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15/03/2024 | FRANCE | N°22/04942

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jtj proxi fond, 15 mars 2024, 22/04942


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité


PCP JTJ proxi fond

N° RG 22/04942 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXU24

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDERESSE
Madame [C] [N], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Hervé CASSEL de la SELAFA CABINET CASSEL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #K0049

DÉFENDERESSES
Etablissement public

POLE EMPLOI [Adresse 3], dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Hélène LAUTHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #K42

POLE EMPLOI, dont le siège soc...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi fond

N° RG 22/04942 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXU24

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDERESSE
Madame [C] [N], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Hervé CASSEL de la SELAFA CABINET CASSEL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #K0049

DÉFENDERESSES
Etablissement public POLE EMPLOI [Adresse 3], dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Hélène LAUTHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #K42

POLE EMPLOI, dont le siège social est sis [Adresse 4], non comparante, ni représentée

Intervenant volontaire :
POLE EMPLOI ÎLE DE FRANCE, dont le siège socila est sis [Adresse 1]
non comparant, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, statuant en juge unique
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience, et de Antonio Filareto Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 mai 2023 mise à disposition le 5 septembre 2023 prorogée au 15 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier
Décision du 15 mars 2024
PCP JTJ proxi fond - N° RG 22/04942 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXU24

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [C] [N] s'est inscrite comme demandeur d'emploi le 31 août 2018.

Le 10 décembre 2018 elle a été embauchée par l'association J'INTERVIENDRAIS AIDE PÉDAGOGIQUE dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée assortie d'une convention PARCOURS EMPLOI COMPÉTENCE (PEC) conclue avec PÔLE EMPLOI.

Le 14 septembre 2021 le conseil de prud'hommes de Paris a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 3 février 2022 PÔLE EMPLOI lui a notifié un trop perçu d'un montant de 6 470,55 euros au titre de l'allocation de retour à l'emploi (ARE) pour les mois de décembre 2018, février à mai 2019, novembre 2019 et décembre 2019.

Madame [C] [N] a sollicité l'effacement de sa dette le 6 février 2022 puis l'a contestée le 30 mars suivant. Son recours gracieux a été rejeté le 21 juillet 2022.

Par actes de commissaire de justice des 11 et 12 juillet 2022, Madame [C] [N] a assigné PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE en ses établissements de[Adresse 4]) et [Adresse 3] en annulation de la décision de trop perçu.

À l'audience du 17 mai 2023 à laquelle l'affaire a été retenue, Madame [C] [N], représentée par son conseil, a demandé au tribunal de déclarer l'action en répétition d'indu de PÔLE EMPLOI irrecevable, subsidiairement de l'en débouter, encore plus subsidiairement de limiter le montant de sa condamnation à la somme de 1 576,80 euros et de lui octroyer 8 mois de délais pour s'acquitter de sa dette.

Elle a également sollicité la condamnation solidaire de PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE et de PÔLE EMPLOI [Adresse 3] à lui payer la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts ainsi qu'à celle de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Au soutien de sa fin de non-recevoir, Madame [C] [N] fait valoir que compte-tenu de la date de versement des prestations (janvier et juillet 2019 et janvier 2020) et s'agissant d'une procédure orale, la demande en répétition d'indu de PÔLE EMPLOI se trouve atteinte par la prescription triennale de droit commun de l'article L.5422-5 du code du travail et qu'à supposer que la transmission des écritures de PÔLE EMPLOI le 12 octobre 2022 ait interrompu la prescription, seule la demande portant sur le rappel d'allocations versées en janvier 2020 est recevable.

Au fond, elle affirme n'avoir commis aucune fausse déclaration ni fraude et soutient qu'en réalité c'est PÔLE EMPLOI qui a commis une erreur, la production des copies écran du logiciel de PÔLE EMPLOI ne permettant pas de rendre objectivement compte des informations qu'elle a pu transmettre.

À l'appui de sa demande subsidiaire de délais de paiement, elle argue de sa bonne foi, déclare percevoir une allocation chômage mensuelle de 1 005,42 euros et travailler en intérim depuis mars 2013.

À l'appui de sa demande de dommages et intérêts, elle prétend que PÔLE EMPLOI a procédé à deux reprises à la retenue en totalité de ses allocations, ce que légalement il n'était pas autorisé à faire, seule une retenue dans la limite de 20 % du montant versé étant possible en l'absence de contestation du caractère indu par le débiteur conformément aux articles L.5426-8-1 et R.5426-18 du code du travail et que ces prélèvements ont désorganisé son budget et l'ont contrainte à solliciter une autorisation exceptionnelle de découvert.

PÔLE EMPLOI et PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE, représentés par leur conseil, ont demandé au tribunal de déclarer PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE recevable en son intervention volontaire, de débouter Madame [C] [N] de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 6 274,70 euros au titre des allocations chômage indues ainsi qu'à celle de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Au soutien de sa demande d'intervention forcée, PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE fait valoir que seul PÔLE EMPLOI a été assigné alors que des demandes sont formulées à son encontre.

Les défendeurs soutiennent en application de l'article L.5422-5 du code du travail et de l'article 27 du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 que la prescription est de 10 ans, compte-tenu des fausses déclarations de Madame [C] [N] qui a omis de déclarer toutes ses heures travaillées et que la prescription a en outre été interrompue par la communication de leurs dernières écritures.

Au fond, ils font valoir en application des articles 1302 et 1302-1 du code civil et L.5426-2 du code du travail que l'action en répétition de l'indu est bien fondée au regard des obligations déclaratives auxquelles Madame [C] [N] ne s'est pas conformée ainsi que cela ressort des données figurant dans son dossier et que compte-tenu du montant de ses rémunérations elle n'avait pas le droit au versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

Enfin, concernant la demande de dommages et intérêts, ils contestent avoir commis une faute, en indiquant notamment que les retenues opérées dues au fait que Madame [C] [N] avait initialement sollicité un effacement de sa dette lui ont été immédiatement remboursées et que ses difficultés financières étaient antérieures.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l'assignation et aux conclusions visées à l'audience pour un plus ample exposé des moyens des parties à l'appui de leurs prétentions.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2023 puis a été prorogée à plusieurs reprises pour être définitive prononcée ce jour.

MOTIFS

Sur l'intervention volontaire de PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE

Au visa des articles 66 et 325 et suivants du code de procédure civile, l'intervention volontaire d'un tiers au procès est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

En l'espèce, PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE qui n'a pas été assigné (seul a été attrait PÔLE EMPLOI pris en deux de ses établissements parisiens) et à l'encontre duquel Madame [C] [N] formule des demandes en paiement est intervenue volontairement à la procédure.

Il y a lieu d'en prendre acte et de déclarer son intervention volontaire recevable.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

L'article L.5411-2 du code du travail dispose que :
"Les demandeurs d'emploi renouvellent périodiquement leur inscription selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'emploi et la catégorie dans laquelle ils ont été inscrits.
Ils portent également à la connaissance de Pôle emploi les changements affectant leur situation susceptibles d'avoir une incidence sur leur inscription comme demandeurs d'emploi."

L'article R.5411-6 du code du travail prévoit à cet égard que :
"Les changements affectant la situation au regard de l'inscription ou du classement du demandeur d'emploi et devant être portés à la connaissance de PÔLE EMPLOI, en application du second alinéa de l'article L. 5411-2, sont les suivants :
1° L'exercice de toute activité professionnelle, même occasionnelle ou réduite et quelle que soit sa durée…"

L'article R.5411-7 du code du travail prévoit en outre que :
"Le demandeur d'emploi porte à la connaissance de PÔLE EMPLOI les changements de situation le concernant dans un délai de soixante-douze heures."

L'article 24 du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance-chômage rappelle cet impératif de déclaration mensuelle.

S'agissant plus particulièrement de la prescription, l'article L.5422-5 du code du travail dispose que :
"L'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans.
En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans.
Ces délais courent à compter du jour de versement de ces sommes."

En l’espèce, si Madame [C] [N] demeurait soumis à l'obligation de déclarer à PÔLE EMPLOI tout changement de situation susceptible d'affecter le calcul du montant de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, notamment le nombre d'heures travaillées et les rémunérations perçues, et qu'elle a incontestablement manqué à cette obligation, il demeure que PÔLE EMPLOI ne rapporte pas la preuve que cette omission soit assimilable à une fausse déclaration.

En effet, les termes "fausse déclaration" ne peuvent être détournés de leur sens : une déclaration implique un acte positif et une simple abstention ne peut être considérée comme une "déclaration". Certes, une abstention, lorsqu'elle résulte d'une volonté délibérée de dissimulation, peut constituer une fraude, mais en l'occurrence PÔLE EMPLOI ne rapporte pas la preuve de cette volonté délibérée de la part de Madame [C] [N] de dissimuler une partie de ses revenus et d'ailleurs PÔLE EMPLOI n'invoque pas la fraude mais seulement la fausse déclaration.

Par conséquent, en l'absence de fausse déclaration et de preuve d'une quelconque fraude de la part de Madame [C] [N], l'action en répétition de l'indu se prescrivait par trois ans.

En l'occurrence, les allocations de retour à l'emploi (ARE) de décembre 2018 (195,75 euros) ont été versées sur le compte bancaire de Madame [C] [N] le 7 janvier 2019 (pièce demanderesse n°18), celles de février à mai 2019 (4 698 euros) l'ont été le 3 juillet 2019 (pièce demanderesse n°29) et celles de novembre et décembre 2019 (1 576,80 euros) le 2 janvier 2020 (même pièce). PÔLE EMPLOI disposait donc d'un délai respectivement jusqu'au 7 janvier 2022, 3 juillet 2022 et 2 janvier 2023 pour en réclamer le remboursement.

En outre, s'il est exact qu'en matière de procédure orale, des conclusions reconventionnelles déposées à une audience par une partie présente ou représentée interrompent, à leur date, la prescription, dès lors que cette partie ou son représentant a comparu et les a reprises oralement lors de l'audience de plaidoirie ultérieure (Civ. 1ère, 13 novembre 2008, n° 06-21.745), PÔLE EMPLOI n'a pas fait viser ses écritures par le greffe lors de l'audience d'orientation du 24 octobre 2022.

Il s'ensuit qu'en saisissant le tribunal de sa demande de répétition d'indu seulement à l'audience de plaidoirie du 17 mai 2023, PÔLE EMPLOI se heurte à la prescription de son action en remboursement.

Il y a lieu en conséquence d'accueillir la fin de non-recevoir soulevée par Madame [C] [N] et de déclarer PÔLE EMPLOI irrecevable en ses demandes en répétition d'indu.

Sur les dommages et intérêts

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Il incombe à Madame [C] [N] d'établir l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Il résulte des dispositions des articles L.5426-8-1 et L.5426-8-2 du code du travail que PÔLE EMPLOI ne peut légalement récupérer les sommes indument versées à un allocataire en procédant par retenues sur des échéances à venir lorsque le débiteur conteste le caractère indu des sommes ainsi recouvrées.

En l'espèce, Madame [C] [N] ayant par courrier du 30 mars 2022 contesté la notification de trop perçu, PÔLE EMPLOI ne pouvait pas procéder à la retenue de ses allocations d'avril et de mai 2022. Cependant, PÔLE EMPLOI démontre lui avoir restitué les sommes retenues seulement quelques jours plus tard (pièce PÔLE EMPLOI n°13) sans que cela ait la moindre incidence financière pour elle.

Madame [C] [N] ne justifiant d'aucun autre préjudice qui ne serait pas de fait déjà indemnisé par l'impossibilité pour PÔLE EMPLOI d'obtenir le recouvrement de sa créance, il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

PÔLE EMPLOI, qui perd le procès, sera condamné aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [C] [N] les frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1 200 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire, statuant publiquement, après débats en audience publique par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE recevable l'intervention volontaire de PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE,

DÉCLARE irrecevables les demandes de PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE et en tant que de besoin de PÔLE EMPLOI pour cause de prescription,

DÉBOUTE Madame [C] [N] de sa demande de dommages et intérêts,

CONDAMNE PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE à verser à Madame [C] [N] la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE PÔLE EMPLOI ÎLE-DE-FRANCE aux dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits par le Président et la Greffière susnommés.

Fait et jugé à Paris le 15 mars 2024
La Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jtj proxi fond
Numéro d'arrêt : 22/04942
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;22.04942 ?
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