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21/03/2024 | FRANCE | N°21/10010

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 21 mars 2024, 21/10010


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :




2ème chambre civile

N° RG 21/10010
N° Portalis 352J-W-B7F-CUZV6

N° MINUTE :


Assignation du :
29 Juillet 2021















JUGEMENT
rendu le 21 Mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [O] [S]
[Adresse 6]
[Localité 8]

Madame [D] [F]
[Adresse 6]
[Localité 8]

Monsieur [Z] [M]
[Adresse 10]
[Localité 9]
>Madame [I] [U]
[Adresse 10]
[Localité 9]

Madame [C] [G]
[Adresse 4]
[Localité 9]

représentés par Maître Delphine MONTBOBIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1600



DÉFENDERESSES

S.A.R.L....

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre civile

N° RG 21/10010
N° Portalis 352J-W-B7F-CUZV6

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Juillet 2021

JUGEMENT
rendu le 21 Mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [O] [S]
[Adresse 6]
[Localité 8]

Madame [D] [F]
[Adresse 6]
[Localité 8]

Monsieur [Z] [M]
[Adresse 10]
[Localité 9]

Madame [I] [U]
[Adresse 10]
[Localité 9]

Madame [C] [G]
[Adresse 4]
[Localité 9]

représentés par Maître Delphine MONTBOBIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1600

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. D2I (DIAGNOSTIC IMMOBILIER-INFILTROMETRIE - THER MOGRAPHIE)
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 7]

Décision du 21 Mars 2024
2ème chambre civile
N° RG 21/10010 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUZV6

représentée par Maître Laurent LUCAS de la SELARL AVOX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0477

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 6] représenté par son Syndic FONCIA PARIS RIVE GAUCHE
[Adresse 3]
[Localité 8]

représentée par Maître Myrtille MELLET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1936

S.N.C. MABROUK 1
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Maître Emmanuel SOURDON de la SELARL SOURDON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0290

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Catherine LECLERCQ RUMEAU, 1ère Vice-présidente Adjointe
Claire ISRAEL, Vice-Présidente
Robin VIRGILE, Juge

assistés de Sylvie CAVALIÉ, Greffière

DEBATS

A l’audience collégiale du 25 Janvier 2024 présidée par [H] [Y] et tenue publiquement, rapport a été fait par [T] [J], en application de l’article 804 du code de procédure civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

La société MABROUK 1, propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 6], a vendu plusieurs lots, après division de l'immeuble sous le régime de la copropriété par acte du 5 février 2018.

A la demande du syndic, la SARL DIAGNOSTIC IMMOBILIER - INFILTROMETRIE - THERMOGRAPHIE (ci-après la SARL D2I) a établi un diagnostic technique global le 30 décembre 2018.

Par acte du 7 mars 2019, Mme [C] [G] a acquis le lot n°6 du bâtiment B, au rez-de chaussée, moyennant un prix de 229 525 euros.

Par acte du 2 avril 2019, M. [O] [S] et Mme [D] [F] épouse [S] ont acquis le lot n°9 du bâtiment B au 2ème étage et le lot n°13 constitué d'une cave, moyennant un prix de 545 000 euros.

Par acte du 24 septembre 2019, M. [Z] [M] et Mme [I] [U] épouse [M] ont acquis le lot n°7 du bâtiment B au rez-de-chaussée moyennant un prix de 251 000 euros.

Le 6 juillet 2020, l'assemblée générale des copropriétaires a voté des travaux de réfection de la terrasse de la cour de l'immeuble ainsi que des travaux de reprise du plancher haut des caves en raison d'importantes infiltrations.

Par courrier du 23 novembre 2020, le conseil des époux [S] et des époux [M] a mis en demeure la société MABROUK 1 de les indemniser des coûts engendrés par ces travaux.

Par courrier du 26 novembre 2020, Mme [C] [G] a adressé la même demande à la société MABROUK 1.

Par courrier du 1er décembre 2020, la société MABROUK 1 a opposé un refus à ces demandes.

Par exploits d'huissier en date du 29 juillet 2021, M. [O] [S] et Mme [D] [F] épouse [S] (ci-après les époux [S]), M. [Z] [M], Mme [I] [U] épouse [M] (ci-après les époux [M]) et Mme [C] [G] ont fait assigner la société MABROUK 1 devant le tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de la garantie des vices cachés aux fins essentielles et principales de la voir condamner à leur verser à chacun une somme au titre de la réduction du prix de vente, outre des dommages et intérêts.

Par exploits d'huissier en date des 1er et 20 décembre 2021, la société MABROUK 1 a fait assigner en intervention forcée le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6]) (ci-après le syndicat des copropriétaires) et la SARL D2I aux fins qu'elles soient condamnées à la relever et garantir de toute condamnation à son encontre. (RG n°22/00386).

Le 9 février 2022, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 16 mars 2023, les époux [S], les époux [M] et Mme [C] [G] demandent au tribunal de :
A titre principal, sur la garantie des vices cachés :

Sur la réduction du prix :
- REDUIRE le prix de vente, relativement aux époux [S], de 21.568,42 €.
- CONDAMNER par conséquent la société MABROUK 1 à payer à M. et Mme [S] la somme de 21.568,42 € au titre de la réduction du prix de vente.
- REDUIRE le prix de vente, relativement aux époux [M], de 8.485,33 €.
- CONDAMNER, par conséquent, la société MABROUK 1 à payer à M. et Mme [M] la somme de 8.485,33 €.
- REDUIRE le prix de vente, relativement à Mme [G], de 8.412,90 €.
- CONDAMNER, par conséquent, la société MABROUK 1 à payer à Mme [G] la somme de 8.412,90 €.

Sur les dommages et intérêts :
- CONDAMNER la société MABROUK 1 à payer à M. et Mme [S] la somme de 2.000 € à titre de préjudice moral.
- CONDAMNER la société MABROUK 1 à payer à M. et Mme [M] la somme de 2.000 € à titre de préjudice moral.
- CONDAMNER la société MABROUK 1 à payer à Mme [G] :
o 7.065.97 € au titre de la perte de loyer subie arrêtée au 1 er septembre 2021.
o 2.367,20€ au titre de la remise en état de l'appartement pour les désordres liés
o à l'humidité.
o 3.000 € à titre de préjudice moral.

A titre subsidiaire, sur la réticence dolosive : si par extraordinaire et impossible, le Tribunal ne retenait pas la garantie des vices cachés et l'action estimatoire et indemnitaire des demandeurs :

- CONDAMNER la société MABROUK 1 à payer à M. et Mme [S] les sommes de :
o 21.568,42 €, à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice financier résultant des dépenses leur revenant dans les travaux.
o 2.000 €, à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral.
- CONDAMNER la société MABROUK 1 à payer à M. et Mme [M] les sommes de :
o 8.485,33 €, à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice financier résultant des dépenses leur revenant dans les travaux.
o 2.000 €, à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral.
- CONDAMNER la société MABROUK 1 à payer à Mme [G] les sommes de :
o 8.412,90 €, à titre de dommages et intérêts pour son préjudice financier résultant des dépenses lui revenant dans les travaux.
o 7.065.97 € au titre de la perte de loyer subie arrêtée au 1 er septembre 2021.
o 2.367,20 € au titre de la remise en état de l'appartement pour les désordres liés à l'humidité.
o 3.000 € à titre de préjudice moral.
En tout état de cause :
- CONDAMNER la société MABROUK 1 à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :
o 2.000 € aux époux [S]
o 2.000 € aux époux [M]
o 2.000 € à Mme [G].
- CONDAMNER la société MABROUK 1 au paiement des entiers dépens au titre de l'article 699 du Code de procédure civile.

- DEBOUTER la société MABROUK 1, le SDC du [Adresse 6] et la SARL D21 de toutes leurs demandes plus amples et/ou contraires.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 septembre 2022, la société MABROUK 1 demande au tribunal de :
A titre principal,

- DÉBOUTER Monsieur [O] [S], Madame [D] [F] épouse [S], Monsieur [Z] [M], Madame [I] [U] épouse [M] et Madame [C] [G] de leurs demandes.

A titre subsidiaire,
- CONDAMNER in solidum la société DIAGNOSTIC IMMOBILIER - INFILTROMETRIE - THERMOGRAPHIE (D2i) et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] à relever et garantir la SNC " MABROUK 1 " de toutes condamnations mises ou laissées à sa charge, en principal, intérêts frais et accessoires.

En toutes hypothèses,
- CONDAMNER Monsieur [O] [S], Madame [D] [F] épouse [S], Monsieur [Z] [M], Madame [I] [U] épouse [M], Madame [C] [G], la société DIAGNOSTIC IMMOBILIER - INFILTROMETRIE - THERMOGRAPHIE (D2i) et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] à verser à la SNC MABROUK 1 la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 mars 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :
- DÉCLARER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6]) recevable et bien fondé en ses écritures,
- JUGER que le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6]) n'a pas engagé sa responsabilité,
- DÉBOUTER la Société MABROUK 1 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions telles que dirigées contre le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6]),
- DÉBOUTER toutes parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions telles que dirigées contre le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6]),
- CONDAMNER tout succombant à verser au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6]) la somme de 4.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,
- CONDAMNER tout succombant aux dépens.

Enfin, dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 mars 2023, la SARL D2I demande au tribunal de :
A titre principal,
- DÉCLARER la société D2i recevable et bien fondée en ses écritures,
- DÉBOUTER la Société MABROUK 1 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions telles que dirigées contre la société D2i en ce que la responsabilité de cette dernière n'est pas engagée ;

Subsidiairement,
- DÉBOUTER la Société MABROUK 1 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions telles que dirigées contre la société D2i en l'absence de lien de causalité entre la prétendue faute de cette dernier et le préjudice réclamé ;

A titre infiniment subsidiaire,
- DÉBOUTER la Société MABROUK 1 de son appel en garantie tel que dirigé contre la société D2i en ce que de dernier est illégitime et mal fondé en présence d'une perte de change ;

En tout état de cause,
- DÉBOUTER toutes parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions telles que dirigées contre la société D2i ;
- CONDAMNER tout succombant à verser la société D2i la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC ;
- CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2023 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 25 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'action estimatoire en garantie des vices cachés

A titre principal, les acquéreurs, demandeurs à l'instance sollicitent du tribunal la condamnation de la société MABROUK 1 à leur verser respectivement les sommes suivantes au titre de la réduction du prix sur le fondement de l'article 1641 du code civil :
- Aux époux [S] : la somme de 21 568,42 euros,
- Aux époux [M] : la somme de 8 485,33 euros.
- A Mme [C] [G] : la somme de 8 412,90 euros.

Au soutien de cette demande, ils font essentiellement valoir que :
- Le vice tenant aux graves problèmes d'humidité dans les caves de l'immeuble, antérieur à la vente, leur a été caché, en ce que son ampleur réelle et ses conséquences ne leur ont pas été révélées avant la vente,
- Le diagnostic technique global du 30 décembre 2018 n'a pas été communiqué lors de la promesse de vente au bénéfice des époux [S] car il n'était pas encore établi et s'agissant des autres acquéreurs, il est passé inaperçu dès lors qu'il ne fait pas l'objet d'une mention expresse dans l'acte de vente en tant que tel et qu'en tout état de cause il précisait que le coût des travaux (réfection du sol et plafonds) serait de 8 000 euros, soit une somme nettement inférieure au coût réel des travaux pour la copropriété,
- Notamment aucune mention dans les actes de vente ne fait état du risque 3 mentionné dans le diagnostic technique, et la société MABROUK 1 n'a pas fait faire de devis après ce diagnostic, n'a pas fait faire les travaux et ne les a pas alertés sur le rapport alarmant de l'architecte sur les caves, réalisé le 20 septembre 2019, soit quatre jours avant la vente aux époux [M],
- La société MABROUK 1 les a au contraire rassurés s'agissant de l'état des caves en mentionnant que les travaux nécessaires de ventilation avaient été réalisés et dans l'acte de vente à Mme [C] [G] et aux époux [M] que des travaux d'assèchement des caves seraient prochainement votés en assemblée générale, pour résoudre les problèmes d'humidité,
- La société MABROUK 1 savait parfaitement que le montant des travaux serait en réalité nettement supérieur à la somme 8 000 euros, et ils s'élèvent en effet finalement à la somme de 72 401 euros au total pour la copropriété, des travaux de mise en sécurité des caves, de plomberie et d'électricité non mentionnés dans le diagnostic technique global et donc non portés à leur connaissance se sont en outre révélés nécessaires,
- Elle était nécessairement informée de l'état réel des caves et avait connaissance du rapport de l'architecte du 20 septembre 2019, dès lors qu'elle était initialement propriétaire de l'ensemble de l'immeuble, qu'elle a choisi le premier syndic, qu'elle est un professionnel et qu'elle était présidente du conseil syndical,
- En tant que profanes, ils ont fait confiance à la venderesse, laquelle a caché le véritable état des caves et l'ampleur du vice et donc l'importance des travaux qui devraient être réalisés,
- S'ils avaient eu connaissance des travaux à venir ils n'auraient pas acquis à ce prix.

S'agissant du quantum de leurs demandes, ils font valoir que la réduction du prix de vente peut correspondre à leur quote-part du coût des travaux engagés rendus nécessaires par l'état des caves, en ce compris ici, la mise en sécurité des caves et la plomberie et l'électricité. En réponse aux moyens en défense, ils affirment ne pas avoir intégré dans leurs demandes le coût de travaux non nécessaires comme le cloisonnement des caves.

La société MABROUK 1 conclut au rejet des demandes des acquéreurs. Elle fait essentiellement valoir que :
- Le diagnostic technique global établi par la SARL D2I qui a été communiqué aux acquéreurs avant la vente mentionne notamment un début d'effondrement du sol sur caves, un plafond des caves très humide, partiellement effondré, des poutres métalliques très oxydées, suintantes d'humidité, et conclut à un risque de niveau 2/3 pour le sol et niveau 3/3 pour le plafond des caves, soit le risque maximum,
- Les photographies et les légendes de ces photographies intégrées au diagnostic sont par ailleurs très significatives,
- Son notaire confirme avoir communiqué aux acquéreurs de diagnostic aux acquéreurs, qui étaient eux-mêmes assistés de leurs propres notaires,
- Les désordres étaient enfin parfaitement visibles à l'œil nu,
Elle n'a jamais prétendu que les travaux d'assèchement des caves qui avaient été réalisés permettaient de remédier au risque d'effondrement, qui nécessitait une confortation,
- Elle a exactement déclaré aux actes de vente que le bien n'a fait l'objet d'aucune injonction de travaux, à l'exception de celle du 10 avril 2017 relative à la ventilation des caves, et cette clause n'excluait nullement la nécessité de travaux par ailleurs,
- Les acquéreurs ont donc acquis les lots de copropriété en parfaite connaissance de cause et les travaux votés par eux en assemblée générale le 6 juillet 2020 correspondent aux travaux préconisés dans le diagnostic technique global,
- Elle n'a nullement voulu cacher ces désordres dès lors qu'elle a communiqué le diagnostic, elle ignorait elle-même le coût final des travaux et n'avait aucun élément lui permettant de remettre en cause l'estimation faite dans le diagnostic,
- S'agissant de désordres affectant les parties communes, il ne lui appartenait pas de faire un devis ou de réaliser elle-même des travaux,
- Elle n'avait pas connaissance du rapport de l'architecte du 20 septembre 2019 qui a été adressé à la société FONCIA, syndic, à une date inconnue et n'était pas présente au moment de la visite, à la différence de Mme [S],
- En tout état de cause, le rapport de l'architecte reprend les conclusions du diagnostic technique global déjà connues des acquéreurs.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Toutefois, en application de l'article 1642, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

En l'espèce, il n'est pas contesté par la société MABROUK 1 que les lots de copropriété acquis par les époux [S], les époux [M] et Mme [C] [G] sont affectés d'un vice qui en diminue significativement l'usage, voire s'agissant des lots constituant des caves, qui les rend impropres à l'usage.

En effet, il ressort du diagnostic technique global du 30 décembre 2018 et du rapport de l'architecte de la copropriété en date du 20 septembre 2019 que les caves du bâtiment cour sont très humides, avec apparition de salpêtre, que l'état du plancher haut des caves, notamment sous la terrasse, nécessite des travaux pour en assurer la sécurité et des travaux de réfection complète, qu'il existe un risque d'effondrement.

Toutefois, pour permettre l'exercice de l'action estimatoire, ce vice de la chose vendue doit être caché de l'acquéreur.

En l'espèce, il est constant que le diagnostic technique global du 30 décembre 2018 réalisé par la SARL D2I a été communiqué à l'ensemble des acquéreurs. En effet, l'acte de vente du 7 mars 2019 (page 23), l'acte de vente du 2 avril 2019 (page 23) et l'acte de vente du 24 septembre 2019 (page 26) mentionnent expressément que " copie dudit rapport a été remis préalablement à l'acquéreur qui le reconnaît expressément ".

Le notaire de la société MABROUK 1 a par ailleurs attesté que son office a transmis le diagnostic au notaire de chacun des acquéreurs et s'agissant des époux [M] qu'il était déjà annexé à la promesse de vente du 6 mai 2019.

Les acquéreurs, qui étaient en outre chacun assistés d'un notaire lors de la signature des actes de vente, ont donc pu préalablement prendre connaissance de ce diagnostic ainsi que leur conseil.

Or, le diagnostic comporte les mentions suivantes :
- S'agissant du plafond des caves : " plafond des caves très humide, partiellement effondré, poutres métalliques du plafond très oxydées, suintantes d'humidité ", un risque de niveau 3 étant retenu,
- S'agissant du sol devant le bâtiment B, sur caves : " sol affaissé, début d'effondrement ", un risque de niveau 2 étant retenu.

Les travaux préconisés comportent la réfection du sol, le renforcement de la voûte dans la cave, la consolidation du plafond, le traitement des fers, le remplacement des éléments de structure si nécessaire, pour un coût total estimé à 8 000 euros.

Douze photographies sont enfin annexées montrant de façon nette le début d'effondrement du sol sur caves, les murs des caves couverts de traces noires dues à l'humidité, le développement de moisissures - la légende de ces photos notant " l'absence de ventilation " - le plafond très humide, partiellement effondré, les poutres métalliques oxydées et suintantes d'humidité, l'absence d'éclairage et un mauvais état des circuits électriques.

Ces photographies montrent que ces désordres étaient au moins pour certains parfaitement visibles à l'œil nu, pour toute personne même profane, lors d'une simple visite des caves.

Le diagnostic technique global informait donc les acquéreurs sur l'existence des désordres affectant les caves et était suffisant pour attirer leur attention sur leur gravité et leur ampleur dès lors qu'était mentionné un risque de niveau 2 ou 3, soit le risque le plus important, avec un risque d'effondrement, le seul fait que le coût des travaux se soit révélé supérieur au coût estimé par la SARL D2I n'étant pas de nature à écarter le caractère tout à fait apparent pour les acquéreurs du vice invoqué.

A cet égard, il convient de noter que la SARL D2I a pris soin de mentionner que son rapport et les informations qu'il contient sont " le reflet des observations visuelles du technicien ayant visité le bâtiment. Les constats listés (…) ne peuvent en aucun cas se substituer à l'étude des désordres existants par des organismes de contrôle officiels et agrées ou des professionnels spécialistes. Ce document ne peut être assimilé à une étude d'exécution et ne doit pas être utilisé, par exemple, comme dossier de consultation d'entreprise ", de sorte que son estimation du coût des travaux ne pouvait valoir un devis réalisé par une entreprise spécialisée et qu'il appartenait aux acquéreurs, alertés sur l'importance des risques résultant des désordres constatés de solliciter le cas échéant des informations complémentaires sur le coût des travaux à prévoir pour remédier à ce vice parfaitement apparent.

Le rapport de l'architecte de la copropriété réalisé à l'issue d'une visite du 20 septembre 2019 procède aux mêmes constats que ceux déjà faits par la SARL D2I, à savoir une importante humidité, la présence de salpêtre, des poutres métalliques très corrodées, un dysfonctionnement de l'électricité.

Dès lors, le fait que ce rapport n'ait pas été porté à la connaissance des époux [M] lors de la signature de l'acte de vente du 24 septembre 2019, est indifférent ces derniers étant déjà parfaitement informés par le diagnostic technique global de l'existence des désordres et de leur gravité.

Enfin, les acquéreurs soutiennent avoir été " rassurés " par la société MABROUK 1 par les mentions insérées dans les actes de vente faisant état de travaux de ventilation des caves déjà réalisés après injonction de la Mairie de Paris du 10 avril 2017 et s'agissant des époux [M] et de Mme [C] [G], d'une mention indiquant que des travaux d'assèchement des caves seraient prochainement votés en assemblée générale, pour résoudre les problèmes d'humidité.

Ces mentions ne pouvaient suffire à priver le vice affectant les caves de l'immeuble de son caractère apparent, les travaux de ventilation mentionnés étant antérieurs au diagnostic et n'ayant manifestement pas résolu le grave problème d'humidité. Au contraire, la mention relative au vote de prochains travaux "afin de résoudre les problèmes d'humidité" attirait une nouvelle fois l'attention des acquéreurs sur ce désordre et renforce ainsi le caractère apparent du vice invoqué.

Dès lors, le vice affectant les caves de l'immeuble étant apparent pour les acquéreurs, la venderesse n'en est pas tenue et les demandes des époux [S], des époux [M] et de Mme [C] [G] sur le fondement de l'article 1641 du code civil tendant à l'exercice de l'action estimatoire, seront rejetées.

Leurs demandes de dommages et intérêts fondées sur les dispositions de l'article 1645 du code civil, qui permet aux acquéreurs d'obtenir, outre la restitution du prix, la condamnation du vendeur à des dommages et intérêts, seront également rejetées en l'absence de preuve d'un vice caché.

Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts fondée sur le dol

A titre subsidiaire, les acquéreurs demandeurs à l'instance forment une demande de condamnation de la société MABROUK 1 à leur verser des dommages et intérêts sur le fondement du dol.

Ils font valoir qu'en ne leur révélant pas l'ampleur des désordres affectant les caves, et notamment en n'attirant pas leur attention dans l'acte de vente sur le fait que le niveau de risque était maximum, en n'évoquant que les travaux d'assèchement des caves, en fournissant un diagnostic minimisant le coût des travaux nécessaires et en ne communiquant pas aux époux [M] le rapport de l'architecte en date du 20 septembre 2019, la venderesse, professionnelle de l'immobilier, a commis une réticence dolosive au sens de l'article 1137 du code civil, alors qu'il s'agissait d'une information déterminante de leur consentement.

La société MABROUK 1 oppose qu'elle n'a commis aucune réticence dolosive mais a au contraire transmis le diagnostic technique global au notaire des acquéreurs et qu'elle n'avait elle-même pas connaissance du rapport de l'architecte du 20 septembre 2019 qui a été adressé au syndic, à une date inconnue. Elle conteste également les préjudices invoqués par les acquéreurs et fait essentiellement valoir que :
- Les travaux votés en assemblée générale ne constituent pas une démonstration qui lui soit opposable de la nature et de l'évaluation des désordres,
- Le coût total des travaux comprend de nombreuses prestations sans lien avec les désordres, s'agissant d'embellissements ou comprenant le cloisonnement des caves, la réfection du réseau d'assainissement, d'alimentation d'eau et réseaux électriques,
- Les calculs sont confus et les appels de fonds ne sont pas corroborés par la preuve des paiements correspondant aux sommes réclamées.
- Les demandes relatives au dégât des eaux ayant affecté le bien de Mme [C] [G] doivent être rejetées, l'origine des désordres n'étant pas établie.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Il incombe à la partie contractante qui se prévaut de la réticence dolosive de son cocontractant de rapporter la preuve qu'il lui a intentionnellement dissimulé une information déterminante de son consentement.

En l'espèce si l'état des caves d'un immeuble et la connaissance d'importants désordres tenant à l'humidité des caves peut constituer un élément déterminant du consentement de l'acquéreur d'un lot de copropriété de cet immeuble, il résulte des motifs retenus ci-dessus que la société MABROUK 1 n'a pas dissimulé l'état des caves mais qu'elle a au contraire communiqué le diagnostic technique global faisant état de la très forte humidité les affectant et d'un risque de niveau 3.

Elle a par ailleurs déclaré à l'acte que des travaux devaient être votés pour remédier à ces problèmes d'humidité, lesquels ne se limitaient pas à un " assèchement des caves " mais avaient des conséquences bien plus importantes décrites dans le diagnostic communiqué aux acquéreurs et dont ils pouvaient se convaincre par la consultation des photographies et une simple visite des caves.

Il ne saurait dès lors lui être reproché d'avoir intentionnellement dissimulé une information déterminante, étant observé que si le rapport de l'architecte de la copropriété est daté du 20 septembre 2019, date qui correspond à la date de sa visite, il n'est nullement démontré que la société MABROUK 1 en avait reçu copie au jour de la vente aux époux [M], soit le 24 septembre 2019, dès lors qu'elle n'était pas présente lors de la visite et que ce rapport a logiquement été adressé au syndic de la copropriété, à une date qui n'est pas établie.

Les demandes indemnitaires formées par les époux [S], les époux [M] et Mme [C] [G] sur le fondement du dol seront donc rejetées.

Enfin, l'ensemble des demandes dirigées contre la société MABROUK 1 ayant été rejetées, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes de cette dernière tendant à être relevée et garantie de toutes condamnations dirigées contre le syndicat des copropriétaires et la SARL D2I.

Sur les demandes accessoires

Les demandeurs à l'instance, succombant dans toutes leurs demandes, seront condamnés in solidum aux dépens.

Ils seront également condamnés in solidum à payer à la société MABROUK 1 la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile du syndicat des copropriétaires et de la SARL D2I dirigée contre " tout succombant ", et donc contre les demandeurs à l'instance, qui seuls succombent dans leurs demandes, seront rejetées dès lors qu'ils ne sont pas à l'origine de leur mise en cause et n'ont formé aucune demande à leur encontre.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Rejette les demandes de réduction du prix de vente formées par M. [O] [S] et Mme [D] [F] épouse [S], M. [Z] [M] et Mme [I] [U] épouse [M] et Mme [C] [G] sur le fondement de la garantie des vices cachés,

Rejette les demandes de dommages et intérêts formées par M. [O] [S] et Mme [D] [F] épouse [S], M. [Z] [M] et Mme [I] [U] épouse [M] et Mme [C] [G] sur le fondement de la garantie des vices cachés,

Rejette les demandes de dommages et intérêts formées par M. [O] [S] et Mme [D] [F] épouse [S], M. [Z] [M] et Mme [I] [U] épouse [M] et Mme [C] [G] sur le fondement du dol,

Condamne M. [O] [S] et Mme [D] [F] épouse [S], M. [Z] [M] et Mme [I] [U] épouse [M] et Mme [C] [G], in solidum aux dépens,

Condamne M. [O] [S] et Mme [D] [F] épouse [S], M. [Z] [M] et Mme [I] [U] épouse [M] et Mme [C] [G] in solidum à payer à la société MABROUK 1, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6]) et la SARL D2I.

Fait et jugé à Paris le 21 Mars 2024

La Greffière La Présidente
Sylvie CAVALIÉ Catherine LECLERCQ
RUMEAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/10010
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;21.10010 ?
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