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22/03/2024 | FRANCE | N°18/05858

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 22 mars 2024, 18/05858


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me CISSE
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me REVERT-CHERQUI




8ème chambre
3ème section

N° RG 18/05858
N° Portalis 352J-W-B7C-CM6R5

N° MINUTE :

Assignation du :
11 mai 2018









JUGEMENT

rendu le 22 ars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [T] [I]
Registre n°41
[Localité 7] (LIBAN)

Monsieur [D] [I]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentés par Maître

Abdoulaye CISSE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire #191


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic la S.A.S. CID
[Adresse 1]
[Localité 4]

représent...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me CISSE
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me REVERT-CHERQUI

8ème chambre
3ème section

N° RG 18/05858
N° Portalis 352J-W-B7C-CM6R5

N° MINUTE :

Assignation du :
11 mai 2018

JUGEMENT

rendu le 22 ars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [T] [I]
Registre n°41
[Localité 7] (LIBAN)

Monsieur [D] [I]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentés par Maître Abdoulaye CISSE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire #191

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic la S.A.S. CID
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître Ludovic REVERT-CHERQUI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1515

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 18/05858 - N° Portalis 352J-W-B7C-CM6R5

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Madame Céline CHAMPAGNE, juge

assistées de Léa GALLIEN, greffier,

DÉBATS

A l’audience du 19 janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Céline CHAMPAGNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

En raison de l'empêchement de la présidente, la décision a été signée par l'un des juges qui en ont délibéré, en application de l'article 456 alinéa 1er du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [T] [I] est propriétaire d'un appartement, lot n°111, au sein de l'immeuble du [Adresse 2], soumis au régime de la copropriété.

Ce bien est géré pour son compte par M. [D] [I].

Par acte en date du 11 mai 2018, MM [T] et [D] [I] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires aux fins d'annulation des résolutions 4, 5, 5-1, 5-2, 5-3, 5-4 adoptées lors de l'assemblée générale du 08 mars 2018.
La procédure a été enregistrée sous le numéro 18/05858.

Par acte en date du 05 août 2019, M.M [T] et [D] [I] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires aux fins d'annulation des résolutions 4-1, 4-2, 4-3, 4-4 et 5, 5-1, 5-2, 5-3, 5-4 adoptées lors de l'assemblée générale du 06 mai 2019.
La procédure a été enregistrée sous le numéro 19/10112.

Par ordonnance en date du 16 octobre 2019, le juge de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure 18/05858.

Par conclusions, notifiées par voie électronique le 09 juillet 2020, le conseil du syndicat des copropriétaires a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, afin de communiquer de nouvelles pièces, et le rapprochement avec la procédure 19/10112.

Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 18/05858 - N° Portalis 352J-W-B7C-CM6R5

Par ordonnance en date du 16 octobre 2020, le juge de la mise en état a révoqué l'ordonnance de clôture, renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 04 novembre 2020 pour conclusions au fond des demandeurs et rapprochement avec la procédure 19/10112.

La jonction des procédures 18/05858 et 19/10112 a été ordonnée par mention au dossier le 06 janvier 2021.

Aux termes de leurs conclusions n°3, notifiées par message électronique du 04 janvier 2023, MM [I] demandent au tribunal, au visa des articles 2, 3, 10, 21 et 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, de :
« Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
Déclarer la demande de Monsieur [T] [I] recevable et bien fondée, et en conséquence :
Prononcer l'annulation des résolutions n°4, 5, 5-1, 5-2, 5-3, et 5-4 prises par l'assemblée générale spéciale des copropriétaires en date du 08 Mars 2018.
Prononcer l'annulation des résolutions 4.1, 4.2, 4.3 et 4.4 prises par l'assemblée générale spéciale des copropriétaires en date du 06 Mai 2019.
Prononcer l'annulation des résolutions 5.1, 5.2, 5.3 et 5.4 prises par l'assemblée générale spéciale des copropriétaires en date du 06 Mai 2019.
Condamner le défendeur au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, étant donné qu'il serait inéquitable que le demandeur supporte les frais, non compris dans les dépens, qu'il a dû engager pour obtenir satisfaction de ses droits.
Condamner le défendeur aux entiers dépens.
Dire que le demandeur sera exonéré, en sa qualité de copropriétaire, de sa quote-part dans les dépens, frais et honoraires exposés par le syndicat dans la présente procédure, au titre des charges générales d'administration, conformément aux dispositions de l'article 10-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction résultant de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000.
Constater et à défaut ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toute voie de recours et sans caution. »

Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°4, notifiées par message électronique le 13 octobre 2022, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal, au visa de la loi du 10 juillet 1965 et de ses articles 2 et 3 de :
« Débouter Messieurs [T] et [D] [I] de l'intégralité de leurs prétentions à annulation des diverses résolutions :
- de l'assemblée générale du 8 mars 2018
- de l'assemblée générale du 6 mai 2019
Condamner in solidum Messieurs [T] et [D] [I], à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner in solidum Messieurs [T] et [D] [I], aux entiers dépens de la présente instance. »

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2023 et la date de plaidoirie fixée au 19 janvier 2024, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 22 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation

M. [T] [I] attaque les résolutions adoptées lors de l'assemblée générale spéciale des copropriétaires en date du 08 mars 2018 (n°4, 5, 5-1, 5-2, 5-3 et 5-4 ) ainsi que lors de celle du 06 mai 2019 (4-1, 4-2, 4-3, 4-4 5-1, 5-2, 5-3 et 5-4), en faisant valoir qu'elles portaient sur des travaux de consolidation des planchers hauts d'un local commercial et d'appartements, dont elles ont prévu le financement en charges communes générales alors qu'aux termes du règlement de copropriété, les planchers constituent des parties privatives.
En réponse à l'argumentation du syndicat des copropriétaires, il indique que la classification prévue par le règlement de copropriété est légale dans la mesure où les articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965, définissant les parties communes et privatives, ne sont pas d'ordre public, de telle sorte que le règlement de copropriété peut y déroger et qu'il importe peu qu'il ait été établi sous l'empire de la loi du 28 juin 1938, l'ensemble de ses clauses n'étant pas de ce fait, comme prétendu par le syndicat des copropriétaires, devenu obsolète de manière automatique du fait de l'adoption de la loi du 10 juillet 1965.
Il conteste également les jurisprudences sur lesquelles s'appuie le syndicat des copropriétaires pour considérer que les murs et autres éléments du gros œuvre, ne pourraient faire l'objet d'une attribution privative, au motif qu'ils forment un tout indissociable, les faits de l'espèce étant, selon lui, sans lien avec les arrêts cités.
Il soutient que c'est à tort qu'il fait état d'une contradiction entre l'article 2 du règlement, définissant les planchers comme parties privatives, et l'article 1 listant ce qui ressort des parties communes, en indiquant qu'il s'agit simplement d'une clause balai permettant de déterminer le régime des parties de l'immeuble non explicitement définies dans le règlement et qui sont ainsi déclarées communes par la loi et les usages.
Il relève de plus que le syndicat des copropriétaires se prévaut du caractère obsolète du règlement de copropriété alors qu'en 2014 puis en 2015, il a demandé que soit mise à l'ordre du jour de l'assemblée générale son harmonisation sans que ses demandes n'aient obtenu satisfaction et que le syndicat des copropriétaires a, à deux reprises, reconnu le caractère privatif des planchers, poutres et solives, dans un précédent litige l'opposant en 2015 à un copropriétaire.
Enfin, il conteste avoir bénéficié de travaux de consolidation de plancher, votés en charges communes.
Il soutient donc que le règlement de copropriété est valable, que ses dispositions doivent être impérativement respectées et qu'elles s'imposent au juge.

Le syndicat des copropriétaires, s'il reconnaît que l'article 2 du règlement de copropriété répute parties privatives le plancher avec les poutres et solives qui le soutiennent, explique cependant que l'article 1 répute partie commune toute partie déclarée commune par la loi et les usages, de telle sorte que le gros œuvre du bâtiment doit être considéré comme une partie commune.
Il fait de plus remarquer que le règlement de copropriété a été établi sous le régime de la loi du 28 juin 1938, qu'il est devenu obsolète de manière automatique du fait de l'entrée en vigueur du statut impératif de la loi du 10 juillet 1965 et de son décret d'application du 17 mars 1967 et qu'il convient donc de « remettre en cause les stipulations du règlement de copropriété en ce qu'elles désignent la structure du plancher comme partie privative, alors même que ladite structure plancher fait partie intégrante du gros œuvre et ainsi ne peut en aucun cas être considérée comme de nature privative. »
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 18/05858 - N° Portalis 352J-W-B7C-CM6R5

Il soutient ainsi que la jurisprudence a été amenée à considérer, notamment s'agissant de règlements de copropriété anciens établis sous l'empire de la loi de 1938, qu'en raison de leur rôle et de leurs caractéristiques, les murs et autres éléments du gros œuvre ne peuvent faire l'objet d'une attribution privative et il fait ainsi valoir que « sont qualifiés de parties communes l'ensemble des ouvrages du gros œuvre nécessaire à la stabilité, à la résistance et à la protection des bâtiments, y compris les poutres, solives et hourdis, ainsi que les planchers, à l'exclusion de leurs revêtements inférieurs et supérieurs (parquets et autres matériaux employés) qui sont considérés comme des parties privatives. »
Il indique que des travaux de réfection du plancher haut de l'appartement de M. [I] ont été réalisés en 2011, à l'initiative du syndicat, et que pourtant M. [I] n'a nullement attaqué l'assemblée générale pour contester ces travaux, en revendiquant leur caractère privatif, puisque ces derniers ont été réalisés à son bénéfice.
Enfin, il se prévaut de l'avis donné par l'expert judiciaire, missionné à la suite de désordres subis par des copropriétaires de l'immeuble, sur la qualification donnée aux planchers dans le règlement de copropriété, l'expert ayant en effet considéré que les poutres et les solives qui constituent le plancher et participent à la structure de l'immeuble ne pouvaient en aucun cas être des parties privatives.

En l'espèce, les résolutions votées lors de l'assemblée de 2018 ont trait à la « consolidation des planchers hauts du local commercial » et portent sur :

- la ratification des missions confiées à l'architecte [N] pour la mission d'étude du renforcement des structures pour un coût de 1680 euros et pour l'étude de l'ingénieur structure pour un coût de 4440 euros, objet de la résolution n°4,

-la décision de réaliser les travaux de consolidation des planchers hauts du local commercial et le choix de l'entreprise, objet de la résolution n°5-1,

-le choix des sociétés titulaires des missions de maîtrise d'œuvre, d''ingénieur structure et de coordination SPS et le coût de ces missions, objet de la résolution n°5-2,

-les honoraires du syndic, objet de la résolution n°5-3,

-les appels de fonds, objets de la résolution n°5-4 ainsi rédigée :
« l'assemblée générale prend acte que le règlement de copropriété prévoit dans sa définition des parties communes « généralement toutes les parties déclarées communes par la loi et par les usages, les usages de [Localité 6] devant à défaut d'usage parisien être considérés comme obligatoires. » Que le règlement de copropriété prévoit dans sa définition des parties privatives « le plancher avec les poutres et solives qui le soutiennent ».
De plus, elle prend acte que l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit « sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux. Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées parties communes : […] le gros œuvre des bâtiments. »
Enfin l'assemblée rappelle que lors de précédentes assemblées générales la copropriété a décidé de travaux de reprise des structures des planchers et que ces dits travaux avaient été financés en charges générales en considérant qu'il s'agissait de parties communes.
Pour les motifs exposés ci-dessus, l'assemblée générale décide pour le financement de ces travaux et honoraires, d'autoriser le syndic à appeler les fonds en charges 001-Charges communes générales de la façon suivante :
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 18/05858 - N° Portalis 352J-W-B7C-CM6R5

50% le 01 avril 2018
5% le 01 mai 2018. »

La résolution 4 votée lors de l'assemblée spéciale de 2019 a trait aux « travaux de consolidation de la structure des studios des 2ème et 3ème étages de l'escalier A et reprise partielle du ravalement de la courette » et porte sur :

-la décision de réaliser les travaux de consolidation des structures intérieures du plancher haut des salles de bain des studios des 2è et 3è étages droite de l'escalier A, la reprise partielle du ravalement de la courette et choix de l'entreprise, objet de la résolution n°4-1,

-le coût de la maîtrise d'œuvre et la coordination SPS, objet de la résolution 4-2,

-les honoraires du syndic, objet de la résolution 4-3,

-les appels de fonds, objets de la résolution 4-4 ainsi rédigée :
« l'assemblée générale décide, pour le financement de ces travaux et honoraires, d'autoriser le syndic à appeler les fonds en charges 001-Charges communes générales, de la façon suivante :
-50% le 01 juin 2019
-25% le 01 juillet 2019
-25% le 01 septembre 2019. »

La résolution 5 votée lors de l'assemblée spéciale de 2019 a trait à la « décision à prendre sur les travaux de consolidation du plancher haut au sein de l'appartement lot n°13 » et porte sur :

-la décision de réaliser les travaux et choix de l'entreprise, objet de la résolution 5-1,

-le coût de la maîtrise d'œuvre et de la coordination SPS, objet de la résolution 5-2

-les honoraires du syndic, objet de la résolution 5-3,

-les appels de fonds, objets de la résolution 5-4, ainsi libellée :
« l'assemblée générale décide, pour le financement de ces travaux et honoraires, d'autoriser le syndic à appeler les fonds en charges 001- Charges communes générales de la façon suivante :
-50% le 01 juin 2019
-50% le 01 juillet 2019
-50% le 01 septembre 2019. »

Les parties communes et les parties privatives d'un immeuble sont, en principe, définies dans le règlement de copropriété, auquel il convient, en cas de litige, de se référer.

Ce n'est que si ce dernier ne contient aucune indication sur la nature d'une partie de l'immeuble, qu'il convient alors de se référer aux articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965, définissant les parties privées et communes, ces dispositions n'étant en effet que supplétives et n'ayant vocation à s'appliquer que dans le silence du règlement de copropriété.

En l'espèce, le règlement de copropriété énonce dans son « article premier propriété commune », que :
Décision du 22 mars 2024
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« la propriété commune de l'immeuble comprend les parties ci-après teintées en bleu aux plans ci-annexés,
le sol en totalité partie bâtie et la cour (à l'exception d'une contenance de soixante dix-huit mètres soixante quinze centièmes, telle qu'elle est figurée sous la teinte rose du plan du rez-de-chaussée, ci-annexé
les fondations gros murs de refends et de pignons et de façade, les entrées, couloirs divers, la loge ou logement du concierge, les caves y attachées portant les numéros un, sept et seize, les chambres de bonnes du cinquième étage portant les numéros 9 et 12
les prises d'eau et conduits de ventilation
les canalisations d'eau, de gaz et d'électricité
les tuyaux de chute et d'écoulement des eaux pluviales, ménagères ou usées, à l'exception toutefois des divers canalisations et tuyaux se trouvant à l'intérieur de l'appartement ou local en dépendant et affectés à l'usage exclusif des appartements ou boutiques
les water-closet du rez-de-chaussée et du cinquième étage. Les escaliers et leurs cages
les toitures à l'exception des tabatières, lucarnes ou fenêtres et toitures de courette dont l'entretien en restera à la charge du propriétaires du local dont elles dépendent), coffres et têtes de cheminées,
enfin, généralement toutes parties déclarées communes par la loi et par les usages, les usages de [Localité 6] devant à défaut d'usage parisien être considérés comme obligatoires. »

Il énonce ensuite, dans son « article deuxième partie privative » que :
« outre la propriété des parties communes énumérées ci-dessus, chaque acquéreur aura la propriété privative de l'appartement ou des locaux par lui acquis avec leurs dépendances.
Cette propriété comprendra notamment :
le plancher avec les poutres et solives qui le soutiennent, les cloisons intérieures avec leurs portes, les fenêtres sur rue et sur cour avec les volets ou persiennes avec leurs garde-corps, le garde-corps dont balcons et balconnets, les portes palières, toutes les canalisations intérieures, les installations sanitaires des salles de bains, cabinets de toilettes, water-closets, le fourneau de cuisine, l'évier et les autres installations de cuisine, les placards, armoires, penderies, les parties vitrées des portes et fenêtre, châssis, des toitures, le plafond attaché aux poutres des planchers pour les locaux des étages supérieurs et en résumé tout ce qui est inclus à l'intérieur des locaux acquis.
Les séparations entre les appartements, chambres de bonnes et caves seront communes entre les propriétaires voisins. »

Le règlement de copropriété régissant l'immeuble du [Adresse 2] n'est donc pas muet sur la qualification du « plancher et des poutres qui le soutiennent », qu'il qualifie expressément et sans ambiguïté de parties privatives.

Il est exact que le règlement de copropriété mentionne, à la fin de l'article 1 listant les parties communes, que sont réputées comme telles « généralement toutes parties déclarées communes par la loi et par les usages, les usages de [Localité 6] devant à défaut d'usage parisien être considérés comme obligatoires. »

Il ne s'agit toutefois là, comme l'indique à juste titre le demandeur, que d'une clause permettant de qualifier de communes des parties non explicitement listées et définies comme telles dans le règlement de copropriété alors qu'elles le sont par application de la loi ou des usages en vigueur et non de remettre en cause la classification établie à l'article 2, qui liste précisément ce qui doit être considéré comme parties privatives.
Décision du 22 mars 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 18/05858 - N° Portalis 352J-W-B7C-CM6R5

De la même façon, d'une part, contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires, l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1965 n'a pas eu pour effet de rendre, de facto et de manière automatique, obsolète le règlement de copropriété et quand bien même à considérer que tel serait le cas pour certaines de ses dispositions, il n'en demeure pas moins qu'elles continuent à s'appliquer tant qu'elles n'ont pas été déclarées non écrites.

De plus, les articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965 n'ont aucun caractère d'ordre public puisque l'article 43 de cette même loi ne répute non écrites que les clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46, les articles 2 et 3 n'apparaissant ainsi que supplétifs de la volonté des parties qui peuvent ainsi tout à fait adopter une classification différente de celle retenue par la loi de 1965.

S'agissant de l'avis de l'expert judiciaire dont se prévaut le syndicat des copropriétaires, ce dernier a considéré que « même si les termes et les mots du règlement de copropriété sont mal choisis, en aucun cas les poutres et les solives, qui constituent le plancher et participent à la structure de l'immeuble ne peuvent être des parties privatives.
Dans l'absurde, si c'était le cas, un copropriétaire pourrait sans autorisation retirer les poutres et solives, ce qui supprimerait totalement l'ouvrage séparant deux lots et provoquerait l'effondrement d'une partie de l'immeuble.
En effet les poutres et solives des planchers participent à la tenue des façades au contreventement de l'immeuble et aux reports des charges.
Par « plancher » il faut lire « parquet » et par « poutres et solives » il faut lire « lambourdes ». »

Toutefois, outre le fait qu'un avis d'expert ne lie pas le juge, il n'appartient pas à ce technicien de se prononcer sur la nature juridique du plancher ni d'interpréter ou de critiquer la rédaction du règlement de copropriété, les copropriétaires étant libres de décider, comme ils le souhaitent, du caractère commun ou privatif des éléments et équipements composant l'immeuble, quand bien même ce choix serait, selon l'expert, incohérent ou dangereux.

En dehors de toute refonte du règlement de copropriété, il n'est donc pas possible, comme le soutient à tort le syndicat des copropriétaires, de « remettre en cause les stipulations du règlement de copropriété en ce qu'elles désignent la structure du plancher comme partie privative, alors même que la structure plancher fait partie intégrante du gros œuvre et ainsi ne peut en aucun cas être considérée comme de nature privative ».

Par conséquent, dès lors que le plancher et les poutres qui le soutiennent sont des parties privatives, le coût de leur réfection ne peut être financé en charges communes générales mais doit être supporté par le seul propriétaire de l'appartement.

Les résolutions n°4, 5-1, 5-2, 5-3 et 5-4, adoptées par l'assemblée générale spéciale des copropriétaires en date du 08 mars 2018, ainsi que celles n°4-1, 4-2, 4-3, 4-4, 5-1, 5-2, 5-3 et 5-4 adoptées par l'assemblée générale spéciale des copropriétaires en date du 06 mai 2019 doivent donc être annulées, sans qu'il n'y ait besoin d'examiner le moyen tiré du non respect de la consultation du conseil syndical, prévue par l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965.

Sur les autres demandes

Le syndicat des copropriétaires, partie perdante, est condamné aux dépens de l'instance.

Tenu aux dépens, il est également condamné à payer à M. [T] [I], la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles.

Le sens de la décision conduit à débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande formulée à ce titre.

M. [T] [I] est dispensé de toute participation aux frais de la présente procédure.

Au vu de l'ancienneté du litige, il convient d'ordonner l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

ANNULE les résolutions n°4, 5, 5-1, 5-2, 5-3, et 5-4 adoptées par l'assemblée générale spéciale des copropriétaires en date du 08 mars 2018, n°4-1, 4-2, 4-3, 4-4, 5-1, 5-2, 5-3 et 5-4 adoptées par l'assemblée générale spéciale des copropriétaires en date du 06 mai 2019 ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] aux dépens ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] à payer à M. [T] [I] la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DISPENSE M. [T] [I] de toute participation aux frais de la présente procédure ;

ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 22 mars 2024

Le greffierPour la présidente empêchée
Madame Céline CHAMPAGNE, juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 18/05858
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;18.05858 ?
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