [GX], le 20 décembre 2012, moyennant le versement d’un loyer mensuel de 700 euros outre 50 euros de provisions sur charges.

Par courrier du 29 décembre 2014, ce dernier a donné congé pour le 23 février 2015 compte tenu de l’état de l’appartement en indiquant : « Je vous ai fait part à plusieurs reprises de graves problèmes d’infiltrations d’eaux affectant le logement engendrant un taux d’humidité de 100%, un affaissement important du plafond, des moisissures et des risques pour ma santé ce qui m’empêche de jouir décemment du logement ».

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Outre que des travaux de réfection étaient ainsi nécessaires pour remettre le studio de 17m² en état avant une éventuelle relocation, ceux-ci ne pouvaient être réalisés avant que le syndicat des copropriétaires ne reprenne la structure des planchers et que les copropriétaires des étages supérieurs ne réparent leurs pièces d’eau respectives, sauf à exposer la SCI Karyan au risque de devoir effectuer des travaux de reprise à chaque nouveau sinistre.

Les travaux réparatoires ont été réalisés en septembre 2018 par le syndicat des copropriétaires et le 24 juillet 2019 par MM [O] et [R]. Mme [B] ne justifie pas des travaux de réparation de ses installations sanitaires.

Il ne saurait enfin être reproché à la SCI Karyan de ne pas avoir fait l’avance des travaux de reprise pour réduire son préjudice locatif.

Celui-ci ne correspond toutefois qu'à une perte de chance pour la demanderesse de donner son bien en location pendant plus de cinq années, sans discontinuité ni vacance du logement entre deux locations, ni défaut de paiement du locataire en place, ni travaux aucuns de réfection ou rafraîchissement et ce, moyennant un loyer constant de 700 euros.

Au regard de la nature des désordres, de la localisation du bien, de sa valeur locative et de la situation du marché immobilier parisien, un taux de perte de chance de 90 % de percevoir des loyers sera en conséquence retenu sur la période retenue.

L'indemnité réparatrice de cette perte de chance sera par conséquent fixée à la somme de 41.580 euros (66 mois x 700 euros x 90%) au paiement de laquelle Mme [X] [B], M. [O] et M. [R] seront condamnés in solidum.

3- Sur les charges travaux de copropriété

La SCI Karyan demande enfin le paiement de la somme de 2.592 euros au titre des charges travaux de copropriété qu’elle indique avoir été contrainte de supporter au titre des désordres, objets de l’expertise, afin de reprendre les éléments structurels de l’immeuble.

Le coût des travaux mis à la charge du syndicat des copropriétaires doit être assumé par l'ensemble des copropriétaires conformément aux dispositions édictées par l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 .

Ce chef de demande sera par conséquent rejeté.

C- Sur les préjudices des époux [GV]

1- Sur le préjudice matériel

Les époux [GV] sollicitent la condamnation in solidum de la SA MATMUT, de Mme [B] et de MM [R] et [O] au paiement de la somme de 16.987,30 euros TTC en remboursement des frais de remise en état.

Ils font valoir que :

- afin de donner accès aux travaux de structure de l’immeuble, ils ont dû mettre à nu leur appartement puis le refaire entièrement, et ce alors qu’il était en parfait état, avec une salle de bain refaite entièrement en 2013 ;
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

- l’expert a retenu le devis de la société JCM Bâtiment du 12 octobre 2018 pour un montant total TTC de 16.987,30 euros ;
- le chiffrage au rabais réalisé concernait en effet uniquement Mme [B], les consorts [R]-[O] et la SCI Karyan dans la mesure où il a été tenu compte de la vétusté et de la défaillance de leurs installations sanitaires.

Sur ce,

L’expert judiciaire a effectivement validé le devis établi par la SARL JMC Bâtiment à hauteur de 16.987,30 euros TTC dont les époux [GV] apparaissent fondés à obtenir le paiement en réparation de leur préjudice matériel.

Leur appartement est assuré par la MATMUT aux termes d’un contrat « propriétaire non occupant » souscrit le 31 juillet 2008.

Mme [X] [B], M. [O], M. [R] et la MATMUT seront part conséquent condamnés in solidum au paiement de cette somme.

2- Sur le préjudice locatif

M. et Mme [GV] exposent que :

- ils louaient leur appartement à M. [J], suivant contrat de bail du 10 novembre 2010, moyennant un loyer actualisé en 2018 à 727 euros, provision pour charges comprise ;
- compte tenu des travaux de renforcement de la structure, ils ont dû reloger leur locataire, de février 2018 à juillet 2018, soit pendant six mois, dans un logement équivalent situé à proximité [Adresse 11], appartenant à la SCI Phoenicia (M. [L]) pour lequel ils ont acquitté un loyer de 780 euros charges comprises ;
- M. [J] s’est d’ailleurs plu dans ce nouvel appartement de sorte qu’il a donné congé par courrier du 27 juillet 2018 ;
- ils ont donc subi un préjudice locatif s’établissant à la somme de 4.680 euros (6 x 780 euros).

La MATMUT oppose que :

- les consorts [GV] doivent exclusivement diriger leur recours à l’encontre des responsables du sinistre ;
- la garantie perte de loyer ne peut en tout état de cause pas s’appliquer puisque l’article 4.6 des conditions générales conditionne la prise en charge à la seule durée nécessaire à dire d’expert ce, pendant un an à compter de la date du sinistre ;
- M. [VL] ne s’est, en l’espèce, pas prononcé sur la durée au cours de laquelle le locataire devait quitter les lieux et ce départ s’est fait bien après le délai contractuel d’un an à compter de la date du sinistre ;
- les époux [GV] ne produisent pas le bail précaire mais se contentent de communiquer des relevés bancaires ainsi que des attestations du propriétaire de l’appartement loué ;
- une lecture attentive de ces pièces permet d’observer que leur locataire n’est parti que le 1er mars 2018 tandis que les travaux n’ont commencé que le 12 mars suivant ;
- dans ces conditions, si une éventuelle garantie devait commencer à courir, elle ne pourrait s’appliquer qu’à compter de cette date.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Sur ce,

L’article 4.6 des conditions générales de la police souscrite par les époux [GV] stipule :

« Nous garantissons, dans la limite de la valeur locative annuelle, la perte de loyers que vous subissez lorsque vos locataires ont dû quitter les bâtiments endommagés par un sinistre garanti par le présent contrat. L’indemnité est due pendant la durée nécessaire, à dire d’expert, à la remise en état des locaux sinistrés sans que ce délai puisse excéder 1 an à dater du sinistre. »

En l’espèce, l’expert judiciaire a bien retenu l’existence d’un préjudice locatif tenant au fait que les époux [GV] ont été contraints de reloger leur locataire de février à septembre 2018, afin de pouvoir réaliser les travaux réparatoires.

La clause indiquant que « l’indemnité est due pendant la durée nécessaire, à dire d’expert, à la remise en état des locaux sinistrés sans que ce délai puisse excéder 1 an à dater du sinistre » est ambiguë concernant l’ampleur de la garantie souscrite en ce qu’elle lie deux notions distinctes, la durée nécessaire à la réalisation des travaux réparatoires à dire d’expert d’une part, le délai maximum couvert à compter du sinistre d’autre part.

Cette ambiguïté doit s’interpréter dans le sens le plus favorable aux non-professionnels que sont les époux [GV], en application de l’article L 133-2 du code de la consommation, applicable à la police d’assurance en cause.

Mme [X] [B], M. [O], M. [R] et la MATMUT seront part conséquent condamnés in solidum au paiement de la perte locative subie par M. et Mme [GV] qui sera fixée à la somme de 4.680 euros (6 x 780 euros), conformément à l’évaluation retenue par l’expert judiciaire.

D- Sur les préjudices des consorts [O] et [R]

1- Sur le préjudice matériel

Les consorts [R]-[O] exposent qu’ils ont fait réaliser un devis de remise en état de leur studio d’un montant de 13.495 euros TTC ; que l’expert judiciaire a d’ailleurs retenu la somme de 13.500 euros TTC pour la remise en état de chaque studio ; que la réduction de cette indemnisation de moitié pour tenir compte des travaux d’amélioration par rapport à l’existant n’est pas justifiée au regard de l’ampleur des désordres.

Sur ce,

Les demandeurs ne formulent aucune contestation de nature technique à l'encontre des conclusions de l’expertise judiciaire, et ne produisent aucun élément de preuve de nature à contredire le rapport de M. [VL], dont l’évaluation sera par conséquent retenue.

Le préjudice matériel subi par M. [O] et [R] sera par conséquent fixé à la somme TTC de 6.750 euros au paiement de laquelle sera condamnée Mme [B].

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

2- Sur le préjudice locatif

Exposant avoir été privés de la jouissance normale de leur bien depuis le départ de leur locataire, à savoir depuis le mois d’octobre 2015, et ce jusqu’à la réception des travaux réparatoires, le 24 juillet 2019, les consorts [O]-[R] demandent l’indemnisation d’une perte locative égale à la somme de 27 600 euros (soit 46 mois x 600 euros) et des charges qu’ils n’ont pu récupérer sur leur locataire à hauteur de 2.837,12 euros.

Sur ce,

Les demandeurs communiquent le constat amiable de dégât des eaux établi le 25 septembre 2014 par Mme [T] et une quittance de loyer établie au nom de celle-ci le 3 octobre 2015 pour un montant de 600 euros outre 50 euros de provisions sur charges, à l’exclusion de tout bail.

Ils n’établissent ainsi pas que la locataire aurait quitté les lieux en octobre 2015 alors que la dernière réunion d’expertise a eu lieu le 28 mai 2018 et qu’il résulte du rapport établi par M. [VL] que le lot n°12, propriété de MM [R] et [O], était alors occupé.

Les préjudices tenant à la perte de loyers et à la non récupération de charges locatives n’apparaissent dans ces circonstances pas justifiés et seront rejetés.

E- Sur le préjudice de Mme [S]

Mme [S] demande la condamnation de Mme [B] au paiement d’une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral et lié au temps perdu à gérer le dossier, faisant principalement valoir que :

- du fait des carences de Mme [B] dans l’exécution du contrat de bail, elle a subi un préjudice constitué d’une part des frais engagés pour assurer sa défense et, d’autre part, du temps passé à gérer la situation et enfin, du trouble de jouissance de l’appartement loué ;
- elle a en effet dû s’organiser pour être présente en 2014 et en 2015, à plusieurs reprises pour donner l’accès à son appartement pour des recherches de fuites ;
- elle a également dû être présente en février 2016 pour la réalisation des travaux au niveau de sa douche ;
- avant même d’être mise en cause dans les opérations d’expertise, elle a dû laisser l’accès, notamment lors de la réunion du 3 mars 2016 ;
- elle a enfin été attraite à la procédure d’expertise, devant ainsi trouver un avocat pour le référé et le suivi de ces opérations, ce qui l’a mobilisée pendant plus de 7 ans ;
- l’ensemble des désordres lui a causé un préjudice de jouissance puisqu’elle n’a pas pu user normalement de son habitation ;
- ce trouble aurait pu cesser si Mme [B] avait exécuté les travaux nécessaires pour remédier aux malfaçons de la salle d’eau.

Sur ce,

Conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi nº 89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

Les frais engagés par Mme [S] pour assurer sa défense dans le cadre de la présente procédure font l’objet d’une indemnisation spécifiquement prévue par les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est en revanche établi que la défectuosité des installations sanitaires du studio loué à Mme [S] à compter du 04 juillet 2013 a entraîné des infiltrations dans les étages inférieurs au mois de septembre 2014 et contraint cette dernière à subir les tracas, inquiétudes, contrariétés et pertes de temps, liés à l’expertise mise en oeuvre.

Ce préjudice immatériel sera réparé par l’octroi d’une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts.

6- Sur les appels en garantie

Les parties ayant concouru ensemble à la réalisation d'un même dommage, condamnées in solidum à réparation, ne sont cependant tenues in fine, dans le cadre de leur contribution définitive à la dette, qu'à proportion de leurs responsabilités respectives à l'origine des désordres constatés.

A- Sur l’appel en garantie de MM [O] et [R]

L’expert judiciaire impute les désordres aux installations sanitaires du lot n°18 dans la proportion des 2/3 ainsi qu’à l’absence d’étanchéité des pièces humides du lot n°12 dans la proportion d’un tiers.

Au regard de ces constatations et des productions des parties, le tribunal dispose d'éléments suffisants sur les responsabilités respectives des défendeurs pour fixer à 70% la contribution de Mme [B] à la dette de réparation des préjudices.

Sur la base et dans la limite du partage de responsabilité instauré, il sera donc fait droit à l’appel en garantie de M. [N] [O] et de M. [Y] [R] à l’encontre de cette dernière pour toutes les condamnations prononcées à leur encontre en principal, intérêts et frais y compris irrépétibles.

B- Sur les appels en garantie de Mme [B]

Mme [B] appelle en garantie Mme [A] [S], sa locataire, et la société SGIT, gestionnaire de biens.

Au visa du décret n°87-712 du 26 août 1987 et de l’article 7d de la loi du 6 juillet 1989, elle soutient notamment que :

- le contrat de bail de Mme [S] visait le décret du 26 août 1987 prévoyant l’entretien courant des lieux loués et notamment le remplacement des joints et colliers ;
- le locataire demeure en outre légalement tenu d’une obligation d’entretien des lieux loués ;
- M. [VL] a en l’espèce mis en lumière le défaut d’entretien comme étant une cause à l’origine des désordres ;
- plus encore, la société ABRD a constaté, le 29 janvier 2015, plusieurs infiltrations causées par une mauvaise étanchéité des joints de la faïence murale et des joints en silicone ;
- l’expert judiciaire a enfin imputé une quote-part de responsabilité à Mme [S] du fait d’une négligence d’utilisation pendant plusieurs mois de la salle d’eau.

Au visa des articles 1991 et 1992 du Code civil, Mme [B] ajoute que :

- elle a confié la gestion de son bien immobilier, a minima depuis le mois de mars 1985, à la société SGIT ;
- elle a donné son accord en 1994 pour la réfection totale de son logement pour la somme de 17.315 francs ;
- le mandat a continué de perdurer jusqu’à la fin de l’année 2014, période pendant laquelle Mme [S] est devenue locataire ;
- la société SGIT n’a justifié d’aucune diligence visant notamment à mettre un terme aux désordres, d’aucun suivi et information auprès de sa mandante et cliente alors que le mandat de gestion lui conférait les pouvoirs les plus larges notamment, en cas de sinistres, de faire assurer les réparations et faire établir les devis de réfection ;
- l'inertie du gestionnaire à mener les diligences requises est constitutive d'une faute de gestion justifiant sa condamnation à la garantir des condamnations qui seraient éventuellement mises à sa charge.

Mme [S] répond que :

- le locataire est dispensé de l’entretien courant du logement lorsqu’il est en mesure d'établir que les réparations sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure ;
- le preneur est de même dispensé d’entretenir des installations ou équipements qui n’existent pas lors de son entrée dans les lieux ;
- en l’espèce, la salle d’eau de l’appartement avait fait l’objet d’une réfection complète par l’entreprise OFLPlomberie au mois de septembre 2010, soit bien avant son entrée dans les lieux ; - or, celle-ci n’était pas qualifiée en installations sanitaires et en étanchéité et avait surtout oublié de poser un joint d’étanchéité entre le receveur et le mur en faïence ;
- c’est bien l’absence de ce joint silicone qui est à l’origine des infiltrations par le joint ciment ;
- faute de joint à entretenir, elle ne peut se voir reprocher de ne pas l’avoir entretenu ;
- il ne peut davantage lui être reproché d’avoir continué à utiliser sa salle de bains après avoir eu connaissance de l’existence des infiltrations ;
- en effet, renoncer à utiliser la salle de bains rendait l’appartement inhabitable et sa bailleresse ne lui a jamais proposé de solution de relogement alors même qu’elle avait connaissance des infiltrations et avait l’obligation de délivrer un logement décent et d’en garantir la jouissance paisible ;
- les infiltrations auraient pu être évitées si l’étanchéité du sol de la salle de bains avait existé ;
- sa responsabilité doit donc être écartée ou limitée à un pourcentage minime eu égard à la multiplicité des causes et à la durée très brève de son occupation des lieux, mais aussi à l’attitude de la bailleresse qui, sans doute pour des raisons économiques, a préféré faire appel à une entreprise non qualifiée et non assurée pour faire réaliser des travaux dont elle savait pourtant l’importance eu égard à l’historique de l’immeuble.

Sur ce,

1- Sur la responsabilité de Mme [S]

Par acte du 04 juillet 2013, les époux [B] ont donné à bail leur appartement à Mme [A] [S] moyennant le versement d’un loyer mensuel de 631 euros, provisions sur charges incluses.

Reprenant les dispositions d’ordre public de la loi du 06 juillet 1989, le contrat rappelle que le bailleur est tenu de délivrer au locataire les lieux loués en bon état d’usage et de réparations ainsi que les équipements existants en bon état de fonctionnement ; qu’il doit assurer à ce dernier la jouissance paisible des lieux loués et le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle ; entretenir les locaux en état de servir à l’usage contractuel prévu et y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des lieux loués.

Il stipule également que le locataire doit user paisiblement des lieux loués suivant la destination qui leur a été donnée sans rien faire qui puisse nuire à la tranquillité des autres locataires et à la bonne tenue de l’immeuble ; qu’il répond des dégradations et pertes qui surviendraient pendant la durée du contrat dans les lieux loués dont il a la jouissance exclusive à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de faute majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans les lieux loués ; qu’il doit prendre à sa charge l’entretien courant des lieux loués, les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives actuellement définies par le décret n°87-712 du 26 août 1987.

Les réparations occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure incombent toutefois au bailleur.

Il résulte des précédents développements que les installations sanitaires défectueuses de l’appartement de Mme [B] sont majoritairement responsables des désordres constatés à la suite du 4ème dégât des eaux survenu en septembre 2014, les infiltrations ayant pris naissance en 2001 s’étant poursuivies en 2007, 2009 et 2014 malgré la réalisation de travaux qui se sont révélés non conformes aux règles de l’art et normes en vigueur.

Ainsi que l’indique à juste titre Mme [S], la société Sanirecord a clairement expliqué, dans son compte-rendu d’intervention du 13 octobre 2014, que la douche du lot n°18 était en bon état mais que le plombier ayant procédé à sa réfection avait « oublié de faire les joints silicone au pourtour du receveur, ce qui provoque des infiltrations par les joints ciment. »

S’il est donc établi, comme l’indique l’architecte de l’immeuble dans un rapport de visite du 28 novembre 2014, que la défectuosité desdits joints a provoqué des infiltrations au niveau inférieur, aucun défaut d’entretien ne saurait en l’espèce être reproché à Mme [S] qui s’est vu délivrer, seulement 14 mois plus tôt, un logement pourvu d’installations sanitaires fuyardes.

Sa responsabilité ne peut davantage être recherchée pour avoir seulement fait usage de sa salle d’eau.

Mme [B] ne pourra dans ces conditions qu’être déboutée de son appel en garantie dirigé contre cette dernière.

2- Sur la responsabilité de la société SGIT

En application de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

L’appel en garantie formé par Mme [B] par conclusions non signifiées à la partie défaillante ne pourra qu’être déclaré irrecevable.

C- Sur l’appel en garantie de la MATMUT

En l’absence de toute responsabilité de ses assurés dans la survenance des désordres, la MATMUT apparaît fondée à obtenir la condamnation in solidum de Mme [B] et des consorts [O]-[R] à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

7- Sur les autres demandes

Mme [X] [B], M. [Y] [R] et M. [N] [O] et la MATMUT, parties perdantes, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance comprenant les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Caroline Carlberg et de Maître Florence Rosano conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Tenus aux dépens, Mme [X] [B], M. [Y] [R] et M. [N] [O] seront condamnés in solidum à verser, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

- au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] la somme de 12.000 euros ;
- à la SCI Karyan, la somme de 10.000 euros ;
- à Mme [S], la somme de 5.000 euros.

Mme [X] [B], M. [Y] [R] et M. [N] [O] et la MATMUT seront condamnés in solidum à verser aux époux [GV], la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le sociétés Axa France IARD et MATMUT, Mme [X] [B], M. [Y] [R] et M. [N] [O] seront déboutés de leurs demandes à ce titre.

L’exécution provisoire de la présente décision, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant en audience publique, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort :

REÇOIT la MATMUT en son intervention volontaire et met hors de cause la société MATMUT & Co anciennement dénommée AMF ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], la SCI Karyan, M. [F] [GV] et Mme [V] [GV], M. [N] [O] et M. [Y] [R], Mme [X] [B] et la MATMUT de leurs demandes dirigées contre la SA Axa France IARD ;

CONDAMNE in solidum Mme [X] [B], M. [N] [O] et M. [Y] [R] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] la somme de 121 669,45 euros en réparation de son préjudice matériel ;

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/00083 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSR

RAPPELLE que la provision allouée par l’ordonnance de mise en état du 27 janvier 2023 à hauteur de 4.596,61 euros doit être déduite de ce montant ;

CONDAMNE in solidum Mme [X] [B], M. [N] [O] et M. [Y] [R] à payer à la SCI Karyan la somme de 8.652,23 euros TTC en réparation de son préjudice matériel et la somme de 41.580 euros en réparation de son préjudice locatif ;

RAPPELLE que la somme allouée en réparation du préjudice matériel produira intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil ;

CONDAMNE in solidum la MATMUT, Mme [X] [B], M. [N] [O] et M. [Y] [R] à payer à M. [F] [GV] et Mme [V] [GV] la somme de 16.987,30 euros TTC en réparation de leur préjudice matériel et la somme de 4.680 euros en réparation de leur préjudice locatif ;

CONDAMNE Mme [X] [B] à payer à M. [N] [O] et M. [Y] [R], ensemble, la somme de 6.750 euros TTC en réparation de leur préjudice matériel ;

CONDAMNE Mme [X] [B] à payer à Mme [A] [S] la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice immatériel ;

CONDAMNE Mme [X] [B] à garantir M. [N] [O] et M. [Y] [R] du paiement de 70% des condamnations prononcées à leur encontre en principal, intérêts et frais y compris irrépétibles ;

DÉBOUTE Mme [X] [B] de son appel en garantie dirigé contre Mme [A] [S] ;

DÉCLARE Mme [X] [B] irrecevable en son appel en garantie dirigé contre la société SGIT ;

CONDAMNE in solidum Mme [X] [B], M. [N] [O] et M. [Y] [R] à garantir la MATMUT du paiement de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

CONDAMNE in solidum Mme [X] [B], M. [Y] [R], M. [N] [O] et la MATMUT aux entiers dépens de l’instance comprenant les frais d’expertise judiciaire ;

ACCORDE à Maître Caroline Carlberg et Maître Florence Rosano le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Mme [X] [B], M. [N] [O] et M. [Y] [R] à verser, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

- au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] la somme de 12.000 euros ;
- à la SCI Karyan, la somme de 10.000 euros ;
- à Mme [A] [S], la somme de 5.000 euros ;

CONDAMNE in solidum Mme [X] [B], M. [N] [O], M. [Y] [R] et la MATMUT à verser, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à M. [F] [GV] et Mme [V] [GV], ensemble, la somme de 5.000 euros ;

DÉBOUTE les sociétés Axa France IARD et MATMUT, Mme [X] [B], M. [Y] [R] et M. [N] [O] de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision ;

REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.

Fait et jugé à Paris le 22 mars 2024

Le greffierPour la présidente empêchée
Madame Céline CHAMPAGNE, juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 20/00083
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;20.00083 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award