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14/03/2024 | FRANCE | N°20/03030

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 14 mars 2024, 20/03030


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 20/03030 - N° Portalis 352J-W-B7E-CR6CH

N° PARQUET : 20/348

N° MINUTE :


Assignation du :
12 Mars 2020

AJ du TGI DE PARIS du 14 Mars 2019 N° 2018/062620

V.B.





JUGEMENT
rendu le 14 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [G] [T]
[Adresse 2]
[F] [E] ALGERIE

représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0599 (bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/06

2620 du 14/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)



DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 3]
[Localit...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 20/03030 - N° Portalis 352J-W-B7E-CR6CH

N° PARQUET : 20/348

N° MINUTE :

Assignation du :
12 Mars 2020

AJ du TGI DE PARIS du 14 Mars 2019 N° 2018/062620

V.B.

JUGEMENT
rendu le 14 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [G] [T]
[Adresse 2]
[F] [E] ALGERIE

représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0599 (bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/062620 du 14/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 3]
[Localité 1]

Virginie PRIÉ, substitute

Décision du 14/03/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 20/03030

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 25 Janvier 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile par Madame Victoria Bouzon, magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 12 mars 2020 par M. [G] [T] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions de M. [G] [T] notifiées par la voie électronique le 20 avril 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 7 décembre 2023,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 22 décembre 2023 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 25 janvier 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 28 mai 2020. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

M. [G] [T], se disant né le 12 juillet 1980 à [F] (Algérie), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Il fait valoir que sa mère, Mme [V] [H], née le 31 mai 1948 à [F] (Algérie), a conservé de plein droit la nationalite française lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie sur le fondement de l'article 32-1 du code civil, étant de statut civil de droit commun, pour descendre par la branche paternelle de [U] [H], né le 18 novembre 1904 à [F] (Algérie), admis à la qualité de citoyen français par jugement du tribunal civil d'Alger du 4 novembre 1932.

Le ministère public sollicite, à titre principal, de dire que M. [G] [T] n'est pas français et, à titre subsidiaire, de juger qu'il a perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, sur le fondement de l'article 30-3 du code civil.

Néanmoins, cet article empêche l'intéressé, si les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation. Dès lors qu'il ne suppose pas que la nationalité de l'intéressé soit établie préalablement mais seulement qu'elle soit revendiquée par filiation, la désuétude doit être examinée à titre principal.

Sur la désuétude

Aux termes de l’article 30-3 du code civil, lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français.

L’application de l’article 30-3 du code civil invoqué par le ministère public doit être examinée au regard des seuls termes de ce texte, lequel n’institue pas un délai de prescription susceptible de suspension ou d’interruption mais instaure une perte du droit à apporter la preuve devant les tribunaux de sa nationalité française, sanctionnant le non usage de celle-ci aux personnes qui résident habituellement à l’étranger et dont les ascendants n’ont pas plus été sur le sol français depuis un certain temps. Il s’ensuit qu’il ne peut donc être constaté une inégalité entre l’action négatoire du ministère public, qui peut être combattue par la possession d’état reconnue par l’article 21-13 du code civil, et l’action déclaratoire de nationalité française, dont l’exercice n’est pas davantage subordonné à un délai, dès lors que l’intéressé dispose d’éléments de possession d’état durant la période visée.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code précité, lequel impose de mentionner, dans le jugement, la date à laquelle la nationalité française a été perdue, ou, le cas échéant, la date à laquelle elle avait été perdue par les auteurs de l’intéressé, en précisant que ce dernier n’a jamais été français.

Pour l'application de l’article 30-3 précité, il convient de déterminer :
- que le requérant revendique la nationalité française par filiation,
- que le requérant réside ou a résidé habituellement a l'étranger et qu’il n’a pas eu de possession d’état de français, c’est à dire qu’il n’a pas été en possession de passeport ou carte nationale d’identité française, inscrit au Consulat ou sur les listes électorales notamment,
- que le ou les ascendants dont il tient par filiation la nationalité, sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle a l’étranger et que son parent direct, duquel il revendique la nationalité française, n’a pas davantage de possession d’état de français.

A cet égard, il ressort de la rédaction même de l'article 30-3 du code civil, que le législateur a distingué entre la condition de résidence habituelle à l'étranger, pour laquelle sont concernés « les ascendants dont il tient la nationalité », de la condition propre à la possession d'état pour laquelle sont visés les seuls « père et mère ». Ainsi, s'agissant de la fixation à l'étranger pendant plus de 50 ans des « ascendants » du demandeur, il n'y a pas de distinction quant au degré d'ascendance, et sont donc également concernés les grand-parents, à condition qu'ils appartiennent à la branche par laquelle est revendiquée la nationalité française.

Le délai cinquantenaire s’apprécie en la personne de l’ascendant du requérant à l’action déclaratoire. Le point de départ de la résidence a l’étranger de l’ascendant est :
- pour les ascendants nés avant l’accession à l’indépendance du pays où ils résident, constitué par la date de cette accession à l’indépendance puisque c’est bien depuis cette date qu’elles sont fixées a l’étranger,
- pour ceux nés postérieurement à cette accession à l’indépendance, la date depuis laquelle ces ascendants ayant été susceptibles de transmettre la nationalité française, sont fixés à l’étranger c’est à dire depuis l’accession à l’indépendance également, le texte de l’article 30-3 incluant tous les ascendants et non pas seulement la première génération de ceux-ci.

La fixation à l'étranger s'entend d'une absence de résidence en France.

L’article 30-3 du code civil interdit ainsi, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude.

Édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir.

Ainsi, le requérant qui agit en action déclaratoire de nationalité française alors qu’il réside ou a résidé habituellement à l’étranger et que ses ascendants y ont été fixés depuis plus de 50 ans sans avoir eu d’élément de possession d’état pour venir faire exception, sur cette période, à la désuétude encourue du fait de leur fixation à l’étranger, a déjà perdu la nationalité française, comme il résulte de l’application de l’article 23-6 du code civil, sans qu’aucune régularisation postérieure ne puisse intervenir.

L' Algérie ayant accédé a l’indépendance le 3 juillet 1962, les personnes et leurs ascendants dont ils tiendraient la nationalité française, qui y ont résidé depuis plus de 50 années à compter de cette date, résident à l’étranger depuis plus de 50 ans, ne sont plus admis à faire la preuve qu’ils ont la nationalité française à compter du 4 juillet 2012, s’ils n’ont pas eu de possession d’état de français.

En l’espèce, M. [G] [T] revendique la nationalité française par filiation maternelle.

La saisine datant du 12 mars 2020 pour un délai de cinquante ans acquis le 4 juillet 2012, seule la démonstration d’une résidence habituelle en France de M. [G] [T] ou d’un de ses ascendants maternels, ou la démonstration d’une possession d’état de français de lui-même ou de sa mère avant le 4 juillet 2012 permet d’écarter la désuétude.

Dans ses écritures, le ministère public fait valoir que :
- le demandeur n'a pas sa résidence fixée en France en ce qu'il est né à l'étranger en Algérie, y réside habituellement, et ne verse aucun élément en faveur d'une possession d'état français.
- la mère du demandeur n'a pas plus sa résidence fixée en France en ce qu'elle réside en Algérie.

Le demandeur n'a formulé aucune observation sur la désuétude soulevée par le ministère public.

Aucune pièce n’est produite, ni aucun élément même invoqué, pour rapporter la preuve d’une résidence en France de M. [G] [T] ou de ses ascendants maternels pendant la période visée par l’article 30-3 du code civil.

Par ailleurs, il n’est pas rapporté en l’espèce d’élément d’une possession d’état de français de l'intéressé ou de sa mère avant le 4 juillet 2012.

Il apparaît ainsi que M. [G] [T] a agi après le 4 juillet 2012 alors que ni lui, ni sa mère n'ont d’élément de possession d’état de la nationalité française avant cette date, et ni lui ni aucun de ses ascendants maternels n’ont eu une résidence habituelle sur le territoire français au cours du délai cinquantenaire fixé par l'article 30-3 du code civil.

Par suite, il convient de faire droit à la demande du ministère public en ce qui concerne la désuétude soulevée.

Il sera donc jugé que M. [G] [T] n'est pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française.

En application du dernier alinéa de l’article 23-6 du code civil, le jugement détermine la date à laquelle la nationalité française a été perdue.

En l'espèce, au regard des éléments précédemment relevés, il y a lieu de juger que M. [G] [T] est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [G] [T] qui succombe, sera condamnée aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que M. [G] [T] n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française ;

Juge que M. [G] [T], né le 12 juillet 1980 à [F] (Algérie), est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012 ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne M. [G] [T] aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.

Fait et jugé à Paris le 14 Mars 2024

La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 20/03030
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;20.03030 ?
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