TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
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4ème chambre 1ère section
N° RG 21/10932
N° Portalis 352J-W-B7F-CU7PH
N° MINUTE :
Assignations des :
10 Août 2021
02 Février 2022
AJ PARTIELLE
JUGEMENT
rendu le 19 Mars 2024
DEMANDEUR
Monsieur [D] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par Me Carole DAVIES NAVARRO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1290
DÉFENDERESSES
S.A.R.L. GROUPE AUBURTIN
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Sébastien GARNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1473
Madame [U] [P] épouse [I]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Aude ABOUKHATER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0031
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/08201 du 10/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
Décision du 19 Mars 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/10932 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU7PH
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge
assistés de Nadia SHAKI, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 09 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame DETIENNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Selon mandats en date du 16 décembre 2011, M. [D] [Y] a confié à la SARL Groupe Auburtin la mise en location et la gestion locative d’un studio situé [Adresse 3].
Par acte sous seing privé du 16 janvier 2013, l'appartement a été donné à bail à compter du 2 février 20213 à Mme [U] [I] née [P] (ci-après Mme [I]) moyennant un loyer mensuel de 521 euros outre une provision sur charges de 40 euros par mois.
Mme [I] ayant cessé de régler régulièrement les loyers, M. [Y] a initié une procédure aux fins de voir ordonner son expulsion. Par jugement en date du 17 octobre 2018, le tribunal d'instance de Paris a fait droit à sa demande en constatant l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 13 août 2017. Mme [I] a interjeté appel de cette décision qui n'était pas assortie de l'exécution provisoire.
Par décision du 19 novembre 2020, la commission de surendettement des particuliers de [Localité 8] a imposé un rééchelonnement sur une durée de 59 mois de la créance de M. [Y] fixée à la somme de 16.553,85 euros (soit une mensualité de 280,57 euros). Mme [I] a contesté cette décision.
Les lieux ont été libérés à la fin du mois de décembre 2020.
Par arrêt en date du 12 février 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal d'instance ordonnant l'expulsion de Mme [I] mais l'a infirmé sur le montant de l'indemnité d'occupation qu'elle a fixée à la somme mensuelle de 577,97 euros à compter du 14 août 2017. Mme [I] a été condamnée à payer à M. [Y] la somme de 18.331,14 euros au titre des indemnités d'occupation dues au 1er décembre 2020 avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt outre la somme mensuelle de 577,97 euros à compter du 2 décembre 2020 et jusqu'à la libération effective du logement.
Reprochant à la société Groupe Auburtin l'impossibilité de mobiliser la « Garantie Loyers impayés » qu'elle était tenue de souscrire, M. [Y] l'a, par lettre de son conseil en date du 15 avril 2021, invitée à lui faire part de ses observations en vue d'un règlement amiable du litige.
La société Groupe Auburtin ayant contesté toute responsabilité, M. [Y] l'a, par acte extra-judiciaire du 10 août 2021, fait assigner devant ce tribunal.
Par exploit du 2 février 2022, la société Groupe Auburtin a fait citer Mme [I] en intervention forcée. Les affaires ont été jointes au cours de la mise en état.
Parallèlement, dans le cadre de la procédure de surendettement, le juge des contentieux de la protection a, par décision du 27 janvier 2022, constaté le désistement d'instance de Mme [I]. M. [Y] a été informé que les mesures imposées par la commission de surendettement entreraient en application « le 17 février 2022 et, à défaut, au plus tard, le dernier jour du mois suivant le 17 février 2022 ».
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 décembre 2022, M. [Y] demande au tribunal de :
« RECEVOIR le requérant en ses demandes.
L’en DECLARER bien-fondé.
VU les dispositions des articles 1231 et suivants, et 1991 et 1992 du Code Civil,
VU les pièces versées aux débats,
VU la perte de chance de Monsieur [Y] d’être indemnisé par l’assurance, au titre des loyers impayés et des réparations locatives,
VU la responsabilité de la SOCIETE D’EXPLOITATION GROUPE AUBURTIN, en raison des fautes commises dans l’exécution de son mandant,
VU les préjudices subis par Monsieur [Y],
VU le lien de causalité entre les préjudices et les fautes du mandataire,
CONDAMNER la SOCIETE D’EXPLOITATION GROUPE AUBURTIN à payer à Monsieur [Y] :
- La somme de 20.516,86 €uros, au titre des loyers impayés et des réparations locatives,
- La somme de 5.000 euros à titre dommages et intérêts, en raison du préjudice financier subi, consécutivement à l’absence d’indemnisation des pertes locatives,
- La somme de 7.500 €uros au titre des frais et honoraires générés par les procédures dont le requérant a dû assumer la charge.
- La somme de 5.000 €uros, au titre de l’article 700 du CPC.
ASSORTIR les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, et de l’exécution provisoire de droit.
JUGER que la subrogation s’opérera immédiatement au profit de la SARL GROUPE AUBURTIN, à réception du règlement à intervenir au profit de Monsieur [Y].
DEBOUTER la défenderesse de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
JUGER Madame [I] tant irrecevable que mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de Monsieur [Y].
La CONDAMNER à verser à Monsieur [Y] une indemnité de 1.500 €uros en application de l’article 700 du CPC.
CONDAMNER toute partie succombante en tous les dépens, dont distraction par application de l’article 699 du CPC, au profit de Me Carole DAVIES ».
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 21 novembre 2022, la société Groupe Auburtin demande au tribunal de :
« Vu les articles 1240 et 1991 et suivants du Code Civil,
A titre principal,
- Débouter Monsieur [D] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la société GROUPE AUBURTIN,
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que l’indemnisation de la perte de loyer et du coût des réparations locatives alléguée ne peut consister qu’en l’indemnisation d’une perte de chance qui ne saurait être évaluée au montant des loyers et du coût desdites réparations qui seraient non recouvrables,
- Rapporter en conséquence et très substantiellement le montant de l’indemnité qui serait allouée à Monsieur [D] [Y] sur le fondement de la perte de chance de pouvoir recouvrer lesdits loyers et le coût desdites réparations locatives dont resterait redevable à son égard Madame [U] [I],
- Débouter Monsieur de sa demande d’indemnisation du préjudice financier complémentaire allégué,
- Débouter Monsieur [D] [Y] de sa demande d’indemnisation forfaitaire des frais de procédure qu’il aurait exposés et rapporter celle-ci en tout état de cause à la somme de 1.810 €uros TTC,
- Condamner Madame [U] [I] à indemniser la société GROUPE AUBURTIN, à hauteur des sommes qu’elle serait condamnée à verser à Monsieur [D] [Y]
- Condamner tout succombant à payer la société GROUPE AUBURTIN la somme 5.000 €uros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
- Ordonner l’exécution provisoire. ».
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 juin 2022, Mme [I] demande au tribunal de :
« REJETER les demandes de Monsieur [Y] ;
Subsidiairement, LIMITER la condamnation au titre des frais et honoraires générés par les procédures à a somme de 1.810 euros ;
- REJETER les demandes indemnitaires du GROUPE AUBURTIN à l’encontre de Madame [I] ;
Subsidiairement, LIMITER la responsabilité de Madame [I] à 10% du préjudice prétendument subi par le GROUPE AUBURTIN
- REJETER la demande de GROUPE AUBURTIN formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- DIRE que chaque partie conservera à sa charge ses frais et dépens ; ».
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « juger » et « dire et juger » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Il sera également précisé que si, aux termes du dispositif de ses conclusions, M. [Y] demande au tribunal de « JUGER Madame [I] tant irrecevable que mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de Monsieur [Y] », il ne soulève, dans le corps de ses écritures, aucune fin de non-recevoir, ni ne développe aucune argumentation sur ce point. Aucune fin de non-recevoir n'étant invoquée par la société Groupe Auburtin, les demandes de Mme [I] seront déclarées recevables.
Sur les demandes formées par M. [Y] à l'encontre de la société Groupe Auburtin
Sur les manquements de la société Groupe Auburtin
M. [Y] fait valoir en substance qu'il avait chargé la société Groupe Auburtin de souscrire un contrat d'assurance garantissant les loyers impayés et les dégradations locatives, qu'il a réglé des cotisations jusqu'au mois de septembre 2017 mais que ce contrat n'a pas pu être mobilisé en raison, d'une part, de l’insuffisance de la capacité locative de la locataire choisie et, d'autre part, d'un incident de paiement survenu pendant la période de carence avant la mise en garantie du bien. Il prétend que la société Groupe Auburtin était tenue d'une obligation de résultat et devait constituer un dossier respectant les conditions de la garantie en cause. Il soutient également que la société ne rapporte pas la preuve de ses difficultés pour relouer l'appartement et conteste avoir été informé de l'impossibilité pour Mme [I] d’être immédiatement éligible à la « Garantie Loyers impayés » et du report subséquent de la demande de garantie auquel il n'a donc pas consenti. Il fait encore valoir que, compte tenu de l'incident de paiement survenu au mois de mars 2013, la société Groupe Auburtin aurait dû attendre une nouvelle période de six mois sans impayé pour souscrire la garantie.
La société Groupe Auburtin objecte qu'elle a, conformément au mandat qui lui avait été confié, souscrit le 4 janvier 2012, une « Garantie Loyers impayés » auprès de la compagnie Sérénis Assurances. S'agissant de la mobilisation de cette garantie au titre du bail objet du litige, elle fait valoir que, compte tenu de ses difficultés pour relouer l'appartement qui présentait un problème d'humidité, elle a soumis à M. [Y] la candidature de Mme [I] qui occupait un appartement dont elle assurait également la gestion, qu'elle l'a alors informé que les ressources de l'intéressée ne lui permettaient pas d'être immédiatement éligible à la « Garantie Loyers impayés » et lui a proposé, conformément à la faculté offerte par la police, d'en différer la souscription au terme des six premiers mois d’exécution du bail, et que M. [Y] ayant accepté la conclusion du contrat dans ces conditions, elle a sollicité la prise en garantie du bail à la fin du mois de juillet 2013 de sorte qu'aucun manquement ne peut lui être reproché. Elle souligne que, lors de la mise en garantie, la compagnie d'assurance ne lui a opposé aucune réserve, que ce n'est que lors de la déclaration de sinistre qu'elle s'est prévalue d'un incident de paiement de mars 2013 mais que ce léger retard de règlement intervenu alors que le bail était déjà conclu ne peut pas lui être imputé à faute.
Sur ce,
Aux termes de l’article 1991 alinéa 1er du code civil : « Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. ».
Selon l’article 1992 du même code, « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.
Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire. ».
Il résulte de l’article 1993 de ce code que : « Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant ».
En application de l’article 1315, devenu 1353, du code civil, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention »
Il appartient donc à M. [Y] qui recherche la responsabilité de la société Groupe Auburtin de rapporter la preuve des manquements de la société aux obligations lui incombant en sa qualité de mandataire et d'un lien de causalité entre ces manquements et les préjudices qu’il prétend avoir subis.
En l'espèce, la société Groupe Auburtin justifie avoir, le 4 janvier 2012, souscrit auprès de la société Sérénis Assurances un contrat garantissant les risques locatifs pour l'appartement de M. [Y]. Si ce type de contrat est communément désigné sous les termes « Garantie Loyers impayés », la lecture des conditions particulières produites par la société Groupe Auburtin et de l'« Intercalaire Axénis » communiqué par M. [Y], dont il n'est pas contesté qu'il s'applique au contrat en cause, révèle que celui-ci comportait trois garanties distinctes, à savoir une garantie « Loyers impayés et frais de déménagement Loyers impayés », une garantie « Dégradations immobilières » et une garantie « Protection juridique ».
Il ressort également des pièces versées aux débats que le contrat prévoyait une mise en garantie du bail, soit dès sa conclusion, à condition que le candidat locataire présente la capacité locative requise, soit en cours d'exécution, à condition, pour un bail dont la durée écoulée est supérieure ou égale à 6 mois, que le solde locatif soit à zéro à la date de mise en garantie et que les loyers, charges et taxes aient été payés au mois le mois au cours des six derniers mois précédant la mise en garantie.
Il n'est pas contesté que Mme [I] ne présentait pas une capacité locative permettant au bail qui serait signé avec elle d'être, dès sa conclusion, accepté en garantie par la compagnie d'assurance.
La société Groupe Auburtin ne produit alors aucune pièce susceptible de démontrer qu'elle en a informé M. [Y] et que celui-ci a donné son accord pour la conclusion du bail dans ces circonstances avec un report de sa mise en garantie. Les difficultés auxquelles elle prétend avoir été confrontée pour relouer l'appartement sont à cet égard indifférentes dès lors qu'il lui appartient de justifier qu'elle a obtenu l'accord de son mandant pour donner l'appartement en location malgré l'impossibilité de bénéficier de la garantie de la compagnie d'assurance.
Si la société Groupe Auburtin a sollicité la mise en garantie du bail au mois de juillet 2013, il ressort des pièces communiquées que la compagnie d'assurance a, lors de la demande de prise en charge du sinistre, refusé sa garantie en raison d'un incident de paiement survenu en mars 2013. Le décompte versé en procédure confirme l'existence de cet incident peu important à cet égard qu'il ait été d'un montant limité et ait été régularisé dans les premiers jours du mois d'avril dès lors que le contrat d'assurance exigeait un paiement du loyer au mois le mois.
Il est également indifférent que la compagnie d'assurance n'ait pas invoqué l'incident de paiement lors de la mise en garantie du bail dès lors qu'il appartenait à la société Groupe Auburtin de s'assurer que le dossier locatif qu'elle lui soumettait respectait les conditions de la police, étant relevé qu'elle n'établit, ni même n'allègue avoir contesté le refus de garantie qui lui a été opposé.
Dès lors qu'elle ne démontre pas avoir obtenu l'accord de M. [Y] pour conclure le bail en dépit de la capacité locative insuffisante de Mme [I] et pour reporter la demande de mise en garantie, la société Groupe Auburtin ne peut pas plus, pour échapper à sa responsabilité, utilement invoquer le fait que l'incident de paiement est survenu après la conclusion du contrat.
Il ressort de l'ensemble de ces considérations que la société Groupe Auburtin a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité en donnant l'appartement en location à Mme [I] puis en sollicitant la mise en garantie du bail au mois de juillet 2013 alors que les loyers n'avaient pas été payés au mois le mois au cours des six mois précédant.
Sur les préjudices
Sur la demande formée au titre des loyers impayés, régularisations sur charges et réparations locatives
M. [Y] sollicite la somme de 20.516,86 euros au titre de l'arriéré locatif qui aurait, selon lui, dû être pris en charge par l’assurance. Il fonde sa demande sur le dernier décompte locatif du 22 février 2021 qui intègre les régularisations de charges et les retenues au titre des réparations locatives et prétend que la société Groupe Auburtin ne peut contester ce décompte qu'elle a elle-même établi. Il ajoute qu'il n'a perçu aucun règlement de Mme [I], que sa dette ne sera apurée qu'en 2028 et qu'il n'y a aucun risque de double paiement compte tenu de la subrogation qu'il accepte de consentir à la société Groupe Auburtin et de la demande de garantie que celle-ci forme à l'encontre de Mme [I].
La société Groupe Auburtin objecte que M. [Y] ne peut pas solliciter au titre des loyers impayés une somme excédant celle fixée par la cour d'appel, qu'il ne dispose d'aucun titre exécutoire pour les sommes complémentaires qu'il réclame notamment au titre des réparations locatives et que le fait qu'elle ait établi le décompte dont il se prévaut est à cet égard indifférent.
Elle fait également valoir que le préjudice qu'elle peut être tenue de réparer ne consiste que dans la perte de chance de recouvrer les loyers, que M. [Y] ne justifie ni de l'irrécouvrabilité des sommes dont il réclame le paiement, ni de la disparition actuelle et certaine de l'éventualité de les recouvrer, qu'il ne démontre pas avoir tenté d'obtenir le paiement des échéances mises à la charge de Mme [I] par la commission de surendettement ou la résiliation de l'échéancier qui lui a été accordé et partant ne peut prétendre à aucune indemnisation. Elle soutient qu'en tout état de cause, la perte de chance ne saurait être indemnisée à hauteur du montant de la dette locative, qu'il doit être tenu compte des honoraires de gestion et de l'impôt foncier que M. [Y] aurait dû acquitter ainsi que du dépôt de garantie qu'il a conservé et que celui-ci ne peut à la fois obtenir de Mme [I] le règlement de la dette locative et une indemnisation correspondant à cette dette.
La société Groupe Auburtin prétend encore que M. [Y] ne justifie ni du montant des réparations locatives, ni de leur imputabilité à Mme [I] qui les conteste, ni de ce qu'elles auraient été prises en charge au titre du contrat d'assurance qui couvrait uniquement les « dégradations immobilières ». Elle rappelle qu'en toute hypothèse, la garantie était limitée à 10.000 euros.
Mme [I] conclut tout d'abord, comme la société Groupe Auburtin, que le préjudice subi par M. [Y] au titre des loyers et réparations locatives ne saurait être fixé à un montant supérieur à celui retenu par la cour d'appel de Paris et prétend que certaines des sommes réclamées ne sont pas dues (indemnité d’occupation du mois de janvier 2021 - régularisations de charges postérieures à la date de résiliation du bail qui a été fixée au 14 août 2017 et à la fixation d'une indemnité d'occupation forfaire - retenues sur le dépôt de garantie pour des réparations locatives).
Elle fait ensuite valoir que, compte tenu de l'absence d'effacement de sa dette, M. [Y] n'a subi aucune perte de loyers et charges et que, s'il était fait droit à la demande qu'il forme à l'encontre de la société Groupe Auburtin, cela lui permettrait de percevoir le double de ce qui lui est dû. Elle prétend alors que le préjudice de M. [Y] ne peut résulter que du retard de paiement des loyers et des charges mais qu'il ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.
Sur ce,
En donnant le bien en location à Mme [I], la société Groupe Auburtin a privé M. [Y] de la possibilité de conclure un bail avec un locataire dont la situation financière permettait la mise en garantie du contrat dans le cadre de la police souscrite auprès de la société Sérénis Assurances et partant d'obtenir la mobilisation de cette garantie. La somme de 20.516,86 euros sollicitée par M. [Y] comprend, d'une part, des arriérés de loyers et des régularisations sur charges locatives et, d'autre part, une somme imputée au titre de « retenues sur dépôt de garantie ». Il convient d'examiner successivement ces demandes dès lors qu'ainsi qu'il l'a été précédemment indiqué, elles étaient susceptibles d'être prises en charge par deux garanties distinctes.
Sur les loyers impayés et les régularisations de charges
Le préjudice résultant des manquements retenus à l'encontre de la société Groupe Auburtin ne consiste pas dans l'impossibilité de recouvrer les loyers et charges auprès de Mme [I] mais dans la perte de chance d'obtenir leur prise en charge par la compagnie d'assurance. Il est toutefois constant que M. [Y] ne justifie pas de l'impossibilité d'obtenir le paiement de sa dette locative par Mme [I]. Il n'est d'ailleurs pas contesté qu'il n'a, en dépit du non-respect par Mme [I] de l'échelonnement accordé par la commission de surendettement, initié aucune mesure d'exécution forcée à son encontre. Dans ces conditions, le préjudice en lien avec les manquements de la société Groupe Auburtin ne consiste pas en un défaut de paiement de la dette locative mais en un retard de paiement résultant de la nécessité d'attendre le règlement de sa dette par Mme [I].
Or, alors que ce point est expressément mis en débat par Mme [I], force est de constater que M. [Y] ne forme aucune demande au titre du préjudice résultant du retard de paiement des loyers, indemnités d'occupation et charges locatives mais demande à être indemnisé de l'absence de paiement des sommes en cause. En l'absence de lien causal entre la demande ainsi formée et les manquements retenus à l'encontre de la société Groupe Auburtin, il ne peut qu'en être débouté.
Sur les réparations locatives
Il ressort de l'« Intercalaire Axénis » produit par M. [Y] qu'au titre de la garantie « Détériorations Immobilières », « l'Assureur s'engage à indemniser l'Assuré des dégradations immobilières (détériorations et destructions) causées par le Locataire aux biens immobiliers exclusivement (à savoir immeuble par nature ou par destination tels que définis aux articles 516 du Code Civil) et constatées à son départ par comparaison de l'état des lieux d'entrée et de sortie établis contradictoirement ou par huissier. ».
Il en résulte que la garantie en cause ne couvre pas toutes les retenues ou réparations locatives susceptibles d'être mises à la charge du locataire lors de son départ des lieux. Il appartient par conséquent à M. [Y] de rapporter la preuve que les sommes dont il sollicite l'indemnisation par la société Groupe Auburtin auraient pu être prises en charge par la compagnie d'assurance. Or, alors que ce moyen est expressément mis en débat par la société Groupe Auburtin, il ne développe aucune argumentation sur ce point et se contente de se référer aux pièces qui lui ont été communiquées par la société pour justifier des retenues imputées sur le dépôt de garantie (devis de travaux, courrier électronique mentionnant le montant des retenues locatives et décompte définitif) ce qui ne saurait être suffisant, étant rappelé que le tribunal n'a pas à suppléer la carence d’une partie dans l’allégation des faits propres à établir le bien-fondé de sa réclamation. Le tribunal relève en outre que certaines des retenues ne constituent à l'évidence pas des dégradations immobilières s'agissant du coût de remplacement de la clé de l'appartement et de la cave. Faute pour M. [Y] de démontrer qu'il aurait pu être indemnisé par la compagnie d'assurance pour les sommes intégrées dans le décompte du 22 février 2021 sous le libellé « retenues sur dépôt de garantie », il ne peut prétendre obtenir une indemnisation à ce titre dans le cadre de la présente procédure. Il sera par conséquent débouté de sa demande.
Sur la demande formée au titre du préjudice financier
M. [Y] fait valoir qu'il a dû continuer à assumer le règlement de l’ensemble des charges afférentes à son appartement (charges de copropriété, assurance, taxes et impôts fonciers….) sans pouvoir bénéficier de la garantie « Loyers impayés » et prétend subir de ce fait un préjudice financier qu'il évalue à 5.000 euros.
La société Groupe Auburtin objecte que cette demande fait double emploi avec l’indemnisation sollicitée au titre des pertes locatives.
Mme [I] s'oppose également à la demande aux motifs que M. [Y] ne justifie pas avoir rencontré des difficultés financières pour faire face au paiement de ses charges.
Sur ce,
Ainsi que le souligne justement Mme [I], le paiement des charges en cause incombe à M. [Y] en sa qualité de propriétaire de l'appartement donné en location et il ne produit aucune pièce susceptible de justifier du préjudice financier qu'il allègue en lien avec l'impossibilité d'obtenir la mobilisation de la garantie « Loyers impayés ». Partant, il ne peut qu'être débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il forme de ce chef.
Sur la demande formée au titre des frais et honoraires
M. [Y] sollicite une somme « forfaitaire » de 7.500 euros au titre des « frais et honoraires » qu'il a dû acquitter pour mener à bien les procédures initiées à l’encontre de Mme [I] alors que ceux-ci auraient dû, selon lui, être pris en charge au titre de la garantie « Loyers impayés ». Il prétend que, dès lors que le contrat d'assurance n'a pas pu être mobilisé, la société Groupe Auburtin ne peut pas solliciter l'application des plafonds de garantie qu'il prévoit.
La société Groupe Auburtin objecte que, compte tenu des plafonds fixés par la police, les frais et honoraires qui auraient pu être couverts par la « Garantie Loyers impayés » étaient fixés à la somme de 1.810 euros de sorte que M. [Y] ne peut pas, selon elle, prétendre à une indemnisation supérieure à ce plafond.
Mme [I] soutient également que si le tribunal estimait que M. [Y] a subi un préjudice à ce titre, la somme allouée ne pourrait être supérieure au plafond de garantie prévu par la « Garantie Loyers impayés ».
Sur ce,
A titre liminaire, il sera relevé que les plafonds de garantie invoqués par les défenderesses ne sont pas applicables en l'espèce dès lors qu'ils concernent la garantie « Protection juridique » dont sont exclus les « conflits pris en charge au titre de la garantie Loyers impayés et détériorations immobilières ».
Il ressort des termes de l'« Intercalaire Axénis » produit par M. [Y] qu'au titre de la garantie « Loyers impayés », l'assureur prend en charge le remboursement des « frais de commandements de payer, frais d'Huissier de Justice relatifs à la procédure d'expulsion et de recouvrement » ainsi que des « honoraires d'avocat/avoué ».
Il appartient toutefois à M. [Y] de justifier que la faute de la société Groupe Auburtin lui a fait perdre une chance d'obtenir une indemnisation de la compagnie d'assurance à ce titre et partant que les frais en cause auraient effectivement pu être pris en charge par elle. Or, il sollicite une « somme forfaitaire » au titre des « frais et honoraires de procédure » sans préciser la nature des frais dont s'agit, ni produire aucune pièce pour justifier des sommes qu'il a dû acquitter. Il ne rapporte par conséquent pas la preuve qu'il aurait pu être indemnisé au titre de la garantie « Loyers impayés », ni, par suite, qu'il subit un préjudice du fait de l'impossibilité d'obtenir sa mobilisation. Il sera donc débouté de la demande qu'il forme de ce chef.
Sur la demande formée par la société Groupe Auburtin à l'encontre de Mme [I]
En l'absence de condamnation mise à la charge de société Groupe Auburtin, la demande d'indemnisation qu'elle forme à l'encontre de Mme [I] est sans objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef.
Sur les autres demandes
Au vu du sens de la présente décision, la demande tendant à voir « JUGER que la subrogation s’opérera immédiatement au profit de la SARL GROUPE AUBURTIN, à réception du règlement à intervenir au profit de Monsieur [Y]. » est sans objet.
M. [Y] qui succombe sera condamné aux dépens.
Au vu des circonstances de la cause et des situations respectives des parties, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Groupe Auburtin les frais qu'elle a exposés dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens. Elle sera par conséquent déboutée de la demande qu'elle forme à ce titre.
L'exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l'espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l'écarter.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Déclare recevables les demandes de Mme [U] [I] née [P] ;
Déboute M. [D] [Y] de l'intégralité de ses demandes ;
Rejette la demande d'indemnisation formée par la SARL Groupe Auburtin à l'encontre de Mme [U] [I] née [P], celle-ci étant devenue sans objet ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [D] [Y] aux dépens de l'instance qui seront recouvrés comme en matière juridictionnelle ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;
Fait et jugé à Paris le 19 Mars 2024.
Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE