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22/03/2024 | FRANCE | N°19/11602

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 22 mars 2024, 19/11602


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me MATHIEU
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me GICQUEAU




8ème chambre
3ème section

N° RG 19/11602
N° Portalis 352J-W-B7D-CQ2HZ

N° MINUTE :

Assignation du :
03 octobre 2019








JUGEMENT

rendu le 22 mars 2024
DEMANDERESSE

S.A.R.L. AUDELA
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Thierry GICQUEAU de la SELARL GICQUEAU VERGNE AVOCATS, avocat au bar

reau de PARIS, vestiaire #R0147


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] - [Localité 4], représenté par son syndic la S.A.R.L. Advisoring Immobilier
[Adresse 3]
[Localité 6]...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me MATHIEU
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me GICQUEAU

8ème chambre
3ème section

N° RG 19/11602
N° Portalis 352J-W-B7D-CQ2HZ

N° MINUTE :

Assignation du :
03 octobre 2019

JUGEMENT

rendu le 22 mars 2024
DEMANDERESSE

S.A.R.L. AUDELA
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Thierry GICQUEAU de la SELARL GICQUEAU VERGNE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0147

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] - [Localité 4], représenté par son syndic la S.A.R.L. Advisoring Immobilier
[Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Maître Bruno MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0079

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Madame Céline CHAMPAGNE, juge

assistées de Léa GALLIEN, greffier,

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/11602 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ2HZ

DÉBATS

A l’audience du 19 janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Céline CHAMPAGNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

En raison de l'empêchement de la présidente, la décision a été signée par l'un des juges qui en ont délibéré, en application de l'article 456 alinéa 1er du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

En vertu d'un bail précaire, la SARL AUDELA a occupé, dans l'immeuble du [Adresse 2] à [Localité 8], un local assuré auprès de la société Axa France IARD.

La société AGCOP a assuré les fonctions de syndic de l'immeuble avant d'être remplacée par la société Advisoring.

La SARL AUDELA ayant déclaré à son assureur un dégât des eaux, l'expert amiable mandaté par la société Axa France IARD a chiffré, dans son rapport d'expertise définitif en date du 17 février 2015, le montant des dommages à la somme de 34 973,40 euros, hors franchise de 274,32 euros.

Par courrier en date du 12 novembre 2015, adressé à la société AGCOP, la société Axa France IARD l'a informée exercer à son encontre un recours à hauteur de 34 973,40 euros, en raison du sinistre déclaré, expliquant qu'il trouvait son origine dans une canalisation commune d'évacuation des eaux usées de l'immeuble.

Par courrier en date du 05 février 2016, adressé à la SARL Advisoring, le chargé de clientèle de la société Axa France IARD lui a indiqué que sa responsabilité étant engagée, selon les dispositions de l'article 1384-1 du code civil, il lui présentait donc sa réclamation et restait dans l'attente du règlement de la somme de 34 973,40 euros, par chèque libellé à l'ordre d'Axa.

Par courriel en date du 16 mars 2016, le service recours subrogatoire d'Axa a indiqué à la SARL Advisoring lui transmettre les documents justifiant le montant de sa réclamation et rester dans l'attente du règlement de la somme réclamée.

La SARL Advisoring a ensuite été destinataire d'un courrier de la société Intrum Justitia, du 21 octobre 2016, lui communiquant un échéancier prévoyant sur la période du 21 octobre 2016 au 30 mai 2018, le paiement de la somme de 34 973,40 euros, à raison de 1750 euros par mois.

Par quittance subrogatoire signée le 27 mars 2018, la représentante de la SARL AUDELA, Mme [E], a reconnu avoir perçu de la société Axa France IARD la somme de 685,68 euros, réglés au titre de la garantie dégâts des eaux de son contrat d'assurance, et celle de 15 750 euros, reversée par la société Axa France IARD sur obtention partielle du recours engagé à l'encontre du syndicat des copropriétaires.
La quittance précise que la somme de 18 537,32 euros lui reste due au titre du contenu professionnel du local, non garanti par la police d'assurance.

L'échéancier ayant cessé d'être respecté, la société Intrum Justitia a, par courrier en date du 27 avril 2018, mis en demeure la SARL Advisoring de lui faire parvenir la somme de 19 227,46 euros afin de solder sa dette.

En l'absence de règlement amiable du litige, la SARL AUDELA a, par acte délivré le 03 octobre 2019, fait assigner le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, la SARL Advisoring Immobilier, aux fins d'obtenir le règlement de la somme de 18 537,72 euros, ainsi que celles de 3000 euros à titre de dommages-intérêts et de 3000 euros au titre des frais irrépétibles, outre sa condamnation aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 22 décembre 2022, la SARL AUDELA demande, au visa de la loi du 10 juillet 1965, des articles 2240, 1242 et suivants et 1130 et suivants du code civil, de :
« DECLARER recevable et bien fondée la société AUDELA en l'ensemble de ses demandes ;
DEBOUTER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], [Localité 4], représenté par son syndic, la Société SARL ADVISORING IMMOBILIER de ses demandes, fins et prétentions ;
En conséquence,
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], [Localité 4], représenté par son syndic, la Société SARL ADVISORING IMMOBILIER, au règlement de la somme de 18.537,72 euros, assortie des intérêts de retard à hauteur du taux d'intérêt légal, à compter de la mise en demeure du 27 avril 2018 ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], [Localité 4], représenté par son syndic, la Société SARL ADVISORING IMMOBILIER au règlement de la somme de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], [Localité 4], représenté par son syndic, la Société SARL ADVISORING IMMOBILIER au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], [Localité 4], représenté par son syndic, la Société SARL ADVISORING IMMOBILIER aux entiers dépens de la présente procédure, lesquels seront directement recouvrés par l'association GICQUEAU VERGNE, Avocats, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. »

Dans ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 21 septembre 2022, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal, au visa des articles 2224, 1242, 1302 et suivants du code civil ainsi que 122 et suivants du code de procédure civile de :
« DIRE ET JUGER la société AUDELA irrecevable en sa demande de paiement à l'encontre du Syndicat des Copropriétaires de la Copropriété du [Adresse 2] à [Localité 4], celle-ci étant prescrite
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/11602 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ2HZ

Subsidiairement,
DEBOUTER la société AUDELA de l'ensemble de ses demande, fins et conclusions
A titre reconventionnel et en tout état de cause,
CONDAMNER la société AUDELA à payer au Syndicat des Copropriétaires de la Copropriété du [Adresse 2] à [Localité 4] la somme de 15 750 € au titre des sommes indûment perçues
CONDAMNER la société AUDELA à la somme de 3000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvert par Maître Bruno MATHIEU, Avocat, ainsi qu'il est dit à l'article 699 du Code de procédure civile. »

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2023 et la date de plaidoirie fixée au 19 janvier 2024, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 22 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande formulée par la SARL AUDELA

L'article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

L'article 2224 du code civil prévoit pour sa part que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Le syndicat des copropriétaires soutient que la demande de la SARL AUDELA est irrecevable pour cause de prescription.
Il explique en effet que le point de départ de cette dernière doit être fixé au 12 février 2014, date à laquelle le sinistre aurait été subi, et non au jour du rapport d'expertise, comme le soutient la SARL AUDELA, expliquant en effet que le point de départ d'une action en responsabilité se situe au jour de sa manifestation.
Il fait ainsi valoir que la société ayant attendu le 03 octobre 2019, soit plus de cinq ans, pour engager une procédure, sa demande est par conséquent prescrite.
Il conteste toute reconnaissance de sa part, ayant pu avoir un effet interruptif, en l'absence de toute déclaration en ce sens et relève de plus, s'agissant des chèques qu'il a adressés à la société de recouvrement, qu'ils ne démontrent pas plus cette reconnaissance puisqu'ils ont été obtenus de manière dolosive dans la mesure où on lui a laissé croire qu'il existait, contre le syndicat des copropriétaires, un titre exécutoire sur la base duquel le paiement a été sollicité.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
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Il indique enfin que le nom de la société AUDELA ne figurait pas sur les correspondances de la société de recouvrement où n'était mentionné que le nom de la compagnie Axa, ce qui ne lui permettait pas de pouvoir effectuer un rapprochement avec la réclamation, objet du présent litige, de telle sorte que la société AUDELA, qui tente de se prévaloir des paiements intervenus, n'apporte aucune justification permettant d'établir un lien entre ces paiements et la présente instance.

La SARL AUDELA soutient, pour sa part, que dans la mesure où le rapport d'expertise n'a été établi que le 17 février 2015, ce n'est donc qu'à compter de cette date qu'elle était en mesure de diriger son action contre la bonne personne et d'exercer ses droits, de telle sorte qu'en assignant la société Advisoring le 03 octobre 2019, alors qu'elle disposait jusqu'au 17 février 2020 pour le faire, elle n'encourt aucune prescription.
En tout état de cause, au visa de l'article 2240 du code civil, elle soutient que le dernier règlement de la SARL Advisoring date du mois de juin 2017 et qu'à cette date, un nouveau délai de prescription a donc couru jusqu'au mois de juin 2022, que le dol évoqué par la défenderesse n'est étayé ni en droit ni en fait et qu'il ressort des divers courriers versés aux débats qu'elle avait une parfaite connaissance du dégât des eaux survenu dans le local ainsi que des dommages occasionnés.
Elle soutient donc qu'elle ne peut à présent se contredire en soutenant de façon parfaitement incohérente qu'elle aurait réalisé, sans savoir de quoi il retournait, non pas un ou deux mais neuf versements de 1750 euros.

S'agissant du point de départ de la prescription, c'est à tort que la SARL AUDELA soutient qu'il doit être fixé à la date d'établissement du rapport d'expertise.

En effet, les dispositions de l'article 2224 précité n'exigent pas que le demandeur détermine la « bonne personne » contre laquelle diriger son action mais uniquement qu'il connaisse les faits lui permettant d'exercer ses droits.

Le point de départ de la prescription est ainsi fixé au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, c'est-à-dire à la date de la réalisation du dommage ou à la date à laquelle le dommage lui a été révélé s'il est démontré qu'il n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, il ressort des pièces produites (procès-verbal de constatation relatif aux causes, circonstances et à l'évaluation des dommages, rapport définitif d'Axa, courriers de la SARL AUDELA) que le sinistre est survenu le 12 février 2014, date à laquelle la SARL AUDELA était ainsi en mesure de connaître les faits lui permettant d'exercer ses droits.

Il n'est pas contesté que le syndic a effectué plusieurs versements, qui ont fait suite à l'envoi des courriers suivants :

-un courrier, établi le 05 février 2016, émanant du chargé de clientèle Axa, mentionnant les références suivantes « Nos réf : 33517339204/003/8C8 ; affaire : Audela ; adresse du risque : [Localité 4] ; date sinistre : 12/02/2014 » et ainsi rédigé (sic) :

« Madame, Monsieur
Nous prenons contact avec vous au titre du sinistre dégâts des eaux survenu le 12 février 2014 dans un immeuble sis au [Adresse 2] [Localité 4] dont vous êtes gestionnaire selon les termes du courrier du 17 novembre 2015 émanant de AGCOP.
Décision du 22 mars 2024
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Nous vous rappelons qu'à la suite d'une fuite sur canalisation commune d'évacuation des eaux usées, notre assurée la Sté Audela, a subi des dommages pour un montant de 34 973,40 euros.
Votre responsabilité étant engagée selon l'article 1384-1 du code civil, nous avions présenté notre réclamation auprès d'Allianz, assureur de AGCOP qui n'a pu honorer ce recours, une franchise supérieure au montant des dommages subis par notre cliente étant présente dans
Par suite nous vous adressons cette réclamation accompagnée des pièces justificatives et restons dans l'attente de votre règlement de 34 973,40 euros par chèque libellé à l'ordre d'Axa à l'adresse suivante AXA FRANCE SUPPORTS, [Adresse 10].
Nous vous prions d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.
Votre chargé de clientèle
09.70.82.18.22 »

-un courriel du 16 mars 2016, de Mme [Y] [H], du service « recours subrogatoire » d'Axa intitulé « 33517339204 AUDELA sinistre dégâts des eaux du 12/02/2014 » :

« Madame, Monsieur,
je fais suite à votre appel de ce jour et vous transmets en pièce jointe les documents justifiant le montant de notre réclamation.
Je reste dans l'attente de votre règlement de 34 973,40 euros par chèque libellé à l'ordre d'AXA à l'adresse suivante :
AXA FRANCE SUPPORTS
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 7]. »

Les documents justifiant le montant de la réclamation, bien que mentionnés dans ce courriel comme transmis en pièce jointes, ne sont cependant pas produits.

-un courrier en date du 21 octobre 2016 adressé par la société Intrum Justitia, établissant un échéancier de paiement, portant sur la somme de 34 973,40 euros et mentionnant en haut à gauche les mentions :
« créancier : 950457 Axa France »
et
« références client : 33517339204/001
09 70 82 18 22
12/02/2014 »

Il ressort ainsi de cette chronologie que les versements effectués font suite tout d'abord à l'envoi d'un premier courrier d'Axa établi en février 2016, présentant sa réclamation, lequel a manifestement donné lieu à des interrogations de la part du syndic puisque par courriel adressé un mois plus tard, le service dédié d'Axa lui a indiqué faire suite à son « appel de ce jour » et lui transmettre les documents justifiant le montant de sa réclamation, puis à l'envoi d'un courrier de la société Intrum Justitia fixant un échéancier de paiement, tant le nom du mandant, à savoir la société Axa France, que les références clients (33517339204), la date du sinistre (12 février 2014) et le montant réclamé (34 973,40 euros) figurant sur ce courrier, étant identiques aux mentions figurant sur le courrier et courriels adressés par Axa.

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De plus, comme relevé par la société AUDELA, aucun de ces courriers ne fait allusion à un quelconque titre exécutoire, la société Axa ayant présenté sa réclamation en expliquant simplement, dans le courrier adressé le 05 février 2016, intervenir à la suite d'une fuite sur canalisation commune d'évacuation des eaux usées, ayant causé à son assurée des dommages pour un montant de 34 973,40 euros, dont elle réclamait paiement au syndicat des copropriétaires sur la base de l'article 1384-1 du code civil prévoyant la responsabilité du fait des choses.

Les manœuvres dolosives, invoquées par le syndicat des copropriétaires ne sont donc pas caractérisées, le syndic, qui était ainsi en capacité de comprendre que la somme réclamée correspondait à l'indemnisation du sinistre subi par la société Audela, tel qu'expliqué et réclamé dans le courrier du 05 février 2016, ayant volontairement effectué les versements aujourd'hui contestés.

Ces versements, qui ont été réalisés en 2016, soit avant l'acquisition de la prescription de cinq ans dont le point de départ a commencé à courir le 12 février 2014, ont ainsi interrompu cette dernière.

Le dernier chèque ayant été émis le 06 février 2017, la prescription a donc recommencé à courir, à partir de cette date, pour une durée de cinq ans, soit jusqu'en février 2022.

L'action en paiement de la SARL AUDELA pouvait donc valablement être introduite jusqu'en février 2022.

L'assignation ayant été délivrée le 03 octobre 2019, l'action de la SARL AUDELA n'est donc pas prescrite et est recevable.

La fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires est par conséquent rejetée.

Sur la demande de restitution de l'indu

Aux termes des articles 1302 et 1302-1 du code civil « tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution » et « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. »

Le syndicat des copropriétaires explique qu'il a réglé par erreur entre les mains du mandataire de la compagnie Axa, intervenant elle-même comme mandataire de la société AUDELA, la somme de 15 750 euros alors que cette réclamation n'était fondée que sur les déclarations de cette société, s'agissant tant de l'origine, des causes que du montant des dommages.
Il indique que contrairement à ce qui lui a été donné à penser, la société Axa ne disposait d'aucun titre autre que celui qu'elle s'était fait à elle-même pour réclamer ce paiement.
Il demande donc la condamnation de la société AUDELA à lui régler la somme de 15 750 euros au titre des sommes indûment perçues.

La société AUDELA s'oppose à cette demande en faisant tout d'abord valoir que la preuve du caractère indu du règlement n'est pas rapportée, le syndicat des copropriétaires n'ayant jamais contesté sa responsabilité et ayant accepté d'indemniser le préjudice subi en réglant une partie de la créance.
Elle indique de plus que, conformément à l'article 1342-1 du code civil, rien ne s'oppose à ce qu'un tiers, en pleine connaissance de cause, paie la dette d'autrui.
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Elle indique ensuite que lorsque le paiement a été délibéré, l'erreur ne peut être retenue, le syndicat des copropriétaires ne pouvant revenir sur son engagement de régler l'échéancier qu'en apportant la preuve que son consentement a été vicié, ce qu'il ne démontre nullement en l'espèce.

Elle fait en effet valoir qu'il indique simplement avoir effectué les paiements en pensant exécuter une décision de justice, alors que ni elle ni son mandataire ni la société de recouvrement n'ont jamais fait état d'un quelconque titre exécutoire au soutien de cette demande de paiement.

La chronologie des échanges de courriers, précédemment exposée, démontre cependant que le syndic était ainsi en capacité de comprendre que la somme réclamée correspondait à l'indemnisation du sinistre subi par la société Audela, tel qu'expliqué et réclamé dans le courrier du 05 février 2016, ayant volontairement effectué les versements aujourd'hui contestés.

L'erreur invoquée n'est par conséquent pas caractérisée et il convient donc de débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande en restitution.

Sur la demande en paiement de la somme de 18 537,72 euros

Aux termes de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, le syndicat des copropriétaires « a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »

La SARL AUDELA soutient que la fuite responsable du sinistre qu'elle a subi est survenue sur une canalisation d'évacuation des eaux usées.
Elle en veut ainsi pour preuve d'une part, que le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, a signé et apposé son tampon sur le constat amiable de dégât des eaux en reconnaissant l'existence d'une fuite sur une canalisation d'évacuation et d'autre part, que l'expert mandaté par son assureur a abouti à la même conclusion.
Elle soutient que, « faute de s'être présentée à la réunion, alors que dûment convoquée, la société Advisoring Immobilier ne saurait, à présent, sérieusement et valablement remettre en cause cette expertise a fortiori en n'apportant aucun élément de nature à étayer ses affirmations péremptoires ».
Elle relève également que le syndic n'a jamais contesté les nombreux courriers adressés par la société Axa mentionnant cette fuite comme cause des sinistres et elle fait également état de ceux qu'elle a adressés à son propriétaire, à son assureur et au syndic ainsi que de la main courante qu'elle a déposée, se référant tous à une fuite située dans les parties communes de l'immeuble, et du constat d'huissier qu'elle a fait établir le jour du sinistre.

Elle réclame ainsi le paiement de la somme de 18 537,72 euros, expliquant que son préjudice matériel correspondant au contenu du local sinistré, a été chiffré à la somme de 34 973,40 euros par un expert indépendant sur la base de factures et inventaires des marchandises, qu'elle n'a perçu de son assurance que la somme de 685,68 euros, et que « la défenderesse » a déjà réglé la somme de 15 750 euros de telle sorte que la somme de 18 537,72 euros qu'elle sollicite en réparation du préjudice est parfaitement fondée et justifiée.

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Le syndicat des copropriétaires fait, pour sa part, tout d'abord valoir que la SARL AUDELA se contente de viser l'article 1242 du code civil sans exposer les raisons pour lesquelles ce régime de responsabilité pourrait s'appliquer.
Il relève par ailleurs que la cause et l'origine du dommage ne sont démontrés ni par le rapport d'expertise amiable, qui se contente de reprendre les déclarations de son assurée, ni par les différents courriers produits aux débats, de telle sorte qu'il n'existe aucune preuve que le dommage revendiqué provienne d'une installation commune dont le syndicat des copropriétaires a la garde.
Il indique ensuite qu'il n'est nullement justifié de la réalité des dommages allégués, seule une facture de 1520 euros étant produite et l'expert d'assurance s'étant contenté, pour le surplus, de reprendre les dires de son assurée.

Il convient tout d'abord de relever que la SARL AUDELA indique tout à la fois qu'il « s'infère de ces éléments versés aux débats que le syndicat des copropriétaires connaît parfaitement l'origine de la fuite et n'ignore pas avoir violé son obligation de veiller au maintien en bon état d'usage et de jouissance de toutes les parties communes de l'immeuble et de ses équipements, engageant de facto sa responsabilité extracontractuelle sur le fondement de l'article 1240 du code civil » et que « en effet, si besoin était, il sera rappelé qu'en vertu de l'article 14 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965 le syndicat des copropriétaires est responsable de plein droit du défaut d'entretien de l'immeuble et il ne peut s'en exonérer qu'en rapportant la preuve d'une force majeure ou d'une faute de la victime ou d'un tiers (...), ce qui en l'espèce n'est visiblement pas le cas. »

Or, la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne peut être recherchée simultanément sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 et sur celui de l'article 1240 du code civil, le premier régime de responsabilité relevant en effet d'un régime de responsabilité sans faute alors que le second suppose au contraire l'existence d'une faute.

La responsabilité prévue par l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, s'entend en effet d'une responsabilité de plein droit, indépendante de toute notion de faute, mais il appartient toutefois à la victime de rapporter la preuve que le dommage dont elle se plaint est imputable à un défaut de construction ou d'entretien d'une partie commune et donc de démontrer l'existence d'un lien de causalité direct entre l'état de l'immeuble et le préjudice invoqué.

La responsabilité prévue par l'article 1240 du code civil nécessite pour sa part que soient caractérisés une faute, un préjudice et le lien de causalité entre les deux.

En l'espèce, le rapport d'expertise amiable indique, dans son paragraphe consacré aux causes et circonstances du sinistre :
« d'après les dires de votre assuré :
fuite sur canalisation commune d'évacuation des eaux usées de l'immeuble en provenance des étages supérieurs, provoquant des dommages au rez-de-chaussée des locaux de la société AUDELA, locataire au rez-de-chaussée et 1er étage.
Le sinistre s'est produit pendant la journée.
L'assuré possède une vidéo montrant les écoulements. »

Décision du 22 mars 2024
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Comme le soutient justement le syndicat des copropriétaires, ce rapport se contente de reprendre les affirmations de la SARL AUDELA de telle sorte qu'il ne peut être considéré comme établissant les causes du sinistre, pas plus par conséquent que les courriers de la société Axa qui se basent sur les conclusions de ce rapport.

Il en va de même du constat amiable de dégât des eaux, le seul fait que le syndic ait apposé son tampon et signé ce document sur lequel la victime du sinistre a indiqué, s'agissant de la fuite : « provenant des évacuations des eaux usées », ne suffisant pas à établir l'origine de la fuite, et ce d'autant qu'il est également indiqué par le syndic qu'une recherche de fuite était en cours.

S'agissant des courriers et de la main courante dont se prévaut la SARL AUDELA, outre le fait qu'il ne peut leur être reconnu aucune valeur probante en ce que la victime ne peut se constituer de preuve à elle-même, ils se contentent au surplus d'émettre de simples hypothèses, non étayées.

En effet, dans le courrier adressé à son assureur le 13 février 2014, la SARL AUDELA indique que « cet incident semble être lié à des travaux effectués dans les parties communes » et dans la main courante en date du 19 février 2014, elle explique que « le syndic avait dépêché le 12-02-2014 un plombier pour des travaux dans les parties communes, il semble que ce soit les remises en eau successives a ses coupures qui aient achevé de dégrader les conduites du plafond. »

Enfin, il ne peut se déduire du constat d'huissier, établi le 19 février 2014 qui se contente de décrire l'état du local à la suite de l'inondation, que la fuite trouve son origine dans les parties communes de l'immeuble.

L'origine de la fuite n'étant ainsi nullement établie pas plus que l'existence d'un lien de causalité direct entre l'état de l'immeuble et le préjudice invoqué, la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne peut donc être recherchée sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

Enfin, la SARL AUDELA n'explique nullement la faute qui aurait été commise par le syndicat des copropriétaires, permettant d'engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de telle sorte que ce régime de responsabilité ne peut pas plus être invoqué.

Enfin, bien qu'elle vise, dans le dispositif de ses conclusions, l'article 1242 du code civil, la SARL AUDELA ne démontre nullement, comme le relève le syndicat des copropriétaires, que les conditions de mise en jeu de ce régime de responsabilité sont réunies, aucun développement à ce sujet ne figurant dans ses écritures.
Or, la responsabilité du fait des choses suppose de démontrer que le dommage provient du fait d'une chose, le responsable étant celui qui en a la garde, et bien que le seul fait de la chose suffise à engager la responsabilité de son gardien, cela ne dispense toutefois pas de démontrer un lien de causalité entre le fait de la chose et le dommage, démonstration inexistante en l'espèce.

Il convient par conséquent de débouter la SARL AUDELA de sa demande en paiement.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 19/11602 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ2HZ

Sur la demande de dommages et intérêts

La SARL AUDELA réclame la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui régler la somme de 5000 euros en faisant valoir que le sinistre a conduit à une désorganisation complète de son activité, précisant que sa gérante bénéficie par ailleurs du statut de travailleur handicapé.
Elle indique que cette dernière n'a pas été en mesure de reprendre une activité et qu'elle est restée dans l'attente de son indemnisation afin de relancer son activité et qu'elle est aujourd'hui sans ressource.
Elle ajoute que la soudaineté du litige et ses conséquences ont été d'une brutalité sans nom pour sa gérante, contrainte de solliciter le suivi de son courrier à son domicile personnel et de louer un garde-meuble pour stocker sa marchandise, et que le sinistre a emporté l'arrêt brutal de l'activité de la société.
La SARL AUDELA sollicite par conséquent une indemnisation de 5000 euros en réparation du préjudice moral.

Le syndicat des copropriétaires s'oppose à cette demande en soutenant que la demanderesse n'était titulaire que d'un contrat de bail dérogatoire qui s'achevait le 14 septembre 2014, que dès lors le sinistre n'est pas la cause de son départ des lieux et que ce n'est que pour des raisons essentiellement économiques qu'elle a fait le choix de ne pas poursuivre son activité.

La SARL AUDELA qui demande réparation d'un préjudice moral ne fait cependant état que des tracas subis par sa gérante, laquelle se distingue de l'entité juridique que représente la société.

Au surplus, le préjudice moral s'entendant comme une souffrance psychologique causé par l'acte fautif d'une autre personne, il ne peut être retenu qu'au bénéfice d'une victime personne physique et non d'une personne morale.

Il convient par conséquent de débouter la SARL AUDELA de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

La SARL AUDELA, partie perdante est condamnée aux dépens de l'instance.

Maître Bruno Mathieu, avocat qui en fait la demande, est autorisé à recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Tenue aux dépens, elle est également condamnée à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 8] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles et est déboutée de sa demande formulée à ce titre.

Les circonstances de l'espèce commandent de prononcer l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 8] ;

DÉBOUTE la SARL AUDELA de l'intégralité de ses demandes ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 8] de sa demande en restitution de l'indu ;

CONDAMNE la SARL AUDELA aux dépens ;

AUTORISE Maître [T] [K] à recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE la SARL AUDELA à régler au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 8] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE la SARL AUDELA de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles ;

ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 22 mars 2024

Le greffierPour la présidente empêchée
Madame Céline CHAMPAGNE, juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 19/11602
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;19.11602 ?
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