La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2024 | FRANCE | N°21/08608

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 21 mars 2024, 21/08608


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
2ème section

N° RG 21/08608
N° Portalis 352J-W-B7F-CUWIM

N° MINUTE :


Assignation du :
22 Juin 2021




JUGEMENT
rendu le 21 Mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [U] [G]
Madame [Y] [I] épouse [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentés par Maître Aude DU PARC de l’AARPI BESSARD DU PARC, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #D907, Maître Audrey INFANTES, av

ocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic, le Cabinet BALZANO
[Adr...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
2ème section

N° RG 21/08608
N° Portalis 352J-W-B7F-CUWIM

N° MINUTE :

Assignation du :
22 Juin 2021

JUGEMENT
rendu le 21 Mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [U] [G]
Madame [Y] [I] épouse [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentés par Maître Aude DU PARC de l’AARPI BESSARD DU PARC, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #D907, Maître Audrey INFANTES, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic, le Cabinet BALZANO
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Maître Luc CASTAGNET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0490

Monsieur [E] [K]
Madame [P] [A]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentés par Maître Martin SALÉ-MONIAUX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E2067
Décision du 21 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/08608 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUWIM

Société CAFE DE L’ALMA, SARL, prise en la personne de sonreprésentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Patrick BAUDOUIN de la SCP SCP d’Avocats BOUYEURE BAUDOUIN DAUMAS CHAMARD BENSAHEL GOME Z-REY, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0056

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-Président
Anita ANTON, Vice-Présidente
Lucie AUVERGNON, Vice-Présidente

assistés de Nathalie NGAMI-LIKIBI, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 11 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Frédéric LEMER GRANADOS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [U] [J] est propriétaire d'un appartement situé au 4ème étage de l'immeuble sis [Adresse 1], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Mlonsieur [E] [K], propriétaire d'un appartement situé au 2ème étage dudit immeuble, a sollicité l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour installer dans la courette de l'immeuble une pompe à chaleur et un plancher techique pour la pose et la maintenance de cette pompe.

Selon résolutions n° 7 et 8, l'assemblée générale des copropriétaires du 23 octobre 2018 l'a autorisé à installer une pompe à chaleur air-air sur le mur de la courette de l'immeuble, selon dossier technique annexé à la convocation, et à installer un plancher technique pour la pose et la maintenance de celle-ci, au niveau R+2 de la courette.

Après installation de cette pompe à chaleur, Monsieur [U] [G] s'est plaint, en janvier 2019, de nuisances sonores émanant de l'installation auprès de Monsieur [E] [K] et du syndic de l'immeuble.

Il a ensuite fait établir un procès-verbal de constat d'huissier en date du 28 janvier 2019 afin de faire constater la matérialité de nuisances sonores émanant de l'installation (ronronnement constant, bruit de moteur) et de procéder à une mesure du niveau sonore en décibels (dB).

Par courrier du 15 février 2019, Monsieur [E] [K] a répondu que la “gêne constatée les premiers jours d'installation, due au teste des machine” avait “été considérablement améliorée grâce au réglage des machines”, tout en précisant que “si dépassement mesuré il y a nous ferons les modifications et amélioration nécessaires pour nous conformer à la loi et ne pas vous gêner”.

Parallèllement, Monsieur [U] [G] s'est plaint, au mois de février 2019, du bruit causé par la hotte d'extraction de la cuisine du restaurant exploité par la S.A.R.L. [7], dont le gérant est Monsieur [S] [O], au rez-de-chaussée et au premier étage de l'immeuble, dans des locaux donnés à bail par la S.C.I. [O] SOUBRIER.

La S.A.R.L. [7] a fait procéder à des mesures acoustiques par Monsieur [S] [N], faisant ressortir dans un rapport du 7 février 2019 “un très léger dépassement des émergences limites imposés, soit + 2 dB(A° en période diurne et + 1 dB(A) en période nocturne” et par courrier du 18 février 2019, elle a indiqué à Monsieur [G], par l'intermédiaire de son conseil, qu'au regard “de ce faible dépassement, l'installation d'un limiteur de vitesse devrait suffire à réduire les niveaux d'émission sonores et à satifsfaire ainsi aux exigences réglementaires”, tout en précisant que son gérant était “bien entendu disposé à faire le nécessaire en ce sens avec le souci d'éviter, comme cela a toujours été le cas dans le passé, tout désagrément provenant de l'exploitation de son établissement”.

Au mois de mars 2019, Monsieur [X] [A], propriétaire d'un appartement situé au premier étage de l'immeuble, a fait installer une pompe à chaleur sur le plancher technique installé par Monsieur [K], sans autorisation préalable de l'assemblée générale.

Par courrier recommandé du 8 avril 2019, il a sollicité l'inscription par le syndic à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale d'une demande de ratification de ses travaux de mise en place d'une pompe à chaleur sur le plancher technique appartement à Monsieur [K] et selon n° 14, l'assemblée générale des copropriétaires du 29 mai 2019 a ratifié a posteriori les travaux de pose d'une pompe à chaleur air-air sur le plancher technique appartement à Monsieur [K], réalisés par Monsieur [A].

Par actes d'huissier du 16 avril 2019, Monsieur [G] a fait assigner en référé Monsieur [E] [K], la S.A.R.L. [7] et Madame [P] [A] afin de solliciter une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de ces parties.

Selon ordonnance de référé rendue le 16 avril 2019, Monsieur [B] [C] a été désigné en qualité d'expert.

Une première série de mesurages acoustiques a été effectuée contradictoirement le 10 février 2020 puis, des modifications des matériels ayant été effectuées en cours d'expertise sans avis de l'expert, une seconde série de mesures acoustiques a eu lieu le 21 octobre 2020, afin de quantifier les niveaux de pression acoustiques obtenus avant et après travaux résultant des équipements “bruyants” objets du litige, en marche et à l'arrêt, successivement et simultanément.

L'expert a déposé son rapport le 7 avril 2021.

C'est dans ces conditions que, par actes d'huissier des 22 et 23 octobre 2021, Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] (ci-après : les époux [G]) ont fait assigner au fond, en ouverture de rapport, Monsieur [E] [K], la S.A.R.L. [7], Madame [P] [A] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] afin de solliciter à titre principal, au visa notamment de l'article R. 1334-31 du Code de la santé publique, des articles 544, 1240 et 1241 du Code civil et de la théorie des troubles anormaux du voisinage, ainsi que de la loi du 10 juillet 1965, la condamnation sous astreinte de Monsieur [E] [K] à faire retirer sa pompe à chaleur, la condamnation sous astreinte du syndicat des copropriétaires à missionner un bureau d'étude acoustique et à désolidariser, avec l'accord de Madame [A], le moteur d'équipement de celle-ci en le montant sur des ressorts avec taux de filtrage 95 %, fc 10 Hz et raccordement par manchette souple, la condamnation sous astreinte de la S.A.R.L. [7] à faire procéder à divers travaux (mise en place d'un piège à son sur la gaine de l'extracteur ou traitement acoustique de la gaine, installation d'un boitier plombé de pilotage automatique sur horloge...) et à faire réaliser un mesurage acoustique après travaux, ainsi que leur condamnation “conjointe” à leur payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2023, Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] demandent au tribunal de :

Vu l’article R 1334-31 du Code de la Santé Publique ;
Vus les articles 544, 1240 et 1241 du Code Civil ;
Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et spécialement son article 10 ;

1° JUGER Monsieur [E] [K], le CAFE DE L’ALMA et le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] conjointement responsables des troubles anormaux du voisinage subis par Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] ;

2° CONDAMNER Monsieur [E] [K] à retirer sa pompe à chaleur installée dans la courette de l’immeuble, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

3° CONDAMNER le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES :
- à missionner, dans un délai maximum de 8 jours à compter du jugement à intervenir, un bureau d’étude acoustique pour prescrire les moyens à mettre en œuvre pour une remise en conformité acoustique des équipements et de leur fonctionnement en simultané et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- à transmettre à Monsieur [U] [G] l’étude acoustique réalisée, dans un délai de 500 € par jour de retard à compter de la réception de ladite étude ;
- à faire chiffrer les travaux de remise en conformité des installations de Monsieur [E] [K], du CAFE DE L’ALMA et éventuellement de Monsieur [A], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la réception du rapport acoustique du bureau d’études ;
- à désolidariser avec l’accord de Madame [A] le moteur de l’équipement de celle-ci en le montant sur ressorts avec taux de filtrage 95 %, fc 10 Hz et raccordement par manchette souple, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;
- à mettre en place d'un absorbant supplémentaire dans la courette
- à mettre en place une grille acoustique à ventelles sur toute la surface de la courette, au-dessus des équipements bruyants

4° JUGER QUE Monsieur [U] [G] sera exonéré du paiement des charges de copropriété afférentes
- aux différentes études réalisées préalablement aux travaux destinés à mettre fin aux nuisances sonores
- aux frais éventuels de maîtrise d’œuvre relatifs à ces travaux
- aux travaux en tant que tels - aux frais de l’expert chargé du suivi des travaux
- aux frais d’avocat et de procédure générés tant par la procédure de référé expertise, que par le suivi de l’expertise et par la présente procédure
- aux dommages et intérêts, frais et dépens auxquels serait condamné le [Adresse 9] dans le cadre des procédures l’opposant à Monsieur [U] [G] et de toute condamnation prononcée dans le cadre de la présente instance à l'encontre du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1]
- de manière générale à toute dépense dont les nuisances sonores subies par les époux [G] seraient la cause, l’objet ou la conséquence

5° CONDAMNER le CAFE DE L’ALMA, dans le délai d’un mois maximum après la réception de l’étude acoustique précitée, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l’expiration de ce délai, à procéder aux travaux préconisés ;

6° CONDAMNER le CAFE DE L’ALMA à faire réaliser dans le délai maximum de 8 jours après la fin des travaux un mesurage acoustique pour s’assurer du respect des émergences, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l’expiration du délai précité de 8 jours ;

7° ENJOINDRE au CAFE DE L’ALMA de communiquer le résultat du mesurage acoustique précité, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la réception de ladite étude ;

8° CONDAMNER conjointement Monsieur [E] [K], le CAFE DE L’ALMA et le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] à payer à Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice subi la somme de 10.000 € dans les proportions suivantes, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir :
* 5.000 € à la charge du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES du [Adresse 1]
* 2.500 € à la charge de Monsieur [E] [K]
* 2.500 € à la charge du CAFE DE L’ALMA

9° CONDAMNER conjointement Monsieur [E] [K], le CAFE DE L’ALMA et le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] à [Localité 8] dans les proportions de 50 % pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1], 25 % chacun pour Monsieur [E] [K] et LE CAFE DE L’ALMA aux entiers frais et dépens de l'instance en référé RG 19/56976 et de la présente instance, ainsi qu'à l'intégralité des frais d'expertise et des procès-verbaux de constat réalisés à la demande de Monsieur [G] (2.082,40 €) ;

10° CONDAMNER conjointement Monsieur [E] [K], le CAFE DE L’ALMA et le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] dans les proportions de 50 % pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1], 25 % chacun pour Monsieur [E] [K] et LE CAFE DE L’ALMA à payer à Monsieur [U] [G] au titre des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager les sommes suivantes:
- au titre de la procédure de référé-expertise : 3.000 €
- au titre du suivi de l’expertise : 5.000 €

11° CONDAMNER conjointement Monsieur [E] [K], le CAFE DE L’ALMA et le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] dans les proportions de 50 % pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1], 25 % chacun pour Monsieur [E] [K] et LE CAFE DE L’ALMA à payer à Monsieur [U] [G] et à Madame [Y] [I] pris solidairement la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’engager dans le cadre de la procédure au fond ;

12° CONDAMNER conjointement Monsieur [E] [K], le CAFE DE L’ALMA et le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] dans les proportions de 50 % pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1], 25 % chacun pour Monsieur [E] [K] et LE CAFE DE L’ALMA à payer les frais afférents à l'étude acoustique de maîtrise d’œuvre ;

13° DECLARER ET JUGER le jugement à intervenir commun et opposable à Madame [P] [A] ;

14° DEBOUTER Monsieur [E] [K], le [7], le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 1] et Madame [A] de leurs entiers fins, moyens et conclusions et demandes reconventionnelles ;

15° RAPPELER le caractère exécutoire de plein droit du jugement à intervenir.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2023, Monsieur [E] [K] et Madame [P] [A] demandent au tribunal de :

Vu les articles 1240 et 1241 du code civil, Vu l’article R1336-7 du code de la santé publique, I

DEBOUTER les époux [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions. CONDAMNER les époux [G] à payer à Madame [A] et à Monsieur [K] une somme de 8.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER les époux [G] aux dépens. ECARTER l’exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2023, la S.A.R.L. [7] demande au tribunal de :

Vu les articles 544 et 1353 du code civil,
Vu les articles R 1336-5 et R 1336-7 du code de la santé publique,
Vu l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les articles 9, 16, 246, 699 et 700 du code de procédure civile,

DEBOUTER monsieur et madame [G] de leurs demandes comme étant mal fondées,

CONDAMNER monsieur et madame [G] à payer à la SARL CAFE DE L’ALMA la somme de 6 000 € à titre d’indemnité par application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER monsieur et madame [G] aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi par maître [W] [T] de la SCP BOUYEURE BAUDOUIN DAUMAS CHAMARD BENSAHEL GOMEZ-REY dans les termes de l’article 699 du code de procédure Civile,

RAPPELER l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] demande au tribunal de :

Vu l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Vu l’article 13 du décret du 17 mars 1967 ;
Vu les articles 4 et 9 du Code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence citée ;

RECEVOIR le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] en ses écritures et les déclarer bien fondées ;

Décision du 21 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/08608 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUWIM

DEBOUTER Monsieur et Madame [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Monsieur et Madame [G] à verser au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] la somme de 6.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur et Madame [G] aux entiers dépens dont distraction au profit de l’AARPI LERINS & BCW agissant par Maître Luc CASTAGNET, en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023.

L'affaire, plaidée à l'audience du 11 janvier 2024, a été mise en délibéré au 21 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de jugement commun à l'encontre de Madame [A], cette dernière souligne qu'elle n'est propriétaire ni de l'appartement ni de la pompe à chaleur et qu'elle a été mise hors de cause par le juge des référés, de sorte qu'elle n'était pas partie aux opérations d'expertise judiciaire, Monsieur [A] étant intervenu volontairement (pièce n° 13).

A titre surabondant, elle relève que l'expert n'a retenu aucune part de responsabilité à l'encontre de Monsieur [A].

Les époux [G] soulignent que, s'agissant de la climatisation « de Madame [P] [A] », l'expert a relevé que les émergences sonores étaient « légèrement au-dessus des seuils réglementaires de nuit dans le salon », la responsabilité sur l'émission des nuisances sonores étant à la fois individuelle pour la pompe à chaleur de Monsieur [K] et pour l'extracteur du restaurant [7] et collective pour tous les équipements, « y compris la climatisation de Monsieur [A] » lorsqu'ils fonctionnent ensemble (page 10).

Ils en déduisent qu'il est indispensable que le jugement soit déclaré commun et opposable à Madame [A] pour que, même si aucune condamnation n'est sollicitée à son encontre, elle autorise le syndicat des copropriétaires à faire réaliser aux frais de la copropriété, hormis Monsieur [G], les travaux nécessaires sur sa climatisation.

Toutefois, les époux [G] ne contestent pas que Madame [A] n'est propriétaire ni de l'appartement du premier étage au sein de l'immeuble sis [Adresse 1], ni de l'installation de pompe à chaleur mise en place par Monsieur [X] [A] (pièces n° 7 et 8 produites par M. [K] et Mme [A]), de sorte qu'elle a été mise hors de cause par le juge des référés, selon ordonnance du 12 juillet 2019 et qu'elle n'a donc pas participé aux opérations d'expertise (pièce n° 13 produite par M. [K] et Mme [A]).

Dans ces conditions, les époux [G] devront être déboutés de leur demande tendant à voir déclarer et juger le présent jugement commun et opposable à Madame [P] [A].

I – Sur les demandes indemnitaires et de réalisation de travaux sous astreinte formées par les époux [G] sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage et des dispositions du Code de la santé publique :

1-1 Sur les nuisances, leur matérialité, leur origine, leur qualification et les responsabilités :

Les époux [G] font notamment valoir que les critiques des défendeurs sur la méthodologie retenue par l'expert sont infondées, puisqu'il s'agit de déterminer le bruit maximal causé par les équipements, de sorte qu'il est logique de les faire fonctionner à leur vitesse maximale et en même temps.

Ils ajoutent que la notion de bruit résiduel est strictement définie par l'article R. 1336-7 du code de la santé publique, s'agissant de l'ensemble des bruits habituels, intérieurs et extérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause, soit en l'espèce tant le fonctionnement de la pompe à chaleur de Monsieur [K] que celui de la hotte de la S.A.R.L. [7].

Ils font par ailleurs valoir que :
- les nuisances sonores ont été mises en évidence non seulement dans le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 28 janvier 2019 mais également par un témoin ayant rendu visite à la compagne de Monsieur [G] (pièces n° 9 et 23), par un nouveau propriétaire, installé en août 2020, qui s'est plaint le 7 février 2022, après l'expertise et les travaux de remise en état du système d'extraction de la société [7], ainsi que par un résident du 3ème étage, dont l'attestation est édifiante (pièces n° 35 et 46) et par divers enregistrements audio (pièces n° 28-1 à 28-5, pièce n° 36, pièce n° 44, pièce n° 47, entre juin 2019 et mars 2023),
- entre le premier mesurage du 10 février 2020 et le second mesurage du 21 octobre 2020, des travaux ont été réalisés par Monsieur [K] et le [7] sur leurs installations sans autorisation préalable de l'expert.

Ils insistent sur la réalité des nuisances sonores causées par la pompe à chaleur de Monsieur [K], attestée par l'expert et audible dans la courette ainsi que dans leur cuisine, de manière importante, ainsi que sur le net dépassement du seuil d'émergence globale de 3 dB(A) en cas de fonctionnement simultané de la pompe à chaleur de Monsieur [K] et de la climatisation de Madame [A] et/ou de la hotte du [7], ces nuisances existant toujours malgré les travaux effectués, ainsi qu'il ressort d'un nouveau procès-verbal de constat d'huissier de justice du 14 novembre 2022 (pièce n° 42).

Sur les nuisances causées par la hotte du [7], ils soulignent que l'expert a mis en évidence que la hotte du [7] produisait des émergences dans le salon de Monsieur [G] de 7 dB(A), soit bien au-delà des seuils réglementaires (rapport, page 8), avant remplacement du moteur de l'extracteur d'air. Ils ajoutent qu'après les travaux, si les émergences calculées sont conformes à la réglementation dans la chambre de Monsieur [G], en revanche, elles demeurent au-dessus des seuils dans le salon, le seuil de nuit débutant à 22 heures et Monsieur [G] ne se couchant pas nécessairement à 22 heures. Ils précisent que :
- il est arrivé à plusieurs reprises aux membres du personnel de ne pas couper cette hotte la nuit, ce dont Monsieur [G] s'est plaint,
- si depuis les travaux, un programmateur a été installé, il n'en demeure pas moins que la hotte reste en fonctionnement jusqu'à 1 h 30 du matin, le seuil de 3 dB(A) étant dépassé lorsque Monsieur [K] fait fonctionner sa pompe à chaleur, ce qui est récurrent.

Sur la responsabilité de Monsieur [K], ils font valoir qu'aucune étude acoustique n'a été réalisée avant travaux par celui-ci,que la pompe à chaleur effectivement installée par Monsieur [K] ne correspond pas à celle pour laquelle il a obtenu l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires (pompe qui devait être située en face de la fenêtre de la salle de bains, posée en réalité sur un espace sauna, de marque MUNDOCLIMA et non Mitsubishi...) et que les nuisances sonores provoquées par cette pompe à chaleur ont été stigmatisées par l'expert judiciaire, tandis que Monsieur [K] écrit mensongèrement qu'il couperait systématiquement son installation à 22 heures pour limiter les nuisances, ce qui est démenti par les enregistrements produits.

Sur la responsabilité du restaurant [7], ils soulignent que l'expert a relevé l'ancienneté de l'équipement, peu entretenu, et a stigmatisé les nuisances sonores dans son rapport, qui persistent en cas de fonctionnement simultané des installations, nonobstant les travaux effectués, sans l'accord de l'expert et sans respecter les préconisations de l'expert, par le [7].

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires, ils font valoir qu'aucune étude acoustique préalable n'a été réalisée, alors que le syndicat des copropriétaires avait l'obligation de se renseigner sur les travaux envisagés par Monsieur [K] pour pouvoir fournir toutes informations utiles aux copropriétaires et leur permettre de voter en pleine connaissance de cause, tandis que le dossier technique fourni par Monsieur [K] était très succinct.

Ils ajoutent que le syndicat des copropriétaires a failli à ses obligations en ne prenant pas immédiatement les mesures qui s'imposaient lorsque Monsieur [G] l’a informé de l'installation de la climatisation de Madame [A], sans accord préalable de la copropriété, constituant un trouble manifestement illicite.

Monsieur [E] [K] et Madame [P] [A] répondent en substance que :
- en l'espèce, il n'est pas démontré que l'utilisation de la pompe à chaleur de Monsieur [K] générerait des nuisances sonores excédant les inconvénients normaux de voisinage,
- les mesures effectuées ne distinguent pas entre le bruit ambiant et le bruit résiduel, qui sont pourtant indispensables pour mettre en évidence une émergence sonore liée aux appareils des concluants,
- la méthodologie retenue par l'expert est contraire aux principes du droit de la responsabilité, le [7], Monsieur [K] ou Monsieur [A] n'étant pas individuellement responsables des émergences sonores, cumulées ou non, en provenance des appareils des autres défendeurs,
- le cumul des émergences entre différentes sources ne peut être considéré comme une même nuisance,
- la méthodologie retenue par l'expert est contraire aux dispositions de l'article R. 1336-7 du code de la santé publique et ne reflète pas l'usage réel des appareils des défendeurs, Monsieur [K] coupant le fonctionnement de son installation pendant la nuit et l'interruption étant aujourd'hui automatique entre 22 heures et 7 heures,
- l'expert a demandé que les appareils fonctionnent à leur puissance maximale pour effectuer ses mesures,
- il aurait fallu prendre en compte le bruit du système d'extraction d'air du [7] dans le bruit résiduel au sein de la copropriété, existant depuis plus de 20 ans, sans que cela ait généré la moindre plainte des occupants de l'immeuble, dont Monsieur [G],
- les époux [G] se sont installés en toute connaissance de cause puisque l'existence d'un commerce au rez-de-chaussée et au 1er étage de l'immeuble ainsi que l'installation d'extraction d'air du [7] située dans la courette étaient parfaitement visibles lorsque les demandeurs ont acquis leur appartement,
- l'expert judiciaire indique qu'aucun bruit n'est audible dans la chambre de Monsieur [G] avec la fenêtre de la cuisine et de la porte de la chambre ouvertes,
- dans le salon, il n'y aurait de dépassement du seuil d'émergence qu'en période nocturne, en application des dispositions de l'article R. 1336-7 du code de la santé publique, aucun dépassement n'étant caractérisé en journée,
- cependant, Monsieur [K] a pris la décision de couper manuellement sa pompe à chaleur la nuit, puis de faire installer en juin 2022 une horloge électronique pour que la pompe à chaleur s'arrête automatiquement la nuit entre 22 heures et 7 heures (pièce n° 16), en plombant le système pour empêcher toute intervention permettant de modifier ces horaires, ce qui a été constaté par la société ACOUSTIKA (pièce n° 17) et par huissier de justice (pièce n° 18).

Sur la demande de dépose de l'installation de Monsieur [K], ils relèvent le caractère contradictoire des demandes des époux [G] qui sollicitent également une mission de bureau d'étude acoustique afin de prescrire les mesure à mettre en œuvre pour une remise en conformité des équipements des copropriétaires défendeurs. Ils ajoutent que la dépose de l'installation priverait Monsieur [K] de manière injustifiée d'un système de chauffage de son appartement, alors qu'il a été démontré qu'elle ne génère aucune nuisance dans la chambre à coucher des époux [G] depuis la réalisation des travaux, comme l'a relevé l'expert, qu'elle ne produit aucun dépassement de jour même cumulé avec la hotte du [7] et qu'elle n'en produit plus non plus de nuit dans le salon puisque l'installation est automatiquement coupée la nuit de 22 heures à 7 heures. Ils ajoutent que l'équipement installé est bien celui qui a été autorisé par les copropriétaires, le matériel étant bien composé de compresseurs Mitsubishi (pièce n° 39, demandeur).

La S.A.R.L. [7] répond en substance que :
- concernant le résultat des mesures du fonctionnement de la hotte de cuisine du restaurant [7] seule, l'expert a relevé qu'après remplacement du moteur de l'extracteur d'air, les émergences calculées restent au-dessous des seuils réglementaires dans la chambre et légèrement au-dessus, de nuit, dans le salon,
- son activité de restauration préexiste depuis plus de 20 ans, aucun copropriétaire ne s'étant jamais plaint auprès d'elle d'une nuisance sonore en provenance de la hotte d'extraction, qui n'est pas vétuste mais a été installée en 2001 dans le cadre de précédents travaux de rénovation, concomitamment à la dépose des anciennes gaines (pièce n° 9),
- depuis son installation en 2001, la hotte est vérifiée et entretenue chaque année (pièce n° 10),
- elle fonctionne exclusivement durant les horaires d'exploitation du restaurant, la société ALVENE ayant mis en place à cette fin, dès le 28 février 2019, un système de programmation automatique de la hotte, dont l'intensité baisse automatiquement conformément aux valeurs réglementaires limites de l'émergence globale à 22 heures puis s'éteint automatiquement à 1 h 30 pour la nuit, sans qu'elle puisse modifier manuellement ces horaires de fonctionnement de la hotte (pièces n° 12 à 14),
- dans sa lettre du 22 février 2019, Monsieur [G] écrivait que la hotte ne le dérangeait pas « parce qu'elle ne fonctionne pas 24h24 » et que le bruit de la hotte était « acceptable par sa durée limitée mais inacceptable par l'association d'autre bruit dans cette courette du à l'installation » de « la pompe à chaleur de M. [K] » (pièces n° 18 et 19, M. [G]),
- le [7] a été longuement fermé du fait de l'état d'urgence sanitaire lié à la pandémie de Covid-19, notamment entre le 30 octobre 2020 et le 18 mai 2021, rendant impossible une quelconque nuisance alléguée par les époux [G] en provenance de la hotte d'extraction.

Sur les modalités pour mettre un termes aux nuisances sonores alléguées, elle relève que :
- l'expert formule des préconisations tout en précisant que ces principes « ne sont pas exhaustifs » (page 11/43),
- à la suite du dépôt du rapport, elle a fait approuver par l'assemblée générale des copropriétaires du 28 juin 2021 l'ensemble des travaux affectant les parties communes dans le cadre de la rénovation complète du restaurant,
- lors de l'assemblée générale du 22 juin 2022, les copropriétaires ont approuvé une résolution n° 16.2 en vue du changement du conduit de ventilation et d'extraction (pièce n° 4),
- le conduit d'extraction initial a été déposé par la société SIEMAC et remplacé par un nouveau conduit d'extraction de la cuisine dans le respect des normes phoniques et de sécurité exigées par la réglementation en vigueur,
- dans le cadre des opérations d'expertise, la société ACOUSTIKA avait réalisé, le 26 février 2021, une étude acoustique à la demande du syndicat des copropriétaires, puis, à la suite de l'achèvement de la rénovation du restaurant, des travaux d'isolation et de changement du conduit d'extraction ont été réalisés, un rapport de contre visite du 11 octobre 2022 concluant à la conformité aux normes acoustiques des émergences au voisinage mesurées (page 12),
- le descriptif précis des travaux réalisés établit qu'elle est allée au-delà des seules préconisations de l'expert et des conclusions du rapport acoustique.

Sur la demande de dommages et intérêts, elle précise que les époux [G] ne justifient pas du mode de calcul de la somme de 10.000 € qu'ils réclament.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] répond que :
- il ne peut avoir manqué à son devoir de conseil envers lui-même,
- l'assemblée générale des copropriétaires ne prend de décisions valides que sur les questions inscrites à l'ordre du jour,
- en l'espèce, les résolutions n° 7 et 8 de l'assemblée générale du 23 octobre 2018 ont été adoptées, après avoir eu connaissance d'une annexe renseignant le projet de Monsieur [K], jointe à la convocation diffusée,
- l'assemblée générale du 29 mai 2019 a également ratifié, à la demande de Monsieur [A], les travaux de pose de sa pompe à chaleur, deux mois après que Monsieur [G] ait averti la copropriété (pièce adverse n° 8, [K]), l'autorisation de travaux visée à l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 pouvant être accordée a posteriori,
- il n'appartient pas au syndicat des copropriétaires de compléter ou de modifier la rédaction de résolutions d'assemblée générale dont il a été demandé l'inscription par des copropriétaires,
- en tout état de cause, des mesures acoustiques ont été effectuées ainsi qu'une étude d'impact, s'agissant de l'installation de la pompe à chaleur de Monsieur [K], évoquées lors de l'assemblée générale (pièce adverse n° 3, [K]),
- l'installation de Monsieur [A] n'est à l'origine d'aucune nuisance, comme l'a relevé l'expert judiciaire (pièce n° 2),
- les résolutions ayant autorisé les travaux susvisés étant définitives, il n'appartenait plus à la copropriété de les remettre en cause,
- à l'aune de ces observations, la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne saurait être engagée.

Il rappelle par ailleurs qu'une étude acoustique a été réalisée par la société ACOUSTIKA à la suite du dépôt du rapport de synthèse, ce dont l'expert fait état dans son rapport, page 13, puisqu'une seconde et une troisième études ont été réalisées s'agissant de l'installation du CAFE DE L'AMA et de la pompe à chaleur de Monsieur [K] les 11 octobre et 14 décembre 2022, concluant que les niveaux d'émergence sonores mesurés dans le salon de Monsieur [K] sont conformes aux limites permises par la réglementation (pièces adverses n° 8 et 17, M. [K]).

***
L’article 544 du Code civil dispose “la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements”.

L’action pour troubles de voisinage permet le dédommagement des troubles subis par l’immeuble voisin dans son agrément. En effet, il est de principe que le propriétaire d’un fonds qui cause à son voisin un dommage qui excéde les inconvénients normaux de voisinage en est responsable de plein droit et doit le réparer. L’action introduite suppose la réunion de deux conditions : une relation de voisinage et un trouble anormal. La mise en œuvre de la responsabilité objective pour troubles anormaux du voisinage suppose la preuve d'une nuisance excédant les inconvénients normaux de la cohabitation dans un immeuble collectif en fonction des circonstances et de la situation des lieux.

Par ailleurs, le tiers lésé, qu’il soit propriétaire ou qu’il soit occupant des lieux dont la jouissance paisible a été troublée, est recevable à diriger indifféremment son action aussi bien contre l’auteur effectif du trouble que contre le propriétaire des lieux où le trouble a trouvé son origine ou sa cause.

Ainsi, la théorie des troubles anormaux du voisinage a vocation à s'appliquer à tous les occupants d'un immeuble en copropriété, quel que soit le titre de leur occupation (ex. : Civ. 3ème, 17 mars 2005, n° 04-11.279).

Des bruits répétés sur une longue durée peuvent constituer un trouble anormal du voisinage, indépendamment du respect des normes en vigueur, la seule infraction à une disposition législative ou réglementaire n'étant pas à elle-seule de nature à établir le caractère excessif du trouble (ex. : Civ. 3ème, 7 janvier 2016, n° 14-24345 ; Civ. 2ème, 17 février 1993, n° 91-16.928 ; Civ. 2ème, 18 avril 2013, n° 12-19.865).

A l'inverse, le respect des dispositions légales n'exclut pas l'existence éventuelle de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage (ex. : Civ. 3ème, 24 octobre 1990, n° 88-19.383, 12 octobre 2005, n° 03-19.759 ; 18 février 2009, n° 07-21.005, etc).

Dès lors qu'un trouble est constaté, le tribunal doit ordonner la cessation du trouble dont il a constaté l'existence (ex. : Civ. 3ème, 5 octobre 2017, n° 16-21.087).

Par ailleurs, il est de principe que chacun des responsables d'un dommage unique doit être condamné à le réparer en totalité (ex. : Civ. 3ème, 5 décembre 1984, n° 82-16.212, publié au bulletin, premier moyen).

En l'espèce, il ressort des éléments de la procédure et des pièces produites, en particulier le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [B] [C] (pièce n° 30 produite en demande) ainsi que des différentes attestations et procès-verbaux de constats d'huissier produits en demande (pièces n° 22, 23, 33 à 35, 37, 41, 42 et 46), du courrier en date du 18 février 2019 du conseil de la S.A.RL. [7] reconnaissant un dépassement des émergences limites réglementaires imposées en période nocturne sur la base d'un rapport du 7 février 2019 du bureau acoustique [S] [N] (pièce n° 15 produite en demande) et des enregistrements sonores réalisés entre juin 2019 et mars 2023 (pièces n° 28-1 à 28-5, 36, 44 et 47 produites en demande), que les époux [G] ont subi, à compter des mois de janvier-février 2019, des nuisances sonores provenant de la pompe à chaleur installée par Monsieur [E] [K] ainsi que de la hotte de cuisine des locaux exploités par la S.A.R.L. [7].

En premier lieu, aux termes de son rapport d'expertise judiciaire en date du 7 avril 2021, Monsieur [B] [C], ingénieur acousticien, a indiqué avoir procédé à deux campagnes de relevés acoustiques, en tenant compte des niveaux de bruit résiduel relevés lorsque tous les équipements objets du présent litige étaient mis à l'arrêt, i) dans la courette par la fenêtre de la cuisine de Monsieur [G], ii) dans la chambre de Monsieur [G] et iii) dans son salon, pièces de vie impactées par les nuisances objets du litige (rapport, page 6/43, méthodologie).

Les mesures prises ont donc été prises par l'expert judiciaire dans le respect des dispositions de l'article R. 1336-7 du code de la santé publique, en calculant l'émergence globale par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, résultant du fonctionnement des installations mises en cause dans le cadre du présent litige (appareils de climatisation et pompe à chaleur, hotte de cuisine), et le niveau de bruit résiduel constitué par « l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause ».

La méthodologie retenue par l'expert judiciaire ne saurait donc être remise en cause à cet égard, le bruit résiduel ayant été justement mesuré lorsque les équipements mis en cause étaient à l'arrêt « en même temps » (rapport, page 17 sur 43).

Les mesures effectuées ont mis en évidence (pages 8 à 10/43) :
1 - lors du fonctionnement de la climatisation de Monsieur [A] : des émergences conformes aux seuils réglementaires dans la chambre de l'appartement de Monsieur [G] et un léger dépassement des seuils réglementaires de nuit dans son salon (faible bruit audible) ;

2 - lors du fonctionnement de la hotte de cuisine du restaurant de la S.A.R.L. [7] :
* avant remplacement du moteur d'extracteur d'air (en cours d'expertise en 2020), un bruit très audible dans le salon de l'appartement de Monsieur [G] (avec des émergences de l'ordre de 7 dB(A) en valeur globale),
* après remplacement dudit moteur d'extracteur d'air, des émergences au-dessous des seuils réglementaires dans la chambre (aucun bruit audible) mais légèrement au-dessus desdits seuils de nuit dans le salon (4 dB(A) en valeur globale), avec un faible bruit audible dans le salon, fenêtre et porte ouverte ;

3 - lors du fonctionnement de la climatisation de Monsieur [K] :
* avant travaux, des émergences globales importantes de l'ordre de 7 dB(A) qualifiées par l'expert judiciaire de « très audible » dans la chambre de Monsieur [G],
* après travaux, des émergences globales, avec la climatisation de Monsieur [K] en marche à régime maximum, restant au-dessous des seuils réglementaires dans la chambre (autour de 23 dB(A) en valeur globale), aucun bruit n'étant audible dans cette chambre,

4 - lors du fonctionnement simultané des équipements, quelle que soit la configuration (niveaux cumulés des deux climatisations, de la climatisation [K] et de la hotte ALMA, de la climatisation [A] et de la hotte ALMA, des climatisations [K] et [A] et de la hotte ALMA), un seuil d'émergence globale de 3 dB (A) qualifié par l'expert judiciaire de « nettement dépassé », les émergences de 5 à 7 dB (A) étant alors « de nature à créer une gêne dans les pièces de vie de Monsieur [G] : perturbation du repos et de la concentration ».

De ces éléments, il ressort la caractérisation de nuisances sonores excédant par leur durée, leur fréquence et leur répétition, leur ampleur et leurs conséquences les troubles anormaux du voisinage, y compris dans un immeuble ancien en copropriété situé dans le [Localité 6], provenant :
- « individuellement » et avant travaux de la pompe à chaleur de Monsieur [K] et de l'extracteur de la hotte de cuisine du restaurant exploité par la S.A.R.L. [7], s'agissant de nuisances sonores « audibles et susceptibles de créer une gêne dans les pièces de vie » de l'appartement des époux [G], ce qui caractérise une atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme,
- « collectivement », après réalisation de travaux en cours d'expertise, sans consulter l'expert, ayant atténué les nuisances sonores, lors du fonctionnement simultané, quelle qu'en soit la combinaison (2 ou 3 appareils), des différents équipements, créant des émergences sonores dans les pièces de vie de l'appartement des époux [G] « de nature à créer une gêne », avec des émergences de l'ordre de 5 à 7 dB (A).

Les co-responsables, ayant contribué ensemble par l'action conjuguée de leurs installations à la réalisation des nuisances sonores subies par les époux [G] excédant les inconvénients normaux du voisinage subis par les époux [G], se bornent à formuler des critiques générales sur la méthode employée par l'expert mais ne produisent aucun élément technique de nature à invalider les résultats auxquels il est parvenu.

De surcroît, ils ne peuvent valablement soutenir, au titre de leur obligation à la dette, que la prise en compte de l'ensemble des appareils, en marche simultanément, sera contraire aux principes du droit de la responsabilité, alors que ces trois équipements sont susceptibles de fonctionner simultanément, aucun élément ne venant contredire la réalité de ce fonctionnement simultané, au moins à certaines périodes, de ses équipements (ex. : Cour d'appel de Nancy, 2ème chambre, 6 avril 2023, n° RG 22/00960), à l'origine de bruits répétitifs et concomitants entre eux susceptibles de provenir de plusieurs causes qui se sont cumulées entre elles, à l'origine d'un trouble anormal de voisinage (ex. : Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 29 octobre 2013, n° RG 12/04306).

L'expert judiciaire confirme à ce titre, en page 17 sur 43 de son rapport, que le fonctionnement simultané des trois équipements peut être fréquent « en fonction de la demande, été comme hiver ».

En second lieu, il ressort des autres pièces produites en demande par les époux [G] que le fonctionnement de la pompe à chaleur de Monsieur [G] a été à l'origine de nuisances sonores importantes occasionnées aux époux [G] depuis janvier 2019, avec un ronronnement constant s'apparentant à un bruit de moteur en période nocturne (pièce n° 9 produite en demande, procès-verbal de constat d'huissier du 28 janvier 2019), bruit continu et particulièrement désagréable, perceptible depuis la cuisine et la chambre de leur appartement, dont la matérialité et l'intensité ont été confirmées par plusieurs témoins et voisins (pièces n° 23, 35 et 46 produites en demande) et dont la persistance a été confirmée par procès-verbal de constat d'huissier du 27 janvier 2021 (pièce n° 33 produite en demande), puis par procès-verbal de constat d'huissier du 14 novembre 2022 (pièces n° 41 et 42 produites en demande), constats réalisés à la requête de Monsieur [U] [G].

De plus, la S.A.R.L. [7] a reconnu, avant même qu'une demande d'expertise ait été sollicitée par les époux [G] que le fonctionnement de son extraction était à l'origine d'un dépassement des émergences limites imposées en période diurne et en période nocturne, qualifié par elle de « très léger », en joignant à son courrier en date du 18 février 2019 (pièce n° 15 produite en demande) un rapport de Monsieur [S] [N], acousticien, en date du 7 février 2019, faisant état d'un dépassement de + 2 dB(A) en période diurne (7h/22h) et de + 1 dB(A) en période nocturne (22/7h, fonctionnement de 22 h à 0h).

Sont ainsi pleinement caractérisées la matérialité, l'ampleur et l'origine des nuisances sonores, provenant tant des pompes à chaleur installées par deux copropriétaires, plus particulieèrement celle de Monsieur [G] (les émergences sonores relevés lors du fonctionnement de la climatisation installée par Monsieur [A] étant très faible, aucun bruit n'étant audible, comme le relève l'expert en page 14 sur 43 de son rapport) que de la hotte d'extraction d'air du restaurant exploité par la S.A.R.L. [7].

Il est donc justifié en l'espèce de la perception de bruits dépassant les limites de la normalité et de nature à caractériser l'existence d'un trouble anormal de voisinage (ex. : Civ. 3ème, 26 novembre 2013, n° 12-25.995).

Les nuisances sonores sont à tout le moins répétées dans le temps depuis plusieurs années et, au vu des conclusions d’expertise, suffisamment intenses pour constituer un trouble anormal de voisinage.

La responsabilité objective de Monsieur [E] [K] et de la S.A.R.L. [7], en leurs qualités de voisins ayant fait installer les équipements directement à l'origine de nuisances sonores excédant les inconvénients normaux du voisinage subies par les époux [G], sera donc retenue sur le fondement des dispositions de l'article 544 du code civil et de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

En revanche, il ne saurait être retenu une quelconque responsabilité du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], qui n'est pas l'auteur du trouble, n'est pas un professionnel de la construction et auquel il ne saurait être reproché de ne pas avoir anticipé une augmentation potentielle de nuisances sonores au préjudice de certains copropriétaires au sein de l'immeuble, dues au fonctionnement simultané de plusieurs équipements au sein de l'immeuble, alors que tant la pompe à chaleur de Monsieur [E] [K] que celle de Monsieur [A] (laquelle n'a au surplus occasionné aucune nuisance sonore aux époux [G]) ont été autorisées selon résolutions définitives des assemblées générales des copropriétaires des 23 octobre 2018 (pièces n° 1 et 2 produites par les époux [G]) et 29 mai 2019 (pièces n° 7 et 8 produites par M. [K] et Mme [A]) après avoir pris connaissance des demandes formulées par ces deux copropriétaires, un dossier technique précis de chacune des installations de pompes à chaleur projetée ayant été joint à chacune des convocations.

Au surplus, il ressort des pièces produites que :
- à la suite du dépôt du rapport de synthèse de l'expert, une étude acoustique en date du 1er mars 2021 a été réalisée par la société ACOUSTIKA (pièce n° 3 produite par le syndicat des copropriétaires), à laquelle l'expert judiciaire se réfère dans son rapport (page 13 sur 43),
- une seconde étude acoustique de la société ACOUSTIKA a été réalisée le 11 octobre 2022 (pièce n° 8 produite par la S.A.R.L. [7]), après rénovation du restaurant exploité par la S.A.R.L. [7] et de son système de ventilation,
- une troisième étude acoustique a été réalisée par la même société le 14 décembre 2022 (pièce n° 17 produite par M. [K]) avec mesurage environnemental pour mettre en évidence l'arrêt automatique de la pompe à chaleur à 22 heures,
- il n'est pas démontré au travers des pièces produites que Monsieur [K] aurait fait installer sa pompe à chaleur, sans respecter les termes de l'autorisation qui lui a été accordée par l'assemblée générale des copropriétaires, le 23 octobre 2018,
- le fonctionnement de la pompe à chaleur de Monsieur [A] n'est à l'origine d'aucune nuisance sonore.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, les époux [G] devront être déboutés de l'ensemble de leurs demandes de condamnations sous astreinte formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] (missionner un bureau d'étude acoustique pour prescrire les moyens à mettre en œuvre pour une remise en conformité acoustique des équipements et leur fonctionnement en simultané, étude acoustique réalisée à transmettre à Monsieur [U] [G], chiffrage des travaux de remise en conformité des installations de Monsieur [E] [K], du [7] et éventuellement de Monsieur [A], désolidarisation avec l'accord de Madame [A] du moteur de l'équipement de celle-ci en le montant sur ressorts avec taux de filtrage 95 %, fc 10 Hz et raccordement par manchette souple, mise en place d'un absorbant supplémentaire dans la courette, mise en place d'une grille acoustique à ventelles sur toute la surface de la courette, au-dessus des équipements bruyants, dommages et intérêts).

1-2 Sur les travaux nécessaires pour remédier aux troubles et sur l'indemnisation du préjudice :

1-2-1 Sur les travaux de nature à remédier aux troubles occasionnés:

S'agissant des travaux sollicités par les époux [G] à l'encontre de Monsieur [E] [K], il ressort des éléments de la procédure et des pièces produites que la solution de nature à remédier de manière pérenne aux nuisances sonores subies, en réduisant le niveau de pression acoustique émis à $gt; 5 dB(A) en global sur l'ensemble du spectre (rapport d'expertise judiciaire, page 11 sur 43), consiste en la mise en place d'absorbant supplémentaire dans la courette, avec mise en place d'une grille acoustique à ventelles sur toute la surface de la courette, au-dessus des équipements bruyants.

Monsieur [E] [K] ne justifie pas avoir sollicité une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires afin de faire réaliser à ses frais lesdits travaux, pourtant indispensables afin de mettre un terme de manière pérenne aux nuisances sonores faisant l'objet du présent litige.

Il se contente de produire l'attestation d'une entreprise ACOUSTIC CONTROL VIBRATION SYSTEM en date du 22 juin 2022 justifiant de la pose d'une horloge mécanique à réserve de 220 V avec changement automatique d'heure Eté-Hiver et pose d'un coffret en plénum de plafond avec protection contre les interventions non autorisées (pièce n° 16 produite par M. [K]), qui ne correspond pas aux préconisations précises de l'expert judiciaire et qui n'empêche pas la persistance de nuisances sonores importantes, avant 22 heures.

Décision du 21 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/08608 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUWIM

L'étude acoustique réalisée par la société ACOUSTIKA le 1er mars 2021 met d'ailleurs en évidence la persistance de niveaux sonores importants résultant du fonctionnement de la pompe à chaleur de Monsieur [K], amplifiés par les échos flottants entretenus par le champ réverbérant de la courette, au regard de sa composition physique (pièce n° 3 produite par le syndicat des copropriétaires, page 18).

Dans ces conditions, les époux [G] apparaissent bien fondés à solliciter la condamnation de Monsieur [E] [K] à retirer sa pompe à chaleur installée dans la courette de l'immeuble, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement.

L'astreinte courra pendant quatre mois et sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l'exécution, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du Code des procédures civiles d'exécution.

S'agissant des travaux sollicités par les époux [G] à l'encontre de la S.A.R.L. [7], il ressort des éléments de la procédure et des pièces produites qu'après remplacement en cours d'expertise du moteur de l'extracteur de hotte de cuisine, les émergences sonores mesurées sont restées très faibles, n'étant plus de nature à créer une gêne, lorsque cet équipement fonctionne seul (rapport, page 14 sur 43).

Par ailleurs, si l'expert judiciaire préconise dans son rapport la mise en place d'un piège à son sur la gaine de l'extracteur de la hotte avec désolidarisation du moteur de l'équipement et montange sur ressort avec taux de filtrage 95 %, fc 10 Hz et raccordement par manchette souple (rapport, page 11 sur 43), la S.A.R.L. [7] justifie dans le cadre de la présente instance au fond :

- avoir fait réaliser, après le dépôt du rapport d'expertise, divers travaux d'isolation acoustique dans les locaux qu'elle exploite, en 2022, incluant le changement du conduit de ventilation et d'extraction, avec pose d'un conduit double peau disposé aux lieu et place de l'ancien, travaux qu'elle a été autorisée à faire réaliser, conformément au descriptif de l'entreprise SIEMAC, selon résolution n° 16.2 dse l'assemblée générale des copropriétaires du 22 juin 2022 (pièce n° 4, page 15/19, pièce n° 16, facture PMJ des travaux acoustiques du 4 décembre 2022, produite par la S.A.R.L. [7], et pièce n° 17, facture finale n° 2022/03/14484 de l'enteprise SIEMEC du 25/03/2022),
- que ces travaux ont été réalisés dans le respect des normes d'isolation phonique en vigueur et comprennent la pose d'un conduit galvanisé double peau, fixé par colliers avec bandes anti-vibratiles (pièces n° 6, 17 et 7 produites par la S.A.R.L. [7]), avec couche d'isolant phonique “Fib-Air” de 50 mm, collée sur une gaine de diamètre 560 mm et enveloppe du tout dans une gaine de diamètre 630 mm (pièce n° 18 produite par la S.A.R.L. [7], note technique SIEMAC du 24 février 2022),
- et qu'à la suite de la réalisation des travaux, la société ACOUSTIKA a établi un rapport de contre visite acoustique en date du 11 octobre 2022, avec mesure des niveaux résiduels au voisinage, ouvrants ouverts, confirmant, après mesures réalisées en plusieurs points réparties autour du site de façon simultanée, que les “solutions nécessaires à la bonne implantation du groupe de ventilation ont été respectées afin de ne pas créer de nuisances sonores dans la copropriété”, le fonctionnement de la nouvelle installation d'extraction du restaurant, sur la façade intérieure à un puits de lumière de l'immeuble sis [Adresse 1], respectant les émergences imposées par le décret n° 2006-1099 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage ayant modifié le code de la santé publique (pièce n° 8 produite par la S.A.R.L. [7], étude acoustique environnementale “L'ALMA” en date du 11/10/2022).

La preuve n'étant pas rapportée de la persistance de nuisances sonores subies par les époux [G] postérieurement à la réalisation des travaux susvisés par la S.A.R.L. [7], les demandeurs à l'instance ne pourront qu'être déboutés de l'intégralité de leurs demandes de condamnation sous astreinte de la S.A.R.L. [7] à procéder aux travaux préconisés, à faire réaliser un mesurage acoustique pour s'assurer du respect des émergences, après la fin des travaux, et à communiquer le résultat de ce mesurage acoustique.

1-2-2 Sur l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par les époux [G] :

Il est constant que le juge doit évaluer le préjudice dont il constate l'existence.

Par ailleurs, l'obligation conjointe s'entend de l'obligation plurale dans laquelle chacun des débiteurs ne peut être poursuivi que pour sa part. Ainsi, il résulte des dispositions de l'article 1309 du code civil que l'obligation conjointe se divise entre les différents sujets actifs ou passifs. En application de cette règle, s'il y a plusieurs créanciers chacun ne pourra réclamer que sa part ; de même s'il y a plusieurs débiteurs, chacun ne doit que sa part et ne pourra être poursuivi que pour sa part.

En l'espèce, il est aquis que les époux [G] ont régulièrement subi entre 2019 et 2022, un trouble de jouissance incontestable résultant du fonctionnement de l'installation de pompe à vapeur de Monsieur [E] [K] et de la hotte d'extraction de la cuisine des locaux exploités par la S.A.R.L. [7], qui n'a pas été permanent mais a été limité aux périodes d'utilisation de ces appareils.

Au regard des pièces produites, tenant compte de l'intensité du trouble subi, notamment en soirée, ce qui a affecté le sommeil des époux [G] (pièces n° 31 et 32 produites en demande), ainsi que des pièces de l'appartement des époux [G] affectées par les nuisances sonores, le préjudice de jouissance subi par les époux [G] doit être évaluée, sur cinq années, à hauteur de la somme globale de 5.000,00 € (soit 1.000,00 € par an).

Monsieur [E] [K] et la S.A.R.L. [7] seront donc condamnés conjointement au paiement de cette somme au titre du préjudice de jouissance, dans les proportions de 2.500 € à la charge de Monsieur [E] [K] et 2.500 € à la charge de la S.A.R.L. [7], sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte, et les époux [G] seront déboutés du surplus de leur demande indemnitaire.

II – Sur les autres demandes :

S'agissant d'une assignation délivrée postérieurement au 1er janvier 2020 (II de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019), l'exécution provisoire est de droit, à moins que la décision rendue n'en dispose autrement, en application des dispositions de l'article 514-1 du Code de procédure civile auquel renvoie l'article 481-1 6° du Code de procédure civile.

Aucun élément ne justifie en l'espèce que l'exécutoire provisoire, qui est compatible avec la nature de la présente affaire, soit écartée, conformément à l'article 514-1 du Code de procédure civile, Monsieur [E] [K] ne rapportant pas la preuve de ses allégations quant aux conséquences éventuelles de la dépose de son installation de pompe à chaleur sur les conditions de jouissance de son appartement.

Monsieur [E] [K] et la S.A.R.L. [7], qui succombent, seront condamnés conjointement au paiement de 25 % des dépens, à la charge de Monsieur [E] [K] et de 25 % des dépens, à la charge de la S.A.R.L. [7], comprenant les frais d'expertise judiciaire ainsi que les dépens de la procédure de référé expertise enregistrée sous le numéro de RG 19/56176, ayant préparé la présente instance dont le tribunal est saisi (ex. : Civ. 3ème, 17 mars 2004, n° 00-22.522), mais à l’exclusion des frais de constats d'un huissier de justice non désigné à cet effet par décision de justice, réalisés à la demande de Monsieur [U] [G] (2.082,40 €), qui ne relèvent pas des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile et sont inclus dans l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile (ex. : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 14 janvier 2021, n° RG 19/02848).

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé à l'AARPI LERINS & BWC agissant par Maître Luc CASTAGNET.

En revanche, l'équité commande en l'espèce de débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, eu égard à la nature et à la durée de la présente affaire, il convient de condamner solidairement Monsieur [E] [K] et la S.A.R.L. [7] à payer aux époux [G] la somme globale de 8.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, se répartissant à hauteur de 4.000,00 € à la charge de Monsieur [E] [K] et 4.000,00 € à la charge de la S.A.R.L. [7], incluant les frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure de référé-expertise, du suivi de l'expertise et de la procédure au fond.

En revanche, les époux [G] qui voient leurs prétentions déclarées mal fondées dans le cadre de la présente instance les opposant au syndicat des copropriétaires, seront déboutés de leur demande de dispense de toute participation à la dépense commune des frais de procédure (études réalisées préalablement aux travaux destinés à mettre fin aux nuisances sonores, frais éventuels de maîtrise d’œuvre relatifs à ces travaux, travaux tant que tels, frais de l'expert chargé du suivi des travaux, frais d'avocat et de procédure générés tant par la procédure de référé expertise que par le suivi de l'expertise et par la présente procédure, dommages et intérêts, frais et dépens auxquels serait condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] et de manière générale, toute dépense dont les nuisances sonores subies par les époux [G] seraient la cause, l'objet ou la conséquence), en application des dispositions de l'article 10-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Les époux [G] seront déboutés du surplus de leurs demandes de condamnation formées au titre des frais irrépétibles relevant de la procédure de référé-expertise, du suivi de l'expertise et de la procédure au fond, ainsi que de l'intégralité de leur demande de condamnation formée au titre des « frais afférents à l'étude acoustique de maîtrise d’œuvre ».

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Déboute Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] de leur demande tendant à voir déclarer et juger le présent jugement commun et opposable à Madame [P] [A],

Déclare Monsieur [E] [K] et la S.A.R.L. [7] responsables des nuisances sonores subies par Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage,

Déboute Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] de l'ensemble de leurs demandes de condamnations sous astreinte formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] (missionner un bureau d'étude acoustique pour prescrire les moyens à mettre en œuvre pour une remise en conformité acoustique des équipements et leur fonctionnement en simultané, étude acoustique réalisée à transmettre à Monsieur [U] [G], chiffrage des travaux de remise en conformité des installations de Monsieur [E] [K], du [7] et éventuellement de Monsieur [A], désolidarisation avec l'accord de Madame [A] du moteur de l'équipement de celle-ci en le montant sur ressorts avec taux de filtrage 95 %, fc 10 Hz et raccordement par manchette souple, mise en place d'un absorbant supplémentaire dans la courette, mise en place d'une grille acoustique à ventelles sur toute la surface de la courette, au-dessus des équipements bruyants, dommages et intérêts),

Condamne Monsieur [E] [K] à retirer sa pompe à chaleur installée dans la courette de l'immeuble sis [Adresse 1], sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement,

Décision du 21 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/08608 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUWIM

Dit que ladite astreinte courra pendant quatre mois et sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l'exécution, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du Code des procédures civiles d'exécution,

Déboute Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] de l'intégralité de leurs demandes de condamnation sous astreinte de la S.A.R.L. [7] à procéder aux travaux préconisés, après réception d'une étude acoustique, à faire réaliser un mesurage acoustique pour s'assurer du respect des émergences après la fin des travaux et à communiquer le résultat de ce mesurage acoustique,

Condamne conjointement Monsieur [E] [K] et la S.A.R.L. [7] à payer à Monsieur [E] [K] et la S.A.R.L. [7] la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérets en réparation de leur préjudice de jouissance, se répartissant dans les proportions suivantes : 2.500 € à la charge de Monsieur [E] [K] et 2.500 € à la charge de la S.A.R.L. [7],

Déboute Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] du surplus de leur demande de dommages et intérêts, sous astreinte, en réparation de leur préjudice,

Condamne conjointement Monsieur [E] [K] et la S.A.R.L. [7] de 25 % des dépens, à la charge de Monsieur [E] [K] et de 25 % des dépens, à la charge de la S.A.R.L. [7], comprenant les frais d'expertise judiciaire ainsi que les dépens de la procédure de référé expertise enregistrée sous le numéro de RG 19/56176, mais à l’exclusion des frais des procès-verbaux de constat réalisés à la demande de Monsieur [U] [G] (2.082,40 €),

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à l'AARPI LERINS & BWC agissant par Maître Luc CASTAGNET,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] de l'intégralité de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne conjointement Monsieur [E] [K] et la S.A.R.L. [7] à payer à Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] la somme de 8.000,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, se répartissant à hauteur de la somme de 4.000,00 € à la charge de Monsieur [E] [K] et de la somme de 4.000,00 € à la charge de la S.A.R.L. [7], incluant les frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure de référé-expertise, du suivi de l'expertise et de la procédure au fond,

Déboute Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] de l'intégralité de leurs demandes d'exonération du paiement des charges de copropriét afférentes aux études réalisées préalablement aux travaux destinés à mettre fin aux nuisances sonores, aux frais éventuels de maîtrise d’œuvre relatifs à ces travaux, aux travaux tant que tels, aux frais de l'expert chargé du suivi des travaux, aux frais d'avocat et de procédure générés tant par la procédure de référé expertise que par le suivi de l'expertise et par la présente procédure, aux dommages et intérêts, frais et dépens auxquels serait condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] et de manière générale, à toute dépense dont les nuisances sonores subies par les époux [G] seraient la cause, l'objet ou la conséquence,

Déboute Monsieur [U] [G] et Madame [Y] [I] épouse [G] du surplus de leurs demandes de condamnation formées au titre des frais irrépétibles relevant de la procédure de référé-expertise, du suivi de l'expertise et de la procédure au fond, ainsi que de l'intégralité de leur demande de condamnation formée au titre des « frais afférents à l'étude acoustique de maîtrise d’œuvre »,

Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 21 Mars 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/08608
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;21.08608 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award