La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2024 | FRANCE | N°20/12903

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 21 mars 2024, 20/12903


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
2ème section

N° RG 20/12903
N° Portalis 352J-W-B7E-CTN4N

N° MINUTE :


Assignation du :
14 Décembre 2020



JUGEMENT
rendu le 21 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [B] [C] (décédée)


DÉFENDEURS

Société [D], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 8]

représentée par Maître Alexia SEBAG de la SELEURL A.SEBAG Avocats, avocats

au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #B0774

Société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS, SA, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 9]

représentée par...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
2ème section

N° RG 20/12903
N° Portalis 352J-W-B7E-CTN4N

N° MINUTE :

Assignation du :
14 Décembre 2020

JUGEMENT
rendu le 21 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [B] [C] (décédée)

DÉFENDEURS

Société [D], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 8]

représentée par Maître Alexia SEBAG de la SELEURL A.SEBAG Avocats, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #B0774

Société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS, SA, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 9]

représentée par Maître Emmanuel ARNAUD de la SELARL VIDAPARM, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #C0722

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic le cabinet MINARD
[Adresse 4]
[Localité 8]

représenté par Maître Virginie LACHAUT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant/postulant, vestiaire #D1006
Décision du 21 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/12903 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTN4N

PARTIES INTERVENANTES

Madame [V] [X] [J] [O] épouse [U], venant aux droits de Madame [B] [C], décédée le [Date décès 3] 2022
[Adresse 6]
[Localité 5]

Monsieur [L] [G] [S] [O] venant aux droits de Madame [B] [C], décédée le [Date décès 3] 2022
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentés par Maître Valérie FIEHL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1294

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-Président
Anita ANTON, Vice-Présidente
Lucie AUVERGNON, Vice-Présidente

assistés de Nathalie NGAMI-LIKIBI, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 11 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Frédéric LEMER GRANADOS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

***

Exposé du litige :

Madame [B] [C], décédée le [Date décès 3] 2022 et aux droits de laquelle viennent Madame [V] [O] épouse [U] ainsi que Monsieur [L] [O], était propriétaire des lots n° 12 et 15 correspondant respectivement à une cave et à un local commercial composé d’une boutique, d’une arrière-boutique et un sous-sol, au sein de l'immeuble sis [Adresse 2], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, dont le syndic est le cabinet MINARD.

Ce local commercial est géré par la société FONCIA et donné en location à la S.A.S. [D], selon acte sous seing privé du 20 juillet 2019, pour une durée de neuf ans à compter du 1er août, pour y exercer une activité d'entretien corporel et amincissement.

Le 5 août 2019, un constat d’état des lieux d'entrée a été dressé contradictoirement par la société CONSTATIMMO (filiale de FONCIA GROUPE) entre Madame [B] [C] (propriétaire), et la société [D] (locataire), mettant en évidence un mauvais état général du local commercial.

La société [D], à la suite de l'état des lieux du 5 août 2019, a entrepris des travaux de rénovation importants, nécessaires à l'ouverture de son institut de beauté, lesquels lui ont permis d'obtenir une franchise de loyer, pour un montant de 20.984,00 € HT.

Pendant le chantier de réhabilitation du local, la société [D] a constaté, au cours du mois de septembre 2019, qu’il y avait une fuite dans la boutique, endommageant les murs du rez-de-chaussée et du sous-sol, semblant provenir de la chute des eaux pluviales de l’immeuble, fissurée.

Le 17 septembre 2019, le cabinet MINARD a reçu un appel de Madame [B] [C], l'informant que sa locataire avait constaté un dégât des eaux au sous-sol.

Le mercredi 18 septembre 2019, il a adressé un ordre de service à la société SARL CPL pour intervenir et « procéder à une recherche de fuite aux fins de déterminer l'origine des traces d'humidité constatées dans le local du rez-de-chaussée & sous sol ».

Le lundi 23 septembre 2019, la société CPL s'est déplacée sur site pour effectuer la recherche de fuite et a constaté deux fuites sur la descente des eaux pluviales, à savoir « emboîture cassée au ras du sol et jeu de coude cassé dans l'épaisseur du sol ».

Le 25 septembre 2019, la société CPL a adressé au cabinet MINARD un devis pour le remplacement du pied de descente des eaux pluviales et la remise en conformité.

Le cabinet FONCIA a informé officiellement le cabinet MINARD de l’existence de la fuite par courriel du 10 octobre 2019.

Le 13 novembre 2019, le cabinet MINARD et la société [D] ont été convoqués par l'expert amiable mandaté par l’assureur de la société [D], la société UNION D'EXPERTS, à une réunion d’expertise fixée au 21 novembre 2019.

Le 15 novembre suivant, le cabinet MINARD a informé son assureur, ASSURIMO, de cette convocation et par courriel du même jour, il a demandé à l’entreprise DEBARLE de lui faire parvenir « dans les plus brefs délais » un devis pour le changement du pied de la chute des eaux pluviales.

En réponse à la mise en demeure du 19 novembre 2019, adressé par le cabinet FONCIA au cabinet MINARD afin de faire stopper définitivement l’origine de la fuite, le cabinet MINARD a répondu, par courrier du 20 novembre 2019, s’être entretenu avec la locataire, être en possession d’un premier devis et attendre un second devis pour le changement de la partie abîmée de la colonne.

Le 29 novembre 2019, une réunion d’expertise contradictoire a été proposée par la société DIDIERFOX, mandatée par ASSURIMO, assureur de l’immeuble, qui n’aura pas lieu en raison notamment de l’absence de la société [D], cette contre-expertise ayant été reportée au 24 décembre 2019.

Le 4 décembre 2019, en réponse à la demande de devis du cabinet MINARD du 15 novembre 2019, l’entreprise DEBARLE a adressé un devis pour le remplacement partiel du pied de chute de la descente des eaux pluviales, pour un montant de 2.913,45 € TTC.

Le 5 décembre 2019, le cabinet UNION D’EXPERTS, assureur du locataire, a adressé un courrier au cabinet MINARD, lui indiquant que « selon les informations communiquées », le sinistre était la conséquence d'une « fuite sur canalisation commune d'évacuation des eaux pluviales », non encore réparée à cette date.

Par courrier du 13 décembre 2019, en réponse au courrier contenant le devis de l’entreprise DEBARLE susmentionné, le cabinet MINARD a donné son accord pour le devis concernant les travaux de remplacement partiel du pied de chute de la descente des eaux pluviales.

Le 10 janvier 2020, il a demandé un devis à l’entreprise TIAGO CARLOS pour le rebouchage, après travaux de changement de la colonne prévus le 27 janvier 2020 par l’entreprise DEBARLE.

Le 15 janvier 2020, le cabinet DIDIER FOX EXPERTISES a indiqué que les désordres d'infiltrations provenaient d'une « fuite sur colonne des eaux pluviales passage en apparent dans le sous-sol du local professionnel de Mme [C] » et a évalué la remise en état des peintures endommagées sur les murs et plafonds en sous-sol, à la somme de 1.100,00 €.

Le 8 février 2020, l’entreprise TIAGO a établi un devis de remise en état des murs et plafond, à la suite de l’intervention du 27 janvier 2020, ayant nécessité d’ouvrir une partie du mur (devis d'un montant de 1930,50 € TTC).

Le 26 août 2020, la société FONCIA a indiqué au cabinet MINARD que la société [D] était dans l’impossibilité d’ouvrir son local en raison du trou qui n’avait pas été rebouché.

L’entreprise TIAGO, mandatée par le cabinet MINARD, a alors effectué le rebouchage de ce trou (pose de nouvelles plaques de plâtre et mise en peinture) à l’été 2020.

C'est dans ces conditions que, se plaignant d'un défaut d'entretien des parties communes imputable au syndicat des copropriétaires (article 14 de la loi du 10 juillet 1965) à l'origine de troubles anormaux du voisinage, Madame [B] [C] a fait assigner, par actes d'huissier du 14 décembre 2020, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et la S.A.S. [D] devant le tribunal judiciaire de Paris, au visa de la théorie des troubles anormaux du voisinage, de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, des articles 1240 et 1242 du code civil et de l'article 1728 du code civil, en indemnisation de ses préjudices subis du fait du dégât des eaux survenus dans le local commercial dont elle est propriétaire et en condamnation du syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 24.033 € à titre de dommages et intérêts pour le manque à gagner de loyers subi pendant la période du 1er septembre 2019 au 30 septembre 2020.

Par acte d'huissier du 8 avril 2021, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] a fait assigner en intervention forcée et en garantie son assureur, la S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS (affaire enregistrée sous le numéro de RG 21/05426).

Les deux affaires ont été jointes, par mentions aux dossiers, le 22 juin 2021, l'instance se poursuivant sous le seul numéro de RG 21/05426.
Madame [V] [O] épouse [U] et Monsieur [L] [O] sont intervenus volontairement à la procédure par conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2023.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, Madame [V] [O], épouse [U], ainsi que Monsieur [L] [O], intervenants volontaires venant aux droits de feu Madame [B] [C], demandent au tribunal de :

Vu les articles 325 et suivants du code de procédure civile,
Vu la théorie des troubles anormaux du voisinage,
Vu l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les articles 1103 et 1217 du code civil,
Vu les articles 1240 et 1242 du code civil,
Vu les articles 1725 et 1728 du code civil,
Vu l’article L 113-1 du code des assurances,
Vu l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu le contrat de bail du 20 juillet 2019,
Vu la police d’assurance conclue avec la Société SWISSLIFE,

Recevoir Madame [O] épouse [U] et Monsieur [O] en leur intervention volontaire,

Juger le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] responsable du dégât des eaux qui s’est produit dans le lot 15 appartenant alors à Madame [B] [C] et loué à la Société [D], en provenance de la chute d’eaux pluviales de l’immeuble,

Condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la Société CABINET MINARD, et la Société SWISSLIFE à indemniser la Société [D] de l’intégralité des préjudices véritablement subis du fait de ce dégât des eaux,

Condamner la Société [D] à payer à Madame [O] épouse [U] et Monsieur [O], venant aux droits de Madame [B] [C], la somme de 23.408,08 € au titre des loyers et charges allant du 4ème trimestre 2019 au 3ème trimestre 2020 et des soldes débiteurs des régularisation des charges des exercices 2019 et 2020 au prorata de la période concernée, avec intérêts au taux légal à compter des conclusions du 28 juillet 2022 à hauteur de la somme de 22.158,11€ et à compter des présentes conclusions pour le surplus,

Débouter le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] représenté par son syndic la Société CABINET MINARD de toutes les demandes qu’il forme à l’encontre de Madame [C], aux droits de laquelle viennent Madame [U] et Monsieur [O],

Débouter la société SWISSLIFE de ses demandes, Condamner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] représenté par son syndic la Société CABINET MINARD et la Société SWISSLIFE solidairement à régler à Madame [O] épouse [U] et Monsieur [O] la somme de 1.875 € à titre de dommages-intérêts pour le manque à gagner de loyers à hauteur de la franchise accordée à la Société [D],

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal ne condamnait pas la Société [D] à payer tout ou partie des loyers et charges dus pour la période allant du 4ème trimestre 2019 au 3ème trimestre 2020,

Condamner alors solidairement le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] représenté par son syndic la Société CABINET MINARD et la Société SWISSLIFE à les régler à Madame [O] épouse [U] et Monsieur [O] à hauteur de la somme retenue, à titre de dommages-intérêts pour le manque à gagner des loyers,

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] représenté par son syndic la Société CABINET MINARD, la Société SWISSLIFE et la Société [D], ou l’un à défaut des autres, à payer à Madame [O] épouse [U] et Monsieur [O] la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dispenser Madame [O] épouse [U] et Monsieur [O] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure,

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] représenté par son syndic la Société CABINET MINARD, la Société SWISSLIFE et la Société [D], ou l’un à défaut des autres, aux dépens, dont distraction profit de Maître Valérie FIEHL, avocat aux offres de droit, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2023, la S.A.S. [D] demande au tribunal de :

Vu l’article 1240 du code civil ;
Vu l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Vu l’article 1719 du code civil ;
Vu l’article 1728 du code civil ;
Vu la jurisprudence constante ;
Vu l’ensemble des pièces versées au débat ;

RECEVOIR la société [D] en ses demandes et y FAIRE DROIT ; JUGER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la SARL Cabinet Minard responsable du dégât des eaux dans le local commercial appartenant à Madame [B] [C] et loué à la société [D] et des conséquences sur les locaux et la perte d’usage du mois de septembre 2019 au mois de septembre 2020 inclus ;

JUGER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la SARL Cabinet Minard responsable du préjudice de perte de chance de chiffre d’affaires subi par la société [D] mais également de ses préjudices économiques, financiers, d’image, commercial, moral et d’anxiété consécutifs à la privation d’usage et d’exploitation du local commercial pris à bail par la société [D] ;

En conséquence :

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la SARL Cabinet Minard à payer à la société [D] la somme 75.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier et économique subi du fait de la perte de chance de réaliser un chiffre d’affaire minimum sur la période allant du mois de septembre 2019 au mois de mars 2022;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la SARL Cabinet Minard à payer à la société [D] la somme 15.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice d’image et commercial subi sur la période allant du mois de septembre 2019 au mois de mars 2022;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la SARL Cabinet Minard à payer à la société [D] la somme 15.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et d’anxiété subi par la société [D] depuis la survenance du sinistre jusqu’à ce jour ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la SARL Cabinet Minard à relever et garantir la société [D] de toutes condamnations prononcées à son encontre et notamment au paiement au profit de Madame [U] et Monsieur [O], ayants droits de Madame [B] [C], de la somme de 23.408,08 euros à titre des loyers et charges allant du 4e Trimestre 2019 au 3e trimestre 2020 inclus (22.158,11€) soldes débiteurs des régularisations des charges des exercices 2019 et 2020 au prorata (1.249,97€) ;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la SARL Cabinet Minard à payer à la société [D] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic la SARL Cabinet Minard au paiement des entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 mai 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] demande au tribunal de :

Vu les articles 1240 et suivants du code civil,
Vu l’article 1353 du code civil,
Vu l’article 9 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées au débat,

Déclarer recevable et bien-fondé le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]) dans l’ensemble de ses demandes et prétentions ;

A TITRE PRINCIPAL :

Rejeter l’intégralité des demandes formulées par Madame [C] à l’égard du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]) ;

Rejeter l’intégralité des demandes formulées par la société [D] à l’égard du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]) ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :  

Dire et juger que le préjudice subi par Madame [C] se limite à une période allant du 18 septembre 2019, date à laquelle le syndic a eu connaissance du sinistre, au 30 janvier 2020, date à laquelle l’origine du sinistre a été réparée,

Dire et juger que le préjudice du manque à gagner des loyers et charges ne saurait être évalué à plus de 30 % du montant du loyer mensuel soit la somme mensuelle de 562,50 € (22.500 /12 x 30%).

Dire et juger par conséquent que le préjudice subi par Madame [C] au titre du manque à gagner des loyers, ne saurait être supérieur à la somme de 2.475 € En tout état de cause,- Condamner la compagnie d’assurance SWISS LIFE à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]) pour toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre, y compris les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ; 

A titre reconventionnel,

Condamner la société [D] et Madame [C], in solidum, à verser la somme de 2.250,90 € en remboursement des sommes avancées au titre de la recherche de fuites et des travaux de réfection des murs endommagés par le sinistre dont il n’incombe pas au syndicat de prendre la charge ;

Décision du 21 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/12903 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTN4N

Condamner Madame [C] à verser la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]) ;

Condamner Madame [C] aux entiers dépens de la présente procédure ;

Rappeler que l’exécution provisoire est de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2023, la S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS, recherchée en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], demande au tribunal de :

Vu l’absence d’aléa,
Vu l’exclusion de garantie soulevée par SWISSLIFE,

Déclarer irrecevable et mal fondée l’appel en garantie du syndicat des copropriétaires [Adresse 2] à l’égard de SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS,

Déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de condamnation formulée par Madame [C] à l’égard de SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS,

Déclarer mal fondées les demandes de condamnation formulées par Madame [C] à l’égard du syndicat des copropriétaires [Adresse 2],

Déclarer mal fondées les demandes de condamnation formulées par Madame [D] à l’égard du syndicat des copropriétaires [Adresse 2],

Condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 2] au paiement de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de SWISSLFIE ASSURANCES DE BIENS,

Le condamner aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux écritures précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023.

L'affaire, plaidée à l'audience du 11 janvier 2024, a été mise en délibéré au 21 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

I – Sur les demandes de dommages et intérêts et au titre des loyers et charges dus formées par M. et Mme [O] et la S.A.S. [D] :

Madame [V] [O], épouse [U], ainsi que Monsieur [L] [O] font valoir en substance, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ainsi que des articles 1240 et 1242 du code civil, que le syndicat des copropriétaires ne peut valablement s'exonérer de sa responsabilité au motif qu'il n'aurait commis aucune faute, ce qui n'est au surplus pas le cas au vu des délais de réparation, sa carence étant caractérisée dès le signalement des infiltrations.

Ils ajoutent que :
- si le syndic a rapidement demandé une recherche de fuite, reconnaissant l'urgence, puis a obtenu un premier devis pour le changement de la chute endommagée dès le 25 septembre 2019, il a décidé de solliciter deux autres entreprises, en passant sous silence le déplacement d'une deuxième entreprise, puis a décidé de solliciter un troisième devis auprès de la société DEBARLE début décembre 2019, nonobstant le caractère urgent de la situation, de sorte que plus de deux mois ont été perdus entre le 25 septembre et le 4 décembre 2019, avec une aggravation des dommages, pour une différence de 168,13 € entre les deux devis (pièces n° 5 et 11 du syndicat des copropriétaires),
- une fois la descente des eaux pluviales réparée et la fuite arrêtée, la société [D] a dû attendre encore sept mois et demi pour l'exécution des travaux de réfection entre fin janvier 2020 et mi-septembre 2020,
- si la société TIAGO semble s'être déplacée début février 2020, le syndicat des copropriétaires se garde bien de produire le devis et son ordre de service et ne justifie d'aucune relance à l'entreprise,
- les locaux autres que d'habitation sont exclus de la convention IRSI dès lors que le sinistre relève de la tranche 2 (montant cumulé de dommages matériels et frais afférents situé entre 1.600 € et 5.000 €),
- dès le signalement de la fuite, le syndic l'a attribuée soit à la descente d'eaux pluviales soit à l'immeuble mitoyen et non à une cause privative, et il s'est chargé de programmer la recherche de fuite sans exprimer protestation ni réserve (pièce n° 2 syndicat des copropriétaires),
- la recherche d'une fuite provenant d'une partie commune appartient naturellement au syndic en vertu de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, celui-ci devant pourvoir à la conservation de l'immeuble et à son entretien,
- la société DEBARLE a signalé une seule impossibilité d'accès, le 22 novembre 2019, pour cause d'absence alors qu'elle pris rendez-vous la veille avec la locataire,
- il n'est pas justifié de retards dus à la société locataire, le syndicat des copropriétaires étant seul responsable des délais anormalement longs s'étant écoulés pour exécuter les travaux nécessaires et des troubles de jouissance et pertes d'exploitation de la société [D] en découlant,
- aucune faute ne saurait être reprochée à Madame [C], la colonne étant apparente et accessible (pièces n° 3, 11 et 15 du syndicat des copropriétaires),
- le syndicat des copropriétaires n'a jamais contesté sa responsabilité et l'origine de la fuite, à savoir le mauvais état du pied de chute commune, les travaux de la société [D] n'ayant jamais été mis en cause et aucune expertise judiciaire n'étant nécessaire.

Sur la demande en paiement de loyers, ils précisent que :

- Madame [C] n'a jamais renoncé à percevoir les loyers, n'ayant accordé qu'un mois de franchise de loyer en décembre 2019 pour tenir compte de la gêne occasionnée à la société [D],
- elle a accepté de limiter sa demande de condamnation au paiement de la période postérieure au 3ème trimestre 2020 en raison de la procédure au fond engagée et pour trouver un accord d'échéancier avec la société locataire, sans renoncer au paiement à l'avenir de cette somme (pièce n° 30, page 30),
- la renonciation à un droit ne se présume pas,
- la société [D] ne pouvait démarrer son activité avant qu'il y ait été mis fin à la suite, fin janvier 2020,
- elle n'est pas responsable de la fuite ni de la lenteur à agir du syndicat des copropriétaires, son gestionnaire de biens ayant fait toutes diligences et le sinistre étant dû à un tiers, en vertu de l'article 1725 du code civil et de l'article X-5 du contrat de bail,
- elle est bien fondée à solliciter la condamnation de la société [D] à lui régler la somme totale de 23.408,08 € au titre de l'arriéré de loyers et charges pour la période allant du 4ème trimestre 2019 au 3ème trimestre 2020 inclus (22.158,11 €) et des soldes débiteurs des régularisations de charges des exercices 2019 et 2020 au prorata, avec intérêts au taux légal à compter des conclusions notifiées le 28 juillet 2022 sur la somme de 22.158,11 € et à compter des présentes conclusions pour le surplus,
- elle est également bien fondée à solliciter la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 1.875 € à titre de dommages et intérêts pour le manque à gagner à raison de la franchise appliquée à la société [D] en décembre 2019 du seul fait du sinistre,
- à titre subsidiaire, si le tribunal ne faisait pas droit à leur demande de paiement formée à l'encontre de la société [D], ils demandent la condamnation du syndicat des copropriétaires à les indemniser du manque à gagner des loyers à hauteur de la somme concernée.

Sur les préjudices invoqués par la société [D], pour défaut de perception de chiffre d'affaires de septembre 2019 à septembre 2020 et au titre du préjudice matériel et économique, ils font valoir qu'ils sont sans rapport avec les préjudices réellement subis et non justifiés, la société [D] étant en outre mal fondée à se prévaloir d'un chiffre d'affaires prévisionnel de 10.000 € par mois, purement théorique, alors qu'elle a démarré son activité en octobre 2020, qu'elle a exploité son fonds pendant quasiment deux ans jusqu'en octobre 2022 et qu'elle n'a réalisé ce chiffre d'affaires qu'une seule fois, en juillet 2022, le préjudice ne pouvant aller au-delà de la date d'achèvement des travaux de réfection. Ils ajoutent que le préjudice d'image n'est absolument pas justifié, pas davantage que le préjudice moral et d'anxiété invoqué.

La S.A.S. [D] se plaint quant à elle d'un manquement contractuel du syndicat des copropriétaires, s'agissant de dommages provenant d'un défaut d'entretien des parties communes, le syndic ayant par ailleurs tardé à réagir et ayant fait preuve d'inertie pour remédier aux désordres dont le local commercial faisait l'objet, l'empêchant d'exercer son activité, ainsi qu'il ressort d'un procès-verbal de constat d'huissier du 15 janvier 2020 (odeur irrespirable).

Sur ses préjudices, elle indique que :
- elle a subi un sinistre un mois après la signature de son bail alors qu'elle venait de terminer des travaux d'embellissement sur la totalité du bien et avait fait l'acquisition de machines dédiées à son activité, financées par un prêt,
- elle a subi un délai d'attente de 12 mois à compter du sinistre et une perte d'exploitation substantielle à trois périodes charnières,
- sa perte de chance de réaliser un chiffre d'affaire est réelle et sérieuse puisqu'elle aurait pu jouir et exploiter le local commercial et ainsi bénéficier d'un rendement suffisant pour développer sa société, ce qui est établi par l'attestation de son expert-comptable justifiant d'un chiffre d'affaires de 5.833 € HT au mois de décembre 2021 (pièce n° 5),
- de septembre 2019 à septembre 2020, soit 12 mois, la somme mensuelle de 5.833 € HT doit être retenue au titre de son préjudice matériel et économique, soit au total 52.497 €, ainsi qu'il ressort du chiffre d'affaires mensuel réalisé en 2021, en progression en 2022 (pièces n° 16 et 17),
- son préjudice d'image a duré pendant sept mois avant le confinement avec une enseigne mais sans ouverture au public, laissant le chaland sur l'idée que ce commerce était fermé,
- le syndicat des copropriétaires doit être condamné à lui payer la somme de 15.000 € pour le préjudice d'image et commercial ainsi que la somme de 15.000 € pour le préjudice moral et d'anxiété subi depuis la survenance du sinistre jusqu'à ce jour.

Sur l'obligation de jouissance paisible, elle fait valoir, au visa de l'article 1719 du code civil, qu'elle a été dans l'incapacité d'utiliser le local commercial tel que prévu au bail, destiné à des activités de soin et de bien-être, supposant une certaine hygiène dans les locaux, de sorte qu'elle ne peut être redevable de la somme due au titre des loyers pour la période allant du 4ème trimestre 2019 au 3ème trimestre 2020, soit 23.408,08 € outre soldes débiteurs de régularisations des charges des exercices 2019 et 2020 au prorata, soit la somme de 1.249,97 €.

En défense, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] invoque en substance :

$gt; son absence de carence dans la gestion du sinistre, alors qu'il a procédé en janvier 2020 aux travaux de remplacement du pied de chute de la descente d'eaux pluviales qui était fuyarde, après avoir accompli de nombreuses diligences, en dépit des difficultés rencontrées, notamment pour réaliser les travaux de rebouchage en raison de l'attitude de la société [D],

$gt; la faute de Madame [C] du fait du coffrage de la colonne commune, en violation des dispositions de l’article 42 de l’arrêté du 23 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de [Localité 10] que, « les chutes d’aisances, les descentes d’eaux ménagères et les descentes d’eaux pluviales sont établies de façon à être accessibles sur toute leur hauteur » (pièce n°21), les descentes d’eaux ménagères devant ainsi être accessibles,

$gt; l'absence de preuve des préjudices allégués, à savoir l’absence de perception des loyers entre le 1er septembre 2019 et le 30 septembre 2020 ainsi que le lien de causalité entre la fuite sur la descente d’eau pluviale et ce préjudice,

$gt; l'absence de réalisation d'une expertise judiciaire contradictoire, avant d’engager la présente procédure contentieuse au fond, alors que la cause de la fuite, donc le partage de responsabilités, n'est pas connue, une fissure sur une canalisation eaux pluviales n'apparaissant pas sans raison, que la révélation de cette fuite coïncide exactement avec la réalisation des travaux de la société [D] et que l'état des lieux d’entrée contradictoire et complet, du 5 août 2020, de plus de huit pages, ne révèle aucune trace de fuite ni aucune alerte, de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

Sur ce point, il précise qu'il a mandaté, par l'entremise de son syndic, la S.A.R.L. CPL COUVERTURE PLOMBERIE MACONNERIE, afin de : “procéder à une recherche de fuite aux fins de déterminer l'origine des traces d'humidité constatées dans le local du rez-de-chaussée & sous sol”. (Pièce n°2) et n'a fait qu'émettre des hypothèses à l’endroit de “la descente pluviale ?” ou de “l’immeuble mitoyen côté 29?” sans pour autant se priver d’autres hypothèses qui pourraient expliquer l’origine de ce dégât des eaux.

$gt; l'absence de lien de causalité entre la fuite sur la descente d'eau pluviale et le préjudice allégué, alors que Madame [C] a accepté de son propre chef, de ne pas percevoir de loyers, qu'en tout état de cause, les locaux pouvaient être exploités, et ce même avant la réparation de l’origine du sinistre par le syndicat des copropriétaires, et que la locataire n’a pas voulu exploiter partiellement le local, ne voulant pas proposer une offre incomplète à la clientèle (pièce adverse [C] n°23), la société [D] ayant fait le choix de ne pas exploiter les locaux alors qu’elle le pouvait.

Sur ce point, il fait valoir que les intervenants, et la société [D], prétendent que les travaux de rénovation ont été achevés en septembre 2019, sans en rapporter la preuve par une attestation de fin de travaux, tandis que les discussions à partir 27 janvier - changement de la colonne - se résument à la présence d’un trou, relativement petit (1 à 2 mètre carré tout au plus), placé en haut d'une cage d'escalier, situé au sous-sol d'un local de 82 m² (pièce n°18- e-mail du 26 août 2020), la société [D] ayant donc directement participé à son propre préjudice ou du moins au préjudice de Madame [C] qui lui a accordé une franchise de loyers conséquente.

$gt; l'allégation de préjudices par la société [D] qui ne sont pas imputables au syndicat des copropriétaires, préjudice financier à hauteur de 75 000 euros, préjudice moral à hauteur de 15 000 euros, préjudice lié à l’image de la société à hauteur de 15 000 euros.

Sur ce point, il souligne que :
- la société [D] a procédé à de mauvaises opérations de gestion en ne décidant pas d’exercer son activité depuis janvier 2020,
- elle ne peut pas plus alléguer le fait d’avoir été dans l’impossibilité d’user les locaux au visa de l’article 1728 du Code civil, alors que cette impossibilité doit être objective et ne doit pas être provoquée par le comportement du locataire (ex. : Civ. 3ème, 21 décembre 1987, n°86-13.861),
- en l’espèce, en ne se rendant pas dans les locaux, et a priori en n’aérant pas le bien loué malgré la présence de moisissures depuis la conclusion du bail commercial en date du 20 juillet 2019, la société [D] a aggravé l’état vétuste des locaux (pièces adverses n°5 et n°22 de Madame [C]),
- elle ne peut donc appeler en garantie le syndicat des copropriétaires à payer le montant de 26.878,12 euros à titre de dommages et intérêts pour le manque à gagner des loyers qu’elle a subi du 1er septembre 2019 au 30 septembre 2020 eu égard au commandement de payer en date du 11 octobre 2021 délivré à la demande de Madame [C] (pièces adverses n°1 et n°2 de la société [D]),
- à cela s'ajoutent des incohérences de la part de la société [D] en prétendant avoir contracté un prêt à hauteur de 28.604,34 euros en juin 2020 pour l’acquisition d’une machine à hauteur de 5.999 euros.

Sur la durée et le quantum des préjudices allégués, il souligne que :
- après avoir eu connaissance de la survenance du sinistre et de l’existence de la fuite par le gestionnaire des lots de Madame [C], il a immédiatement saisi le plombier de l’immeuble,
- les travaux de réparation de la colonne d’eau pluviale ont été réalisés le 30 janvier 2020,
- à compter de cette date, les travaux de remise en état pouvaient être effectués,
- le préjudice de Madame [C] a pris fin, aucun préjudice n’étant indemnisable au-delà de cette date,
- Madame [C] ne craint pas de solliciter le remboursement de l’intégralité des loyers sur plus d’un an, alors que la fuite était localisée et ne concernait qu’une toute petite partie des locaux, qui auraient pu être exploités pour partie, puisque seule une petite surface située au sous-sol était impactée par le sinistre en sorte que le reste des locaux était exploitable,
- en tout état de cause, tout le rez-de-chaussée aurait pu être exploité, comme il a précédemment été indiqué, le défaut d’exploitation des locaux étant imputable à la société [D] qui a pris la décision de pas exploiter partiellement les locaux alors qu’elle le pouvait (pièce adverse [C] n°23).

La S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS, qui dénie sa garantie, ajoute à titre subsidiaire que le préjudice de jouissance invoqué ne semble pas justifié sur la période alléguée alors que la réalisation des travaux, en janvier 2020, a mis un terme à la fuite et aurait permis de commencer quelques semaines plus tard l'exploitation des lieux, même si une partie des locaux correspondant à l'endroit où se trouvait la fuite devait encore faire l'objet des travaux de rebouchage, de coffrage et de peintures.

***
1-1 Sur les désordres, leur origine et les responsabilités :

La loi nouvelle s'applique aux situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur et non définitivement réalisées (Com., 25 septembre 2019, n° 16-24.151), même lorsque semblable situation fait l'objet d'une instance judiciaire (Civ. 3ème, 23 mars 2017, n° 16-11.081, 20 décembre 2018, n° 17-20010, 4 mars 2009, n° 07-20.578). Elle est donc applicable aux instances en cours, jusqu'à ce qu'elles aboutissent à une décision ayant un caractère définitif (Civ. 2ème, 18 novembre 1970, n° 69-13.723), en l'absence de dispositions transitoires contraires (Civ. 1ère, 7 juin 1995, n° 93-17.374).

Aux termes des dispositions du dernier alinéa de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 (article 11) applicable au présent litige, le syndicat « est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires », la référence au vice de construction ou au défaut d'entretien des parties communes ayant été supprimée.

La responsabilité de plein droit du syndicat est donc susceptible d'être engagée en présence de dommages causés aux copropriétaires ayant pour origine les parties communes, indépendamment de toute faute.

Il est par ailleurs constant qu'en application de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndicat des copropriétaires est responsable des désordres ayant pour origine les parties communes, sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’un comportement fautif donc même si aucun défaut d’entretien ne peut lui être reproché (Civ. 3ème, 28 mars 1990, n° 88-15.634).

La démonstration d’un dommage ayant pour origine les parties communes est la condition nécessaire mais suffisante pour justifier l’engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires sur ce fondement.

Le syndicat des copropriétaires ne peut s'en départir en prouvant qu'il n'a commis aucune faute mais doit démontrer, pour seules causes exonératoires possibles, l'existence d'un cas de force majeure, une faute de la victime ou le fait d'un tiers (ex. Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 29 octobre 2019, n° RG 18/00685 ; Cour d'appel de Pau, 2ème chambre, section 1, 28 janvier 2020, n° RG 18/01411).

Pour tout ce qui concerne les parties communes, les travaux d’entretien et de réparation incombent au syndicat des copropriétaires, en vertu de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

En l'espèce, il ressort des éléments de la procédure et des pièces produites que des désordres d'infiltration ayant affecté le local commercial loué à la S.A.S. [D] ont été causés par deux fuites d'une descente des eaux pluviales, partie communes, dont aucun élément technique ne permet d'établir qu'elles auraient été occasionnés par les travaux de rénovation des locaux réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la S.A.S. [D].

Le syndic de l'immeuble a d'ailleurs admis, à la suite de l'intervention de l'entreprise de plomberie CPL, que les infiltrations provenaient « de la chute pluviale de l'immeuble qui est fissurée » (pièce n° 8 produite en demande, courriel du 10 octobre 2019), ce qui est également confirmé par le rapport d'expertise amiable contradictoire « dégâts des eaux » établi par la société 3XPERT DIDIER FOX EXPERTISE, expert mandaté par l'assureur du syndicat des copropriétaires (pièce n° 1 produite par SWISSLIFE), qui confirme les conclusions de l'entreprise de plomberie EPL (pièce n° 4 produite par le syndicat des copropriétaires), en faisant état d'infiltrations d'eau dans le local professionnel loué à la société [D] ayant pour cause une « fuite sur colonne des eaux pluviales, passage en apparent dans le sous-sol du local professionnel de Mme [C], copropriétaire non occupante, donné en location à la Sté [D] » (rapport du 15/01/2020, page 2/3).

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du fait d'un tiers, nonobstant la concomitance des fuites relevées avec la réalisation de travaux de rénovation des locaux sous la maîtrise d'ouvrage du locataire, ou d'une faute de la victime, à l'origine des désordres et partiellement ou totalement exonératoires de responsabilité, s'agissant d'une colonne d'eau encastrée dans l'épaisseur du sol dont rien n'indique qu'elle aurait été cassée dans le cadre des travaux de rénovation réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la S.A.S. [D] et/ou qu'elle aurait été « coffrée » par Madame [C], qui n'est pas une professionnelle de la construction, à des fins esthétiques et en violation de stipulations expresses du règlement de copropriété de l'immeuble, nonobstant la violation alléguée des dispositions du règlement sanitaire du département de [Localité 10].

La responsabilité objective, sans faute, du syndicat des copropriétaires défendeur sera donc retenue sur le fondement des dispositions précitées de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, nonobstant les diligences accomplies par le syndic de l'immeuble dans le cadre de la gestion du sinistre.

En effet, en dépit de l'absence de réalisation d'une expertise judiciaire contradictoire, il n'est pas contesté, ni contestable au travers des pièces concordantes produites dans le cadre de la présente instance, que le sinistre a été provoqué par la rupture d'une canalisation commune de l'immeuble, de sorte qu'il appartenait au syndicat de veiller à la réparation de cette canalisation et que la responsabilité objective de ce dernier est engagée tant à l'égard du propriétaire bailleur que de son locataire, sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 (ex. : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4ème chambre B, 9 janvier 2007, n° RG 04/21248).

1-2 Sur les demandes indemnitaires :

1-2-1 Sur les demandes indemnitaires des consorts [O] :

Les consorts [O] ne rapportent aucun élément de preuve de nature à justifier leur demande indemnitaire formée à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] au titre de la franchise de loyer accordée à son locataire, alors même qu'il ressort des éléments de la procédure et des pièces produites que :

- l'état des lieux dressé contradictoirement le 5 août 2019 entre Madame [B] [C] et la S.A.S. [D] permet d'établir le mauvais état général préexistant du local commercial loué (pièce n° 6, consorts [O]), avec présence de traces de moisissures anciennes, de tâches et de gondoles et référence faite (page 4/8) à un précédent dégât des eaux,

- la S.A.S. [D] a entrepris des travaux de rénovation totale des locaux au mois de septembre 2019 (dont la date d'achèvement n'est pas justifiée), au regard notamment de leur état de dégradation avancée, de sorte que le lien de causalité entre les désordres d'infiltration faisant objet du présent litige et la franchise de loyer de 1.875 € accordée par le bailleur à son locataire, au mois de décembre 2019, n'est pas clairement établi,

- de surcroît, il ne ressort d'aucun élément de preuve que les désordres d'infiltration localisés au niveau du sous-sol des locaux (pièce n° 22, procès-verbal de constat d'huissier du 15 septembre 2020), qui ont été occasionnés par la fuite sur canalisation commune encastrée, auraient rendu les locaux loués, composés également d'une boutique de 33,70 m² et d'une arrière boutique de 12,95 m² en rez-de-chaussée, impropres à toute location (pièces n° 4 et 5 produites par les consorts [O], plans des locaux loués et contrat de bail commercial du 20 juillet 2019),

- il n'est pas davantage justifié au travers des pièces produites de l'allégation faite à l'huissier de justice par la S.A.S. [D] selon laquelle elle n'aurait pu « exploiter partiellement le local » en raison des désordres d'infiltration provenant des fuites sur canalisation commune de l'immeuble (pièce n° 23 produite par les consorts [O], courriel de l'huissier de justice en date du 6 octobre 2020), en l'absence d'élément permettant d'établir un quelconque risque de « propagation » d'odeurs dans l'ensemble des locaux loués, alors que des diligences étaient régulièrement accomplies par le syndic de l'immeuble afin de remédier à bref délai aux désordres provenant des parties communes,
- les fuites sur la colonne d'évacuation ont été réparées au mois de janvier 2020 par l'entreprise DEBARLE, qui indique avoir beaucoup de mal « à joindre la gérante du local commercial » (pièces n° 16 et 17 produites par le syndicat des copropriétaires), de sorte qu'il n'y avait plus d'infiltrations actives à cette date, nonobstant l'absence de rebouchage du trou, coffrages et peintures, subsistant au sous-sol à cette date (pièce n° 18 produite en demande courriel du cabinet FONCIA en date du 26 août 2020, accompagné de photographies).

Au regard de ces éléments, les consorts [O], venant aux droits de Madame [B] [C], devront être déboutés de leur demande de condamnation solidaire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et de la S.A. SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS à leur régler la somme de 1.875 € à titre de dommages et intérêts pour le manque à gagner de loyers à hauteur de la franchise accordée à la S.A.S. [D].

En revanche, ces derniers réclament à bon droit le paiement par la S.A.S. [D], qui ne justifie d'aucune impossibilité d'exploiter les locaux loués conformément à leur destination prévue au bail qui serait imputable au bailleur de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir d'aucune exception d'inexécution pour refuser le paiement des loyers (ex. : Civ. 3ème, 25 juin 2003, n° 01-15.364, deuxième moyen ; 22 mars 2018, n° 17-17.194, deuxième moyen), de la somme actuellement séquestrée de 23.408,08 € (pièces n° 27 et 35 à 37 produites par les consorts [O]) au titre des loyers et charges dues pour la période du 4ème trimestre 2019 au 3ème trimestre 2020 (22.158,11 €), outre la régularisation des charges sur la même période (1.249,97 €), avec intérêts au taux légal à compter des conclusions du 28 juillet 2022 sur la somme de 22.158,11 € et à compter des conclusions du 12 mai 2023 sur le surplus, soit la somme de 1.249,97 €.

1-2-2 Sur les demandes indemnitaires de la S.A.S. [D] :

La S.A.S. [D] ne justifie d'aucune impossibilité totale d'exploitation résultant des désordres d'infiltration provenant des fuites sur canalisation commune encastrée, mais d'une impossibilité partielle d'exploiter à l'origine d'une perte de chance de bénéficier d'un chiffre d'affaire supérieur, résultant de l'impossibilité d'utilisation des locaux en sous-sol, affectés d'une humidité importante, dont l'odeur pouvait être ressentie par un huissier de justice malgré la présence d'un masque de protection sanitaire sur le nez et la douche (pièce n° 22 produites par les consorts [O], procès-verbal de constat d'huissier du 15 septembre 2020, page 3), directement en lien avec les fuites sur canalisation commune encastrée précédemment relevées, sur la période du mois de décembre 2019, après réalisation des travaux de rénovation des lieux, jusqu'au mois d'août 2020, puis rebouchage du trou par l'entreprise TIAGO.

En application du principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit, en l'absence d'expertise comptable et au regard des pièces produites (pièces n° 5, 17 et 18 en particulier produites par la S.A.S. [D], attestations de chiffres d'affaire 2021 et 2022 et évaluation du potentiel de développement de l'entreprise par expert comptable au regard de l'emplacement du local et des statistiques nationaux en date du 4 février 2022), ce préjudice « financier et économique », incontestable dans son principe, sera justement indemnisé sur 9 mois à hauteur de la somme globale de 18.000,00 € (perte de chance de 50 % de réaliser un chiffre d'affaire de 4.000 € = 2.000,00 € x 9 mois = 18.000,00 €).

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] sera donc condamné au paiement de ladite somme à la S.A.S. [D] qui sera déboutée du surplus, non justifié, de sa demande indemnitaire formée au titre du préjudice financier et économique subi du fait de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaire minimum sur la période allant du mois de septembre 2019 au mois de mars 2022.

La S.A.S. [D] ne justifie par aucun élément de preuve de ses autres demandes indemnitaires formées au titre du « préjudice d'image et commercial subi sur la période allant du mois de septembre 2019 au mois de mars 2022 » et au titre du « préjudice moral et d'anxiété subi par la société [D] depuis la survenance du sinistre jusqu'à ce jour », lesdits préjudices n'étant justifiés ni dans leur principe, ni dans leur quantum.

Au surplus, les deux postes de préjudices revendiqués se recoupent pour partie alors qu'il est constant que que le préjudice moral d'une personne morale correspond précisément à une atteinte à son image (ex. Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Chambre 2, 12 septembre 2018, n° RG 15/16712), sa réputation, sa crédibilité (ex. : Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 24 juin 2021, n° RG 19/00176) ou son objet statutaire, laquelle n'est pas démontrée en l'espèce, aucune pièce n'étant versée aux débats de nature à justifier l'existence d'un quelconque préjudice moral pour discrédit, qui aurait été subi par la S.A.S. [D], et le fait que les dirigeants de celle-ci aient pu, le cas échéant, être affectés moralement et psychologiquement n'étant pas, à lui-seul, un élément suffisant pour justifier une indemnisation.

La S.A.S. [D] sera donc intégralement déboutée de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formées au titre du « préjudice d'image et commercial subi sur la période allant du mois de septembre 2019 au mois de mars 2022 » et au titre du « préjudice moral et d'anxiété subi par la société [D] depuis la survenance du sinistre jusqu'à ce jour ».

1-3 Sur le recours en garantie formé par la S.A.S. [D] à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] :

Il est de principe que dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du Code civil s'ils ne sont pas liés contractuellement entre eux ou des articles 1231-1 et suivants du Code civil s'ils sont liés contractuellement.

Un co-débiteur tenu in solidum, qui a exécuté l’entière obligation, ne peut, comme le co-débiteur solidaire, même s’il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que pour les parts et portion de chacun d’eux.

En l'espèce, compte tenu de l'impossibilité partielle d'exploitation des locaux loués subie par la locataire consécutivement aux désordres d'infiltrations provenant des fuites sur canalisation commune encastrée, précédemment caractérisée, et au regard du retard pris par le syndic de l'immeuble, qui ne justifie pas avoir régulièrement informé le propriétaire bailleur et/ou son locataire des dates d'intervention des entreprises qu'il a mandatées, dans la réalisation des travaux de réfection de la colonne d'évacuation puis de rebouchage des murs/coffre et mise en peinture, il convient de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à garantir la S.A.S. [D] des condamnations prononcées à son encontre au profit des consorts [O], venant aux droits de Madame [B] [C], à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre au titre des seuls loyers et charges allant du 1er trimestre 2020 au 3ème trimestre 2020 inclus (soit 30 % de la somme 16.618,59 €, pièce n° 3 : 22.158,11 € / 4 = 5.539,53 € x 3 = 16.618,59 €) ainsi qu'à hauteur de 30 % de la condamnation prononcée à son encontre au titre de la régularisation des charges du seul exercice 2020 (soit 30 % de la somme de 1.135,02 €, pièce n° 37), à l'exclusion des condamnations prononcées au titre des dépens et des frais irrépétibles.

La S.A.S. [D] sera déboutée du surplus, non justifié, de son recours en garantie formé à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] (surplus du recours en garantie formé au titre des loyers et charges du 4ème trimestre 2019 ainsi que de la régularisation des charges de l'exercice 2019, dépens et frais irrépétibles).

1-4 Sur le recours en garantie formé par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à l'encontre de son assureur, la S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] sollicite la mobilisation de la police multirisques habitation souscrite auprès de la compagnie SWISSLIFE sous le numéro 011207473-347.
Décision du 21 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/12903 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTN4N

Il souligne que la clause excluant la garantie des dommages résultant d'un défaut de réparation n'est pas formelle et limite et ne peut donc recevoir application, en ce qu'elle n'est pas conforme à l'article L. 113-1 du code des assurances, ce qui est le cas de l'exclusion de garantie figurant à l'article 6-7 des conditions particulières du contrat (Cass. Civ. 2ème 26 novembre 2020 n°19-20509 ; Cass. Civ. 2ème 12 décembre 2013 n°12-29862 ; Cass. Civ 2e, 6 octobre 2011, n° 10-10.001).

Il ajoute avoir pris à sa charge les frais de toutes les diligences engagées pour gérer au mieux le sinistre ainsi que les travaux de réparation et de réfection.

Il précise également que :
- ce n’est qu’à la suite des travaux de chantier entrepris par la société [D] qu’un dégât des eaux est apparu sans que cette dernière ne mette en cause les entreprises qu’elle a diligentées à cette fin,
- il est donc faux de penser que le syndicat des copropriétaires ait été au courant de cette fissure et que celle-ci aurait causé un dégât des eaux, sinon cet élément aurait été soulevé dans l’état des lieux d’entrée dressé par la société CONSTATIMMO.

La S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS fait état d'un défaut d'entretien et de réparation caractérisé excluant sa garantie en matière de dégâts des eaux, en application de l'article 6-7 des conditions particulières de sa police.

Elle ajoute que :
- il a fallu de longs mois avant que le syndic fasse établir un premier devis fin octobre 2019 puis un deuxième devis en décembre 2019, le plombier n'étant intervenu que le 29 janvier 2020 pour réparer la fuite et changer la colonne d'eau pluviale alors qu'une intervention d'urgence s'imposait,
- il a fallu attendre encore huit mois pour la réalisation des travaux de fermeture du mur et la réalisation des peintures, de sorte que le syndicat des copropriétaires est responsable des délais anormalement longs mis pour la réalisation des travaux,
- l'aléa est l'essence même du contrat d'assurance et doit perdurer tout au long de l'exécution du contrat jusqu'à sa résiliation,
- la clause d'exclusion de garantie invoquée est claire, compréhensible et dénuée de toute ambiguïté, de sorte qu'elle formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances.

***
Dans les assurances dégâts des eaux, l’assureur est tenu à garantie dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat, la date du sinistre étant celle de la manifestation du dommage (ex. : Civ. 1ère, 7 mai 2002, n° 98-18.168 ; Civ. 2ème, 2 juillet 2002, n° 99-14.493 ; Civ. 3ème, 14 octobre 2014, n° 13-18.604).

Aux termes de l'article 1964 du Code civil, le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain. Tel est le contrat d'assurance, qui est donc un contrat aléatoire dépendant du caractère incertain de l'événement.

Décision du 21 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/12903 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTN4N

L'article L. 113-1 du Code des assurance dispose que : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

En l'espèce, la clause d'exclusion de la garantie « dégâts des eaux » invoquée par l'assureur (pièce n° 4, SWISSLIFE, article 6.7 de la police multirisques immeubles Assurimo, page 29) pour les dommages « résultant d'un défaut permanent et volontaire d'entretien ou d'un manque de réparations indispensables incombant à l'Assuré (sauf cas de force majeure) » ne se réfère pas à des critères précis et hypothèses limitativement énumérées de nature à permettre à l'assuré de savoir, avec certitude, dans quels cas et à quelles conditions il n'est pas garanti, de sorte qu'elle n'est pas formelle et limitée et qu'elle ne peut donc recevoir application en raison de son imprécision.

La notion non définie de défaut de réparation ou d'entretien incombant à l'assuré reste générale, vague et non limitée, en ne visant pas des hypothèses limitativement énumérées de sorte qu'elle ne permet pas à l'assuré de connaître avec précision l'étendue de la garantie dont il bénéficie, cette clause ne pouvant donc recevoir application, en ce qu'elle n'est ni formelle, ni limitée (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 2, Chambre 1, 25 janvier 2017, n° RG 14/00382 ; Civ. 3ème, 26 septembre 2012, n° 11-19.117, publié au bulletin ; Civ. 2ème, 12 décembre 2013, n° 12-25.777, 15 janvier 2015, n° 13-19.405, 12 novembre 2020, n° 19-17.954, etc).

Par ailleurs, si le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], qui n'a jamais refusé de procéder aux travaux nécessaires de réfection de la canalisation défectueuse de l'immeuble et qui a accompli de nombreuses diligences à ce titre (pièces n° 1 à 20 produites par le syndicat des copropriétaires), a pu faire preuve d'une certaine inertie dans la gestion du sinistre dénoncé par Madame [B] [C] en septembre 2019, il ne résulte de ces seuls éléments aucun manquement délibéré du syndicat des copropriétaires ayant eu pour effet de retirer au contrat d'assurance son caractère aléatoire ni d'aucune prise de risque ayant faussé l'élément aléatoire attaché à la couverture du risque, dès lors qu'il n'est ni allégué ni reproché au syndicat des copropriétaires une abstention volontaire de réaliser les travaux de réparation nécessaires après avoir été informé de l'existence d'infiltrations, l'existence d'un défaut d'entretien ne suffisant pas en soi, à le supposer caractérisé, à établir l'absence d'aléa inhérent au contrat d'assurance (ex. : Civ. 3ème, 24 mars 2016, n° 15-16.765, premier moyen).

Le sinistre étant intervenu pendant la période de validité du contrat (pièce n° 3 produite par SWISSLIFE, dispositions particulières de la police n° 011207473-347, à effet au 01/01/2013) et n'étant pas dû à une faute intentionnelle ou dolosive du syndicat des copropriétaires, de sorte qu'à la date de souscription du contrat, l'événement était bien aléatoire, la garantie de la S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS est parfaitement mobilisable en l'espèce.

Dans ces conditions, il convient de condamner la S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS à garantir son assuré, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent jugement, en principal, frais et accessoires, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles.

II – Sur la demande reconventionnelle formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] en remboursement de frais de recherche de fuite :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] fait valoir que ces frais auraient dû incomber à la société [D] ou à Madame [C], en qualité de propriétaire, de même que les frais de réfection des murs endommagés, qui auraient dû être pris en charge par l'assurance de la société [D] et n'avaient pas à être avancés par le syndicat des copropriétaires.

***
Il est établi que les désordres d'infiltration occasionnés aux locaux appartenant aux consorts [O], venant aux droits de Madame [B] [C], ayant été loués à la S.A.S. [D], provenaient d'une canalisation, partie commune, de sorte que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], dont la responsabilité objective est engagée à ce titre sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, est mal fondée à solliciter le remboursement par la S.A.S. [D] et Madame [B] [C] des sommes qu'elle a acquittées au titre des frais de recherche de fuite par la société CPL (pièce n° 4) et de réfection des murs endommagés (pièce n° 19).

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] sera donc intégralement débouté de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 2.250,90 € en remboursement des sommes avancées au titre de la recherche de fuite et des travaux de réfection des murs endommagés par le sinistre.

III – Sur les autres demandes :

S'agissant d'une assignation délivrée postérieurement au 1er janvier 2020 (II de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019), l'exécution provisoire est de droit, à moins que la décision rendue n'en dispose autrement, en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.

Aucun élément ne justifie en l'espèce que l'exécutoire provisoire, qui est compatible avec la nature de la présente affaire, soit écartée, conformément à l'article 514-1 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], la S.A. SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS et la S.A.S. [D], qui succombent, seront condamnés in solidum aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme globale de 3.500,00 € aux consorts [O], venant aux droits de Madame [B] [C], au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé à Maître Valérie FIEHL.
Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles, ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Reçoit Madame [V] [O], épouse [U], et Monsieur [L] [O], venant aux droits de feu Madame [B] [C], en leur intervention volontaire,

Déclare le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] responsable de désordres d'infiltration subis par Madame [V] [O], épouse [U], et Monsieur [L] [O], venant aux droits de feu Madame [B] [C], ainsi que par la S.A.S. [D], sur le fondement des dispositions de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,

Déboute Madame [V] [O], épouse [U], et Monsieur [L] [O], venant aux droits de Madame [B] [C], de leur demande de condamnation solidaire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et de la S.A. SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS à leur régler la somme de 1.875 € à titre de dommages et intérêts pour le manque à gagner de loyers à hauteur de la franchise accordée à la S.A.S. [D],

Condamne la S.A.S. [D] à payer à Madame [V] [O], épouse [U] et Monsieur [L] [O], venant aux droits de Madame [B] [C], la somme de 23.408,08 € au titre des loyers et charges dues pour la période du 4ème trimestre 2019 au 3ème trimestre 2020 (22.158,11 €), outre la régularisation des charges sur la même période (1.249,97 €), avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2022 sur la somme de 22.158,11 € et à compter du 12 mai 2023 sur le surplus, soit la somme de 1.249,97 €,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à payer à la S.A.S. [D] la somme de 18.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et économique du fait de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaire supérieur sur la période du mois de décembre 2019 au mois d'août 2020 inclus,

Déboute la S.A.S. [D] du surplus de sa demande indemnitaire formée au titre du préjudice financier et économique subi du fait de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaire minimum sur la période allant du mois de septembre 2019 au mois de mars 2022,

Déboute la S.A.S. [D] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formées au titre du « préjudice d'image et commercial subi sur la période allant du mois de septembre 2019 au mois de mars 2022 » et au titre du « préjudice moral et d'anxiété subi par la société [D] depuis la survenance du sinistre jusqu'à ce jour »,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à garantir le S.A.S [D] des condamnations prononcées à son encontre au profit de Madame [V] [O], épouse [U], et Monsieur [L] [O], venant aux droits de Madame [B] [C], à hauteur de 30% des condamnations prononcées à son encontre au titre des seuls loyers et charges allant du 1er trimestre 2020 au 3ème trimestre 2020 inclus (soit 30 % de la somme 16.618,59 €) ainsi qu'à hauteur de 30 % de la condamnation prononcée au titre de la régularisation des charges du seul exercice 2020 (soit 30 % de la somme de 1.135,02 €), à l'exclusion des condamnations prononcées au titre des dépens et des frais irrépétibles,

Déboute la S.A.S. [D] du surplus de son recours en garantie formé à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2],

Condamne la S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS à garantir son assuré, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent jugement, en principal, frais et accessoires, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] de l'intégralité de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 2.250,90 € en remboursement des sommes avancées au titre de la recherche de fuite et des travaux de réfection des murs endommagés par le sinistre,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], la S.A. SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS et la S.A.S. [D], aux entiers dépens,

Accorde à Maître Valérie FIEHL le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], la S.A. SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS et la S.A.S. [D] à payer à Madame [V] [O], épouse [U] et Monsieur [L] [O], venant aux droits de Madame [B] [C], la somme globale de 3.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles, ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 21 Mars 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 20/12903
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;20.12903 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award