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07/03/2024 | FRANCE | N°21/08705

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 07 mars 2024, 21/08705


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
2ème section

N° RG 21/08705
N° Portalis 352J-W-B7F-CUWWH

N° MINUTE :



Assignation du :
29 Juin 2021



JUGEMENT
rendu le 07 Mars 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. MERKEL, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Catherine BEURTON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1612


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] [Localité 6], représenté par son syndic la société GESTION EUROPE, SARL
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Guilla...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
2ème section

N° RG 21/08705
N° Portalis 352J-W-B7F-CUWWH

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Juin 2021

JUGEMENT
rendu le 07 Mars 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. MERKEL, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Catherine BEURTON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1612

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] [Localité 6], représenté par son syndic la société GESTION EUROPE, SARL
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Guillaume CADIX de l’AARPI GALLICA, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #B0667

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-Président
Anita ANTON, Vice-Présidente
Olivier PERRIN, Vice-Président

assistés de Nathalie NGAMI-LIKIBI, Greffière,
Décision du 07 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/08705 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUWWH

DÉBATS

A l’audience du 07 Décembre 2023 tenue en audience publique devant Frédéric LEMER GRANADOS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

***

Exposé du litige :

La S.C.I. MERKEL est propriétaire, depuis le 18 décembre 2020, du lot n° 6 constitué d'un local commercial an rez-de-chaussée, fond de cour, au sein de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Par courrier recommandé du 23 juin 2021, elle a sollicité du syndic l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée générale spéciale d'un projet de résolution portant sur une autorisation de faire réaliser divers travaux affectant la façade sur cour du [Adresse 3].

Le 1er juin 2021, l'assemblée générale des copropriétaires a :
- autorisé la S.C.I. MERKEL à faire réaliser la réfection de sa porte-fenêtre et de sa fenêtre, donnant sur la cour de l'immeuble, selon résolution n° 5,
- refusé sa demande d'autorisation de réaliser une imposte vitrée, type fenêtre à soufflet, au-dessus de sa porte-fenêtre et de sa fenêtre s'ouvrant vers l'extérieur, selon résolution n° 6, avec la précision selon laquelle : « les copropriétaires s'opposent compte tenu que les impostes sont ouvrantes. L'assemblée générale demande des impostes vitrées fixes ».

C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier du 29 juin 2021, la S.C.I. MERKEL a fait assigner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 6] devant le tribunal judiciaire de Paris afin notamment de solliciter, à titre principal, l'autorisation de faire réaliser à ses frais deux impostes vitrées ouvrantes, l'une en haut de la double porte et l'autre en haut de la baie vitrée fixe, équipant le lot n° 6 et donnant sur la cour de l'immeuble, ces deux impostes s'ouvrant vers l'intérieur du lot n° 6 au moyen d'un mécanisme accessible aux occupants du lot n° 6, outre la condamnation du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour refus abusif de travaux.

Décision du 07 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/08705 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUWWH

Selon ordonnance rendue le 1er décembre 2022, le juge de la mise en état de la 8ème chambre – section 2 du tribunal judiciaire de Paris a notamment déclaré le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] irrecevable en sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner sous astreinte la S.C.I. MERKEL à “supprimer la division de son lot n° 6 (de le rétablir en un seul grand local)”.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2023, la S.C.I. MERKEL demande au tribunal de :

Vu les dispositions de l’article 1240 du Code Civil,
Vu les articles 10-1, 25 et 30 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les articles R4212-1 et R4222-4 du Code du Travail,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,

Débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Déclarer la SCI MERKEL recevable à solliciter l’autorisation judiciaire d’installer deux impostes vitrées ouvrantes en haut de la double porte et de la baie fixe de son lot n°6 donnant sur la cour de l’immeuble sis à [Localité 6], [Adresse 3],

Autoriser la SCI MERKEL à faire réaliser par ses soins, à ses frais, et sous la surveillance de l’architecte de l’immeuble, dont elle assumera les honoraires, deux impostes vitrées ouvrantes, l’une en haut de la double porte et l’autre en haut de la baie vitrée fixe, équipant le lot n°6 et donnant sur la cour de l’immeuble, ces deux impostes s’ouvrant vers l’intérieur du lot n°6 au moyen d’un mécanisme accessible aux occupants du lot n°6,

Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] [Localité 6] à payer à la SCI MERKEL la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour refus abusif d’autorisation de travaux,

Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] [Localité 6] à payer à la SCI MERKEL la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] [Localité 6] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître BEURTON, Avocat aux offres de droit par application de l'article 699 du Code de procédure civile,

Juger qu’en application des dispositions de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, la SCI MERKEL sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure incluant notamment les honoraires d’avocat du syndicat des copropriétaires, la condamnation aux frais irrépétibles (article 700) et les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 avril 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] demande au tribunal de :
REJETER l’ensemble des prétentions de la société MERKEL.

CONDAMNER la société MERKEL aux dépens et à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 6] la somme de 4.800 € au titre des frais non compris dans les dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux écritures précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2023.

L’affaire, plaidée à l’audience du 7 décembre 2023, a été mise en délibéré au 7 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

I – Sur la demande principale d'autorisation judiciaire de travaux formée par la S.C.I. MERKEL :

La S.C.I. MERKEL fait valoir en substance, au visa des articles 25 et 30 de la loi du 10 juillet 1965, que sa demande de travaux relative aux impostes vitrées ouvrantes, corrigée par l'architecte de la copropriété, était accompagnée de plans d'élévation et coupe des bais du lot n° 6 sur la façade courainsi que d'un courriel du 6 avril 2021 de l’architecte de la copropriété indiquant au syndic que les modifications demandées par lui (hauteur panneaux pleins ramenée à 70 cm et cote de la porte) « ont été effectuées » de sorte qu'il validait sa proposition.

Elle estime qu'il ressort de ces éléments que la création de deux impostes vitrées n'était pas contre indiquée par l'architecte de la copropriété, d'autant que la présence d'impostes ouvrantes sur d'autres baies donnant sur la cour constitue une nécessité technique, eu égard au poids des parties vitrées, dont notamment la baie vitrée éclairant le local poubelle de l'immeuble (ancienne loge) qui dispose d'une imposte ouvrante (pièce n° 12).

Elle ajoute que :
- le refus de l'assemblée générale d'autoriser des impostes ouvrantes est incompréhensible, puisque l'aspect général de la façade n'est pas altéré par ces impostes qui donnent le même visuel qu'une imposte fixe, alors que d'autres baies donnant sur la cour de l'immeuble sont équipées d'impostes ouvrantes (pièce n° 12),
- le local étant loué par la S.C.I. MERKEL pour une activité professionnelle (en l'espèce un médecin psychiatre et un psychologue), l'article R. 4212-1 du code du travail impose au maître de l'ouvrage de réaliser les bâtiments et leurs aménagements de façon à ce que les locaux fermés dans lesquels les travailleurs sont appelés à séjourner soient conformes aux règles d'aération et d'assainissement prévues aux articles R. 4222-1 à R. 4222-17 du code du travail (pièce n° 13), l'article R. 4222-4 dudit code précisant qu'en l'absence de ventilation mécanique, « les locaux comportent des ouvrants donnant directement sur l'extérieur et leurs dispositifs de commande sont accessibles aux occupants »,
- dans le cas présent, les impostes vitrées ouvrantes à installer en haut de la double porte et de la baie vitrée fixe permettent la ventilation naturelle permanente imposée par le code du travail, l'imposte vitrée s'ouvrant vers l'intérieur du local, par un mécanisme accessible aux occupants, sans surplomber les parties communes,
- l'autorisation soumise à l'assemblée générale porte bien sur deux baies, étant précisé que l'ouverture de ces deux impostes se fait à l'intérieur du local privé et non pas en surplomb des parties communes, nonobstant l'absence de précision à ce titre dans la demande d'autorisation,
- les photographies produites en défense par le syndicat des copropriétaires ne sont pas datées et ne démontrent rien quant à l'ouverture des impostes,
- il n'est pas non plus démontré à quelles dispositions du règlement de copropriété sur la destination de l'immeuble serait contraire le montant de ces deux impostes autorisées par l'assemblée générale, parties privatives aux termes du règlement de copropriété (article 2, page 29),
- ces travaux ont été entièrement validés par l'architecte de la copropriété, qui a fait effectuer les correctifs nécessaires sur les travaux de réfection de la double porte et de la fenêtre avec création d'imposte donnant sur la cour (pièce n° 8),
- ce sont la proposition et les plans validés par l'architecte de l'immeuble qui ont été soumis à l'assemblée, le syndicat ne démontrant pas en quoi l'esthétique de l'immeuble serait affectée, alors qu'il est démontré, par une photographie prise le 7 juillet 2022 dans la cour de l'immeuble, qu'une imposte vitrée, ouvrant vers l'intérieur, existe sur la baie éclairant le local poubelle de l'immeuble depuis très longtemps, si l'on en croit l'aspect dégradé de cette baie (pièce n° 12),
- aucune pièce ne vient étayer les propos mensongers du syndicat des copropriétaires quant aux bruits en provenance du lot n° 6 qui affecteraient « en résonnant dans sa cour intérieure, la tranquillité de l'immeuble ».

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] répond que :
- l'autorisation judiciairement réclamée porte non sur une « imposte vitrée », la convocation contenant un singulier, mais sur « deux impostes vitrées », ces différences substantielles ne permettant pas de considérer que le projet porté par la société MERKEL ait été refusé au sens de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965,
- en l'espèce, il n'y a pas eu d'expertise judiciaire et l'assignation est intervenue 28 jours après la tenue de l'assemblée, ce bref délai excluant toute évolution liée au progrès technique et excluant tout amendement,
- le tribunal ne peut pas, sans violer les dispositions d'ordre public de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965, autoriser des travaux dont le projet n'a pas été préalablement soumis à cette assemblée, alors que doubler le nombre d'imposte et changer le sens de l'ouverture constituent des différences substantielles,
- une série de photographies récentes établissent que la société MERKEL « s'est autorisée » les travaux dont elle réclame l'autorisation judiciaire, cette circonstance imposant le rejet de sa demande, confirmant qu'il s'agit bien d'impostes ouvrantes et d'ailleurs régulièrement ouvertes,
- le règlement de copropriété impose aux copropriétaires de « respecter la bonne harmonie de l'immeuble », les menuiseries extérieures devant « garder leurs formes et couleur primitives »,
- les travaux litigieux affectent l'esthétique de l'immeuble,
- le même règlement énonce que « les lots ne pourront en aucune façon être divisés »,
- les travaux litigieux visent deux menuiseries extérieures, dans le but de ventiler deux locaux issus de la subdivision du lot n° 6, non contestée,
- si le lot n'avait pas été irrégulièrement cloisonné, ces travaux ne seraient même pas envisagés,
- le règlement impose à chaque résident de « veiller à ne rien faire ou à ne rien laisser faire qui puisse nuire aux autres copropriétaires, par le bruit, l'odeur ou toute autre cause »,
- se pose la question de la conformité du logement à l'article 63 du règlement sanitaire départemental, interdisant de rejeter l'air extrait des locaux à moins de huit mètres de toute fenêtre,
- les travaux litigieux portent atteinte à la tranquillité de l'immeuble, ainsi qu'il en ressort de quatorze attestations (pièce n° 5),
- ils ne constituent donc pas une amélioration conforme à la destination de l'immeuble,
- l'architecte a essentiellement vérifié les dimensions des menuiseries, sans donner d'avis favorable aux ouvertures, dont la nécessité technique n'est pas justifiée,
- la réunion des conditions de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 n'est pas démontrée.

***
Le quatrième alinéa de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « lorsque l'assemblée générale refuse l'autorisation prévue à l'article 25 b [autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de l'immeuble], tout copropriétaire […] peut être autorisé par le tribunal judiciaire à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d'amélioration visés à l'alinéa 1er ci-dessus » [transformation d'un ou plusieurs éléments d'équipement existants, adjonction d'éléments nouveaux, aménagement de locaux affectés à l'usage commun, création de tels locaux].

Les travaux d'amélioration visés à l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 ne peuvent faire l'objet d'une autorisation judiciaire qu'à la condition qu'ils respectent la destination de l'immeuble et qu'ils ne portent pas atteinte aux droits des autres copropriétaires (Civ. 3ème, 10 décembre 2003, n° 02-14.251).

Aux termes de l’article 10 du décret d’application du 17 mars 1967 : « Le ou les copropriétaires ou le conseil syndical qui demandent l’inscription d’une question à l’ordre du jour notifient au syndic, avec leur demande, le projet de résolution lorsque cette notification est requise en application des 7° et 8° du I de l’article 11.

Lorsque le projet de résolution porte sur l’application du troisième alinéa de l’article 24 et du b de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, il est accompagné d’un document précisant l’implantation et la consistance des travaux … ».

L’autorisation judiciaire de travaux prévue par le quatrième alinéa de l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965, dans la mesure où elle va à l’encontre de la volonté exprimée par l’assemblée générale des copropriétaires, est soumise à des conditions strictes, ainsi spécialement :
- les travaux doivent être conformes à la destination de l’immeuble,
- il doit s’agir de travaux d’amélioration,
- les travaux ne doivent pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires, notamment en ce qui concerne l’atteinte à l’esthétique de l’immeuble.

L’autorisation judiciaire de l’article 30 ne dépend ainsi pas des autorisations administratives données et relève de la seule appréciation du tribunal au regard des conditions posées par cet article.

L'amélioration ne doit pas nécessairement profiter à tous les copropriétaires et peut ne bénéficier qu'au seul copropriétaire qui sollicite l'autorisation d'effectuer les travaux (ex. : Civ. 3ème, 13 février 1991, n° 89-15.938, Civ. 3ème, 30 juin 1992, n° 91-12.000 ; 30 septembre 2014, n° 13-19.145).

Le tribunal ne peut refuser d'autoriser des travaux que s'ils sont contraires à la destination de l'immeuble ou s'ils portent atteinte aux droits des autres copropriétaires. Toutefois, les travaux contraires à l’intérêt collectif doivent être refusés. Il en est de même de ceux qui affectent l'harmonie de l'immeuble et son esthétique.

Le refus d’autorisation ouvre droit au copropriétaire contestant la décision d’obtenir une autorisation judiciaire, sous réserve de la production des pièces techniques décrivant les travaux projetés afin que la juridiction saisie puisse se prononcer en toute connaissance de cause.

Il est par ailleurs constant qu'une demande d'autorisation judiciaire ne peut être accueillie si le copropriétaire intéressé a déjà fait réaliser lui-même les travaux, de sa propre autorité (ex. : Civ. 3ème, 25 avril 1990, n° 88-13.814 ; 19 janvier 1994, n° 92-13.431 ; 22 mai 1997, n° 95-16.438, 19 septembre 2012, n° 14-13.386, etc.).

En l'espèce, il est incontestable que les travaux pour lesquels une autorisation judiciaire est sollicitée constituent a minima une amélioration pour le lot n° 6 en rez-de-chaussée dont la S.C.I. MERKEL est propriétaire, en permettant la ventilation des locaux exploités à titre de cabinet médical.

En revanche, il ressort des éléments de la procédure que les travaux de rénovation de deux baies existantes en rez-de-chaussée, avec création d'une porte fenêtre s'ouvrant vers l'extérieur avec allège pleine en bois et vitrage en partie supérieure (baie n° 1) et baie vitrée avec allège pleine en bois et vitrage en partie supérieure (baie n° 2), impliquant l'ajout de deux impostes vitrées, type fenêtre à souffle afin de ventiler les locaux, ont déjà été réalisés, de sa propre autorité par la S.C.I. MERKEL, avant que le tribunal statue sur sa demande d'autorisation judiciaire, ce qui ressort clairement de la comparaison :
- du projet soumis à l'assemblée générale des copropriétaires par la S.C.I. MERKEL (pièces n° 8 et 9 produites en demande, courriel adressé au syndic du 24 février 2021 avec projection des travaux sur double porte et baie vitrée fixe donnant sur la cour de l'immeuble, lettre recommandée adressée au syndic en date du 12 avril 2021 pour convocation d'une assemblée générale avec annexes, et pièce n° 4 produite par le syndicat des copropriétaires, photographie avant travaux du 16/112020, maîtrise d’œuvre : [G] [U] Architecte),
- et des photographies des mêmes menuiseries produites en pièces n° 2 et 3 par le syndicat des copropriétaires (dont l'une prise le 6 juillet 2021, pièce n° 2-1, et l'autre le 15 mars 2023).

La S.C.I. MERKEL ne conteste d'ailleurs pas avoir effectivement fait réaliser lesdits travaux aux termes de ses dernières écritures (page 8), se contentant de contester la valeur probante et la date certaine des photographies produites, permettant a minima d'établir que les travaux litigieux ont été réalisés début juillet 2021, tout en précisant que « l'on voit mal en quoi le montage de ces deux impostes autorisées par l'assemblée générale avec les contraintes techniques y afférentes, ne permettrait pas à la SCI MERKEL de demander au Tribunal l'autorisation de disposer d'impostes ouvrant à l'intérieur de ses parties privatives », sans toutefois justifier au travers des pièces produites avoir obtenu une quelconque autorisation préalable de l'assemblée générale sur ce point.

De surcroît, l'examen comparé des pièces produites permet d'établir que les travaux réalisés correspondent exactement (en tous points) à ceux projetés par la S.C.I. MERKEL selon visuel joint à son courriel du 24 février 2021 et à sa lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juin 2021 (pièces n° 8 et 9-1 produites en demande).

Par ce seul motif, la demande d'autorisation judiciaire à faire réaliser par ses soins, à ses frais, et sous la surveillance de l'architecte de l'immeuble, dont elle assumera les honoraires, deux impostes vitrées ouvrantes, l'une en haut de la double porte et l'autre en haut de la baie vitrée fixe, équipant le lot n° 6 et donnant sur la cour de l'immeuble, formée par S.C.I. MERKEL, devra être rejetée.

II – Sur la demande de dommages et intérêts pour refus abusif d'autorisation de travaux formée par la S.C.I. MERKEL :

La S.C.I. MERKEL fait valoir que l'existence d'impostes fixes imposée par l'assemblée générale est « abusive et insensée », ces impostes étant implantées en haut de la double porte, ouvrant sur la cour, et en haut de baie donnant sur la cour.

Elle ajoute que d'autres locaux donnant sur la cour de l'immeuble sont équipés d'impostes ouvrantes, ce que le syndicat des copropriétaires ne conteste pas.

Elle fait par ailleurs état du comportement ordurier de l'un des occupants de l'immeuble, le 3 septembre 2021, ayant agressé une patiente de l'un des médecins, qui attendait devant la porte du cabinet, en la forçant à sortir dans la cour, en lui crachant au visage et en l'injuriant, cette patiente ayant porté plainte le 3 septembre 2021, ce qui conforte le fait que c'est de manière abusive que l'assemblée a refusé la pose d'imposte ouvrante, pour tenter d'empêcher l'ouverture du cabinet médical qui s'est installé.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] répond que cette réclamation impose la démonstration d'un abus, d'un dommage et d'un lien de causalité entre les deux, alors que l'assemblée générale est souveraine et qu'il appartient à celui qui invoque un abus de majorité de le démontrer.

Il ajoute que le refus du syndic était justifié, que la S.C.I. MERKEL étant copropriétaire non occupant, elle ne subit aucun dommage, et que l'indemnisation d'un préjudice exclut toute évaluation forfaitaire.

***
En application de l'article 1240 du Code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

En l'espèce, la S.C.I. MERKEL, copropriétaire non occupante, ne rapporte pas la preuve, au travers des pièces produites, que le refus de l'assemblée générale des copropriétaires de lui accorder l'autorisation de faire réaliser à ses frais des travaux de rénovation de deux baies existantes en rez-de-chaussée, avec création de deux impostes vitrées ouvrantes, lui aurait causé un préjudice, dont la nature même n'est pas précisée, et qui n'est justifié en l'espèce ni dans son principe, ni dans son quantum.

Au surplus, les violences dont s'est plainte l'une des patientes du cabinet médical (pièce n° 11 produite en demande) ne sont pas de nature, en elles-mêmes, à établir une quelconque faute du syndicat.

Dès lors, la S.C.I. MERKEL devra être déboutée de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour refus abusif d'autorisation de travaux.

III – Sur les autres demandes :

S'agissant d'une assignation délivrée postérieurement au 1er janvier 2020 (II de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019), l'exécution provisoire est de droit, à moins que la décision rendue n'en dispose autrement, en application des dispositions de l'article 514 du Code de procédure civile.

Aucun élément ne justifie en l'espèce que l'exécutoire provisoire, qui est compatible avec la nature de la présente affaire, soit écartée, conformément à l'article 514-1 du Code de procédure civile.

La S.C.I. MERKEL, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500,00 € au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera par ailleurs déboutée de sa demande de dispense de participation à la dépense commune des frais de la présente procédure dans les conditions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles, ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou au contraires.
PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Rejette la demande d'autorisation judiciaire à faire réaliser par ses soins, à ses frais, et sous la surveillance de l'architecte de l'immeuble, dont elle assumera les honoraires, deux impostes vitrées ouvrantes, l'une en haut de la double porte et l'autre en haut de la baie vitrée fixe, équipant le lot n° 6 et donnant sur la cour de l'immeuble, formée par S.C.I. MERKEL,

Déboute la S.C.I. MERKEL de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour refus abusif d'autorisation de travaux,

Condamne la S.C.I. MERKEL aux entiers dépens,

Condamne la S.C.I. MERKEL à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6] la somme de 2.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la S.C.I. MERKEL de sa demande de dispense de participation à la dépense commune des frais de la présente procédure dans les conditions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles, ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 07 Mars 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/08705
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;21.08705 ?
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