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08/03/2024 | FRANCE | N°21/14122

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 6ème chambre 2ème section, 08 mars 2024, 21/14122


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :




6ème chambre 2ème section


N° RG 21/14122 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNQS

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
08 Novembre 2021













ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 08 Mars 2024

DEMANDEURS

Monsieur [S] [L]
[Adresse 1]
[Localité 13]

Madame [V] [D] épouse [S] [L]
[Adresse 1]
[Localité 13]

représentés par Maître Florence GENE

T-SAINTE ROSE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0187


DEFENDERESSES

ACASTA EUROPEAN INSURANCE COMPANY LTD
5/5 5/5 Crutchett’s GX11 1AA
GX 11 GIBRALTAR

représentée par Maître M...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

6ème chambre 2ème section

N° RG 21/14122 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNQS

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
08 Novembre 2021

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 08 Mars 2024

DEMANDEURS

Monsieur [S] [L]
[Adresse 1]
[Localité 13]

Madame [V] [D] épouse [S] [L]
[Adresse 1]
[Localité 13]

représentés par Maître Florence GENET-SAINTE ROSE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0187

DEFENDERESSES

ACASTA EUROPEAN INSURANCE COMPANY LTD
5/5 5/5 Crutchett’s GX11 1AA
GX 11 GIBRALTAR

représentée par Maître Marion PIERI de la SELEURL SELARLU MARION PIERI AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0070

S.A.S. CPLUSM
[Adresse 3]
[Localité 8]

S.A. SMA SA, en sa qualité d’assureur de la société ATELIER CPLUSM
[Adresse 10]
[Localité 9]

représentés par Maître Virginie MIRÉ de la SELAS Virginie Miré et Jérôme Blanchetière, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #B464, Maître Morgan GIZARDIN de la SELARL MORGAN GIZARDIN AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #K0116

S.A.R.L. E2PR
[Adresse 5]
[Localité 12]

représentée par Maître Gwénaëlle BOUILLÉ de la SELEURL ARABESQUE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B1068

S.A.R.L. KONNECT SYSTEMS GROUP
[Adresse 14]
[Localité 6]

représentée par Maître Nathalie FEERTCHAK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0201

S.A.R.L. PARIS DECORATION
[Adresse 2]
[Localité 11]

représentée par Maître Xavier MARTINEZ, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS,, vestiaire #216

S.A. SMABTP, en sa qualité d’assureur de la société E2PR et de la société KONNECT
SYSTEMS GROUP
[Adresse 10]
[Localité 9]

représentée par Maître Emmanuelle BOCK de la SCP NABA ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0325

S.A. ERGO FRANCE Prise en qualité d’assureur de la Société PARIS DECORATION
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Sylvie RODAS de la SELARL SELARL RODAS DEL RIO, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0126

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Nadja GRENARD, Vice-présidente

assistée de Madame Audrey BABA, Greffier

DEBATS

A l’audience d’incidents du 1er février 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 08 mars 2024.

ORDONNANCE

Contradictoire
en premier ressort
Prononcée par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signée par Madame Nadja GRENARD, juge de la mise en état, et par Madame Audrey BABA, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DES FAITS

M. [L] et Mme [D] ont, en leur qualité de propriétaire d'un hôtel particulier sis [Adresse 1] à [Localité 13], entrepris de faire procéder à la rénovation et à l'extension dudit hôtel ainsi que de sa dépendance.

Sont notamment intervenus à l'opération de construction :

la société ATELIER CPLUSM, maître d'œuvre, assurée auprès de la SMA,
la société E2PR, en qualité d'entreprise générale, assurée auprès de la SMABTP principalement en charge des travaux de réhabilitation et extension de l'hôtel particulier;
la société PARIS DECORATION successivement assurée auprès de la société ACASTA EUROPEAN INSURANCE COMPANY puis auprès de la société ERGO VERSICHERUNG AKTIENGESELLSCHAFT principalement en charge des travaux relatifs à la dépendance ;
la société KONNECT SYSTEMS GROUP chargée du lot électricité, assurée auprès de la SMABTP.
Un procès-verbal de réception a été signé avec réserves le 5 novembre 2018 entre le maître d'ouvrage, la société ATELIER CPLUSM et la société E2PR concernant les travaux d'étanchéité et de réseaux assainissement.

Le maître d'œuvre a organisé des opérations préalables de réception le 25 avril 2019 listant des réserves.

La dépendance a fait l'objet d'une mise en location à compter du 9 septembre 2019.

Le 23 janvier 2020, Mme [D] en qualité de maître d'ouvrage a refusé de signer le procès-verbal de réception avec la société E2PR et la société ATELIER CPLUSM.

Le 26 juin 2020, Mme [D] en qualité de maître d'ouvrage a signé un procès-verbal de réception avec réserves prenant effet à compter du 16 juin 2020 relatif aux travaux réalisés sur la dépendance en présence de l'entreprise et du maître d'œuvre.

Par exploit d'huissier du 2 juillet 2020, les consorts [L]-[D], se plaignant de différents désordres, ont sollicité la désignation d'un expert judiciaire auprès du juge des référés, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 30 juillet 2020 qui a désigné M. [Y] en qualité d'expert judiciaire.

*

Par exploits d'huissier en date des 8 et 9 novembre 2021, M. [S] [L] et Mme [V] [D] ont assigné les parties suivantes :
la société Atelier CPLUSM et son assureur la SMAla société E2PRla société KONNECT SYSTEMS GROUPla société PARIS DECORATION et ses assureurs la société ERGO FRANCE et la société ACASTA EUROPEAN INSURANCEla SMABTP en qualité d'assureur des sociétés E2PR et KONNECT SYSTEMS GROUP
devant le Tribunal judiciaire de Paris en réparation de leurs préjudices.

Par ordonnance du 21 octobre 2022, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise confiée à M. [O] [Y] par ordonnance de référé du 30 juillet 2020.

*

Vu les dernières conclusions sur incident notifiées par RPVA le 10 janvier 2024, aux termes desquelles M. et Mme [L] sollicitent de voir :

Au titre de la verrière

condamner in solidum la société ATELIER CPLUSM et son assureur la SMA, ainsi que la société E2PR à leur payer à titre de provision la somme de 61.664 euros TTC au titre du coût des travaux de réfection de la verrière et frais avancés se composant des sommes suivantes :48.536 € TTC au titre du devis actualisé de la réfection de la verrière8.640,00 € TTC au titre du BET SECC4.488 euros au titre des frais conservatoires avancés
Au titre de l'assainissement

condamner in solidum la société ATELIER CPLUSM avec son assureur la SMA et la société E2PR avec son assureur au paiement des sommes provisionnelles de :3.392,50 euros TTC au titre des frais d'investigations52.620 euros TTC au titre des frais de réparation
condamner la société PARIS DECORATION avec ses assureurs ERGO France et ACASTA EUROPEAN INSURANCE au paiement de la somme provisionnelle de 9.013,40 euros TTC au titre de la réfection de la pompe en pied de garage pour recueillir les eaux de la pente du garage.
Au titre de la dépendance

condamner in solidum la société ATELIER CPLUSM et son assureur la SMA et la société PARIS DECORATION et ses assureurs ERGO France et ACASTA EUROPEAN INSURANCE au paiement d'une somme provisionnelle de 93.847,60 euros sauf à parfaire, au titre du coût des travaux de reprise de la dépendance.
Sur la provision ad litem

condamner in solidum les défendeurs au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de la provision ad litem
Au titre des demandes accessoires

condamner in solidum les défendeurs au paiement de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
***

Vu les conclusions en réponse à incident notifiées par RPVA le 10 janvier 2024, aux termes desquelles la société CPLUSM et la SMA sollicitent de voir:

Concernant la demande de provision relative à la dépendance :

rejeter les demandes de provision formées par les consorts [L]-[D] ;
si de besoin, rejeter toute demande de condamnation in solidum et fixer la responsabilité de la société CPLUSM entre 5% et 20% au maximum
condamner les sociétés ERGO FRANCE et ACASTA EUROPEAN INSURANCE COMPANY à les garantir ;
Concernant la demande de provision relative à l'assainissement :

rejeter les demandes de provision formées par les consorts [L]-[D] ;
si de besoin, rejeter toute demande de condamnation in solidum et limiter la responsabilité de la société CPLUSM à un maximum de 5%
condamner la société E2PR à les garantir ;

Concernant la demande de provision relative à la verrière :

rejeter les demandes de provision formées par les consorts [L]-[D] ;
si de besoin, rejeter toute demande de condamnation in solidum et fixer la responsabilité de la société CPLUSM entre 5% et 20 % au maximum
condamner la société E2PR à les garantir.
en tout état de cause rejeter les demandes formées à leur encontre par les autres parties;
rejeter la demande de provision ad litem formée par Mme [D] et M. [L] et à tout le moins la ramener à de beaucoup plus justes proportions
en cas de condamnation, condamner la société E2PR, la société ERGO FRANCE et la société ACASTA EUROPEAN INSURANCE COMPANY à les garantir ;
ramener la demande formée au titre de l'article 700 à de beaucoup plus justes proportions
autoriser la SMA à opposer à toute partie le montant des franchises contractuelles dans le cadre de la mobilisation des garanties complémentaires ;
condamner tout succombant à leur payer une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile?et aux entiers dépens.
***

Vu les conclusions en réponse à incident notifiées par RPVA le 8 janvier 2024, aux termes desquelles la société PARIS DECORATION sollicite de voir:

À titre principal,

rejeter les demandes de condamnation formées par les demandeurs et les autres parties à son encontre ;
À titre subsidiaire,

limiter ses condamnations aux sommes suivantes :9 013,40 € au titre de la réfection de la pompe en pied de garage, 46 923,80 € au titre de la dépendance,
En tout état de cause,

condamner solidairement les sociétés ERGO FRANCE ET ACASTA EUROPEAN INSURANCE auxdites sommes,
À titre infiniment subsidiaire,

condamner les sociétés ERGO FRANCE ET ACASTA EUROPEAN INSURANCE à garantir la société PARIS DECORATION de toute condamnation,

***

Vu les conclusions en réponse à incident notifiées par RPVA le 8 janvier 2024, aux termes desquelles la société ACASTA EUROPEAN INSURANCE COMPANY (ci-après ACASTA) en qualité d'assureur de la société PARIS DECORATION sollicite de voir:

rejeter les demandes de condamnations provisionnelles dirigées à son encontre par les consorts [L]-[D] ;
rejeter la demande de garantie formée par la société PARIS DECORATION au titre des désordres affectant la dépendance;
subsidiairement,

la dire fondée à opposer à son assurée et aux tiers une franchise de 3.000 € à déduire de toute éventuelle condamnation qui serait mise à sa charge,
condamner in solidum la société ATELIER CPLUSM, son assureur la SMA, la société E2PR, son assureur la SMABTP et la société ERGO FRANCE à la garantir de toute éventuelle condamnation qui serait mise à sa charge en principal, intérêts, frais et dépens,
En tout état de cause,

condamner in solidum M. [L], Mme [D] ainsi que tous succombants à lui payer une somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens du présent incident, dont distraction pour ceux la concernant par Maître Hélène LACAZE.
***

Vu les conclusions en réponse à incident notifiées par RPVA le 11 janvier 2024, aux termes desquelles la société E2PR sollicite de voir:

A titre principal,

rejeter les demandes de provision formées par les consorts [L]-[D] au titre de la verrière et de l'assainissement,
rejeter les demandes formées par les autres parties à son encontre ;
A titre subsidiaire,

rejeter la demande de condamnation in solidum
limiter toute condamnation à son encontre à 50 % des demandes formulées par M. [L] et Mme [D] qui seraient déclarées bien fondées au titre de la verrière et à 20 % au titre de l'assainissement,
condamner solidairement la SMABTP à ces condamnations, en sa qualité d'assureur de la société E2PR,
à défaut condamner la SMABTP en sa qualité d'assureur de la société E2PR, à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
En tout état de cause,

condamner M. [L] et Mme [D] ou tout succombant solidairement à lui régler la somme de 3000 € outre les entiers dépens.
***

Vu les conclusions en réponse à incident notifiées par RPVA le 2 janvier 2024, aux termes desquelles la société KONNECT SYSTEMS GROUP sollicite de voir:

rejeter les demandes de provision formées par les consorts [L]-[D] à son encontre ;
condamner solidairement les consorts [L]-[D] à lui payer la somme de 2.000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident, dont distraction au profit de Me Nathalie FEERTCHAK,

***

Vu les conclusions en réponse à incident notifiées par RPVA le 11 janvier 2024, aux termes desquelles la SMABTP en qualité d'assureur de la société E2PR et KONNECT SYSTEMS GROUP sollicite de voir:

A titre principal,

Sur la police KONNECT SYSTEMS GROUP,

prononcer la mise hors de cause de la SMABTP en sa qualité d'assureur de KONNECT
Sur la police E2PR,

rejeter les demandes de provision formées à son encontre par les consorts [L]-[D] au titre de la verrière et de l'assainissement ;
En conséquence

rejeter tous les appels en garantie formulées à l'encontre de la SMABTP recherchée en qualité d'assureur décennal de la société E2PR ;
A titre subsidiaire,

rejeter toute demande de condamnation in solidum et solidaire, au regard de la ventilation des responsabilités effectuée par l'Expert judiciaire dans ses pré-rapports;
A titre infiniment subsidiaire,

la dire bien fondée à opposer les limites du contrat d'assurance.
En tout état de cause,

rejeter les demandes de provision ad litem et de condamnation au titre des frais irrépétibles formées par les demandeurs ;
condamner les demandeurs ou tout succombant à verser la somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance au profit de Maître Emmanuelle BOCK, avocat aux offres de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de provision

Aux termes de l'article 789 du Code de procédure civile, 3° du Code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Sur la demande de provision relative à la verrière

M. [L] et Mme [D] sollicitent de voir condamner, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, in solidum la société ATELIER CPLUSM et son assureur la SMA, ainsi que la société E2PR à leur payer à titre de provision la somme de 61.664 euros TTC au titre du coût des travaux de réfection de la verrière et frais avancés comprenant les sommes suivantes:
48.536 € TTC au titre du devis actualisé de la réfection de la verrière8.640,00 € TTC au titre du BET SECC4.488 euros au titre des frais conservatoires avancés.
A l'appui de leur demande de provision, les demandeurs font valoir que:

- la matérialité des désordres affectant la verrière comme la solution réparatoire n'ont pas été contestées par les parties pendant les opérations d'expertise ;

- la société Atelier CPLUSM doit voir sa responsabilité contractuelle engagée dans la mesure où l'expert a retenu des fautes commises par celle-ci dans l'exécution de ses missions de maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution directement à l'origine des désordres (notamment un défaut d'adaptation du graphisme du PC à l'exécution des travaux, l'absence de transmission de plans détaillés, l'absence de prise en compte de l'avis de l'ABF, la validation d'un démarrage de la pose de la verrière sans plan EXE, l'absence d'arrêt des travaux à l'arrivée des profilés) ;

- la société E2PR doit voir sa responsabilité contractuelle engagée dès lors qu'elle a commis des fautes à l'origine des désordres (absence de production de plans EXE, absence de respect des plans PRO réalisés par le maître d'oeuvre et de l'avis de l'ABF, absence d'adaptation de la conception à l'exécution) ;

- la seule solution réparatoire consiste à remplacer intégralement la verrière et doit intégrer l'étude préalable réalisée pour obtenir un projet conforme à l'avis de l'ABF et les frais engagés pour les mesures conservatoires préconisés par l'expert judiciaire.

La société ATELIER CPLUSM et son assureur la SMA font valoir en réponse que la demande de provision formée par les demandeurs se heurte à contestations sérieuses dès lors que:

- les demandeurs n'explicitent pas les motifs les conduisant à fonder leurs demandes sur la responsabilité contractuelle alors qu'ils soutiennent dans le même temps qu'une réception tacite de l'ouvrage a eu lieu le 25 avril 2019 et que l'expert évoque une réception en juin 2020 ;

- l'expert n'a pas pu constater la matérialité des désordres allégués par les demandeurs (atteinte à la solidité et caractère fuyard) en l'absence d'aucune investigation réalisée, n'a pas vérifié la conformité de l'ouvrage aux recommandations initiales de l'Architecte des Bâtiments de France et ne s'est fondé que sur un courrier établi postérieurement et sujet à controverses ;

- il ne peut être ni reproché au maître d'oeuvre d'exécution de fautes dans la conception du projet alors qu'il n'était en charge que d'une maîtrise d'œuvre d'exécution ni l'absence de réalisation des plans d'exécution alors que cette mission ne lui incombait pas.

La société E2PR soutient en défense que la demande se heurte à contestations sérieuses dès lors que :

- la matérialité des désordres affectant la verrière n'est nullement démontrée dès lors que l'expert n'a constaté ni le caractère fuyard ni l'atteinte à la solidité ;

- elle n'a jamais été informée avant le démarrage des travaux en octobre 2018 de l'avis des ABF et les plans de détail fournis par le maître d'oeuvre n'incluent pas les demandes spécifiques de l'ABF ;

- si une condamnation devait intervenir, celle-ci devrait nécessairement intégrer une compensation avec les sommes dues au titre des travaux de verrière dès lors que les demandeurs restent lui devoir la somme de 21 450€ TTC.

***

S'agissant de la mise en jeu de la responsabilité de la société ATELIER CPLUSM, il convient de constater que celle-ci est recherchée sur le fondement contractuel. Or en vertu de l'article 1231-1 du Code civil, le maître d'oeuvre est tenu à l'égard du maître d'ouvrage d'une obligation de moyens dans la limite des missions qui lui sont confiées. Il incombe dès lors au maître d'ouvrage qui souhaite voir engager la responsabilité de l'architecte au titre de désordres affectant l'ouvrage, objet de son contrat de maîtrise d'oeuvre, de démontrer l'existence d'un désordre lui occasionnant un préjudice, l'existence d'une faute commise par l'architecte dans l'exécution de ses engagements contractuels et d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Dans le cas présent, il y a lieu de constater que :

- la matérialité des désordres affectant la verrière est contestée par les défenderesses, celles-ci faisant en effet valoir le fait que l'expert a indiqué ne pas avoir constaté visuellement d'atteinte à la solidité ni de caractère fuyard de la verrière, n'avoir procédé à aucune investigation et établi son avis provisoire, sur la base d'un seul rapport d'un contrôleur technique (en l'occurence non produit à l'audience d'incident), qu’en effet il peut être relevé dans l'expertise que l’expert reconnait ne pas avoir effectué de constatation visuelle sur le défaut de conformité aux recommandations de l'Architecte des Bâtiments de France et s’être fondé sur un seul courrier adressé postérieurement à la réalisation des travaux par l'ABF ;

- les parties sont en désaccord sur l'étendue des missions contractuelles confiées à la société ATELIER CPLUSM ce qui nécessite d'analyser précisément les pièces contractuelles liant les parties notamment afin de déterminer à qui incombait la réalisation des plans d'exécution de la verrière ce qui excède les pouvoirs du juge de la mise en état;

- la solution de remplacement total préconisée par l'expert est également contestée par les parties dès lors que ceux-ci contestent l'absence de conformité de l'ouvrage à l'avis de l'ABF lequel est sujet à interprétation dès lors que l'ABF vise les seuls montants de la verrière et non la verrière même laquelle est uniquement mentionnée dans un courrier postérieurement établi.

Il s'ensuit que les demandeurs ne démontrent pas de manière incontestable pouvoir engager la responsabilité contractuelle pour faute de la société ATELIER CPLUSM et disposer à son égard d'une créance non sérieuse contestable, cette responsabilité devant dès lors être appréciée par le tribunal statuant au fond.

S'agissant de la mise en jeu de la responsabilité de la société E2PR sur le fondement de la responsabilité contractuelle, outre que les demandeurs ne précisent pas si cette responsabilité est recherchée en l'absence de réception de l'ouvrage ou compte tenu d'une réception intervenue avec réserves, il convient de constater que dans ces deux cas, l'entrepreneur est tenu d'une obligation de résultat de sorte qu'il appartient au maître d'ouvrage de démontrer uniquement l'existence d'un désordre lui occasionnant un préjudice et un lien de causalité avec les travaux confiés à ladite entreprise à charge pour celle-ci de rapporter la preuve d'une cause étrangère pour s'exonérer de sa responsabilité.

Or tel qu'il a été souligné précédemment se pose la question de la matérialité des désordres affectant la verrière laquelle est contestée tant par le maître d'oeuvre que l'entreprise en l'absence d'investigation réalisée par l'expert, de même que la question de la transmission des informations (avis ABF) nécessaires à la bonne réalisation de l'ouvrage au moment de la réalisation des plans et de la commande de la verrière, qu'enfin la société E2PR se prévaut également de sa propre créance à l'égard des demandeurs en l'absence de paiement de son solde de chantier.

En conséquence là encore, il convient de dire que les demandeurs ne démontrent pas de manière incontestable disposer à l'égard de cette partie d'une créance non sérieuse contestable.

Sur la demande de provision relative à la dépendance

M. [L] et Mme [D] sollicitent sur le fondement de la responsabilité décennale, subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute prouvée, de voir condamner in solidum la société ATELIER CPLUSM et son assureur la SMA et la société PARIS DECORATION et ses assureurs ERGO France et ACASTA EUROPEAN INSURANCE au paiement d'une somme provisionnelle de 93.847,60 euros sauf à parfaire, au titre du coût des travaux de reprise de la dépendance.

A l'appui de leur demande, ils exposent que :

- la matérialité des désordres affectant la dépendance comme le devis des travaux réparatoires n'ont pas été contestés par les parties pendant les opérations d'expertise ;

- la mise en jeu de la responsabilité décennale du maître d'oeuvre et de l'entreprise n'est pas sérieusement contestable dans la mesure où l'ouvrage a fait l'objet d'une présomption de réception tacite le 9 septembre 2019 en raison du paiement intégral des travaux et de la prise de possession des lieux qui ont été loués à cette date et où il ressort des conclusions de l'expert que les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination.

La société ATELIER CPLUSM et son assureur la SMA font valoir en réponse que la demande de provision formée par les demandeurs se heurte à contestations sérieuses dès lors que :

- la garantie décennale des constructeurs ne peut être mise en œuvre par les maîtres d'ouvrage dans la mesure où un procès-verbal de réception avec réserves a été signé par Mme [D] le 16 juin 2020 aux termes duquel ont été réservés l'ensemble des désordres affectant la dépendance;

- la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre ne peut non plus être retenue en l'absence de preuve d'une faute commise à l'origine des désordres dès lors d'une part qu'il n'est pas démontré que les désordres étaient visibles par le maître d'oeuvre, d'autre part, que les désordres sont imputables à la seule société réalisatrice ;

- il ne peut être reproché au maître d'oeuvre d'exécution l'absence de réalisation des plans d'exécution alors que cette mission ne lui incombait pas.

La société PARIS DECORATION expose que la demande de provision se heurte également à une contestation sérieuse dans la mesure où elle n'a pas à assumer une quelconque responsabilité dans la survenance des désordres qui sont uniquement imputables à un défaut de conception.

La société ACASTA en qualité d'assureur de la société PARIS DECORATION soutient que sa garantie décennale n'est pas mobilisable dans la mesure où les désordres ont été réservés à la réception et où les prestations exécutées n'entrent pas dans le champ contractuel de sa garantie.

La société ERGO en qualité d'assureur de la société PARIS DECORATION soutient que la demande de provision se heurte à de nombreuses contestations sérieuses dès lors que le contrat d'assurance souscrit par son assurée couvre sa responsabilité décennale à compter du 1er février 2019 alors que le chantier aurait été ouvert en 2018 lorsque la société PARIS DECORATION était assurée auprès de la société ACASTA, qu'en outre la police souscrite n'a pas vocation à s'appliquer dès lors qu'elle n'inclut pas les activités fondations, isolation et ventilation.

***

En l'espèce, les demandeurs ne démontrent pas une créance non sérieusement contestable fondée sur la garantie décennale dès lors que:

- se pose la question de la date de la réception entre les parties alors que les demandeurs se prévalent d'une réception tacite intervenue le 9 septembre 2019 alors que l'expert judiciaire, dans son rapport, et les défenderesses (notamment au vu de la pièce n°1 de la société E2PR répondant aux réserves listées dans ledit procès-verbal) font état d'une réception expresse avec réserves intervenue le 16 juin 2020 ;

- se pose la question de la réunion des conditions de mise en jeu de la responsabilité décennale des constructeurs alors qu'il ressort du courrier produit aux débats par la société E2PR qu'une réserve générale a été portée le 16 juin 2020 sur la dépendance et que l'ensemble des désordres reprochés dans la présente instance y sont mentionnés.

S'agissant de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre et de l'entrepreneur, force est de constater que là encore la demande de provision ne peut prospérer dans la mesure où le fondement contractuel ne peut être retenu que si les désordres allégués ne relèvent pas d'une garantie légale, ce qui ne pourra être jugé que par le tribunal statuant au fond de sorte qu'il ne peut y avoir de demande subsidiaire devant le juge de la mise en état.

Sur la demande de provision relative à l'assainissement

M. [L] et Mme [D] sollicitent de voir :

condamner sur le fondement de la responsabilité décennale, subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle, in solidum la société ATELIER CPLUSM avec son assureur la SMA et la société E2PR avec son assureur au paiement des sommes provisionnelles de :3.392,50 euros TTC au titre des frais d'investigations52.620 euros TTC au titre des frais de réparation
condamner la société PARIS DECORATION avec ses assureurs ERGO France et ACASTA EUROPEAN INSURANCE au paiement de la somme provisionnelle de 9.013,40 euros TTC au titre de la réfection de la pompe en pied de garage pour recueillir les eaux de la pente du garage.
A l'appui de leurs demandes de provision, ils font valoir que :

- le maître d'oeuvre et l'entreprise E2PR sont tenus au titre de leur garantie décennale dès lors que la réception est intervenue le 5 novembre 2018 avec des réserves sans lien avec les désordres et que les désordres rendent l'assainissement impropre à sa destination ;

- la société PARIS DECORATION est également tenue au titre de sa garantie décennale dès lors que la pompe en pied de garage installée est impropre à sa destination en ce qu'elle ne permet pas d'évacuer l'eau.

La société E2PR oppose l'absence de démonstration d'une créance non sérieusement contestable fondée sur la mise en jeu de la garantie décennale dans la mesure où le caractère de gravité décennale des désordres allégués est contestable dès lors que celui-ci n'a pas été relevé par l'expert judiciaire. Elle expose en outre avoir contesté, contrairement aux affirmations contraires de l'expert, le rapport d'investigation par dires auquel l'expert n'a pas répondu.

La société PARIS DECORATION expose que les demandeurs ne justifient pas d'un préjudice, que le lieu d'installation de la pompe a été décidé par le maître d'œuvre et que les maîtres d'ouvrage lui restent devoir le solde de son marché.

La société ATELIER CPLUSM et son assureur la SMA font valoir que les demandeurs ne démontrent pas le caractère de gravité décennale s'agissant de l'assainissement dès lors que les lieux sont occupés et que l'expert n'a relevé uniquement que des anomalies et des non conformités.

La société ACASTA en qualité d'assureur de la société PARIS DECORATION expose que l'expert n'a relevé qu'un défaut d'accessibilité de la pompe de relevage rendant son entretien impossible et n'a relevé aucun désordre matériel consécutif, qu'en outre le défaut d'accessibilité, visible, a été réservé dans le PV de réception le 16 juin 2020 de sorte que les conditions de la mise en jeu de la garantie décennale de son assuré ne sont pas réunies.

La société ERGO en qualité d'assureur de la société PARIS DECORATION soutient qu'elle n'est pas l'assureur décennal de la société PARIS DECORATION pour le chantier litigieux de sorte que la demande de provision formée à son encontre se heurte à contestation sérieuse.

***

S'agissant de la pompe de relevage, les demandeurs fondent leur demande de provision sur la garantie décennale. Les défenderesses opposent l'absence de démonstration du caractère décennal des désordres et le caractère visible du défaut de conformité reproché.

Force est de constater au vu des contestations émises par les défenderesses que les demandeurs ne démontrent pas de manière non sérieusement contestable que la garantie décennale des constructeurs soit acquise au cas présent dès lors que :

-aux termes d'un procès-verbal de réception relatif aux travaux d'assainissement signé entre la société E2PR, non concerné par les travaux relatifs à la pompe de relevage, et les maîtres d'ouvrage le 5 novembre 2018, il est fait état d'une réserve sur la fourniture, la pose et la mise en service de la pompe de relevage (qui n'avait donc pas encore été réalisée à la date de cette réception),

-le PV de réception du 29 juin 2020 signé par la maîtrise d'ouvrage en présence de la société PARIS DECORATION contient une réserve relative à la pompe de relevage installée " réserve 1.02" : “changer le système de fixation car actuellement impossibilité d'entretenir l'ouvrage " ;

-l'expert judiciaire ne fait pas état de désordres consécutifs à l'inaccessibilité de la pompe de sorte que se pose la question de l'atteinte à la destination de l'ouvrage ;

-les inondations mentionnées par les maîtres d'ouvrage ont eu lieu avant la signature du procès-verbal de réception du 29 juin 2020 et ne sont pas mentionnées par l'expert.

S'agissant de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre et de l'entrepreneur, force est de constater que là encore la demande de provision ne peut prospérer dans la mesure où le fondement contractuel ne peut être retenu que si les désordres allégués ne relèvent pas d'une garantie légale, ce qui ne pourra être jugé que par le tribunal statuant au fond de sorte qu'il ne peut y avoir de demande subsidiaire devant le juge de la mise en état.

S'agissant du réseau d'assainissement, là non plus, les demandeurs ne démontrent pas de manière non sérieusement contestable que la garantie décennale des constructeurs soit acquise à l'égard du maître d'œuvre et de l'entreprise E2PR dans la mesure où il n'est pas relevé par l'expert de désordres consécutifs aux non conformités relevées ou d'une certitude que des désordres de gravité décennale se produiront dans le délai décennal de sorte que la question du caractère de gravité décennale exigée par l'article 1792 du Code civil se pose.

Sur la demande de provision ad litem

Les demandeurs sollicitent de voir condamner in solidum les défendeurs au paiement de la somme de 30.000 euros au titre d'une provision ad litem. Au soutien de leur demande, ils exposent avoir avancé une somme totale de 36.500 euros au titre des frais d'expertise.

Dans la mesure où les demandes de provision ont été rejetées, faute de démontrer une obligation non sérieusement contestable, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande ainsi formée au titre des frais d'expertise.

Sur les demandes accessoires

Succombant dans leurs demandes, les consorts [L]-[D] seront tenus aux dépens du présent incident. L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes de condamnations au titre des frais irrépétibles formées par les défenderesses.

PAR CES MOTIFS

Nous, Nadja GRENARD, statuant en qualité de juge de la mise en état, par ordonnance contradictoire, rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

REJETONS les demandes de provision formées par M. [S] [L] et Mme [V] [D];

CONDAMNONS, M. [S] [L] et Mme [V] [D] aux dépens de l'incident ;

DISONS n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles ;

ADMETTONS les avocats qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile;

RAPPELONS que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de plein droit.

Faite et rendue à Paris le 08 mars 2024

Le GreffierLe Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 6ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/14122
Date de la décision : 08/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-08;21.14122 ?
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