La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°23/09439

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 19 mars 2024, 23/09439


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [E] [D] [J]


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Fabrice POMMIER

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 23/09439 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3PD4

N° MINUTE :
8






ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 19 mars 2024


DEMANDERESSE
E.P.I.C [Localité 3] HABITAT OPH,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Fabrice POMMIER de l’ASSOCIATION AMIGUES

, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #J114

DÉFENDERESSE
Madame [E] [D] [J],
demeurant [Adresse 1]
comparante en personne

COMPOSITION DU TRIBU...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [E] [D] [J]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Fabrice POMMIER

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 23/09439 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3PD4

N° MINUTE :
8

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 19 mars 2024

DEMANDERESSE
E.P.I.C [Localité 3] HABITAT OPH,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Fabrice POMMIER de l’ASSOCIATION AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #J114

DÉFENDERESSE
Madame [E] [D] [J],
demeurant [Adresse 1]
comparante en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie-Laure KESSLER, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection, assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 16 janvier 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 19 mars 2024 par Marie-Laure KESSLER, Vice-Présidente, assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier

Décision du 19 mars 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/09439 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3PD4

Exposé du litige

Par acte sous seing privé du 18 septembre 2019, [Localité 3] HABITAT OPH a consenti un bail d’habitation à Madame [E] [D] [J] sur des locaux situés au [Adresse 1] à [Localité 4], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 266,55 euros.

Par acte de commissaire de justice du 16 janvier 2023, le bailleur a fait délivrer à la locataire un commandement de payer la somme principale de 1 808,17 euros au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.

La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de Madame [E] [D] [J] le 17 janvier 2023.

Par assignation du 31 octobre 2023, [Localité 3] HABITAT OPH a ensuite saisi en référé le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisé à faire procéder à l’expulsion de Madame [E] [D] [J] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,3 024,97 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 10 octobre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer,500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 3 novembre 2023, mais aucun diagnostic social et financier n'est parvenu au greffe avant l'audience.

À l'audience du 16 janvier 2024, [Localité 3] HABITAT OPH maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 1er janvier 2024, s'élève désormais à 4625,36 euros. PARIS HABITAT OPH considère enfin qu'il n'y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. Elle est autorisée à produire un décompte actualisé en cours de délibéré afin de constater une éventuelle reprise du loyer courant par la locataire.

Madame [E] [D] [J] expose qu’elle a connu diverses difficultés financières dues à une reprise de ses études, à un arrêt de travail et à la nécessité d’aider financièrement sa fille. Elle précise qu’elle a voulu reprendre le paiement du loyer courant mais s’est heurtée à des difficultés sur la plateforme de paiement qui n’accepte pas les paiements partiels. Elle indique qu’elle va reprendre les paiements et sollicite des délais de paiements, proposant de régler 100 euros par mois dans l’attente de la mise en place d’un FSL.

Madame [E] [D] [J] sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais de paiement.

En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

Madame [E] [D] [J] a indiqué ne pas faire l’objet d’une telle procédure.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

PARIS HABITAT OPH a transmis à la juridiction un décompte actualisé arrêté au 16 février 2024.

Motifs de la décision

Sur la demande de constat de la résiliation du bail

Sur la recevabilité de la demande
PARIS HABITAT OPH justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Il justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

Sur la résiliation du bail
Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié à la locataire le 16 janvier 2023. Or, d’après l'historique des versements, la somme de 1 808,17 euros n’a pas été réglée par cette dernière dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

Le bailleur est donc bien fondé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire dont les conditions sont réunies depuis le 17 mars 2023.

Cependant, selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l’espèce, malgré les déclarations contraires du bailleur, Madame [E] [D] [J] justifie avoir repris le paiement d'au moins un loyer courant depuis l'assignation. En conséquence, la condition légale de reprise du paiement intégral du loyer courant sera ici réputée satisfaite.

Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier, et notamment de l’audience, que les revenus du foyer de Madame [E] [D] [J] lui permettent raisonnablement d’assumer le paiement d’une somme de 100 euros par mois en plus du loyer courant afin de régler sa dette.

Dans ces conditions, il convient de lui accorder des délais de paiement pour s’acquitter des sommes dues, selon les modalités prévues ci-après, et de faire droit à la demande de Madame [E] [D] [J] de suspension les effets de la clause résolutoire durant le cours de ces délais.

En cas de respect de ces modalités de paiement, la clause résolutoire sera donc réputée n’avoir pas joué, et l’exécution du contrat de bail pourra se poursuivre.

L’attention de la locataire est toutefois attirée sur le fait qu’à défaut de paiement d’une seule échéance comprenant le loyer et la mensualité d’apurement, la clause résolutoire sera acquise, et le bail résilié de plein droit, sans qu’une nouvelle décision de justice ne soit nécessaire : dans ce cas, et pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, le bailleur pourra faire procéder à son expulsion, et à celle de tout occupant de son chef.

Sur la dette locative

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, [Localité 3] HABITAT OPH verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 16 février 2024, Madame [E] [D] [J] lui devait la somme de 4 350,27 euros, soustraction faite des frais de procédure.

Madame [E] [D] [J] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, elle sera condamnée, à titre provisoire, à payer cette somme au bailleur, avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2023 sur la somme de 1808,17 euros, à compter de l'assignation sur la somme de 1216,80 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil.

Toutefois, eu égard aux délais de paiement évoqués ci-avant, il convient de différer l'exigibilité de cette somme en autorisant Madame [E] [D] [J] à se libérer de cette dette selon les modalités détaillées ci-après.

Sur l’indemnité d’occupation

En cas de maintien dans les lieux de la locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera provisoirement fixé à la somme mensuelle de 454,58 euros.

L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 17 mars 2023, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à [Localité 3] HABITAT OPH ou à son mandataire.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

Madame [E] [D] [J], qui succombe à la cause, sera condamnée aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 150 euros à la demande de [Localité 3] HABITAT OPH concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.

Sur l’exécution provisoire

Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Selon le dernier alinéa de l’article 514-1 du même code, le juge ne peut toutefois pas écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé. La présente ordonnance sera donc assortie de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 16 janvier 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 18 septembre 2019 entre [Localité 3] HABITAT OPH, d’une part, et Madame [E] [D] [J], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 1] à [Localité 4] est résilié depuis le 17 mars 2023,

CONDAMNE Madame [E] [D] [J] à payer à [Localité 3] HABITAT OPH la somme de 4350,27 euros (quatre mille trois cent cinquante euros et vingt-sept centimes) à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 16 février 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2023 sur la somme de 1808,17 euros, à compter de l'assignation sur la somme de 1216,80 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus,

AUTORISE Madame [E] [D] [J] à se libérer de sa dette en réglant chaque mois pendant 36 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 100 euros (cent euros), la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,

DIT que le premier règlement devra intervenir dans les dix jours suivant la signification de la présente décision, puis, pour les paiements suivants, en même temps que le loyer, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties,

SUSPEND les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais de paiement accordés à Madame [E] [D] [J],

DIT que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais été acquise,

DIT qu’en revanche, pour le cas où une mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l’arriéré, resterait impayée quinze jours après l’envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception,

- le bail sera considéré comme résilié de plein droit depuis le 17 mars 2023,

- le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,

- le bailleur pourra, à défaut de libération spontanée des lieux et dès l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, faire procéder à l’expulsion de Madame [E] [D] [J] et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique,

- le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

Madame [E] [D] [J] sera condamnée à verser à [Localité 3] HABITAT OPH une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce, jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux,

RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire,

CONDAMNE Madame [E] [D] [J] à payer à [Localité 3] HABITAT OPH la somme de 150 euros (cent cinquante euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [E] [D] [J] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 16 janvier 2023 et celui de l'assignation du 31 octobre 2023.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 23/09439
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "conditionnelle" ordonnée en référé avec suspension des effets de la clause résolutoire

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;23.09439 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award