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21/03/2024 | FRANCE | N°22/13389

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 3ème section, 21 mars 2024, 22/13389


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 3ème section


N° RG 22/13389 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYHEQ

N° MINUTE : 1


Assignation du :
04 Novembre 2022









JUGEMENT
rendu le 21 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [V] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Me Emilie CHANDLER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0159 et de Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES, avocat pl

aidant.


DÉFENDERESSE

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE-DE-FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Michèle SOLA, avocat au barr...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 3ème section

N° RG 22/13389 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYHEQ

N° MINUTE : 1

Assignation du :
04 Novembre 2022

JUGEMENT
rendu le 21 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [V] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Me Emilie CHANDLER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0159 et de Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant.

DÉFENDERESSE

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE-DE-FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0133

Décision du 21 Mars 2024
9ème chambre - 3ème section
N° RG 22/13389 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYHEQ

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Monsieur BERTAUX, Juge
Monsieur MALFRE, Vice-président

assistés de Clarisse GUILLAUME, Greffière lors des débats et de Claudia CHRISTOPHE, Greffière lors de la mise à disposition,

DÉBATS

A l’audience du 8 février 2024 tenue en audience publique devant Madame CHARLIER-BONATTI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

rendu publiquement par mise à disposition
contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [U] est cliente de la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE-DE-FRANCE, ci-après dénommée “CRCAM ILE DE FRANCE”.

Au début de l’année 2019, elle a été contactée par une société se présentant comme REVOLUT LTD, qui lui a proposé d’investir dans un livret d’épargne, ce qu’elle a fait.

Au mois de mai 2021, Madame [U] a procédé aux règlements suivants :10 000€ le 14/05/2021 et 15 000€ le 21/05/2021.

Les sommes étaient transférées sur un compte bancaire intitulé «”[O]” domicilié au Portugal.

Par acte d’huissier du 4 novembre 2022, Madame [V] [U] a assigné la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE-DE-FRANCE devant le tribunal de Paris pour défaut de vigilance.

Par conclusions en date du 28 mars 2023, Madame [V] [U] demande au tribunal de :

A TITRE PRINCIPAL :

Prononcer un sursis à statuer et transmettre les questions préjudicielles suivantes à la Cour de Justice de l’Union Européenne :

« Les articles 12 à 31, Chapitre II, de la Directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatifs aux obligations de vigilance à l’égard de la clientèle, transposés en droit français aux articles L. 561-2 et suivants du code monétaire et financier, peuvent-ils être invoqués, à titre particulier, par les consommateurs victimes à l’encontre de leur établissement bancaire dans le cadre d’une action en responsabilité civile ? »

« Ces mêmes articles peuvent-ils fonder une action en responsabilité civile ? »

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Juger que la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE n’a pas respecté son obligation légale de vigilance au titre du dispositif de LCB-FT ;

Juger que la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE est responsable des préjudices subis par Madame [U] ;

Condamner la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à rembourser à Madame [U] la somme de 25 000 €, correspondant à la totalité de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;

Condamner la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à verser à Madame [U] la somme de 5 000 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;

Condamner la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à verser à Madame [U] la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la même, aux entiers dépens ;

A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE :

Juger que la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE a manqué à son devoir général de vigilance ;

Juger que la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE est responsable des préjudices subis par Madame [U] ;

Condamner la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à rembourser à Madame [U] la somme de 25 000 €, correspondant à la totalité de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;

Condamner la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à verser à Madame [U] la somme de 5 000 €, correspondant à 20% du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;

Condamner la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à verser à Madame [U] la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la même aux entiers dépens ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

Juger que la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE n’a pas respecté son obligation d’information à l’égard de Madame [U] ;

Juger que la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE est responsable des préjudices subis par Madame [U] ;

Condamner la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à rembourser à Madame [U] la somme de 25 000 €, correspondant à la totalité de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;

Condamner la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à verser à Madame [U] la somme de 5 000 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;

Condamner la société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à verser à Madame [U] la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la même aux entiers dépens.

Madame [U] sollicite à titre principal de transmettre les questions préjudicielles suivantes à la Cour de Justice de l’Union Européenne :

« Les articles 12 à 31, Chapitre II, de la Directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatifs aux obligations de vigilance à l’égard de la clientèle, transposés en droit français aux articles L. 561-2 et suivants du Code monétaire et financier, peuvent-ils être invoqués, à titre particulier, par les consommateurs victimes à l’encontre de leur établissement bancaire dans le cadre d’une action en responsabilité civile ? »

« Ces mêmes articles peuvent-ils fonder une action en responsabilité civile ? »

A titre subsidiaire, elle soutient que la société CRCAM ILE DE FRANCE n’a pas été vigilante, par principe, au regard des achats « atypiques » opérés par elle au titre du dispositif LCB-FT. La société CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE n’a pas été vigilante face aux très nombreuses alertes des autorités compétentes sur les offres d’investissement sur des livrets d’épargnes non régulés. Elle n’a pas non plus été vigilante quant à la structure REVOLUT LTD.

Elle reproche également à la CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE de ne pas avoir été vigilante quant au fonctionnement inhabituel de son compte.

A titre plus subsidiaire, elle invoque le devoir général de vigilance du banquier. Ce devoir de vigilance ou de surveillance impose notamment au banquier de ne pas exécuter sans réagir une opération présentant une anomalie apparente, que celle-ci soit matérielle ou intellectuelle, ou une opération manifestement irrégulière ou inhabituelle dans la pratique commerciale ou dans les habitudes de son client.

Enfin elle soutient que la banque était tenue d’une obligation d’information spéciale en matière d’investissements financiers lorsque les biens acquis peuvent faire l’objet d’actes de blanchiment ou sont liés au financement du terrorisme.

Par conclusions en date du 16 février 2023, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE-DE-FRANCE demande au tribunal de :

Lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice sur le mérite des demandes de sursis à statuer et de transmission des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union Européenne formées par Madame [V] [U] ;

Débouter Madame [V] [U] de l’intégralité de ses demandes de dommages et intérêts ;

Condamner Madame [V] [U] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE-DE-FRANCE la somme de 5.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la CAISSE DE CREDIT MUTUELLE [Adresse 5] aux entiers dépens ;

Rappeler que l'exécution provisoire est de droit.

La CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE expose que Madame [U] reconnaît expressément que les juridictions françaises, « en tête le Tribunal judiciaire de Paris, refuse toute application du dispositif de LCB-FT au profit de consommateurs victimes ayant engagé une action en responsabilité civile à l’encontre de leur établissement bancaire » et que cela constitue un aveu judiciaire.

Elle rappelle, qu’à défaut d’anomalie apparente, le banquier teneur de compte n’a pas s’immiscer dans les affaires de son client.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2024 avec fixation à l’audience de plaidoirie du 8 février 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 21 mars 2024.

SUR CE

I. Sur les questions préjudicielles :

Les questions préjudicielles que formule Madame [U] portent sur l’application des articles 12 à 31, Chapitre II, de la Directive EU n°2015/849, puisqu’il est demandé si ces articles « peuvent être invoqués à titre particulier par les consommateurs » et peuvent « fonder une action en responsabilité civile ».

L’obligation de vigilance dont se prévaut Madame [U], qui est relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, ne peut être invoquée à son profit pour rechercher la réparation de son préjudice, ainsi que l’a précisé la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 28 avril 2004 (n°02-15.054), dans une solution réitérée par la même formation le 21 septembre 2022, (21-12.335), qui énonce : « Vu l’article L.563-3 du Code monétaire et financier ;

Attendu que l’obligation de vigilance imposée aux organismes financiers en application de l’article susvisé n’a pour seule finalité que la détection de transactions portant sur des sommes en provenance du trafic de stupéfiants ou d’activités criminelles organisées ;
Qu’aux termes des articles L.563-5 et L.563-6 du même code, la méconnaissance de l’obligation de l’examen particulier de certaines opérations importantes est sanctionnée disciplinairement ou administrativement par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire ; que seuls le service institué à l’article L.562-4 et l’autorité de contrôle peuvent obtenir communication des pièces qui se rattachent à ces opérations et que ces informations ne peuvent être recueillies à d’autres fins que celles prévues au titre de la lutte contre le blanchiment de capitaux ; qu’il en résulte que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation d’obligations résultant de ces textes pour réclamer des dommages-intérêts à l’établissement financier ; ».

Assurément, ces solutions ont été rendues sous l’empire du droit applicable antérieurement à l’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016, ce dernier texte transposant en droit français les dispositions de la directive (UE) n°2015/849 du 20 mai 2015 prévoyant une obligation de vigilance propre à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Les deux questions préjudicielles posées en l’espèce ont trait aux dispositions de ces dernières directives et il convient d’y répondre à l’aune de la solution énoncée par la Cour de cassation appliquée par le tribunal de céans y compris sous l’empire de la directive dont l’interprétation est querellée en l’espèce. Les termes de ces deux questions sont les suivants :

« Les articles 12 à 31, Chapitre II, de la Directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatifs aux obligations de vigilance à l’égard de la clientèle, transposés en droit français aux articles L. 561-2 et suivants du code monétaire et financier,

peuvent-ils être invoqués, à titre particulier, par les consommateurs victimes à l’encontre de leur établissement bancaire dans le cadre d’une action en responsabilité civile ? »

« Ces mêmes articles peuvent-ils fonder une action en responsabilité civile ? »

A cet égard, Madame [U] se prévaut de l’article 12 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne selon lequel l’exigence de protection des consommateurs doit être prise en compte dans les politiques de l’Union et du considérant 61 de la directive (UE) n°2015/849 prévoyant l’adoption des normes techniques de réglementation pour assurer la protection des consommateurs. Pour autant, il sera relevé que la directive (UE) n°2015/849, dont la base juridique réside dans l’harmonisation des législations des Etats Membres fondée sur l’article 114 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, poursuit un objectif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dans le but de préserver l’intégrité des établissements bancaires et financiers et la stabilité du système financier, en prévoyant des sanctions pénales et administratives qui, adoptées par les états-membres, doivent être suffisantes, proportionnées et dissuasives. Si le considérant 61 envisage la protection des consommateurs, cet objectif demeure incident au regard des finalités principales du texte de l’Union qui s’attache à la préservation de l’intégrité des établissements bancaires et financiers et la stabilité du système financier.

D’ailleurs, ce considérant 61 de l’exposé des motifs de la directive (UE) n°2015/849 confie aux autorités européennes de surveillance le soin de soumettre à la Commission de l’Union Européenne des projets de normes techniques de réglementation n’impliquant pas de choix politiques. Pareille démarche révèle que si le droit de l’Union Européenne avait entendu faire de l’obligation de vigilance inhérente à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme la source d’un droit à réparation au profit du particulier en cas de manquements inhérents de la part des établissements bancaires et financiers assujettis, il l’eut précisé par un choix clairement formulé dans la directive 2015/849 dont Madame [U] se prévaut, dès lors à tort, du non-respect de ces dispositions.

En conséquence, Madame [U] sera déboutée de sa demande de sursis à statuer aux fins de renvoi d’une question préjudicielle auprès de la CJUE.

II. Sur le dispositif LCB-FT :

Les dispositions des articles L.561-1 et suivants du code monétaire et financier, insérés au chapitre Ier du titre 6, concernant les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ont pour seul objet la protection de l’intérêt général et ne peuvent donc fonder, à les supposer violées, une dette de dommages-intérêts.

Ces textes, qui constituent des règles professionnelles, ont pour seule finalité la détection de transactions visant à blanchir de l’argent issu d’activités criminelles et ne peuvent pas être invoqués par la prétendue victime d’un manquement allégué à une obligation de vigilance.

Ils ont en outre pour objet de mettre à la charge de la banque une obligation de surveillance à l’égard de son client et non un devoir de protection à son profit, que ne saurait dès lors revendiquer Madame [U]. Il s’agit de règles professionnelles poursuivant un objectif d’intérêt général qui ne peuvent servir de fondement à une action en responsabilité civile.

Les demandes de Madame [U] ne peuvent, en conséquence, être accueillies sur ce fondement juridique.

III. Sur l’obligation générale de vigilance :

En vertu de l’article L 133-8 alinéa 1 du code monétaire et financier : « I. – L'utilisateur de services de paiement ne peut révoquer un ordre de paiement une fois qu'il a été reçu par le prestataire de services de paiement du payeur sauf disposition contraire du présent article… ».

De plus, aux termes de l’article L 133-21 du code monétaire et financier : « Un ordre de paiement exécuté conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l'identifiant unique. Si l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n'est pas responsable de la mauvaise exécution ou de la non-exécution de l'opération de paiement […]».

En application des dispositions de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur d’une obligation contractuelle qui du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier, s’oblige à le réparer. Il revient au créancier qui réclame réparation de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage en résultant.

A défaut d’anomalies apparentes, intellectuelles ou matérielles, faisant naître à sa charge un devoir de vigilance l’obligeant à se rapprocher de son client aux fins de vérification de son consentement, le banquier teneur de compte n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client. Il ne saurait ainsi effectuer des recherches ou réclamer des justifications pour s’assurer que les opérations de son client, dont il n’a pas à rechercher la cause sont opportunes et exemptes de danger.

Au cas présent, il n’est pas discuté que les sommes virées depuis le compte de Madame [U] l’ont été sur le compte indiqué à l’ordre de virement et que Madame [U] en était le donneur d’ordre, si bien que ces ordres étaient authentiques et qu’il n’a pas été dévoyé, la demanderesse n’en querellant en réalité que l’objet.

Néanmoins, il ne saurait dériver de la connaissance de l’établissement teneur de compte d’investissements, à la supposer établie, une obligation de surveillance, ou de vigilance, au bénéfice de son client, puisque le banquier n’est pas tenu, sauf convention dont l’existence n’est ici pas établie, d’un devoir de conseil ou de mise en garde, sur des produits auxquels il demeure étranger. La CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE n’était donc pas tenue à une obligation d’information sur les risques que présentaient les investissements effectués par la demanderesse ; pas plus n’était-elle tenue d’en vérifier la légalité.

Enfin, Madame [U] ne caractérise nullement l’anomalie intellectuelle qu’elle évoque. En effet, le compte était suffisamment provisionné pour permettre l’exécution des virements.

En conséquence de quoi, Madame [U] n’établit pas la faute qu’aurait commise la banque émettrice des virements litigieux, laquelle, au contraire, avait une obligation de résultat dans l’exécution des ordres donnés, et qui, simple mandataire de son client n’avait pas à contrôler l’usage de fonds dont elle avait la libre disposition, en sorte que les prétentions de Madame [U] dirigées contre elle seront rejetées.

IV. Sur l’obligation d’information :

Madame [U] soutient que : « La banque est également tenue d'une obligation d'information spéciale en matière d'investissements financiers lorsque les biens acquis peuvent faire l'objet d'actes de blanchiment ou sont liés au financement du terrorisme».

Aux termes de l’article 1112-1 du code civil :
« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».

Il sera rappelé qu’en présence de virements autorisés et en l’absence de toute anomalie, la banque, agissant en qualité de teneur de compte, n’est nullement tenue à une obligation d’information qui plus est concernant des produits qu’elle ne commercialise pas.

Cet article n’est pas applicable au présent litige puisque le livret d’épargne ouvert par Madame [U] auprès de REVOLUT LTD n’était pas commercialisé par la CRCAM DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE ; la banque était un tiers à ce contrat.

En conséquence, Madame [U] sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

V.Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Succombant à l’instance, Madame [U] sera condamnée aux dépens, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile.

Madame [U], qui supporte les dépens, sera condamnée à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE-DE-FRANCE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

DEBOUTE Madame [V] [U] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Madame [V] [U] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE-DE-FRANCE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [V] [U] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 21 Mars 2024

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 22/13389
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;22.13389 ?
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