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13/03/2024 | FRANCE | N°22/01003

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 13 mars 2024, 22/01003


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :





2ème chambre



N° RG 22/01003
N° Portalis 352J-W-B7G-CVTG4


N° MINUTE :




Assignation du :
17 Janvier 2022








JUGEMENT
rendu le 13 Mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [X] [M]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Madame [E] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Tous les deux représentés par Maître Frédéric CATTONI de la SELA

RL CABINET SALLARD CATTONI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0199


DÉFENDERESSE

S.C.P. LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN
[Adresse 4]
[Localité 5]

Représentée par Maître Marc PANT...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre


N° RG 22/01003
N° Portalis 352J-W-B7G-CVTG4

N° MINUTE :

Assignation du :
17 Janvier 2022

JUGEMENT
rendu le 13 Mars 2024
DEMANDEURS

Monsieur [X] [M]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Madame [E] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Tous les deux représentés par Maître Frédéric CATTONI de la SELARL CABINET SALLARD CATTONI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0199

DÉFENDERESSE

S.C.P. LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN
[Adresse 4]
[Localité 5]

Représentée par Maître Marc PANTALONI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0025

Décision du 13 Mars 2024
2ème chambre
N° RG 22/01003 - N° Portalis 352J-W-B7G-CVTG4

* * *
COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Caroline ROSIO, Vice-Présidente, statuant en juge unique.

assistée de Adélie LERESTIF, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 10 Janvier 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 13 Mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire et en premier ressort

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 08 août 2013 reçu par Maître [O], notaire au sein de la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN, les époux [Z] ont vendu à Monsieur [M] et Madame [L] les lots de copropriété n°7, 9 et 41, d’une superficie dite “Carrez” de 63,91 m2 pour les lots numéro 7 et 9 réunis, correspondant à un appartement comprenant un séjour et deux chambres, cuisine, salle de bains avec WC et balcon ainsi qu‘une cave dans un ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 8], cadastré section CQ n°[Cadastre 1], moyennant un prix de 575.000 euros.

Reprochant à leur notaire d’avoir manqué à son devoir de conseil lors de l’acquisition du bien en 2013, Monsieur [M] et Madame [L] ont assigné le 17 janvier 2022 la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN devant le tribunal de céans aux fins, en l'état de leurs dernières conclusions notifiées le 04 novembre 2022, au visa de l’article 1240 du code civil, de:
- Débouter la société LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;
- Condamner la société LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN à leur payer :
° la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi résultant de la diminution du prix du bien,
° la somme de 140 euros au titre des frais avancés pour faire réaliser le nouveau métrage,
° la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
° la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (CPC),
- Condamner la société LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN en tous les dépens, dont le recouvrement sera effectué par Maître CATTONI conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Décision du 13 Mars 2024
2ème chambre
N° RG 22/01003 - N° Portalis 352J-W-B7G-CVTG4

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2023, la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN demande au tri bunal de:
- Débouter Monsieur [M] et Madame [L] de l'ensemble de leurs demandes,
- Condamner Monsieur [M] et Madame [L] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties précitées pour un exposé exhaustif des demandes des parties et moyens à leur soutien, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2023 et l’audience de plaidoiries fixée au 24 janvier 2024. L’audience de plaidoirie a été avancée au 10 janvier 2024.

A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rene par mise à disposition au greffe le 13 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité du notaire

Monsieur [M] et Madame [L] reprochent à la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN, lors de l’acquisition du bien situé [Adresse 2] à [Localité 8] le 8 août 2013, de ne pas avoir mentionné dans l’acte que la réunion des deux lots de copropriété n°7 et 9 en un seul appartement comprenait une entrée de 1m2 de palier qui constituait une emprise sur les parties communes et de ne pas avoir procédé aux opérations nécessaires afin de pouvoir porter à leur connaissance l’incorporation d’une partie commune. Ils soutiennent qu’ils ont subi un préjudice du fait que, lors de la revente du bien en 2017, ils dont dû diminuer le prix de vente de 10.000 euros et effectuer une nouveau mesurage loi Carrez pour un montant de 140 euros afin de déduire de la surface la partie commune comprise dans les lots 7 et 9. Ils soutiennent également qu’ils ont été privés d’acquérir eux-mêmes le bien dans des conditions financières différentes. Enfin ils ajoutent avoir subi un préjudice moral en raison de l’absence de réponse de la SCP à leur proposition de médiation.

La SCP s’oppose à ses demandes et soutient que l’entrée en question ne constituait pas une partie commune, l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l’immeuble ayant décidé le 2 mars 1988 de l’intégration de cette entrée aux lots 7 et 9 sans modification du calcul des millièmes et des charges. Elle ajoute que le notaire n’avait pas à procéder lui-même à des investigations concernant la constitution des lots, les titres de propriété ne comprenant aucune contradiction et aucun doute n’étant apparu quant à la consistance des lieu au titre du certificat de mesurage. Elle soutient que Monsieur [M] et Madame [L] n’ont subi aucun préjudice et ont réalisé une plus-value substantielle à l’occasion de la revente de leur appartement acquis en 2013 à 575.000 euros et revendu en 2018 à 650.000 euros et qu’elle ne saurait devoir prendre en charge le coût du diagnostic rendu nécessaire par la contestation soulevée par l’acquéreur en 2017.

Décision du 13 Mars 2024
2ème chambre
N° RG 22/01003 - N° Portalis 352J-W-B7G-CVTG4

Sur ce:

Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Celui qui réclame le paiement de dommages et intérêts doit prouver une faute, une préjudice et un lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué.
Sur la faute.
Selon l’article 4 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, en vigueur depuis le 22 mars 1967, pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles, “Tout acte conventionnel réalisant ou constatant le transfert de propriété d'un lot ou d'une fraction de lot, ou la constitution sur ces derniers d'un droit réel, doit mentionner expressément que l'acquéreur ou le titulaire du droit a eu préalablement connaissance, s'ils ont été publiés dans les conditions prévues par l'article 13 de la loi du 10 juillet 1965, du règlement de copropriété ainsi que des actes qui l'ont modifié. 
Il en est de même en ce qui concerne l'état descriptif de division et des actes qui l'ont modifié, lorsqu'ils existent et ont été publiés.
Le règlement de copropriété, l'état descriptif de division et les actes qui les ont modifiés, même s'ils n'ont pas été publiés au fichier immobilier, s'imposent à l'acquéreur ou au titulaire du droit s'il est expressément constaté aux actes visés au présent article qu'il en a eu préalablement connaissance et qu'il a adhéré aux obligations qui en résultent.”
En l’espèce, le règlement de copropriété de l’immeuble litigieux établi aux termes d’un acte reçu par Maître [U] [H], notaire à [Localité 7], le 8 février 1983 dont une copie authentique a été publiée au service de la publicité foncière de [Localité 9] le 12 décembre 2003, prévoit au chapitre 3 en page 30 que “dans le cas où une même personne viendrait à être propriétaire de lots contigus ou non, mais desservis pas des parties communes non indispensables à l’usage des autres lots, ce propriétaire pourra utiliser lesdites parties communes à usage privatif en les incorporant à son ou ses lots de copropriété et en installant une porte dont le modèle, lhuisserie et la couleur devront être en harmonie avec celles installées dans l’immeuble et à charge de les entretenir et sauf à les rendre à leur destination première pour le cas où cette situation viendrait à prendre fin. Cette situation ne changera, en aucune façon la répartition des quote parts de parties communes générales, de charges générales ou particulières. Cette disposition s’appliquera notamment aux paliers et couloirs d’étages et de sous sol et de combles. En tout état de cause, le syndic déterminera les parties communes devant rester libres pour l’usage commun“.

En outre, lors de l’assemblée générale du 02 mars 1988, le syndicat des copropriétaires a adopté à la majorité des voix une résolution décidant de “prendre acte des emprises réalisées lors de la mise en copropriété de l’immeuble, à savoir (…) régularisation par intégration aux lots 7 et 9 au 2ème étage d’environ 1m2 de palier et déplacement de la porte palière“.
L‘acte authentique du 08 août 2013 reçu par Maître [O], notaire au sein de la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN, ne mentionne pas expressément que les acquéreurs ont, préalablement à la vente, eu connaissance de ce règlement de copropriété. Il n’est pas non plus précisé que la réunion des lots 7 et 9 a donné lieu à une décision de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires le 2 mars 1988 prenant acte de “l’emprise” par intégration d’environ 1m2 de palier;

En n’informant pas les vendeurs de l’intégration aux lots 7 et 9 d’environ 1m2 de palier appartenant aux parties communes la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN n’a pas satisfait à son devoir de conseil lors de la vente du 08 août 2012 et a commis une faute donnant lieu à réparation..

Sur le préjudice

Monsieur [M] et Madame [L] justifient, par la production d’un extrait du premier compromis de vente et du deuxième compromis de vente de 2017 d’une baisse de prix de 10.000 euros.

Ils justifient également par la production d’une facture émise par le cabinet FORT-ROYAL DIAGNOSTIC en date du 18 décembre 2017 de la réalisation d’un mesurage Carrez pour un montant de 140 euros.

Ils justifient ainsi d’un préjudice d’un montant de 10.140 euros.

Sur le lien de causalité

Le compromis de vente du 28 novembre 2017 à laquelle a participé Maître LETULLE de la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN qui assistait les vendeurs, précise que “la réunion des lots 7 et 8 a été réalisée en annexant le palier situé entre ces deux lots“ et fait état des dispositions spéciales du chapitre 3 en page 30 du règlement de copropriété du 18 février 1983 ainsi que de la délibération en assemblée générale des copropriétaires en date du 02 mars 1988. En outre est précisé la mention que “le bénéficiaire déclare vouloir faire son affaire personnelle de la présente situation, sans recours contre le promettant“.

Monsieur [M] et Madame [L] produisent un courriel de l’acquéreur, Madame [R] [C], en date du 13 décembre 2017, mentionnant que, d’après son notaire, les deux notaires s’étaient entretenus et étaient d’accord sur le constat à dresser de la situation, à savoir de la difficulté de dire avec certitude si Monsieur [M] et Madame [L] sont propriétaires du m2 de copropriété situé entre les deux lots 7 et 9 et que l’une des solutions envisagée par les notaires, dont la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN, était de recalculer le métrage selon la loi Carrez en excluant cette surface entre les deux lots afin d’adapter le prix de vente à ce nouveau métrage.

Il est ainsi établi que la baisse du prix de vente en 2017 et la réalisation d’un nouveau mesurage par Monsieur [M] et Madame [L] résultent des circonstances de la réunion des deux lots 7 et 9 dont ils n’avaient pas été informés lors de l’acquisition de l’appartement. Ainsi les préjudices qu’ils ont subis sont la conséquence directe du défaut de devoir de conseil par la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN en 2013.
Ainsi la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN sera condamnée à payer à Monsieur [M] et Madame [L] les sommes demandées au titre du préjudice matériel.

Concernant le préjudice moral, il n’est pas établi que le défaut de réponse de la SCP à leur proposition de médiation constitue une faute. Ainsi les demandes de Monsieur [M] et Madame [L] à ce titre seront rejetées.

Sur les frais irrépétibles

Succombant dans la présente instance, la SCP LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN doit être condamnée à verser Monsieur [M] et Madame [L] une somme de 3.000 euros à au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distration au profit de Maître CATTONI.

Enfin il sera rappelé, au visa de l'article 514 du code de procédure civile, que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort:

CONDAMNE la société LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN à payer à Monsieur [X] [M] et Madame [E] [L] :
° la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi résultant de la diminution du prix du bien,
° la somme de 140 euros au titre des frais avancés pour faire réaliser le nouveau métrage,
° la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTE Monsieur [X] [M] et Madame [E] [L] de leur demande en dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

CONDAMNE la société LETULLE DELOISON DRILHON-JOURDAIN aux dépens et accorde à Maître CATTONI le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile;

RAPPELLE l’exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 13 Mars 2024

La GreffièreLa Présidente
Adélie LERESTIFCaroline ROSIO


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/01003
Date de la décision : 13/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-13;22.01003 ?
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