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15/03/2024 | FRANCE | N°22/00127

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jtj proxi fond, 15 mars 2024, 22/00127


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité


PCP JTJ proxi fond

N° RG 22/00127 - N° Portalis 352J-W-B7F-CWBLT

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024


DEMANDEUR
Monsieur [K] [G], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Charles LECURIEUX-CLERVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E2098


DÉFENDEUR
Monsieur [V] [S], demeurant Galerie Loft -

[Adresse 2]
représenté par Me François-henri BLISTENE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0654



COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, statuant en juge unique
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi fond

N° RG 22/00127 - N° Portalis 352J-W-B7F-CWBLT

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 mars 2024

DEMANDEUR
Monsieur [K] [G], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Charles LECURIEUX-CLERVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E2098

DÉFENDEUR
Monsieur [V] [S], demeurant Galerie Loft - [Adresse 2]
représenté par Me François-henri BLISTENE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0654

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, statuant en juge unique
assisté de Laura DEMMER, Greffière lors de l’audience, et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 mai 2023 mise à disposition au 5 septembre 2023 prorogée au 15 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 mars 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 15 mars 2024
PCP JTJ proxi fond - N° RG 22/00127 - N° Portalis 352J-W-B7F-CWBLT

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte d'huissier de justice du 27 septembre 2021 Monsieur [K] [G] a fait assigner Monsieur [V] [S] devant le pôle civil de proximité du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de constater l'absence de contrat de cession portant sur l'objet "herminette Korvar", d'ordonner la remise de l'objet "statuette féminine du Timor" et du "masque de sarcophage de Bornéo" en échange de l'objet "amulette Korvar" et d'une somme de 500 euros ou de le condamner à 4 500 euros, le tout sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement, de désigner un séquestre judiciaire pour garder l'objet "herminette Korvar" et de le condamner à payer 2 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Une conciliation judiciaire a été ordonnée par jugement du 3 février 2022 mais n'a pas abouti.
À l'audience du 17 mai 2023 à laquelle l'affaire a été retenue, Monsieur [K] [G], représenté par son conseil, a maintenu les termes de son assignation.

Monsieur [V] [S], représenté par son conseil, a demandé de constater l'absence de dette entre les parties, de lui donner acte de son offre de restitution de l'objet "statuette féminine du Timor", de valider la vente de l'objet "herminette Korvar" au prix de 3 500 euros, d'enjoindre Monsieur [K] [G] de verser aux débats l'original du carnet où figure la transaction relative à l'objet "masque de sarcophage de Bornéo", de le débouter de ses demandes et de le condamner à payer 3 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l'assignation et aux conclusions en défense visées à l'audience pour l'exposé des moyens des parties à l'appui de leurs prétentions.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2023 puis a été prorogée à plusieurs reprises pour être définitive rendu ce jour.

MOTIFS

À titre liminaire, le tribunal rappelle qu'il n'est pas tenu de statuer sur les demandes de "constat" qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la demande de communication de pièces

L'article 10 du code de procédure civile dispose que "le juge a le pouvoir d'ordonner d'office toutes les mesures d'instruction légalement admissibles" tandis que l'article 11 du même code dispose que "les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge de tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus. Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte".

Si ces dispositions autorisent une partie à solliciter du juge la production de pièces dont elle entend faire état, il lui appartient néanmoins de démontrer d'une part, l'existence et l'effectivité de la détention par l'autre partie des pièces sollicitées, et d'autre part, l'opportunité et la nécessité d'une telle production pour résoudre le litige soumis à l'appréciation du tribunal.

Or, Monsieur [V] [S] ne produit aucun élément de nature à justifier de l'existence et de la détention par Monsieur [K] [G] du carnet où figurerait la transaction relative au "masque de sarcophage de Bornéo" étant précisé que le demandeur verse aux débats l'original du reçu établi lors de la remise de cet objet.

Sa demande de communication de pièces sera par conséquent rejetée.

Sur la demande de restitution croisée des objets

Sur le contrat de dépôt des objets "statuette féminine du Timor" et du "masque de sarcophage de Bornéo"

En application des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Aux termes des dispositions des articles 1921 et 1922 du code civil, le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit ; il ne peut être régulièrement fait que par le propriétaire de la chose déposée, ou de son consentement exprès ou tacite.

La remise d'un bien en vue de sa vente constitue une variété du contrat de dépôt comportant un mandat de vente.

En l'espèce, il ressort du reçu versé aux débats signé par Monsieur [V] [S] que ce dernier a reçu le 15 septembre 2019 en dépôt de Monsieur [K] [G] trois objets, à savoir un "masque de sarcophage de Bornéo", une "statuette féminine du Timor" et un "crâne-trophée Dayak" en vue de procéder à leur vente.

Le "crâne-trophée Dayak" a été vendu pour le prix de 5 000 euros et Monsieur [K] [G] a reçu en règlement une somme totale de 5 500 euros (4 000 euros par virement du 27 septembre 2019 et 1 500 euros par virement du 29 octobre 2019).

En application de l'article 1915 du code civil le dépositaire qui reçoit la chose d'autrui à titre de dépôt a la charge de la garder et de la restituer en nature. L'article 1932 du même code dispose que le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu'il a reçue.

En application de l'article 2004 du code civil, le mandant peut révoquer le mandat quand bon lui semble.

L'article 1944 du code civil dispose que le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu'il le réclame, lors même que le contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution ; à moins qu'il n'existe, entre les mains du dépositaire, une saisie ou une opposition à la restitution et au déplacement de la chose déposée.

Monsieur [K] [G] a demandé par courrier du 29 décembre 2019 à récupérer le "masque de sarcophage de Bornéo" et la "statuette féminine du Timor".

Monsieur [V] [S] soutient avoir vendu le "masque de sarcophage de Bornéo" sans néanmoins produire le moindre justificatif notamment une facture pour l'établir.

Il n'est par ailleurs rapporté la preuve d'aucune saisie ou opposition à la restitution et au déplacement de la chose déposée au sens de l'article 1944 précité.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de restitution et d'enjoindre Monsieur [V] [S] de restituer le "masque de sarcophage de Bornéo" et la "statuette féminine du Timor", dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision et sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de trois mois.

L'article 1943 du code civil dispose que si le contrat ne désigne point le lieu de la restitution, elle doit être faite dans le lieu même du dépôt.

Le reçu signé le 15 septembre 2019 ne mentionne pas le lieu de restitution.

L'échange des pièces ayant été réalisée à [Localité 3], à défaut de dispositions contraires pouvant être convenues entre les parties, la restitution aura donc lieu dans cette ville à l'adresse où se domicilie Monsieur [V] [S], à savoir la Galerie Loft, [Adresse 2].

L'article 1352 du code civil dispose que la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

Si la restitution du "masque de sarcophage de Bornéo" s'avère impossible, Monsieur [V] [S] devra donc payer à Monsieur [K] [G] la somme correspondante à la valeur de cet objet.

À cet égard, Monsieur [V] [S] prétend que Monsieur [K] [G] aurait modifié le prix sur le reçu, selon lui de 7 500 euros, en transformant le 7 en 8.

Or, aucun ajout n'apparaît par transparence sur ce reçu communiqué en original.

À défaut de restitution en nature du "masque de sarcophage de Bornéo", Monsieur [V] [S] devra donc payer à Monsieur [K] [G] la somme de 8 500 euros.

Sur la vente de l'objet "amulette Korvar"

L'article 1113 du code civil dispose que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager et que cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

L'article 1582 du code civil définit la vente comme une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.

L'article 1583 du même code précise que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

En l'espèce, il ressort des échanges WhatsApp versés aux débats que le 23 octobre 2019 dans l'après-midi Monsieur [V] [S] a remis à Monsieur [K] [G] l'objet "herminette Korvar" et que le soir même ce dernier lui a indiqué qu'il ne "pren[ait] pas l'objet car cela ne [lui] plaît pas trop".

Aucun écrit n'a été établi lors de l'échange de l'objet et aucun élément ne permet de déterminer si les parties se sont accordées sur un prix de vente. En l'absence d'accord sur le prix de la chose devant être cédée, le contrat de vente n'a pas été conclu.

En conséquence, Monsieur [V] [S] sera débouté de sa demande tendant à voir valider la vente de cet objet.

Monsieur [K] [G] devra donc restituer "l'herminette Korvar" à Monsieur [V] [S] qui sera condamné à lui rembourser le prix, soit selon le demandeur la somme de 3 000 euros, de laquelle il convient de déduire le trop versé de 500 euros au titre de la vente du "crâne-trophée Dayak", soit à lui revenir la somme de 2 500 euros.

En application de l'article 1943 précité du code civil, la restitution s'effectuera à la Galerie Loft et la demande de séquestre judiciaire, non justifiée en droit, sera rejetée.

Les autres demandes des parties seront rejetées.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [V] [S], qui perd le procès, sera condamné aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [K] [G] les frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1 200 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire, statuant publiquement, après débats en audience publique par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE Monsieur [V] [S] de sa demande de communication de pièces,

DIT que la vente de l'objet "amulette Korvar" n'est pas parfaite,

CONDAMNE Monsieur [V] [S] à restituer à Monsieur [K] [G] les objets "statuette féminine du Timor" et "masque de sarcophage de Bornéo", dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé ce délai et pendant une durée de trois mois,

DIT que sauf meilleur accord des parties la restitution de ces objets s'effectuera à la Galerie Loft, [Adresse 2],

DIT que si la restitution en nature de l'objet "masque de sarcophage de Bornéo" s'avère impossible, Monsieur [V] [S] sera débiteur de la somme de 8 500 euros et CONDAMNE en tant que de besoin Monsieur [V] [S] à verser cette somme à Monsieur [K] [G],

DIT que Monsieur [K] [G] devra restituer à Monsieur [V] [S] l'objet "amulette Korvar",

CONDAMNE Monsieur [V] [S] à verser à Monsieur [K] [G] la somme de 2 500 euros en remboursement du prix de l'objet "amulette Korvar", déduction faite d'un trop versé sur la vente de l'objet "crâne-trophée Dayak",

DIT que sauf meilleur accord des parties la restitution de l'objet "amulette Korvar" s'effectuera également à la Galerie Loft, [Adresse 2],

DÉBOUTE Monsieur [K] [G] de sa demande de séquestre judiciaire,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE Monsieur [V] [S] à verser à Monsieur [K] [G] la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [V] [S] aux dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Président et le Greffier susnommés.

Fait et jugé à Paris le 15 mars 2024

Le Greffier, Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jtj proxi fond
Numéro d'arrêt : 22/00127
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;22.00127 ?
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