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20/03/2024 | FRANCE | N°23/03834

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 2ème section, 20 mars 2024, 23/03834


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 2ème section


N° RG 23/03834 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZEBG

N° MINUTE : 3




Assignation du :
23 Février 2023









JUGEMENT
rendu le 20 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [O] [Y]
[Adresse 5]
[Adresse 5]

représenté par Maître Jean-noël SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0409




DÉFENDERESSE

DIRECTION GENERALE DES FINANC

ES PUBLIQUES [Localité 9] ET DE [Localité 10]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représenté par son Inspecteur





Décision du 20 Mars 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 23/03834 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZEBG

COM...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 2ème section

N° RG 23/03834 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZEBG

N° MINUTE : 3

Assignation du :
23 Février 2023

JUGEMENT
rendu le 20 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [O] [Y]
[Adresse 5]
[Adresse 5]

représenté par Maître Jean-noël SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0409

DÉFENDERESSE

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES [Localité 9] ET DE [Localité 10]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représenté par son Inspecteur

Décision du 20 Mars 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 23/03834 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZEBG

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Gilles MALFRE, 1er Vice-président adjoint,
Alexandre PARASTATIDIS, Juge
Augustin BOUJEKA, Vice-Président,

assistés de Clarisse GUILLAUME, Greffière lors de l’audience et de Chloé DOS SANTOS, Greffière, lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 10 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Alexandre PARASTATIDIS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 20 mars 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

Suite au contrôle de sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune (ci-après ISF) au titre de l'année 2017, la direction nationale des vérifications de situations fiscales a notifié à M. [O] [Y] une proposition de rectification en date du 24 févier 2020, après avoir procédé à la réévaluation de ses titres dans les sociétés civiles immobilières Le clos de l'entre-deux, Hibiscus et Rothim.

M. [Y] a contesté la position de l'administration qui a cependant maintenu partiellement les rectifications par réponse en date du 23 novembre 2020.

Les impositions ont été mises en recouvrement le 23 février 2021 pour un montant de 13.154 euros en droits et de 2.315 euros de pénalités, soit une somme totale de 15.469 euros.

Par lettre de son conseil en date du 21 novembre 2022, reçue le 24 novembre suivant, M. [Y] a formé une réclamation contentieuse que l'administration a rejetée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 décembre 2022.

C'est dans ces conditions que par exploit de commissaire de justice du 23 février 2023, constituant ses seules écritures, M. [Y] a fait assigner la direction régionale des finances publiques d'[Localité 9] et de [Localité 10] (ci-après l'administration) devant le tribunal judiciaire auquel il est demandé, aux visas des articles R.196-1 et R.196-2 du livre des procédures fiscales et 38-2 du code général des impôts, de :
" - Déclarer la demande de Monsieur [O] [Y] recevable et bien fondée, et en conséquence :
- Décharger M. [Y] de l'imposition 1SF pour 2017, pour un montant de 15.469 euros,
- Condamner la Direction Régionale des Finances Publiques d'[Localité 9] et de [Localité 10]-Pôle, à payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la Direction Régionale des Finances Publiques d'[Localité 9] et de [Localité 10]- Pôle, aux entiers dépens,
- Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Jean-Noél SANCHEZ pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision. "

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 septembre 2023, signifiées le 15 septembre 2023, l'administration demande au tribunal de :

"- Confirmer la décision de rejet du 23 décembre 2022 ;
- Confirmer les rappels effectués par l'administration ;
- Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de M. [Y] ;
- Le condamner en outre à tous les dépens de l'instance. "

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour l'exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes.

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 29 novembre 2023 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience tenue en juge rapporteur du 10 janvier 2024 à laquelle elle a été évoquée et mise en délibéré au 20 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur l'effet interruptif de la proposition de rectification du 24 février 2020

M. [Y] soutient que la proposition de rectification du 24 février 2020 n'a pas valablement interrompu la prescription dans la mesure où l'administration n'a pas opéré de distinction entre les biens propres et les biens détenus en commun avec son épouse, en violation de l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH), et donc fixé ses bases de taxation avec une approximation suffisante au sens des articles L.55 et L.57 du livre des procédures fiscales.

Il précise que la solidarité entre époux ne saurait créer la communauté de biens et, se fondant sur les articles 544 et 545 du code civil, il ajoute que la taxation commune de biens propres reviendrait à provoquer une expropriation rampante sur des biens propres.

Il sollicite en conséquence du tribunal qu'il saisisse la Cour Européenne des droits de l'homme (CEDH) de cette question à titre préjudiciel.

En réplique, l'administration soutient que l'assiette de l'impôt est constituée par l'intégralité du patrimoine de personnes mariées faisant l'objet d'une imposition commune et qu'au cas particulier, il ressort des déclarations de M. [Y] que ce dernier est marié à Mme [C] [Y].

Elle conclut en conséquence au rejet de la demande de saisine de la CEDH.

Sur ce,

L'article 885 A du code général des impôts dispose que :
" Sont soumises à l'impôt annuel de solidarité sur la fortune, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à 1. 300. 000 € :
1° Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ou hors de France.
Toutefois, les personnes physiques mentionnées au premier alinéa qui n'ont pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles ont leur domicile fiscal en France ne sont imposables qu'à raison de leurs biens situés en France.
Cette disposition s'applique au titre de chaque année au cours de laquelle le redevable conserve son domicile fiscal en France, et ce jusqu'au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle le domicile fiscal a été établi en France ;
2° Les personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France.
Sauf dans les cas prévus aux a et b du 4 de l'article 6, les couples mariés font l'objet d'une impo-sition commune.
Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l'article 515-1 du code civil font l'objet d'une imposition commune.
Les conditions d'assujettissement sont appréciées au 1er janvier de chaque année.
Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 R ne sont pas pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. "

L'article 885 E du même code, dans sa version antérieure applicable, dispose que :
" L'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er jan-vier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A, ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci.
Dans le cas de concubinage notoire, l'assiette de l'impôt est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant à l'un et l'autre concubins et aux enfants mineurs mentionnés au premier alinéa. "

Par ailleurs, l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH énonce que :
" Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens confor-mément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. "

Selon une jurisprudence constante de la CEDH, l'imposition fiscale constitue en principe une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de l'article 1 du Protocole n° 1. Cependant, cette ingérence se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions. La Cour a précisé que le second alinéa de l'article 1 du Protocole n° 1 doit se lire à la lumière du principe consacré par la première phrase de l'article. Il s'ensuit qu'une mesure d'ingérence doit ménager un "juste équilibre" entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. Par conséquent, l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de contributions peut léser la garantie consacrée par cette disposition si elle impose à la personne ou à l'entité en cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à leur situation financière.

Par ailleurs, la Cour a expliqué qu'il appartient en premier lieu aux autorités nationales de décider du type d'impôts ou de contributions qu'il convient de lever. Les décisions en ce domaine impliquent normalement une appréciation des problèmes politiques, économiques et sociaux que la Convention laisse à la compétence des États parties, car les autorités internes sont manifestement mieux placées que la Cour pour apprécier ces problèmes. Les États parties disposent donc en la matière d'un large pouvoir d'appréciation et la Cour respecte l'appréciation portée par le législateur en pareilles matières, sauf si elle est dépourvue de base raisonnable.

En l'espèce, si M. [Y] soutient une violation de l'article 1 du protocole additionnel précité, il convient de relever qu'il n'allègue pas et n'établit pas davantage que l'imposition commune des époux, sur la base d'une masse commune entre biens propres et biens communs, a eu pour effet d'une part de le soumettre à l'ISF, étant observé que la valeur de ses seuls biens dépasse le seuil de 1,3 millions fixé par l'article 885 A précité, ni de porter la somme des impôts à un niveau excessif. Il ne justifie pas non plus de l'obligation de céder une partie de son patrimoine pour acquitter ses charges fiscales.

Par ailleurs, cette imposition commune à l'ISF se justifie par la communauté d'intérêts existant au sein des couples mariés, quel que soit leur régime matrimonial, dont découle l'établissement d'une seule déclaration qui regroupe l'ensemble de leurs biens, droits et valeurs imposables constituant ainsi l'assiette de l'ISF définie à l'article 885 E qui répond également à la nécessité de prévenir tout risque de fraude et ainsi aux exigences de l'intérêt général de la communauté, au sens de la Convention, exigences que M. [Y] n'allègue pas être déraisonnables.

Il résulte de ces éléments que les dispositions des articles 885 A et 885 E ne présentent pas de caractère excessif au sens du protocole n°1 additionnel de la CESDH et qu'aucune at-teinte fondamentale à la situation financière de M. [Y] n'est établie.

De plus, en application de l'article 768 du code de procédure civile, le tribunal n'est tenu de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Au cas particulier, M. [Y] sollicite du tribunal un renvoi préjudiciel devant la CEDH sans reprendre cette prétention dans le dispositif de ses écritures. Par suite, le tribunal n'est pas saisi d'une telle demande et il n'y a pas lieu de statuer sur celle-ci, étant relevé que le protocole n°16 à la CEDH réserve aux seules hautes juridictions des États signataires, à savoir le Conseil d'Etat et la Cour de cassation s'agissant de la France, la faculté d'adresser à la CEDH des demandes d'avis consultatifs sur des questions de principe relatives à l'interprétation ou à l'application des droits et libertés définis par la convention et ses protocoles.

Enfin, s'agissant du moyen tiré d'une expropriation rampante sur des biens propres, M. [Y] ne présente aucun argument démontrant une atteinte progressive à son droit de propriété du fait de l'imposition commune des époux.

Le moyen est dès lors rejeté.

En conséquence, l'administration n'avait pas à distinguer les biens propres et communs des époux [Y] soumis à une imposition commune dans sa proposition de rectification en date du 24 février 2020 qui a donc interrompu le délai de prescription.

2 - Sur la valorisation de l'actif des titres des SCI

A titre liminaire, l'administration entend préciser que M. [Y] détient directement des titres de la SCI Le clos de l'entre-deux ainsi que de la SCI Rothim qui elle-même détient notamment des participations dans les SCl Le clos de l'entre-deux et Hibiscus.

2.1 - Sur la valorisation des titres de la SCI Le clos de l'entre-deux

2.1.1 - Sur la composition de l'actif

M. [Y] soutient que l'administration a inclus, à tort, à l'actif de la SCI Le clos de l'entre-deux un stock de marchandises pour une valeur de 682.899 euros faisant valoir que celui-ci est un élément concourant à la réalisation du chiffre d'affaires et non un élément permanent au sens des autres actifs immobilisés. Il ajoute que l'administration reconnaît ainsi que la SCI est " traitée comme commerciale " et donc le caractère professionnel des participations qui sont dès lors exonérées de l'ISF.

En réplique, l'administration fait valoir que les titres de la SCI Le clos de l'entre-deux n'étant pas cotés, il convient d'en déterminer la valorisation selon la méthode mathématique retenue par le demandeur dans sa réponse au service de contrôle en date du 19 avril 2019, ce qui induit de retenir l'ensemble des éléments de l'actif de la société qui est constitué d'une part de l'actif immobilisé et, d'autre part, de l'actif circulant dont relève le stock de marchandises.

Sur ce,

L'article 666 du code général des impôts dispose que les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs.

L'article L.37 du livre des procédures fiscales ajoute qu'en ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxes, l'administration peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L.55 du même livre, l'administration devant rapporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations.

La base de l'ISF étant le patrimoine du contribuable, des parts de SCI constituent dès lors un actif patrimonial imposable au titre de cet impôt.

En l'espèce, il résulte de la proposition de rectification en date du 24 février 2020, ce que ne conteste pas le demandeur, qu'en réponse à une demande de l'administration de justifier de la détermination de la valorisation de sa participation détenue dans la SCI Le clos de l'entre-deux au titre de l'ISF pour l'année 2017, celui-ci a par lettre du 19 avril 2019 précisé les éléments lui ayant permis de déterminer cette valorisation selon la méthode mathématique, en retranchant de l'actif le passif après correction des plus-values latentes et amortissements.

Dès lors, M. [Y] ne saurait faire grief à l'administration d'avoir réévalué les parts de la SCI selon cette méthode qu'il a lui-même appliquée et qui ne vaut nullement reconnaissance par la défenderesse du caractère commercial de la structure.

Or, comme le relève l'administration, l'actif circulant, catégorie à laquelle appartient les stocks, fait partie intégrante de l'actif qui sert de base à la valorisation des parts de sociétés civiles immobilières.

Au cas particulier, le demandeur ne conteste pas que les stocks retenus par l'administration dans sa valorisation étaient constitués au 31 décembre 2016 des biens immobiliers suivants acquis au cours de l'exercice 2016 : un terrain de 535 m² avec une maison de type T5, sis [Adresse 1] acquis le 19 avril 2016 pour 230 000 euros ; un terrain à bâtir de 1 371 m², sis [Adresse 1] acquis le 19 avril 2016 pour 185.000 euros puis revendu par lots pour les prix respectifs de 115.000 euros le 10 février 2017, 124.000 euros le 28 mars 2017 et 140.000 euros le 16 juin 2017 ; un terrain avec deux maisons de type F4, sis [Adresse 8] acquis le 16 Septembre 2016 pour 230.000 euros, revendu par lots pour les prix respectifs de 268.000 euros le 4 avril 2017 et 265.000 euros le 29 mars 2017.

En conséquence, l'administration était bien fondée à inclure dans l'actif de la SCI Le clos de l'entre-deux le stock de marchandises pour une valeur de 682.899 euros.

Le moyen est dès lors rejeté.

2.1.2 - Sur la valorisation de l'appartement situé à [Localité 7]

M. [Y] fait valoir que le bien situé [Adresse 4] a été apporté à la SCI Le clos de l'entre-deux le 29 avril 2013 pour un montant de 61.000 euros et qu'il n'en est donc pas personnellement propriétaire. Il ajoute que dans ces conditions l'administration ne pouvait procéder à sa revalorisation que par voie de rectification au bilan de la SCI dans les conditions de l'article 38-2 du code général des impôts, ce qu'elle n'a pas fait. Il ajoute que la défenderesse reconnaît que la valeur du bien était de 61.000 euros au 31 décembre 2016 et que l'intangibilité du bilan d'ouverture de l'exercice 2017 s'oppose à ce que l'administration lui donne une valeur de 87.500 euros, soulevant dès lors le caractère erroné du prix au m² retenu par la défenderesse. Il ajoute que ces valeurs ont par ailleurs été de manière " grossière " additionnées et non substituées par la défenderesse.

En réplique, l'administration entend rappeler que la valeur vénale réelle d'un immeuble est déterminée par le libre jeu de l'offre et de la demande et que pour rechercher le prix en résultant, la jurisprudence admet la méthode d'évaluation par comparaison directe avec des cessions antérieures au fait générateur de l'impôt, portant sur des biens intrinsèquement similaires en fait et en droit sans qu'il soit exigé que les termes de comparaison soient strictement identiques au bien à évaluer.

Elle expose qu'au cas particulier, elle a fait application de cette méthode au bien qui a été, dans un premier temps, acquis par M. [Y] le 12 septembre 2011 par échange d'immeubles, celui-ci ayant reçu une soulte de 38.000 euros en sus de l'appartement évalué à la somme de 61.000 euros, puis apporté à la SCI Le Clos de l'entre-deux le 29 avril 2013 pour la somme de 61.000 euros avant d'être cédé le 6 juillet 2017 au prix de 140.000 euros.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas utilisé la somme mathématique des trois termes de comparaison correspondant à des biens vendus au cours de l'année 2016 mais la moyenne des prix de vente au m² de ceux-ci au 31 décembre 2016, valeur équivalente à celle retenue au 1er janvier 2017 et servant de base imposable à l'ISF pour l'année 2017.

Enfin, elle ajoute qu'elle n'avait pas à appliquer les dispositions de l'article 38-2 du code général des impôts dès lors qu'il s'agissait de déterminer la valorisation de la participation de M. [Y] dans la SCI Le clos de l'entre-deux et non le bénéfice de cette société.

Elle conclut en conséquence au rejet du moyen.

Sur ce,

Décision du 20 Mars 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 23/03834 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZEBG

Il est de principe que la valeur vénale d'un immeuble est déterminée par le libre jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel qui seul fait ressortir le prix que le propriétaire pourrait obtenir du bien considéré, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve avant la mutation, l'évaluation étant faite par la comparaison de termes possédant des caractéristiques similaires au bien litigieux mais non strictement identiques, en nombre suffisant, cette valeur vénale des immeubles étant en outre déterminée par comparaison avec le prix de vente de biens intrinsèquement similaires antérieurement à la date de la mutation soumise à la formalité ou au fait générateur.

Il s'ensuit qu'en application des dispositions de l'article L.17 du code des procédures fiscales, lorsque l'administration des impôts entend substituer à la valeur déclarée, la valeur vénale réelle du bien en cause, il lui appartient dès la notification du redressement de justifier l'évaluation par elle retenue au moyen d'éléments de comparaison, en nombre suffisant, tirés de la cession, à une date proche du fait générateur de l'impôt, de biens intrinsèquement similaires.

Est ainsi suffisamment motivée la proposition de redressement portant sur la valeur d'un immeuble qui énumère les ventes invoquées à titre d'éléments de comparaison, les adresses, les descriptions complètes et les références à la conservation des hypothèques, ce qui a permis au contribuable de discuter la valeur retenue, et qui comporte ainsi toutes les précisions utiles, d'une part, sur les raisons ayant permis à l'administration de considérer que les biens cités concernaient des biens intrinsèquement similaires au bien litigieux et, d'autre part, sur les critères retenus pour parvenir à l'évaluation retenue par le service.

En l'espèce, comme le relève l'administration, la valeur vénale du bien litigieux a pour objet de déterminer la valorisation de la participation du demandeur dans la SCI Le clos de l'entre-deux et non de déterminer le bénéfice de cette dernière. Il n'y avait dès lors pas lieu de faire application des dispositions de l'article 38-2 précité relatif à la détermination de ce bénéfice.

L'administration était dès lors bien fondée à procéder à la revalorisation de la participation du requérant dans la SCI Le clos de l'entre-deux en procédant à une valorisation du bien par la méthode par comparaison.

Il est par ailleurs constant que le bien litigieux est un appartement de 54 m² situé au [Adresse 4] dans un immeuble construit en 1961, de catégorie cadastrale 6, situé en rez-de-chaussée, comprenant une entrée, une cuisine, une salle de séjour, deux chambres, salle de bain, water-closet et loggia, outre une cave de 4 m².

L'administration a retenu un prix moyen pour la période considérée qui s'élève à 2.750 euros, soit une valeur vénale de 148.500 euros.

Pour ce faire, elle a retenu les termes de comparaisons suivants :
oVente du 5 octobre 2016 (publiée le 18 octobre 2016), d'un appartement de 54 m² situé au 1er étage du [Adresse 6], construction 1961, au prix de 147.700, soit 2.735 euros/m² ;
oVente du 14 décembre 2016 (publiée le 6 janvier 2017), d'un appartement de 54 m² situé au 3ème étage du [Adresse 6], construction 1961, au prix de 150.000, soit 2.777 euros/m² ;
oVente du 2 septembre 2016 (publiée le 28 septembre 2016), d'un appartement de 54 m² situé au 2ème étage du [Adresse 3], construction 1961, au prix de 148.000, soit 2.740 euros/m².

Au cas particulier, les mutations citées par l'administration portent sur des biens situés dans la même rue que le bien litigieux et présentant des caractéristiques intrinsèquement similaires entre eux en termes notamment de superficie et de date de construction.

En conséquence, ces ventes constituant des termes de comparaison pertinents, il n'y a pas lieu de remettre en cause la rectification opérée par l'administration sur la base d'une valeur vénale qui est par ailleurs cohérente avec le prix de vente du bien cédé le 6 juillet 2017 pour 140.000 euros.

Le moyen est donc rejeté.

2.2 - Sur la valorisation des titres de la SCI Rothim

M. [Y] soutient tout d'abord que les titres des SCI en cause se sont vues reconnaître la qualification de biens professionnels par l'administration dans le cadre de précédents contrôles et qu'elles sont dès lors exonérées d'ISF.

S'agissant de la valorisation de la participation que détient la SCI Rothim dans la SCI Le clos de l'entre-deux, M. [Y] fait valoir que l'administration n'a jamais opéré de rectification des valeurs d'actif de la SCI Rothim sur le fondement de l'article 38.2 du code général des impôts et/ou par la réintégration d'un produit exceptionnel lié à la revalorisation de l'actif, et qu'elle ne pouvait dès lors pas augmenter la valeur de ces participations à la somme de 619.060 euros. Il prend cependant acte de ce que la défenderesse indique finalement n'avoir augmenté la valeur de ces participations que de 44.009 euros.

Concernant la valorisation de la participation que détient la SCI Rothim dans la SCI Hibiscus, M. [Y] fait valoir que l'administration ne peut valoriser une participation dans une société en la réduisant à la seule valeur des actifs dès lors que la détention d'un titre de société confère à son titulaire non pas un droit réel mais un droit personnel. Il soutient dès lors que seule la valeur des capitaux propres est opposable, valeur qui au cas particulier n'a pas été remise en cause par l'administration dans le cadre du contrôle de la société Rothim et fait ainsi grief à l'administration, sur laquelle pèse la charge de la preuve, de ne pas motiver le rehaussement de 619.000 euros, celle-ci ne produisant aucun élément de calcul du rehaussement dont elle se prévaut cependant dans sa décision de rejet.

En réplique l'administration conteste toute prise de position dans les contrôles réalisés antérieurement sur l'éligibilité des sociétés civiles immobilières en cause au régime des biens professionnels à l'ISF. Elle ajoute que la SCI Rothim qui a une activité de holding et de location de son patrimoine immobilier, gère son propre patrimoine mobilier et immobilier et ne saurait être qualifiée de bien professionnel exonéré d'ISF au sens de l'article 885 O quater du code général des impôts, tout comme les autres sociétés civiles immobilières. Elle soutient par ailleurs que l'argument du requérant, non étayé par des justificatifs, selon lequel lesdites sociétés ont une activité commerciale dont il tire l'essentiel de ses revenus n'est pas de nature à écarter les dispositions de l'article 885 O quater précité. Dès lors, elle conclut au bien-fondé des rehaussements exposant avoir augmenté la valeur de la participation de la SCI Rothim dans la SCI Le clos d'entre-deux que de seulement 44.009 euros et, concernant la revalorisation des titres de la SCI Hibiscus pour déterminer la valeur de la SCI Rothim, retenu la somme de 619.060 euros en calculant la différence entre la valorisation faite par elle de la participation de la SCI Rothim fixée à la somme de 1.179.060 euros à la clôture de l'exercice 2016 et la valeur de la participation de la même société retenue par le demandeur à hauteur de 560.000 euros.

Sur ce,

L'article 885 O bis du code général des impôts, dans sa version applicable au litige, dispose que les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont considérées comme des biens professionnels sous certaines conditions.

L'article 885 O quater ajoute que les parts ou actions de sociétés ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier ne sont pas considérées comme des biens professionnels.

En l'espèce, M. [Y] détient directement des titres de la SCI Le clos de l'entre-deux ainsi que de la SCI Rothim qui elle-même détient notamment des participations dans les SCl Le clos de l'entre-deux et Hibiscus.

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à M. [Y], qui revendique le bénéfice de l'exonération de ses participations dans les sociétés civiles professionnelles, de rapporter la preuve de l'activité commerciale de celles-ci.

Or, le demandeur ne produit aucun document démontrant que les sociétés ont une autre activité principale que celle de gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier.

Il ne verse par ailleurs aux débats aucun élément démontrant que l'administration aurait reconnu lors de précédents contrôles de ces structures leur éligibilité au régime des biens professionnels exonérés de l'ISF.

Dès lors, les parts détenus par le demandeur dans les SCI Le clos de l'entre-deux, Hisbicus et Rothim, doivent être intégrées dans la base taxable au titre de cet impôt.

S'agissant de la valorisation de la participation de la SCI Rothim dans la SCI Le clos d'entre deux, comme indiqué par l'administration dans sa décision de rectification, cette participation a été valorisée par M. [Y] à 32.500 euros pour une participation de 8,40% du capital. Or, il résulte des développements précédents que la SCI Le clos d'entre deux était, compte tenu de la revalorisation par l'administration des biens qu'elle détenait, valorisée à 910.830 euros, soit pour une participation de 8,40% du capital, une valorisation de 76.509 euros à la clôture de l'exercice 2016. L'administration était donc bien fondée à procéder à un rehaussement de (76.509 - 32.500) 44.009 euros.

S'agissant de la valorisation de la SCI Rothim dans la SCI Hibiscus, l'administration indique en page 10 de sa proposition de rectification en date du 24 février 2020 que la participation de la SCI Rothim à la clôture de l'exercice 2016 est valorisée par elle à la somme de 1.179.060 euros en renvoyant à l'annexe de ce document qui n'est produite par aucune des parties.

Cependant, dans sa réponse en date du 23 novembre 2020 aux observations de M. [Y], l'administration relève en page 2 de ce document que le contribuable ne conteste ni la méthode de calcul consistant à combiner valeurs mathématique et de productivité ni la détermination de la valeur mathématique retenue pour 791.100 euros. Elle ajoute avoir utilisé le taux de capitalisation, et non de rendement, afin de déterminer, par rapport au résultat net de la société, la valeur de productivité de celle-ci et reproduit les différentes étapes de ce calcul en reproduisant un extrait de l'annexe précitée qui aboutit à la détermination d'un taux de productivité de 1,71% en 2016, précisant substituer la valeur de 0,5 à celle de 0,3 initialement retenue pour la prime de risque, seule variable de ce calcul, qui correspond à un risque en " haut de la fourchette " dans le secteur de l'immobilier dans lequel exerce la structure, et ce suite aux observations du demandeur.

Il ressort de ces éléments que l'administration a motivé le calcul de la valorisation de la SCI Hibiscus pour l'exercice 2016 et, par conséquent, celle des titres détenus dans cette structure par la SCI Rothim, lui permettant de procéder au rehaussement contesté concernant celle-ci.

Le moyen est donc rejeté.

3 - Sur les intérêts et majorations

M. [Y] conteste l'application d'intérêts et de majoration au seul motif qu'il a déclaré des valeurs exonérées d'ISF.

Sur ce,

En application de l'article 1727 du code général des impôts, les rappels d'impôts sur le revenu et de contributions sociales dus suite à des rehaussements donnent lieu au versement d'un intérêt de retard.

En l'espèce, compte tenu de la solution apportée au litige, les intérêts de retard sont dus.

Par ailleurs, l'article 1728 du code précité, dans sa version antérieure applicable, dispose que le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (point 1.a).

Or, il résulte de la proposition de rectification en date du 24 février 2020 et de l'avis de mis en recouvrement du 23 février 2021 que l'administration réclame à M. [Y] la somme de 1.315 euros au titre d'une majoration de 10% pour dépôt tardif de sa déclaration, celle-ci étant intervenue le 25 septembre 2017, ce que ne conteste pas le demandeur, alors qu'en application de l'article L.885 W du même code, elle aurait dû être déposée le 15 juin 2017 au plus tard.

En conséquence, la majoration de 10% est due.

4 - Sur les frais accessoires

M. [Y] qui succombe est condamné aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, par mise à disposition auprès du greffe :

DÉBOUTE M. [O] [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE M. [O] [Y] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 20 Mars 2024.

LA GREFFIERELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 23/03834
Date de la décision : 20/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-20;23.03834 ?
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