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19/03/2024 | FRANCE | N°20/10774

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 4ème chambre 1ère section, 19 mars 2024, 20/10774


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




4ème chambre 1ère section

N° RG 20/10774
N° Portalis 352J-W-B7E-CTDTN

N° MINUTE :




Assignations des :
30 Octobre 2020
05 Janvier 2022




JUGEMENT
rendu le 19 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [E] [N]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Emmanuelle LEMAITRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1964


DÉFENDERESSES

S.A. BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE anciennem

ent dénommée BANQUE FÉDÉRALE MUTUALISTE
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Angélique LAFFINEUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0118

S.A. CNP ASSURANCES
[Adresse 2]
[Lo...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre 1ère section

N° RG 20/10774
N° Portalis 352J-W-B7E-CTDTN

N° MINUTE :

Assignations des :
30 Octobre 2020
05 Janvier 2022

JUGEMENT
rendu le 19 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [E] [N]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Emmanuelle LEMAITRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1964

DÉFENDERESSES

S.A. BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE anciennement dénommée BANQUE FÉDÉRALE MUTUALISTE
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Angélique LAFFINEUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0118

S.A. CNP ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Virginie SANDRIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #115

S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Anne ROULLIER de la SELEURL ROULLIER JEANCOURT-GALIGNANI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0005
Décision du 19 Mars 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 20/10774 - N° Portalis 352J-W-B7E-CTDTN

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge

assistés de Nadia SHAKI, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 09 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame DETIENNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 juillet 2014, Mme [E] [N] a, par l'intermédiaire de la société anonyme Société Générale (ci-après la Société Générale), rempli une demande d’adhésion au contrat d’assurance collective des emprunteurs n°7371M souscrit par la société anonyme Banque Française Mutualiste (ci-après la Banque française mutualiste) auprès de la société anonyme CNP Assurances (ci-après la société CNP Assurances) et ce, en vue de garantir un prêt immobilier n°3250081 de 161.300 euros, d’une durée de 300 mois, accordé par la Société Générale.

Le contrat de prêt a été signé le 4 août 2014 avec la garantie de la société CNP Assurances, Mme [N] étant assurée à hauteur de 40% et M. [D] [F], co-emprunteur solidaire, à hauteur de 60%.

Le 18 juin 2016, Mme [N] et M. [F] ont souscrit auprès de la Banque française mutualiste un prêt n°10489711 de 15.000 euros d'une durée de 60 mois.

Pour garantir ce prêt, Mme [N] a, par l'intermédiaire de la Société Générale, adhéré au contrat d’assurance collective des emprunteurs n°7432D souscrit par la Banque française mutualiste auprès de la société CNP Assurances.

Le 26 septembre 2016, Mme [N] a été victime d'un accident du travail. Elle s'est vu attribuer, à compter du 16 juillet 2019, une rente trimestrielle d'accident du travail correspondant à un taux d'incapacité permanente de 30%.

Au mois de mai 2018, Mme [N] a adressé une déclaration de sinistre à la société CNP Assurances laquelle a, aux termes de deux correspondances datées du 2 novembre 2018, refusé sa garantie en faisant valoir, s'agissant du premier contrat, que la garantie Incapacité temporaire de travail (ITT) n'avait pas été accordée et que les conditions de la garantie Invalidité n'étaient pas réunies et, s'agissant du second contrat, qu'il était entaché de nullité en raison d'une fausse déclaration.

Les parties n’étant pas parvenues à trouver une issue amiable à leur litige, Mme [N] a, par actes extra-judiciaires du 30 octobre 2020, fait assigner la société CNP Assurances et la Société Générale devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par exploit du 5 janvier 2022, elle a fait citer la Banque française mutualiste. Les affaires ont été jointes au cours de la mise en état.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 août 2022, Mme [N] demande au tribunal de :

« Vu les anciens articles applicables 1134 et 1147 du Code civil,
Vu les articles 113-1 et suivants ; 141-1 et suivants du Code des assurances,
Vu l’article L. 211-1 du Code de la consommation,
Vu les jurisprudences citées et les pièces communiquées,
Vu les jurisprudences citées et les pièces communiquées,

1. Au titre du contrat de prêt n°1 souscrit le 4 août 2014 :
- CONDAMNER la société CNP ASSURANCES à mettre en œuvre les prestations garanties par le contrat souscrit,
Par ailleurs,
- JUGER que les responsabilité de la Société CNP ASSURANCES, de la SOCIETE GENERALE, de la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE sont engagées solidairement et qu’elles doivent répondre de leurs négligences ;
En conséquence :
- CONDAMNER la société CNP ASSURANCES à verser la somme de 86 788,388 euros auprès de la SOCIETE GENERALE pour le compte de Madame [N] [E] ;
- JUGER que la CNP ASSURANCES sera tenue de garantir toutes les sommes dues à ce titre;
- JUGER que la SOCIETE GENERALE sera tenue de reverser la somme prise en charge par CNP ASSURANCES à Madame [N] [E], soit la somme de 86 788,388 euros avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure ;

2. Au titre du contrat de prêt n°2 souscrit le 18 juin 2016 :
- JUGER que la société CNP ASSURANCES ne pouvait résilier le contrat pour fausse déclaration,
En conséquence :
- CONDAMNER la société CNP ASSURANCES à verser la somme de 16.092,24 euros auprès de la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE pour le compte de Madame [N] [E] ;
- JUGER que la CNP ASSURANCES sera tenue de garantie toutes les sommes dues à ce titre;
- JUGER que la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE sera tenue de reverser la somme prise en charge par CNP ASSURANCES à Madame [N] [E], soit la somme de 16.092,24 euros avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure ;

- CONDAMNER la société CNP ASSURANCES à devoir prendre en charge la garantie invalidité en réduisant à proportion du taux de primes déjà payées par Madame [N] par rapport au taux des primes qui auraient été dues si ce risque avait été complètement déclaré,
- CONDAMNER la société GENERALE et BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE pour la perte correspondant à la différence ;

3. En tout état de cause, sur la résistance abusive de la société CNP ASSURANCES
- CONDAMNER solidairement la société CNP ASSURANCES et la SOCIETE GENERALE à verser la somme de 3.000 euros à Madame [N] au titre de la résistance abusive dont à fait preuve CNP ASSURANCES.

Y AJOUTANT

Au titre du contrat de prêt n°1 souscrit le 4 août 2014 :
- JUGER que la société GENERALE a manqué à son devoir de conseil et a fait perdre une chance à Madame [N] de bénéficier des garanties souscrites auprès de la CNP ASSURANCES,
- CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à une perte de chance de 80% du montant des garanties dues soit à la somme de 69.430,71 euros,

Au titre du contrat de prêt n°2 souscrit le 18 juin 2016 :
- JUGER que la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a manqué à son devoir de conseil et a fait perdre une chance à Madame [N] de bénéficier des garanties souscrites auprès de la CNP ASSURANCES,
- CONDAMNER la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE à l’indemnisation d’une perte de chance de 80% du montant des garanties devant être honorées, soit à la somme de 12.873,79 euros,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- DEBOUTER la SOCIETE GENERALE, BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE et la société CNP ASSURANCES de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- MAINTENIR l’exécution provisoire ;
- CONDAMNER la SOCIETE GENERALE, BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE et la société CNP ASSURANCES à verser à Madame [E] [N] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens. ».

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 décembre 2022, la société CNP Assurances demande au tribunal de :

« Vu l’article 1134 ancien du Code civil,
Vu l’article L.113-8 du Code des assurances,

- Débouter Madame [N] de l’ensemble de ses demandes de condamnations formées à l’encontre de CNP ASSURANCES,

S’agissant du contrat d’assurance du prêt n°3250081
A titre principal,
- Juger que la garantie de CNP ASSURANCES au titre d’une Incapacité Totale de Travail (ITT) de Madame [N] n’est pas due, Madame [N] n’étant pas couverte au titre de l’ITT,
En conséquence,
- Rejeter la demande de condamnation de CNP ASSURANCES tendant à obtenir le paiement d’une somme de 86.788,38 euros sauf à parfaire au titre d’une garantie ITT qui n’a pas été accordée par l’assureur,
A titre très subsidiaire, pour le cas où par impossible il serait fait droit à la demande de prise en charge de Madame [N] au titre de l’ITT,
- Juger que la prise en charge de CNP ASSURANCES ne peut s’effectuer que dans les termes et limites du contrat d’assurance, et au profit de l’organisme prêteur, bénéficiaire des prestations du contrat d'assurance,

S’agissant du contrat d’assurance de prêt n°P1061481
- Juger qu’en s’abstenant de déclarer des antécédents médicaux, Madame [N] a fait une déclaration de mauvaise foi,
- Juger que cette fausse déclaration a modifié l’opinion de l’assureur sur le risque à assurer, En conséquence,
- Prononcer la nullité de l’adhésion de Madame [N] au contrat d’assurance,
- Rejeter la demande de condamnation de CNP ASSURANCES tendant à obtenir le paiement d’une somme de 16.092,24 euros,
- La débouter de l’ensemble de ses demandes,
A titre très subsidiaire, pour le cas où par impossible il serait fait droit à la demande de prise en charge de Madame [N] au titre de l’ITT,
- Juger que la prise en charge de CNP ASSURANCES ne peut s’effectuer que dans les termes et limites du contrat d’assurance, et au profit de l’organisme prêteur, bénéficiaire des prestations du contrat d'assurance,
- Rejeter la demande de condamnation de CNP ASSURANCES à «devoir prendre en charge la garantie invalidité en réduisant à proportion du taux de primes déjà payées par Madame [N] par rapport au taux des primes qui auraient été dues si ce risque avait été complétement déclaré », le risque invalidité n’étant au surplus pas garanti par le contrat,

En tout état de cause,
- Rejeter toute demande de condamnation à des dommages intérêts,
- Rejeter toute autre demande,
- Écarter en totalité l’exécution provisoire,
Et pour le cas où l’exécution provisoire ne serait pas écartée,
- Ordonner, en application de l’article 521 Code de procédure civile, la consignation des sommes dues le cas échéant par CNP ASSURANCES sur un compte séquestre jusqu’à la fin de la procédure et l’épuisement des voies de recours, le tiers dépositaire pouvant être Maître Virginie SANDRIN, avocat de CNP ASSURANCES,
A défaut,
- Ordonner, à la charge de Madame [N], la constitution d’une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations, sur le fondement de l’article 514-5 du Code de procédure civile.
- Condamner Madame [N] à verser à CNP ASSURANCES la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Virginie SANDRIN. ».

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 octobre 2022, la Société Générale demande au tribunal de :

« Débouter Madame [N] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de SOCIETE GENERALE.
Condamner Madame [N] au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens. ».

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 16 mai 2022, la Banque française mutualiste demande au tribunal de :

« Vu les anciens articles 1134 et 1147 du Code Civil
Vu l'article L 113-8 du Code des Assurances
Vu les articles L 312-12, L312-29, L 313-9 et L 313-29 du Code de la Consommation
- DONNER ACTE à la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE qu’elle s’en rapporte à justice sur le bénéfice du contrat d’assurance emprunteur n° 7432 D et le bien fondé du refus de prise en charge opposé par la CNP Assurances ;
- DÉBOUTER Madame [E] [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE ;
- CONDAMNER Madame [E] [N] à payer à la BANQUE FRANÇAISE MUTUALISTE une indemnité de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC. ».

La clôture de la procédure a été prononcée le 17 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « juger » et « donner acte » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Il sera également rappelé qu'en application de l'article 768 du code de procédure civile, «Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. ».

Sur la garantie de la société CNP Assurances

Au titre du contrat de prêt du 4 août 2014

Mme [N] fait valoir en substance que les « conditions particulières » mentionnent expressément la garantie ITT, que la société CNP Assurances ne rapporte pas la preuve d'une quelconque exclusion de garantie, que le courrier d'acceptation du 9 juillet 2014 dont elle se prévaut est illisible et que rien ne permet de déterminer si la signature qui y est apposée est la sienne.

La société CNP Assurances objecte qu'il ressort de sa correspondance du 9 juillet 2014 que la garantie ITT n’a pas été accordée ce que Mme [N] a accepté en retournant ledit courrier signé et daté avec la mention « Bon pour accord » et qu'elle ne peut, sans mauvaise foi, prétendre qu'elle n'est pas l'auteur de ces mentions.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable à la cause compte tenu de la date de conclusion des contrats objet du litige, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

En application de l’article 1315 du même code, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. ». En matière d’assurance, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie et à l’assureur qui invoque une clause d’exclusion de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.

A titre liminaire, il sera relevé que la société CNP Assurances n'oppose à Mme [N] aucune exclusion de garantie mais prétend que la garantie ITT n'a pas été accordée.

Il convient également de préciser que si Mme [N] affirme que « l’on peut légitimement s’interroger sur la communication de la notice prévue à l'article L.141-4 du code des assurances », elle n'en titre aucune conséquence et qu'en toute hypothèse, le bulletin individuel d'adhésion qu'elle a signé en faisant précéder sa signature de la mention « Lu et approuvé » mentionne qu'elle « certifie que ledit organisme lui a remis lors de la signature du présent bulletin la notice pour [l']informer des modalités de l'assurance ».

La société CNP Assurances verse aux débats une correspondance datée du 9 juillet 2014 faisant suite à la demande d'adhésion du 3 juillet 2014 qui, après avoir rappelé les garanties sollicitées (en l'occurrence Décès, Perte totale et irréversible d'autonomie et ITT) comporte deux rubriques parfaitement distinctes l'une de l'autre intitulées les « Garantie(s) accordées » et les « Garantie(s) non accordée(s) ». La garantie ITT est mentionnée en face de cette seconde rubrique. Il ressort ainsi de la lecture de ce document dont les mentions sont claires et dépourvues de toute ambiguïté que la garantie ITT n'a pas été accordée à Mme [N].

Cette correspondance comporte un encart pour que l'assuré formalise son accord sur les conditions de garantie et la retourne à son agence. Les mentions manuscrites qui y ont été insérées, qui ne concernent que la date et la signature, sont, contrairement à ce que soutient Mme [N], parfaitement lisibles. La date apposée est celle du 17 juillet 2014. Quant à la signature, Mme [N] ne peut être suivie lorsqu'elle prétend que « rien ne permet de déterminer s'il s'agit bien » de la sienne. En effet, il ressort, sans doute possible, de la comparaison de cette signature avec celle apposée sur les autres documents que Mme [N] ne conteste pas avoir signés (bulletin individuel de demande d'adhésion et questionnaire de santé signés le 3 juillet 2014, offre de prêt habitat acceptée le 4 août 2014 notamment), que la signature litigieuse est bien la sienne.

C'est par conséquent à bon droit que la société CNP Assurances soutient que la garantie ITT n'a pas été accordée à Mme [N].

Certes, l'offre de prêt habitat que Mme [N] qualifie de conditions particulières et dont elle se prévaut pour prétendre au bénéfice de la garantie ITT mentionne :
- en page 3 : « Le montant du capital assuré au titre de Mlle [E] [N] est de 40% dans le cadre de l’assurance DIT Caisse Nationale de Prévoyance (Décès Perte totale et irréversible d’autonomie Incapacité temporaire de travail) »,
- en page 11 : « Adhésion(s) au contrat d'assurance-groupe Caisse Nationale de Prévoyance souscrit par la SOCIETE GENERALE, susceptible de couvrir les risques de Décès Perte totale et irréversible d'autonomie Incapacité temporaire de travail Mlle [E] [N] 40% du montant du prêt. ».

Cependant, cette offre de prêt rédigée par la Société Générale ne saurait engager la société CNP Assurances et permettre à Mme [N] de solliciter la mobilisation d'une garantie que la compagnie d'assurance n'a pas souhaité accorder, ce que la demanderesse a expressément accepté.

Mme [N] sera par conséquent déboutée de ses demandes de prise en charge du prêt habitat par la société CNP Assurances (demande en paiement de la somme de la somme de 86.788,388 euros et demande de « garantie de toutes les sommes dues à ce titre ») ainsi que de sa demande tendant à voir condamner la Société Générale à lui reverser la somme perçue de la compagnie d'assurance.

Au titre du contrat de prêt du 18 juin 2016

Mme [N] prétend que la société CNP Assurances doit sa garantie et s'oppose à la demande de nullité formée par la compagnie d'assurance. Elle conteste ainsi toute fausse déclaration en faisant valoir qu'elle a déclaré l’ensemble de ses antécédents médicaux lors de la souscription du premier prêt et qu'elle n'avait pas postérieurement présenté de nouvelles pathologies devant être déclarées. Elle prétend en outre que la société CNP Assurances qui accepté son adhésion à l'assurance en étant informée de l'hypertension artérielle qu'elle avait déclarée deux ans plus tôt ne peut plus, en application de l'article L.113-4 du code des assurances, se prévaloir de l'aggravation du risque en résultant. A titre subsidiaire, elle sollicite la réduction de l'indemnité dans les conditions de l'article L.113-9 du code des assurances aux motifs que la société CNP Assurances ne rapporte pas la preuve de sa mauvaise foi et que son éventuelle mauvaise compréhension de la déclaration d'état de santé démontre que ses dispositions n'étaient pas suffisamment claires et précises.

La société CNP Assurances objecte que Mme [N] ne pouvait pas signer la déclaration d'état de santé et aurait dû se soumettre à un contrôle médical sous la forme d'un questionnaire de santé, que la signature de cette déclaration sur l'honneur inexacte équivaut à une fausse déclaration au sens de l'article L.113-8 du code des assurances et qu'elle a modifié son opinion du risque à assurer de sorte que le contrat doit être annulé. Elle ajoute que Mme [N] avait parfaitement conscience des conséquences d'une fausse déclaration et qu'au vu des termes de la déclaration d'état de santé, qui sont dépourvus de toute ambiguïté, elle ne peut exciper de sa bonne foi et soutenir qu'elle pensait que les déclarations faites en 2014 relatives à son hypertension artérielle la dispensaient de toute nouvelle déclaration à ce sujet en 2016. Elle prétend également qu'il ne peut pas être fait application de l'article L.113-9 du code des assurances car si elle avait connu la réalité du risque à assurer, elle n'aurait pas accepté de garantir Mme [N] au titre de l'ITT et de l'invalidité.

Sur ce,

Aux termes de l’article L.113-8 du code des assurances, « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L.132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.
Les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.
Les dispositions du second alinéa du présent article ne sont pas applicables aux assurances sur la vie. ».

L’article L.113-9 du même code dispose : « L'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.
Si elle est constatée avant tout sinistre, l'assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l'assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l'assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l'assurance ne court plus.
Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ».

Il ressort de ces dispositions que la nullité du contrat est acquise sous la double condition de la preuve du caractère intentionnel de la déclaration incorrecte et du fait qu’à l’égard de l’assureur, elle a changé l’objet du risque ou diminué l’opinion qu’il pouvait en avoir.

Il incombe à l’assureur de prouver la mauvaise foi de l’assuré et le fait que la réticence ou la fausse déclaration commise de mauvaise foi a changé l’objet du risque ou en a diminué pour lui-même l’opinion, la mauvaise foi s’appréciant au jour où sont effectuées les déclarations.

Le caractère inexact des déclarations est apprécié en fonction des questions posées par l’assureur et de la personnalité de l’assuré. Il est également apprécié en fonction de chaque risque en litige mais indépendamment des circonstances de celui-ci.

Aux termes de l'article L.113-4 du code des assurances, « En cas d'aggravation du risque en cours de contrat, telle que, si les circonstances nouvelles avaient été déclarées lors de la conclusion ou du renouvellement du contrat, l'assureur n'aurait pas contracté ou ne l'aurait fait que moyennant une prime plus élevée, l'assureur a la faculté soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime.
(…)
Toutefois, l'assureur ne peut plus se prévaloir de l'aggravation des risques quand, après en avoir été informé de quelque manière que ce soit, il a manifesté son consentement au maintien de l'assurance, spécialement en continuant à recevoir les primes ou en payant, après un sinistre, une indemnité. ».

En l'espèce, le bulletin d'adhésion au contrat d'assurance en cause signé le 18 juin 2016 par Mme [N] mentionne :
« Pour les candidats à l'assurance âgés de moins de 65 ans lors de la demande d'adhésion au présent contrat :
. Les candidats à l'assurance (emprunteur, co-emprunteur ou caution personnelle du titulaire du prêt) concernés par un prêt inférieur ou égal à 40 000 euros peuvent être admis sur production d'une Déclaration d'Etat de Santé. S'ils ne sont pas en mesure de signer cette Déclaration d'Etat de Santé, l'admission est subordonnée à un contrôle médical sous forme d'un Questionnaire de Santé. (...) ».

Mme [N] a considéré qu'elle était en mesure de signer la déclaration d'état de santé qui figurait à la suite. Elle a alors « déclaré sur l'honneur » :

« ● ne pas avoir, au cours des 5 dernières années,
- été en arrêt de travail de 30 jours consécutifs sur prescription médicale pour raison de santé ;
- subi d'intervention chirurgicale autre que l'ablation des amygdales, végétations, dents de sagesse, appendicite, grossesse ;

● ne pas avoir, au cours des 10 dernières années, suivi de traitement médical de plus de 30 jours pour maladie du sang, affection rénale ou de l'appareil digestif, diabète, hypertension artérielle, affection cardiaque, vasculaire, respiratoire (hors allergies), cancéreuse neurologique, psychiatrique, dépression nerveuse, maladie osseuse, articulaire, rhumatismale, lumbago ou sciatique ; (...) ».

Or, il ressort du questionnaire de santé qu'elle avait rempli le 3 juillet 2014, d'une part, qu'elle a subi en 2013 une intervention chirurgicale pour un motif autre que « l'ablation des amygdales, végétations, dents de sagesse, appendicite, grossesse » (varices de membres inférieurs) et, d'autre part, qu'elle est depuis 2010 traitée pour de l'hypertension artérielle.

Les déclarations effectuées par Mme [N] en signant la déclaration d'état de santé sont par conséquent inexactes et elle aurait dû se soumettre à un contrôle médical prenant la forme d'un questionnaire de santé.

Les dispositions précitées sont rédigées dans des termes clairs, dépourvus de toute ambiguïté et parfaitement intelligibles par tout assuré normalement attentif. Au vu de leur formulation, Mme [N] ne peut être suivie lorsqu'elle affirme avoir cru qu'elle n'avait pas à déclarer les éléments déjà déclarés en 2014 et qu'elle ne devait faire état que des éléments survenus depuis. Le tribunal relève en outre qu'en apposant sa signature, elle a « [déclaré] avoir lu et compris chacune des déclarations ci-dessus » et « pouvoir certifier qu'elles sont exactes ».

Mme [N] ne peut davantage tirer argument du fait que la compagnie d'assurance avait connaissance de l'hypertension artérielle déclarée en 2014 s'agissant d'une nouvelle demande d'admission faisant l'objet d'une instruction distincte. Elle ne peut pas non plus se prévaloir des dispositions de l'article L.113-4 du code des assurances, celles-ci étant inapplicables en l'espèce pour ne concerner que l'hypothèse d'une aggravation du risque en cours de contrat.

Mme [N] avait nécessairement connaissance des éléments qu'elle n'a pas déclarés puisqu'elle en avait fait état en 2014 et qu'elle suivait le traitement en cause depuis 2010. Elle était en outre parfaitement consciente de l'incidence de son état de santé sur l'appréciation du risque à assurer dès lors que c'est précisément, au vu des réponses apportées au questionnaire médical, qu'en 2014, la garantie ITT a été refusée. Elle avait enfin été clairement informée des conséquences d'une fausse déclaration. En effet, d'une part, aux termes du bulletin d'adhésion, elle a reconnu « avoir été averti que toute déclaration inexacte qui pourrait gêner l'appréciation du risque à garantir entraînerait la nullité ou la réduction du contrat. ». D'autre part, ces conséquences sont mentionnées à l'article 15 de la notice d'information du contrat dont elle a, aux termes du bulletin d'adhésion, reconnu avoir reçu un exemplaire, pris connaissance et accepté les termes.

Dans ces conditions, le caractère intentionnel de la fausse déclaration est établi.

La société CNP Assurances produit une attestation de la responsable de son service « Tarification individuelle et Réexamens » indiquant que si l'hypertension artérielle avait été déclarée lors de la demande d'adhésion de 2016, les garanties ITT et Invalidité permanente totale n’auraient pas été accordées. Il est en effet patent que, compte tenu de la nature de la pathologie en cause, de son ancienneté, des traitements et risques qui en résultent, les éléments non déclarés ont faussé l’appréciation par la société CNP Assurances de l'ensemble des risques, et notamment de la garantie ITT objet du litige.

Par suite, les conditions de l’article L.113-8 alinéa 1 du code des assurances étant réunies, la nullité du contrat d’assurance sera prononcée. Mme [N] sera par conséquent déboutée des demandes formées à l'encontre de la société CNP Assurances au titre de la prise en charge du prêt, étant précisé que sa demande de versement d'une indemnité réduite ne peut pas être accueillie compte tenu du caractère intentionnel de la fausse déclaration. Elle doit donc être également déboutée de sa demande tendant à voir condamner la Banque française mutualise à lui reverser la somme prise en charge par la compagnie d'assurance et à voir condamner la Société Générale et la Banque française mutualise à supporter la différence en cas d'indemnité réduite en fonction des primes versées.

Sur la demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la société CNP Assurances

Au vu des développements qui précèdent, Mme [N] est nécessairement mal fondée à soutenir que la société CNP Assurances s'est abusivement opposée à ses demandes de garantie. Elle sera par conséquent déboutée de la demande de dommages et intérêts qu'elle forme de ce chef.

Sur la responsabilité de la Société Générale et de la Banque française mutualiste

A titre liminaire, il convient de préciser qu'il ressort de la lecture des conclusions de Mme [N] qu'elle ne recherche la responsabilité de la Société Générale et de la Banque française mutualiste que si le tribunal venait à considérer que la garantie ITT n'a pas été accordée et que la déclaration d'état de santé comporte des informations inexactes.

Au titre du contrat de prêt du 4 août 2014

Mme [N] prétend, aux termes d'une argumentation unique, que la Société Générale et la Banque française mutualiste ont manqué au devoir de conseil leur incombant en qualité de « banquier » au motif qu'elles ne l'ont pas suffisamment éclairée sur l'adéquation des risques couverts à sa situation. Elle souligne que le contrat de prêt indique qu'elle est assurée au titre de la garantie ITT et prétend que, compte tenu de ces mentions et de celles des conditions particulières, elle a toujours pensé qu'elle bénéficiait de cette garantie. Elle considère en conséquence que la « banque » doit l'indemniser de la perte de chance de bénéficier des garanties qu'elle aurait dû obtenir si elle avait rempli son devoir de conseil, perte de chance qu'elle évalue à 80% des sommes qu'elle aurait dû percevoir en application du contrat.

La Société Générale oppose que, lors de l'adhésion aux contrats d'assurance collective, elle est intervenue en qualité d'intermédiaire d'assurance et non en qualité de souscripteur de ces contrats de sorte qu'elle ne peut être tenue des obligations incombant au souscripteur, notamment pour ce qui concerne la remise de la notice et le devoir d'éclairer l'emprunteur sur l'adéquation des risques couverts par le contrat d'assurance à sa situation personnelle. Elle conteste alors tout manquement aux obligations lui incombant en qualité d'intermédiaire d'assurance en faisant valoir que Mme [N] n'explique pas en quoi elle ne l'aurait pas suffisamment éclairée sur l'adéquation des risques à sa situation et qu'elle lui a fourni, en lui remettant la « Fiche standardisée d’information », une information claire, précise, complète et suffisante. Elle prétend que la décision de la société CNP Assurances de ne pas accepter l'adhésion de Mme [N] au titre de la garantie ITT ne présente aucun lien de causalité avec les informations et conseils qu'elle lui a délivrés au sujet des garanties et qu'elle n'est en rien responsable de ce refus. Si elle reconnaît que le contrat de prêt comporte une erreur en ce qu'il mentionne que Mme [N] est assurée au titre de l'ITT, elle prétend que celle-ci avait par ailleurs été clairement informée du refus de la société CNP Assurances de la garantir et l'avait accepté de sorte que l'erreur en cause n'a eu aucune incidence et que Mme [N] n'a subi aucune perte de chance d'être garantie.

La Banque française mutualiste objecte que ses produits sont distribués par la Société Générale et que celle-ci, qui se définit elle-même comme un intermédiaire d’assurance et qui était en lien avec Mme [N], ne peut s'exonérer de toute obligation au motif qu'elle n'est pas souscripteur des contrats d'assurance objet du litige. Elle prétend que la Société Générale justifie, d'une part, du respect des obligations d'information lui incombant par la production de la fiche d’information exigée en matière de crédit immobilier et, d'autre part, de la remise des notices d'information des contrats. Elle soutient encore que seule la Société Générale, qui est intervenue en qualité d'intermédiaire d'assurance et a proposé l'adhésion à l'assurance, était tenue d'un devoir de conseil à l'égard de Mme [N] et qu'aucun manquement ne peut lui être reproché dès lors qu'elle a été clairement informée que la garantie ITT ne lui était pas accordée.

Sur ce,

A titre liminaire, il sera relevé que seule la condamnation de la Société Générale est sollicitée au titre de ce prêt. En 2014, celle-ci est intervenue en qualité de banquier prêteur de deniers et d'intermédiaire pour le compte de la Banque française mutualiste, souscriptrice du contrat d'assurance de groupe.

Il est de principe que l'intermédiaire d’assurance est tenu d’une obligation d’information et de conseil qui doit le conduire à conseiller des garanties adaptées à la situation personnelle et aux besoins de l’assuré et à attirer par conséquent son attention sur des absences, limitations ou exclusions de garantie.

L’intensité du devoir de l’intermédiaire d’assurance s'apprécie in concreto en fonction de la propre compétence de l’assuré et au regard des informations qu'il a communiquées dans le cadre de l’opération d’assurance envisagée et des objectifs poursuivis.

La charge de la preuve de l’exécution de l’obligation d’information et de conseil qui n’est que de moyens incombe à ce professionnel.

En l'espèce, ainsi que le relève justement la Société Générale, si Mme [N] allègue, d'une façon générale, un défaut d'information et de conseil sur l'adéquation des risques couverts à sa situation, elle ne développe aucune argumentation précise pour étayer le grief en cause et expliquer en quoi les garanties proposées étaient inadaptées. Or, il résulte des pièces versées aux débats que la Société Générale a, le 3 juillet 2014, remis à Mme [N] un document intitulé « Fiche standardisée d'information » qui reprend les caractéristiques du prêt, les besoins exprimés par Mme [N] en matière d'assurance et les garanties proposées avec les noms des assureurs et souscripteurs et qui mentionnent expressément que les échanges des parties ont porté sur ces éléments ainsi que sur les risques liés au non-remboursement total ou partiel du prêt en cas de décès/perte totale et irréversible d'autonomie ou en cas de problème de santé privant l'assuré de l'exercice de son activité. Au vu de ces éléments et en l'absence de plus amples moyens mis en débat par Mme [N], celle-ci ne peut se plaindre d'aucun manquement à l'obligation d'information et de conseil au stade de sa demande d'adhésion.

Mme [N] a ensuite demandé à être assurée au titre des garanties qui lui avaient été proposées par la Société Générale. Si la société CNP Assurances a refusé d'accorder la garantie ITT, cette décision est sans lien avec les informations et conseils délivrés par la Société Générale et ne peut lui être imputée à faute.

Certes, la Société Générale reconnaît que l'offre de prêt du 21 juillet 2014 - l'offre de prêt et les conditions particulières évoquées par Mme [N] constituant un seul et même document - comporte une erreur en ce qu'elle mentionne la garantie ITT. Cependant, il ressort des développements qui précèdent qu'aux termes d'une correspondance datée du 9 juillet 2014, la société CNP Assurances a informé Mme [N] de son refus de lui accorder la garantie ITT et que celle-ci a accepté les conditions de garantie ainsi proposées. Mme [N] savait par conséquent qu'elle n'était pas assurée au titre de la garantie ITT et avait par ailleurs été précédemment informée des risques liés au non-remboursement du prêt en cas de problème de santé la privant de l'exercice de son activité. La Société Générale affirme alors sans être contredite que Mme [N] ne l'a pas ensuite sollicitée pour tenter de trouver une solution alternative lui permettant d'être assurée au titre de la garantie ITT. Dans ces conditions, la demanderesse ne peut pas soutenir avoir, au vu des mentions de l'offre de prêt, cru qu'elle était assurée au titre de cette garantie. En toute hypothèse, elle ne peut pas prétendre que l'erreur commise par la Société Générale lui a fait perdre une chance d'obtenir la mobilisation de la garantie ITT qui avait été refusée.

Elle sera par conséquent déboutée de la demande qu'elle forme à son encontre.

Au titre du contrat de prêt du 18 juin 2016

Mme [N] reproche à la Société Générale et à la Banque française mutualiste qui connaissaient les antécédents qu'elle avait déclarés en 2014 de ne pas avoir attiré son attention sur le contenu de la déclaration d'état de santé de 2016, à supposer que celle-ci soit incomplète ce qu'elle conteste.

La Société Générale oppose qu'elle n'avait pas à comparer le contenu des déclarations faites par Mme [N] lesquelles concernaient deux demandes d'adhésion distinctes effectuées à deux ans d'intervalle, que Mme [N] est seule responsable des éventuelles inexactitudes de la déclaration d'état de santé dont les mentions sont dépourvues de toute ambiguïté, que son obligation de répondre de manière sincère relevait de la seule obligation de bonne foi et qu'elle était informée qu'une déclaration inexacte était susceptible d'entraîner la nullité du contrat.

La Banque française mutualiste objecte que le refus de garantie opposé par la société CNP Assurances est dépourvu de tout lien avec un éventuel conseil sur l’adéquation des garanties proposées. Elle rappelle, à toutes fins utiles, que la déclaration d'état de santé et le questionnaire de santé relèvent du secret médical, qu'ils sont adressés au médecin conseil de l'assureur sous pli confidentiel et ne concernent ni le banquier, ni le souscripteur du contrat d’assurance de groupe qui, partant, n’ont pas à attirer l'attention du candidat à l'assurance sur les omissions ou erreurs qu'ils peuvent contenir.

Sur ce,

A titre liminaire, il sera relevé que seule la condamnation de la Banque française mutualiste est sollicitée au titre de ce prêt qui a été proposé, pour son compte, par la Société Générale avec le contrat d'assurance de groupe qu'elle avait souscrit auprès de la société CNP Assurances.

Il est de principe que si l'intermédiaire d'assurance ou le souscripteur du contrat d'assurance de groupe doivent conseiller leur client selon les connaissances et les besoins de celui-ci, ils ne sont pas tenus de lui rappeler qu’il doit répondre avec loyauté et sincérité aux questions posées à l'occasion de l'adhésion à l'assurance et, en conséquence, donner des informations exactes sur sa situation personnelle et plus particulièrement, sur son état de santé, cette obligation relevant de l'obligation de bonne foi qui s'impose en matière contractuelle.

Partant, à supposer qu'elle ait été en possession du questionnaire de santé rempli en 2014 ou ait eu connaissance de son contenu, c'est à juste titre que la Société Générale soutient qu'elle n'avait pas à procéder à une comparaison de ce questionnaire avec la déclaration d'état de santé renseignée deux ans plus tard dans le cadre d'une demande de prêt distincte pour s'assurer que les réponses de Mme [N] étaient cohérentes. Dès lors qu'il ressort des développements qui précèdent que les dispositions de la déclaration d'état de santé étaient claires et dépourvues de toute ambiguïté, que Mme [N] a intentionnellement effectué une déclaration inexacte et qu'elle avait été informée des conséquences de sa fausse déclaration, elle ne peut pas plus lui reprocher de ne pas avoir attiré son attention sur la nécessité de répondre sincèrement aux questions posées et de faire état des éléments précédemment déclarés en 2014.

Aucun manquement ne peut donc être reproché à la Société Générale et, partant, à la Banque française mutualiste, à l'occasion de la déclaration d'état de santé, étant rappelé que la Banque française mutualiste n'était pas présente lors de la souscription des contrats et qu'aucun élément ne démontre qu'elle a eu connaissance du contenu du questionnaire de santé rempli en 2014. Mme [N] sera par conséquent déboutée de la demande de dommages et intérêts qu'elle forme à son encontre de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la Société Générale pour la résistance abusive de la société CNP Assurances

Au vu de l'issue du litige, il ne peut être reproché à la société CNP Assurances de s'être abusivement opposée à la mobilisation de sa garantie. Mme [N] n'explique en outre pas en quoi la Société Générale pourrait être condamnée au titre de la résistance abusive de la compagnie d'assurance, aucun moyen n'étant développé pour soutenir la demande formée à son encontre. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires

Succombant à l'instance, Mme [N] sera condamnée aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Sandrin dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il convient, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à sa charge une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par les défenderesses à l’occasion de la présente instance. Elle sera condamnée à leur payer à chacune la somme de 1.500 euros à ce titre.

L'exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l'espèce à compter du 1er janvier 2020. Au vu du sens de la présente décision, les demandes de consignation et de constitution de garantie sont sans objet et aucun motif ne justifie d'écarter l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Prononce la nullité pour fausse déclaration du contrat d’assurance de groupe souscrit par Mme [E] [N] auprès de la société anonyme CNP Assurances le 18 juin 216 ;

Déboute Mme [E] [N] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne Mme [E] [N] à payer à la société anonyme CNP Assurances, à la société anonyme Société Générale et à la société anonyme Banque française mutualiste la somme de 1.500 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [E] [N] aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Virgine Sandrin dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige ;

Fait et jugé à Paris le 19 Mars 2024.

Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 4ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 20/10774
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;20.10774 ?
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