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12/03/2024 | FRANCE | N°23/05794

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 12 mars 2024, 23/05794


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Lucas DREYFUS


Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Elisabeth WEILLER

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 23/05794 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2KP4

N° MINUTE : 2







ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 12 mars 2024


DEMANDERESSE

S.A. REGIE IMMOBIILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3] (RIVP),
[Adresse 1]

représentée par Maître Elisabeth WEILLER de la SCP MEN

ARD - WEILLER, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [Y] [J] [V],
[Adresse 2]

représenté par Me Lucas DREYFUS, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain B...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Lucas DREYFUS

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Elisabeth WEILLER

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 23/05794 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2KP4

N° MINUTE : 2

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 12 mars 2024

DEMANDERESSE

S.A. REGIE IMMOBIILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3] (RIVP),
[Adresse 1]

représentée par Maître Elisabeth WEILLER de la SCP MENARD - WEILLER, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [Y] [J] [V],
[Adresse 2]

représenté par Me Lucas DREYFUS, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 11 janvier 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 12 mars 2024 par Romain BRIEC, Juge, assisté de Aurélia DENIS, Greffier

Décision du 12 mars 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/05794 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2KP4

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 18 avril 2012, la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3] (RIVP) a donné à bail à Monsieur [Y] [J] [V] un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 2], moyennant un loyer mensuel initial de 432,44 euros, outre une provision sur charges. 

Des loyers étant demeurés impayés, la RIVP a fait signifier par acte de commissaire de justice du 21 octobre 2022 un commandement de payer la somme de 2209,42 euros, en principal, correspondant à l’arriéré locatif, terme du mois de septembre 2022 inclus, et visant la clause résolutoire contractuelle.

Par acte de commissaire de justice du 21 juin 2023, la RIVP a fait assigner en référé Monsieur [Y] [J] [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
- constater le jeu de la clause résolutoire insérée au contrat de bail liant les parties sur le fondement de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989,
- ordonner l'expulsion de Monsieur [Y] [J] [V] et de tout occupant de son chef avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est,
- ordonner le transport et la séquestration des meubles en tel lieu qu'il lui plaira, aux frais et aux risques du défendeur,
- condamner Monsieur [Y] [J] [V] à lui payer une provision au titre des loyers et charges impayés au mois de mai 2023, soit la somme de 6685,26 euros, sous réserve des loyers à échoir, avec intérêts légaux à compter du commandement de payer, ainsi qu'une indemnité d'occupation provisionnelle jusqu'à libération effective des lieux d'un montant mensuel égal au montant du loyer et des charges si le bail s'était poursuivi,
- condamner Monsieur [Y] [J] [V] à lui payer la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer, de l’assignation et de sa notification à la préfecture.

Un diagnostic social et financier a été reçu au greffe avant l’audience et il a porté à la connaissance des parties à l’audience. Il y est mentionné que Monsieur [Y] [J] [V] est retraité et perçoit une pension de 1600 euros pour des charges mensuelles de 770 euros, essentiellement de loyer. Il s’occupe d’un enfant handicapé et a engagé des démarches pour que sa famille puisse le rejoindre en France. Son fils perçoit l’AAH mais ses droits sont actuellement suspendus. La dette locative a été générée par une baisse de revenus en raison de problèmes de santé. Monsieur [Y] [J] [V] n’a pas pu poursuivre une activité à temps partielle qu’il effectuait jusque là. Il a repris le paiement de ses loyers et souhaite apurer sa dette par un échéancier, avec maintien dans les lieux.

Après un renvoi, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 11 janvier 2024.

A cette audience, la RIVP représentée par son conseil, a maintenu ses demandes, a actualisé celle relative à l'arriéré de loyers à la somme de 9729,99 euros. Le dernier réglement enregistré au décompte est de 50 euros le 13 novembre 2023. Elle a donné son accord à la suspension des effets de la clause résolutoire, comme à l’octroi de délais de paiement à hauteur de 213 euros par mois, sous réserve que Monsieur [Y] [J] [V] verse avant le 18 janvier 2024 la somme de 4000 euros.

Comparant en personne et asssité de son conseil, Monsieur [Y] [J] [V] a reconnu le montant de la dette, sous réserve de la déduction de la somme de 630 euros payée le 10 janvier 2024. Il a confirmé les termes du diagnostic social et financier; Il a proposé de verser 4000 euros le 18 janvier 2024 puis 140 euros par mois jusqu’à solder sa dette.

La RIVP a été autorisée à communiquer un décompte actualisé au plus tard le 22 janvier 2024, compte tenu du versement supposé de Monsieur [Y] [J] [V] le 10 janvier 2024 et celui à venir le 18 janvier suivant.

La décision sera contradictoire. A l'issue de l'audience, la décision a été mise en délibéré au 12 mars 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminiare, il sera relevé que la RIVP n’a pas produit de note en délibéré.

En application des dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le juge du contentieux de la protection peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Il peut également allouer au créancier une provision, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Sur la recevabilité de la demande de résiliation et d’expulsion

Conformément à l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, l’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 22 juin 2023, soit au moins deux mois avant l’audience, et la situation a été signalée à la CCAPEX le 24 octobre 2022 (et à la CAF le 12 octobre 2022), soit deux mois au moins avant la délivrance de l'assignation du 21 juin 2023.

En conséquence, l’action introduite par la RIVP est recevable.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire

L’une des obligations essentielles du preneur d’un contrat de bail est celle du paiement des loyers aux termes convenus en application de l'’article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution d'un contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. L’article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En matière de bail, l'article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, le bail signé par les parties le 18 avril 2012 comporte une clause résolutoire prévoyant qu'en cas de défaut de paiement des loyers et charges, le bail sera résilié de plein droit deux mois après la délivrance d'un commandement de payer resté infructueux, conformément aux dispositions de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

Un commandement de payer visant cette clause a été signifié au locataire le 21 octobre 2022 pour la somme en principal de 2209,42 euros.

Au vu du décompte, ce commandement est demeuré infructueux pendant plus de deux mois, de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 21 décembre 2022.

Sur le montant de l'arriéré locatif et l’indemnité d’occupation

Monsieur [Y] [J] [V] est redevable des loyers impayés jusqu'à la date de résiliation du bail en application des articles 1103 et 1217 du code civil. Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l’espèce la RIVP produit un décompte faisant apparaître que Monsieur [Y] [J] [V] restait devoir la somme de 9729,99 euros à la date du 9 janvier 2024, échéance du mois décembre 2023 incluse (la dernière somme au crédit enregistrée au décompte est de 50 euros le 13 novembre 2023).

Pour la somme au principal, Monsieur [Y] [J] [V] n’apporte par définition aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de la dette, qu’il reconnaît d’ailleurs à l’audience. S’il indique avoir effectué un versement de 630 euros en date du 10 janvier 2024 et s’il produit une capture d’écran de l’ordre de virement, il ne pourra en être tenu compte dans le calcul de sa dette en l’absence de confirmation d’encaissement par le bailleur. Toutefois, il sera précisé dans le dispositf que tout versement éventuel depuis la date du décompte sera déduit des sommes dues.

Dans ces conditions, il sera donc condamné à titre de provision au paiement de la somme de 9729,99 euros arrêtée au 9 janvier 2024, avec les intérêts au taux légal sur la somme de 2209,42 euros à compter de la délivrance du commandement de payer, et à compter de la présente décision pour le surplus conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

Monsieur [Y] [J] [V] sera également condamné au paiement à compter du 10 janvier 2024, en lieu et place des loyers et charges, d’une indemnité mensuelle d’occupation qu'il convient de fixer à titre provisionnel au montant du loyer qui aurait été dû en l’absence de résiliation et des charges mensuelles dûment justifiées, et ce jusqu'à la libération effective des lieux.

Sur les délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire

Conformément aux articles 24 de la loi du 6 juillet 1989 et 1343-5 du code civil, le juge peut, même d'office, accorder au locataire défaillant en situation de régler sa dette des délais de paiement dans la limite de trois années.

Pendant le cours des délais ainsi accordés et si le paiement du loyer courant a été repris (cette dernière condition peut cependant être écartée à la demande du locataire ou du bailleur), les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus.

Si le locataire se libère dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne jamais avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l'espèce, le bailleur consent à une suspension des effets de la clause résolutoire et à l’octroi de délais de paiement sous certaines conditions exposées à l’audience. Monsieur [Y] [J] [V] s’est engagé à l’audience à effectuer un versement de près de la moitié de sa dette actuelle à brève échéance, dont il n’a pas été justifié par note en délibéré. Au cas où cette somme serait effectivement payée, il serait en capacité de pouvoir respecter un échéancier tout en s’acquittant des loyers et charges courants, au vu de ses ressources. Dans ces conditions et comme il sera précisé dans le dispositif du jugement, des délais de paiement lui seront octroyés avec suspension des effets de la clause résolutoire, conformément aux modalités décrites au dispositif de la présente décision.

Faute pour Monsieur [Y] [J] [V] de respecter les modalités de paiement ainsi accordées, le solde de l'arriéré de loyers et de charges deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra son plein effet, entraînant la résiliation du bail à la date de son acquisition et permettant son expulsion avec si nécessaire l'assistance de la force publique.

Sur les demandes accessoires

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [Y] [J] [V] partie perdante, supportera la charge de l’intégralité des dépens de la présente procédure, qui comprendront notamment le coût de l'assignation et du commandement de payer.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du bailleur les frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 300 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de la protection statuant en référé, publiquement, par décision contradictoire, susceptible d'appel et prononcée par mise à disposition au greffe,

CONSTATONS que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 18 avril 2012 entre la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3] (RIVP) et Monsieur [Y] [J] [V], concernant l’appartement à usage d’habitation situé [Adresse 2] sont réunies à la date du 21 décembre 2022 ;

CONDAMNONS Monsieur [Y] [J] [V] à payer à la RIVP à titre de provision à valoir sur les loyers et charges impayés et indemnités d’occupation au 9 janvier 2024, échéance du mois de décembre 2023 incluse (la dernière somme au crédit est de 50 euros le 13 novembre 2023) la somme de 9729,99 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2022 pour la somme de 2209,42 euros, et à compter de la présente décision sur le surplus ;

RAPPELONS que les paiements intervenus postérieurement au décompte viennent s'imputer sur les sommes dues conformément à l'article 1342-10 du code civil et viennent ainsi en déduction des condamnations ci-dessus prononcées ;

AUTORISONS Monsieur [Y] [J] [V] à s’acquitter de cette somme, outre le loyer et les charges courants, en une première mensualité d'un montant de 4000 euros (en l’absence de versement volontaire d’une telle somme par le débiteur dans le temps du délibéré) puis 35 mensualités d’un montant au moins égal à 150 euros, la dernière étant majorée pour solder la dette en principal et intérêts, sauf meilleur accord des parties ;

PRECISONS que chaque mensualité devra être versée au terme prévu contractuellement pour le paiement du loyer et pour la première fois le mois suivant la signification de la présente décision ;

SUSPENDONS l’effet de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais accordés ;

DISONS que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais été acquise et le bail sera réputé n'avoir jamais été résilié ;

RAPPELONS en revanche qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité ou du loyer à son terme :
* la clause résolutoire retrouvera ses entiers effets et le bail sera résilié,
* le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,
* Monsieur [Y] [J] [V] devra quitter les lieux en respectant les obligations de tout locataire sortant (état des lieux et remise des clés notamment),
* Monsieur [Y] [J] [V] sera tenu au paiement d'une indemnité d'occupation payable au plus tard le 30 de chaque mois et fixée par provision au montant des loyers qui auraient été dus en cas de non-résiliation du bail augmenté des charges dûment justifiées et ce jusqu'à complète libération des lieux à compter du 10 janvier 2024,
* qu'à défaut pour Monsieur [Y] [J] [V] de libérer les lieux volontairement et deux mois après la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux resté sans effet, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si besoin est,
* que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera alors régi conformément aux dispositions des articles L433-1 et suivants et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

CONDAMNONS Monsieur [Y] [J] [V] à verser à la RIVP une somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETONS le surplus des demandes ;

CONDAMNONS Monsieur [Y] [J] [V] aux entiers dépens de la présente procédure, qui comprendront notamment le coût de l'assignation et du commandement de payer ;

RAPPELONS que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

Le greffier, Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 23/05794
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;23.05794 ?
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