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14/03/2024 | FRANCE | N°20/02050

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 14 mars 2024, 20/02050


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :




2ème chambre civile

N° RG 20/02050
N° Portalis 352J-W-B7E-CRX2R

N° MINUTE :


Assignation du :
31 Janvier 2020















JUGEMENT
rendu le 14 Mars 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. AM 23
[Adresse 6]
[Localité 7]

représentée par Maître James DUPICHOT de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et associés, avocat au b

arreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J0149



DÉFENDEURS

Monsieur [I] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 8]

représenté par Maître Valérie OUAZAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, ve...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre civile

N° RG 20/02050
N° Portalis 352J-W-B7E-CRX2R

N° MINUTE :

Assignation du :
31 Janvier 2020

JUGEMENT
rendu le 14 Mars 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. AM 23
[Adresse 6]
[Localité 7]

représentée par Maître James DUPICHOT de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et associés, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J0149

DÉFENDEURS

Monsieur [I] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 8]

représenté par Maître Valérie OUAZAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0428

S.A.R.L. PARIS XVI ”PARIS OUEST SOTHEBY’S INTERNATIONAL REA LTY”
[Adresse 1]
[Localité 9]

représentée par Maître François BLANGY de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0399

Décision du 14 Mars 2024
2ème chambre civile
N° RG 20/02050 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRX2R

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jérôme HAYEM, Vice-Président
Claire ISRAEL, Vice-Présidente
Robin VIRGILE, Juge

assistés de Sylvie CAVALIE, Greffière

DEBATS

A l’audience collégiale du 23 novembre 2023 présidée par [C] [B] et tenue publiquement, rapport a été fait par [N] [A], en application de l’article 804 du code de procédure civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024. Ultérieurement, ils ont été informés que la décision serait prorogée, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 5 novembre 2018, la SCI AM 23 a confié un mandat non exclusif de recherche d'un bien immobilier à la société PARIS XVI, exerçant sous l'enseigne PARIS OUEST SOTHEBY'S INTERNATIONAL REALTY (la société SOTHEBY'S), qui lui a présenté le 10 janvier 2019 un bien appartenant à M. [I] [Y].

A la suite d'une promesse unilatérale de vente en date du 10 février 2019, et par acte authentique du 28 juin 2019 reçu par Me [H] [J], notaire membre de la SCP "Nénert et Associés, notaires à Paris ", M. [I] [Y] a vendu à la SCI AM 23 les lots n°31, 63 et 81 de l'immeuble placé sous le statut de la copropriété situé [Adresse 5] - [Adresse 2] au prix de 2.180.000 euros, dont 52.773 euros pour le mobilier visé en page 5 de l'acte de vente.

Déplorant différents désordres et soutenant que contrairement à ses déclarations à l'acte de vente, le vendeur avait réalisé d'importants travaux, la SCI AM 23 a fait assigner M. [I] [Y] et la société SOTHEBY'S devant le tribunal judiciaire de Paris par actes des 31 janvier et 4 février 2020 aux fins essentielles de voir prononcer la nullité de la vente pour dol, et à titre subsidiaire la résolution pour vices cachés.

Par ordonnance en date du 2 novembre 2020, le juge de la mise en état a notamment ordonné une mesure d'expertise, confiée à M. [O] [U] avec pour mission essentielle de décrire les désordres affectant l'appartement litigieux.

L'expert a remis son rapport le 4 août 2021.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, la SCI AM 23 demande au tribunal de :

"Vu les articles 1130, 1131, 1137, 1240, 1641 et suivants, 1792 et suivants, 1992 du code civil,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées au débat,

Annuler, déclarer inopposable ou écarter en totalité ou en partie des débats le rapport du Sapiteur " électricité " de l'Expert judiciaire et les avis de l'Expert qui en découlent qui viennent contredire les textes et principes régissant l'expertise judiciaire, ensemble les articles 16, 238 et 243 du code de procédure civile en application de l'article 246 du CPC.

I. A TITRE PRINCIPAL, SUR LA NULLITE DE LA VENTE POUR DOL

JUGER que Monsieur [I] [Y] par les fausses déclarations insérées à l'acte de vente ainsi que par sa réticence abusive a commis un dol ;

JUGER que ce dol a vicié le consentement de la société SCI AM 23 ;

PRONONCER la nullité de la vente réalisée le 28 juin 2019 entre Monsieur [I] [Y] et la SCI AM23 et reçue par Maître [H] [J] de la SCP NENERT ET ASSOCIES, notaires à Paris, portant sur un bien immobilier sis [Adresse 5], [Adresse 2] cadastré section DZ, numéro [Cadastre 3], [Adresse 5] et portant sur les lots :

- Lot numéro 31 : un appartement
- Lot numéro 63 : une cave
- Lot numéro 81 : une cave

ORDONNER la restitution des biens objet de la vente et la restitution du prix de vente et de ses accessoires par et à la SCI AM 23 ;

CONDAMNER Monsieur [I] [Y] à régler à la SCI AM 23 la somme de 2.466.828,56 euros (deux millions quatre cent soixante-six mille huit cent vingt-huit euros et cinquante-six cents) au titre de la restitution du prix d'acquisition, des frais et accessoires se décomposant comme suit :

- 52.773,00 euros au titre du prix de vente des biens mobiliers ;
- 2.127.227,00 euros au titre du prix de vente du bien immobilier ;
- 11.000 euros au titre des biens immobiliers non figurant à l'acte
- 149.000 euros au titre des frais d'acquisition ;
- 80.000 euros au titre des frais d'honoraires de négociation ;

Décision du 14 Mars 2024
2ème chambre civile
N° RG 20/02050 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRX2R

- 21.800 euros au titre des frais d'honoraires du chasseur d'appartement ;
- 20.316 euros au titre des travaux de rafraichissement de l'appartement ;
- 4.683,60 euros au titre des frais d'investigation et de constat exposés

CONDAMNER Monsieur [I] [Y] à régler à la SCI AM 23 la somme de 103.200 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice locatif ;

ORDONNER la publication du jugement auprès des services de la publicité foncière ;

II. A TITRE SUBSIDIAIRE, SUR LA RESOLUTION DE LA VENTE POUR VICES CACHES

JUGER que les vices cachés affectant l'appartement le rendent impropre à l'usage auquel on le destine, ou diminuent son usage de tel sorte que la SCI AM 23 n'aurait pas contracté ou aurait contracté dans des conditions différentes ;

PRONONCER la résolution de la vente réalisée le 28 juin 2019 entre Monsieur [I] [Y] et la SCI AM23 et reçue par Maître [H] [J] de la SCP NENERT ET ASSOCIES, notaires à Paris, portant sur un bien immobilier sis [Adresse 5], [Adresse 2] cadastré section DZ, numéro [Cadastre 3], [Adresse 5] et portant sur les lots :

- Lot numéro 31 : un appartement
- Lot numéro 63 : une cave
- Lot numéro 81 : une cave

ORDONNER la restitution des biens objet de la vente et la restitution du prix de vente et de ses accessoires par à la SCI AM 23 ;

CONDAMNER Monsieur [I] [Y] à régler à la SCI AM 23 la somme de 2.466.828,56 euros (deux millions quatre cent soixante-six mille huit cent vingt-huit euros et cinquante-six cents au titre de la restitution du prix d'acquisition, des frais et accessoires se décomposant comme suit :

- 52.773,00 euros au titre du prix de vente des biens mobiliers ;
- 2.127.227,00 euros au titre du prix de vente du bien immobilier ;
- 11.000 euros au titre des biens immobiliers ne figurant pas à l'acte ;
- 149.000 euros au titre des frais d'acquisition ;
- 80.000 euros au titre des frais d'honoraires de négociation ;
- 21.800 euros au titre des frais d'honoraires du chasseur d'appartement ;
- 20.316 euros au titre des travaux de rafraichissement de l'appartement ;
- 4.683,60 euros au titre des frais d'investigation et de constat exposés.

CONDAMNER Monsieur [I] [Y] à régler à la SCI AM 23 la somme de 103.200 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice locatif ;

ORDONNER la publication du jugement auprès des services de la publicité foncière ;

III. A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, SUR LA CONDAMNATION DE M. [Y] A REPRENDRE LES DESORDRES SUR LE FONDEMENT DE LA GARANTIE DECENNALE OU DE LA GARANTIE DES VICES CACHES (ACTION ESTIMATOIRE)

JUGER que les désordres et non-conformités que subit la SCI AM 23 engagent la responsabilité de Monsieur [I] [Y], réputé constructeur pour avoir réalisé d'importants travaux de réhabilitation de l'appartement avant de vendre, au titre de la garantie décennale ;

JUGER que les désordres et non conformités que subit la SCI AM 23 engagent la responsabilité de Monsieur [I] [Y] au titre des vices cachés ;

CONDAMNER Monsieur [I] [Y] à la somme de 340.842,48 euros se décomposant comme suit :

- 211.780,8 euros TTC au titre de la réparation des désordres et des non-conformités sauf à parfaire ;
- 21.178,08 euros TTC au titre des honoraires de la maitrise d'œuvre (10% du montant du marché) ;
- et 103.200 euros au titre de la réparation du préjudice immatériel de la SCI AM 23.
- 4.683,60 euros au titre des frais d'investigation et de constat exposés

IV. En tout état de cause, sur la condamnation de la société PARIS OUEST SOTHEBY'S INTERNATIONAL REALITY

JUGER que la société PARIS OUEST SOTHEBY'S INTERNATIONAL REALITY a engagé sa responsabilité au titre de son mandat ;

PRONONCER la condamnation in solidum de la société PARIS OUEST SOTHEBY'S INTERNATIONAL REALITY au titre de la nullité de la vente et des préjudices subséquents, à titre subsidiaire au titre de la résolution de la vente sur le fondement des vices cachés et à titre infiniment subsidiaire sur la réparation des désordres et des préjudices subis par la SCI AM 23 ;

Et en toute hypothèse,

CONDAMNER in solidum Monsieur [I] [Y] et la société PARIS XVI exerçant sous le nom commercial PARIS OUEST SOTHEBY'S INTERNATIONAL REALITY à la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais et honoraires d'expertise judiciaires, dans les conditions de l'article 696 du Code de procédure civile ;

MAINTENIR l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir."

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 janvier 2023, M. [I] [Y] demande au tribunal de :

"Vu les articles 1128, 1130, 1131, 1137 du Code civil,
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
Vu les articles 56, 696, 700 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées au débat,

Il est demandé au Tribunal judiciaire de PARIS de :

DECLARER QUE la SCI AM 23 est non fondée en l'ensemble de ses demandes et la DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

À TITRE PRINCIPAL,

DIRE ET JUGER que la SCI AM 23 ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un dol, d'une réticence dolosive, de l'existence de vices cachés, au titre de l'acquisition de l'appartement

En conséquence,

DECLARER mal fondée l'action de la SCI AM 23 et la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, tendant à prononcer la nullité ou la résolution de l'acte de vente signé le 28 juin 2019,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

DEBOUTER la SCI AM 23 de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, faute par elle d'établir un lien de causalité certain et exclusif de tout autre - notamment de la responsabilité qui leur incombe - entre les désordres et vices signalés et les préjudices de jouissance invoqués,

CONDAMNER Monsieur [Y] au coût de réparation permettant de remédier aux dysfonctionnements du système électrique, soit à la somme de 3.936 € TTC correspondant au devis validé par l'expert judiciaire.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

DEBOUTER plus généralement la SCI AM 23 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la SCI AM 23 à régler à Monsieur [I] [Y] une somme de 15.000 € (QUINZE MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER en outre la SCI AM 23 à régler à Monsieur [I] [Y] une somme de 100.000 € (CENT MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la SCI AM 23 aux entiers dépens et faire application au profit de Maître [D] [V] de la SAS JACQUIN MARUANI & ASSOCIES des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. "

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23 novembre 2022, la SARL PARIS XVI demande au tribunal de :

" DEBOUTER la SCI AM 23 ou toute autre partie de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de l'agence PARIS XVI,

A titre subsidiaire,

CONDAMNER Monsieur [I] [Y] à relever et garantir à l'agence PARIS XVI de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

En tout cas

ECARTER l'exécution provisoire,

CONDAMNER la SCI AM 23, sinon tout succombant, à payer à l'agence PARIS XVI, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile assortie de l'exécution provisoire, ainsi qu'aux entiers dépens. "

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2023. A l'audience du 23 novembre 2023, l'affaire a été mise en délibéré au 25 janvier 2024, lequel a été prorogé au 15 mars 2024.

MOTIFS

Sur la demande de la SCI AM 23 tendant à "annuler, déclarer inopposable ou écarter en totalité ou en partie des débats" le rapport électricité du sapiteur et les avis de l'expert qui en découlent

L'article 768 du code de procédure civile alinéa 2 énonce : " Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion."

En l'espèce, aucun moyen n'étant formé dans la discussion au soutien de la demande de la SCI AM 23 tendant à "annuler, déclarer inopposable ou écarter en totalité ou en partie des débats" le rapport électricité du sapiteur et les avis de l'expert qui en découlent, ladite demande sera rejetée.

Sur la demande principale de la SCI AM 23 de nullité de la vente de l'appartement pour dol

La SCI AM 23 sollicite à titre principal la nullité de la vente pour dol, et fait valoir que :
- M. [I] [Y] a déclaré dans l'acte de vente avoir révélé toutes les informations dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre partie,
- il a faussement déclaré qu'il n'avait effectué de travaux nécessitant une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ou relevant de l'assurance dommages-ouvrage,
- M. [I] [Y] a pourtant effectué des travaux d'ampleur, portant notamment sur l'ouverture d'un mur porteur, l'électricité, le réseau de chauffage et la climatisation,
- il reconnaît dans ses écritures au fond l'ampleur des travaux réalisés,
- le constat de BSI concept confirme l'existence de " travaux de grande ampleur réalisés sur l'ensemble de l'appartement ",
- l'expert indique aussi dans son rapport que " l'ampleur des travaux effectués (...) n'est pas critiquée ",
- le dol a déterminé son consentement,
- elle n'aurait pas acquis le bien si elle avait su que des travaux d'ampleur et de restructuration de l'ensemble de l'appartement avaient été réalisés moins de trois ans auparavant, dans des conditions indéterminées.

M. [I] [Y] soutient n'avoir commis aucun dol et expose
que :
- il n'est pas précisé dans l'acte notarié que l'absence de rénovation était une condition déterminante du consentement de la SCI AM 23 entrée dans le champ contractuel,
- la SCI AM 23 et son locataire ont pu, depuis l'acquisition, réaliser des travaux sur l'installation électrique,
- la SCI AM 23 a pu visiter les locaux à sa guise et s'apercevoir de l'état amélioré du bien,
- il n'a pas commis de déclaration mensongère,
- il n'a pas effectué de travaux de gros œuvre ou de travaux relevant de l'assurance dommages- ouvrage ou touchant les parties communes et nécessitant une autorisation du syndic de copropriété,
- la climatisation ne nécessitait pas l'accord du syndic de copropriété,
- les travaux entrepris n'ont porté que sur l'embellissement et la décoration intérieure de l'appartement,
- l'installation électrique n'a pas fait l'objet d'une réfection,
- il s'est fié au diagnostic électrique réalisé dans le cadre de la vente de l'appartement et a été de bonne foi,
- il n'est pas un professionnel et a conclu la vente en dehors de son activité, et n'a aucune compétence en matière de travaux-construction, au contraire de la SCI AM 23 dont les statuts montrent qu'elle exerce une activité professionnelle portant sur l'acquisition d'immeubles en vue de leur exploitation locative.

Sur ce,

Selon l'article 1130 du code civil,

"L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné."

L'article 1137 du code civil énonce :

"Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation."

L'article 25 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis énonce que : "Ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant : (…) b) L'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ; (…) ".

Aux termes de l'article L242-1 du code des assurances, "Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil."

Selon l'article L243-1-1-II du code des assurances, "Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles."

Selon l'article 1792 du code civil, " Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. "

L'article 1792-1 du code civil dispose que "La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage."

Enfin, les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Conformément à l'article 1353 du code civil, il appartient à la SCI AM 23, laquelle se prévaut du fait que M. [I] [Y] a faussement déclaré ne pas avoir réalisé de travaux relevant de l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ou de l'assurance dommages-ouvrage, d'en rapporter la preuve, et que cela a été déterminant de son consentement.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'appartement litigieux avait été présenté dans l'annonce émise par la société SOTHEBY'S comme ayant fait l'objet de travaux de rénovation, ladite annonce indiquant " Très bel appartement entièrement rénové à vendre " ; " entièrement refait par un architecte d'intérieur ". Si M. [I] [Y] fait valoir que la SCI AM 23 a pu s'en convaincre lors de la visite du bien, et si l'expert confirme que " l'embellissement récent était visible lors de la vente du 28/06/2019, et parfaitement appréciable par l'acquéreur même profane ", la SCI AM 23 reproche au vendeur non pas d'avoir menti quant à la réalisation de travaux d'embellissement, mais au sujet de travaux relevant de l'assurance dommages-ouvrage et/ou de l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires.

L'acte de vente du 28 juin 2019 comporte notamment les clauses suivantes :

- " Le Vendeur déclare :
(...)
- qu'il n'a pas effectué de son propre chef, depuis qu'il est propriétaire des Biens, de travaux qui auraient nécessité une autorisation d'urbanisme ou une autre autorisation administrative ou l'obtention d'un accord de l'assemblée générale des copropriétaires, ni de travaux relevant de l'obligation d'assurance dommage-ouvrage "

- "Le Vendeur déclare qu'aucune construction ou rénovation concernant les Biens n'a été effectuée dans les dix dernières années. Par suite, il n'y a pas lieu à application de la législation sur l'assurance dommages-ouvrages concernant les Biens.
Le Vendeur déclare en outre que l'Immeuble est construit depuis plus de dix ans et n'a pas fait l'objet, depuis dix ans, de travaux de rénovation ou autres entrant dans le champ d'application de la loi sur l'assurance dommages-ouvrages "

Le règlement de copropriété de l'immeuble sis [Adresse 5] et [Adresse 2] indique, concernant les obligations des copropriétaires, "En cas de travaux pouvant affecter la solidité des bâtiments et plus généralement intéresser directement ou indirectement toutes choses ou parties communes ou encore une partie privative dont il ne serait pas propriétaire, il devra au préalable obtenir l'assentiment de l'assemblée générale des copropriétaires et/ou du copropriétaire concerné ". Ce même règlement de copropriété indique en outre que les parties communes comprennent notamment "les éléments porteurs assurant la stabilité ou la solidité du bâtiment, poutres, piliers, voiles et poteaux de soutien d'une façon générale, les éléments horizontaux et verticaux de structure " ainsi que " les murs intérieurs et cloisons du bâtiment, sauf celles constituant des parties privatives aux termes du présent règlement de copropriété ".

S'agissant des travaux d'électricité, M. [I] [Y] a indiqué dans ses conclusions n°1 :
" - Electricité : intervention sur l'installation existante. Conservation du tableau électrique remplacement des vieux fusibles par des disjoncteurs individuels etc… "

Il a aussi indiqué dans son dire n°1 adressé à l'expert :
"lors des travaux d'embellissement réalisés par M. [Y] en 2015, de simples travaux électriques ponctuels ont effectivement été réalisés".
Le rapport complémentaire établi par la société BSI concept relève les éléments suivants au sujet des travaux d'électricité observés :
- dans l'entrée, " création d'un faux plafond pour permettre l'installation de 4 luminaires spots encastrés avec des alimentations électriques qui ont été repiquées et laissées en volant dans le faux plafond ",
- dans la cuisine, "création d'un faux plafond pour permettre l'installation de 10 luminaires spots encastrés avec des alimentations électriques qui ont été repiquées et laissées en volant dans le faux plafond ainsi que 2 luminaires en suspensions ",
- dans la salle de bains amis, " rénovation complète de la salle d'eau (...) incluant une alimentation encastrée de luminaire LED au-dessus de la vasque " ; " création d'un faux plafond avec intégration de 4 spots lumineux ",
- dans la suite parentale, " création de 5 spots encastrés ",
- dans la salle de bains parentale, " rénovation complète de la salle d'eau (...) incluant une alimentation encastrée de luminaire LED au-dessus de la vasque ",
- dans la buanderie et les toilettes, " création d'un faux plafond en staff avec intégration de 2 spots dans la nouvelle buanderie et de deux spots dans faux plafond des WC ainsi que 4 spots lumineux dans le faux plafond du dressing et rampes de LED lumineux à chaque étagère de verre ",
En conclusion, ce rapport note la " modification des points électriques dans toutes les pièces de l'appartement avec création de 40 points lumineux spots répartis dans tout l'appartement ainsi que 10 appliques murales, 4 suspensions " et la " mise en place d'interrupteurs " va et vient " Salon, séjour, couloir 1 et couloir 2, chambre parentale ".
Il en résulte que M. [I] [Y] a effectué des travaux d'électricité consistant en un agrandissement du réseau électrique existant, ce qui n'est pas utilement contesté par celui-ci. Il n'est pas démontré par la SCI AM 23 que ces travaux d'électricité ont porté sur des parties communes, et nécessitaient donc l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires. En revanche, la modification du réseau électrique est de nature, en cas de défaillance, à conduire à l'impropriété de l'ensemble de l'appartement à sa destination puisqu'il est à usage d'habitation, de sorte que de tels travaux relèvent de l'assurance dommages-ouvrage.

S'agissant des travaux sur le réseau de chauffage, M. [I] [Y] a indiqué dans ses conclusions n°1 :
- "Chauffage : déplacement et remplacement de certains radiateurs sous le contrôle du chauffagiste de l'immeuble qui est intervenu avant et après pour la remise en eau."
Il a aussi indiqué dans son dire n°1 adressé à l'expert :
- "radiateurs qui ont été apposés par M. [Y] lors des travaux d'embellissement effectués en 2015 par ses soins."

Le rapport complémentaire établi par la société BSI concept relève les éléments suivants au sujet des travaux réalisés sur le chauffage :
- dans la cuisine, le salon, la chambre d'enfant, la suite parentale " Le réseau de chauffage a été modifié et les radiateurs ont été déplacés sous les fenêtres. Nous constatons une modification des réseaux fluides chauffage qui se retrouvent encastré derrière les plinthes ",
- dans la salle de bains amis et la salle de bains parentale, " installation d'un radiateur électrique sèche serviettes avec alimentation eau raccordé au système de chauffage central de l'appartement ",
En conclusion, ce rapport note la " modification du chauffage sur la totalité de l'appartement avec encastrement des réseaux fluides derrière les plinthes périphériques et vraisemblablement des passages effectués par la dalle et d'autres cheminant par les faux plafond (cf. trappe plafond salle de bain parentale) qui laisse apparaître qu'il s'agit d'une réhabilitation totale de l'appartement ".

Il en résulte que M. [I] [Y] a effectué des travaux sur le réseau de chauffage consistant en la redistribution de radiateurs existants et le raccordement de nouveaux radiateurs, ce qui a nécessairement entraîné son intervention sur le réseau de distribution des fluides, et n'est d'ailleurs pas utilement contesté par celui-ci. Il n'est pas démontré par la SCI AM 23 que ces travaux sur le réseau de chauffage ont porté sur des parties communes puisque le rapport complémentaire de BSI concept se limite à dire que les passages par la dalle ne sont que vraisemblables. La SCI AM 23 ne démontre donc pas que ces travaux sur l'installation de chauffage nécessitaient l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires. En revanche, la redistribution du réseau de chauffage est de nature, en cas de défaillance, à conduire à l'impropriété de l'ensemble de l'appartement à sa destination puisqu'il est à usage d'habitation, de sorte que de tels travaux relèvent de l'assurance dommages-ouvrage.

Il est donc démontré que M. [I] [Y] a faussement déclaré à l'acte de vente du 28 juin 2019 qu'il n'a pas effectué de travaux relevant de l'assurance dommages-ouvrage. Il ne pouvait ignorer que cette déclaration était fausse, étant au surplus assisté d'un notaire à l'acte de vente. Cette fausse déclaration étant insérée directement dans l'acte de vente au moyen d'une clause expresse à ce sujet, elle n'a pu que déterminer le consentement de l'acquéreur, qu'elle a vicié.

Par conséquent, compte tenu du dol de M. [I] [Y], et sans qu'il ne soit besoin d'examiner les moyens de la SCI AM 23 quant à l'installation de la climatisation et la suppression d'un mur porteur, la vente du 28 juin 2019 portant sur l'immeuble sis [Adresse 5] - [Adresse 2] et le mobilier figurant à l'acte notarié de vente sera annulée.

Sur les restitutions consécutives à la nullité de la vente

La SCI AM 23 sollicite de condamner M. [I] [Y] à lui payer la somme de 2.466.828,56 euros au titre de la "restitution du prix d'acquisition, des frais et accessoires" se décomposant comme suit :
- 52.773,00 euros au titre du prix de vente des biens mobiliers ;
- 2.127.227,00 euros au titre du prix de vente du bien immobilier ;
- 11.000 euros au titre des biens mobiliers ne figurant pas à l'acte ;
- 149.000 euros au titre des frais d'acquisition ;
- 80.000 euros au titre des frais d'honoraires de négociation ;
- 21.800 euros au titre des frais d'honoraires du chasseur d'apparte-
ment ;
- 20.316 euros au titre des travaux de rafraichissement de l'apparte-
ment ;
- 4.683,60 euros au titre des frais d'investigation et de constat exposés.
M. [I] [Y], lequel s'opposait à la nullité de la vente pour dol, sollicite le rejet des demandes de la SCI AM 23 relatives aux restitutions.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1178 du code civil, " Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.
Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.
Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ".

Selon l'article 1352 du code civil, " La restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution. ".

En l'espèce, il y a lieu d'ordonner la restitution par la SCI AM 23 à M. [I] [Y] des lots n°31, 63 et 81 de l'immeuble situé [Adresse 5] - [Adresse 2], ainsi que des biens mobiliers visés à l'acte de vente en page 5 et valorisés à 52.773 euros.

Il y a aussi lieu d'ordonner la restitution par M. [I] [Y] à la SCI AM 23 du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 5] - [Adresse 2] soit 2.127.227 euros, et des biens mobiliers visés à l'acte de vente en page 5 à 52.773 euros, pour un total à restituer de 2.180.000 euros.

La demande de la SCI AM 23 de restitution de la somme de 11.000 euros au titre de biens mobiliers ne figurant pas à l'acte de vente sera rejetée en ce qu'elle correspond à une vente distincte intervenue elle aussi le 28 juin 2019 dont la nullité n'est pas prononcée.

S'agissant des autres demandes de restitution de la SCI AM 23 formées au titre des frais d'acquisition, des frais d'honoraires de négociation, des frais d'honoraires du chasseur d'appartement, des travaux de rafraichissement de l'appartement, ainsi que des frais d'investigation et de constat exposés, elles seront rejetées en ce qu'elles portent sur des sommes qui n'ont pas été perçues par M. [I] [Y] et ne constituent dès lors pas des " prestations exécutées " au sens de l'article 1178 précité, susceptibles de restitution.

Sur la demande de la SCI AM 23 au titre du préjudice locatif

La SCI AM 23 sollicite l'indemnisation de son préjudice locatif qu'elle évalue à la somme de 103.200 euros, et fait valoir que :
- elle n'a pu percevoir la totalité des loyers,
- le bail a été résilié par la locataire avec effet à fin juin 2021,
- l'appartement est depuis vide,
- le loyer annuel est de 51.600 euros, et la somme de 103.200 euros correspond donc à deux années de loyer.

M. [I] [Y] s'oppose à cette demande et expose que :
- l'expert ne retient qu'un préjudice évalué à 5% de la valeur locative mensuelle pour le trouble de jouissance résultant des désordres d'électricité,
- le procès-verbal d'huissier de justice du 24 octobre 2022 montre que la locataire occuperait toujours l'appartement, ainsi que l'ont confirmé un voisin et le gardien à l'huissier de justice mandaté par ses soins.
Sur ce,

En application des dispositions de l'article 1240 du code civil, pour que la responsabilité délictuelle d'une personne soit établie, doivent être caractérisés une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l'espèce, la SCI AM 23 qui a fait le choix de demander l'annulation de la vente ne peut se prévaloir que d'un préjudice de perte de chance de ne pas contracter, de sorte que sa demande d'indemnisation de son préjudice locatif sera rejetée.

Sur la demande de la SCI AM 23 de condamner in solidum la SARL PARIS XVI " au titre de de la nullité de la vente et de l'indemnisation des préjudices subséquents "

La SCI AM 23 expose que :
- la fiche de la société SOTHEBY'S, nom commercial de la SARL PARIS XVI, fait état d'un immeuble réhabilité, d'un appartement entièrement refait par un architecte d'intérieur, mais également d'un appartement entièrement rénové, offrant des prestations haut de gamme,
- l'annonce transmise par la société SOTHEBY'S faisait état d'une rénovation de l'appartement sans pour autant détailler l'étendue de cette rénovation ni son ampleur,
- alors que le mandat prévoyait dans le cadre de la mission de SOTHEBY'S toutes démarches nécessaires à sa mission, vérifier auprès du vendeur qu'aucun sinistre ayant donné lieu au versement d'une indemnité d'assurance n'est intervenu et informer le mandant de tous les éléments nouveaux pour modifier les conditions d'achats, le mandataire n'a pas accompli sa mission,
- le mandataire se devait de procéder à ces vérifications auprès du vendeur afin de permettre à la SCI AM 23 de conclure la vente de façon éclairée

La SARL PARIS XVI, exerçant sous le nom commercial SOTHEBY'S, expose qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir identifié des anomalies que seul le recours à un sapiteur a permis de révéler, comme pour la hauteur des garde-corps ou de la non-conformité des radiateurs. Elle considère qu'outre le fait que les désordres sont mineurs, ceux-ci ne lui sont de toutes façons pas imputables en tant qu'agent immobilier.
Elle indique qu'elle n'a pas manqué à son devoir de conseil, d'information et de renseignement, dès lors qu'elle n'avait aucune compétence pour identifier les désordres relevés postérieurement à la vente. Elle rappelle que seul le vendeur est tenu de restituer tout ou partie du prix.

Sur ce,

En l'espèce, la SCI AM 23 demande de " prononcer la condamnation in solidum de la société PARIS OUEST SOTHEBY'S INTERNATIONAL REALITY au titre de la nullité de la vente et des préjudices subséquents", sans autre précision, de sorte que cette formulation ne peut que renvoyer aux demandes dirigées contre M. [I] [Y]. Or, et sans qu'il ne soit besoin d'examiner si la SARL PARIS XVI a commis une faute, celle-ci ne peut en tout état de cause pas être condamnée à la restitution du prix de vente et des autres sommes demandées à M. [I] [Y] au titre des "restitutions". Elle ne peut pas davantage être condamnée au titre du préjudice locatif de la SCI AM 23, laquelle ne peut se prévaloir que d'un préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter. Par conséquent, ces demandes de la SCI AM 23 dirigées contre la SARL PARIS XVI seront rejetées.

Sur la demande de la SCI AM 23 d'ordonner la publication du jugement au service de la publicité foncière

Selon l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière :

" Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles :
1° Tous actes, même assortis d'une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs :
a) Mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l'article L. 132-3 du code de l'environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ;
(...)
4° Les actes et décisions judiciaires, énumérés ci-après, lorsqu'ils portent sur des droits soumis à publicité en vertu du 1° :
(...)
e) Les actes et décisions déclaratifs ; "

En l'espèce, la SCI AM 23 sollicite d'ordonner la publication du présent jugement au service de la publicité foncière. Toutefois, il appartient à la partie y ayant intérêt d'accomplir cette diligence sans qu'il ne soit requis pour y satisfaire que le tribunal ordonne cette publication dont la possibilité est déjà prévue par le décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. Par conséquent, cette demande sera rejetée.

Sur la demande de M. [I] [Y] de condamner la SCI AM 23 à lui payer la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts

M. [I] [Y] expose au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile que la SCI AM 23 est de mauvaise foi et que sa procédure revêt un caractère parfaitement abusif, ce qui est confirmé par les conclusions de l'expert judiciaire et de son sapiteur.

Sur ce,

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Il résulte de l'article 1240 du code civil que l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit, indépendamment de son bien-fondé, et qu'elle ne peut constituer une faute susceptible de donner lieu à dommages et intérêts que si elle est abusive, à savoir notamment si elle a été exercée de manière dilatoire, de mauvaise foi, dans l'intention de nuire, ou par une légèreté blâmable.

En l'espèce, compte tenu de la solution donnée au litige, la SCI AM 23 n'a commis aucune faute, de sorte que la demande de dommages et intérêts formée à son encontre par M. [I] [Y] pour procédure abusive sera rejetée.

Sur les mesures accessoires

M. [I] [Y], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens, dont la distraction sera ordonnée conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité justifie de rejeter toutes les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire de droit sera écartée au regard des conséquences s'attachant à une éventuelle infirmation en cas d'appel compte tenu du fait que la présente décision ordonne la restitution d'un bien immobilier.


PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Rejette la demande de la SCI AM 23 tendant à "annuler, déclarer inopposable ou écarter en totalité ou en partie des débats " le rapport " électricité" du sapiteur et les avis de l'expert qui en découlent ;
Prononce la nullité de la vente en date du 28 juin 2019 reçue par Me Marie-Jean ROQUE, notaire membre de la SCP " Nénert et Associés, notaires à Paris ", et intervenue entre M. [I] [Y] en qualité de vendeur et la SCI AM 23 en qualité d'acquéreur et portant sur les lots n°31, 63 et 81 de l'immeuble situé [Adresse 5] - [Adresse 2] cadastré section DZ numéro [Cadastre 3], Lieudit [Adresse 5] d'une surface de 00 ha 18 a et 83 ca, et portant également sur les biens mobiliers visés à l'acte de vente en page 5 et valorisés à 52.773 euros ;

Ordonne à la SCI AM 23 de restituer à M. [I] [Y] les lots n°31, 63 et 81 de l'immeuble situé [Adresse 5] - [Adresse 2], ainsi que les biens mobiliers visés à l'acte notarié de vente du 28 en page 5 et valorisés à 52.773 euros ;

Ordonne à M. [I] [Y] de restituer à la SCI AM 23 le prix de vente des lots n°31, 63 et 81 de l'immeuble situé [Adresse 5] - [Adresse 2] soit 2.127.227 euros, et des biens mobiliers visés à l'acte de vente en page 5 soit 52.773 euros, pour un total à restituer de 2.180.000 euros ;

Rejette la demande de la SCI AM 23 de condamner M. [I] [Y] à lui " restituer " les sommes suivantes :
- 11.000 euros au titre des biens mobiliers ne figurant pas à l'acte de vente du 28 juin 2019 ;
- 149.000 euros au titre des frais d'acquisition ;
- 80.000 euros au titre des frais d'honoraires de négociation ;
- 21.800 euros au titre des frais d'honoraires du chasseur d'appartement ;
- 20.316 euros au titre des travaux de rafraichissement de l'appartement ;
- 4.683,60 euros au titre des frais d'investigation et de constat exposés.

Rejette la demande de la SCI AM 23 de condamner M. [I] [Y] à lui payer la somme de 103.200 euros au titre de son préjudice locatif ;

Rejette la demande de la SCI AM 23 de condamner in solidum la SARL PARIS XVI "au titre de de la nullité de la vente et de l'indemnisation des préjudices subséquents " ;

Rejette la demande de la SCI AM 23 d'ordonner la publication du jugement au service de la publicité foncière ;

Rejette la demande de M. [I] [Y] de condamner la SCI AM 23 à lui payer la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts ;
Condamne M. [I] [Y] aux dépens et Ordonne la distraction des dépens ;

Rejette toutes les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ecarte l'exécution provisoire de droit du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 14 Mars 2024

La Greffière Pour le Président empêché
Sylvie CAVALIÉ Claire ISRAËL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 20/02050
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;20.02050 ?
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