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07/03/2024 | FRANCE | N°20/05725

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 07 mars 2024, 20/05725


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
2ème section

N° RG 20/05725
N° Portalis 352J-W-B7E-CSJHQ

N° MINUTE :


Assignation du :
11 Mai 2020


JUGEMENT
rendu le 07 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [D] [L]
[Adresse 2]
[Localité 12]

représenté par Maître Averèle KOUDOYOR de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #D1635


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de

l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic, le cabinet FONCIA [Localité 11] RIVE DROITE
[Adresse 3]
[Localité 8]

représenté par Maître François PARIS de la SCP D...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
2ème section

N° RG 20/05725
N° Portalis 352J-W-B7E-CSJHQ

N° MINUTE :

Assignation du :
11 Mai 2020

JUGEMENT
rendu le 07 Mars 2024
DEMANDEUR

Monsieur [D] [L]
[Adresse 2]
[Localité 12]

représenté par Maître Averèle KOUDOYOR de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #D1635

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic, le cabinet FONCIA [Localité 11] RIVE DROITE
[Adresse 3]
[Localité 8]

représenté par Maître François PARIS de la SCP DPG Avocats, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant/postulant, vestiaire #C0051

Société GROUPAMA GRAND EST, prise en la personne de son représentant légal et en qualité d’assureur du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Maître Marie-Françoise PECH DE LACLAUSE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant/postulant, vestiaire ##C2433
Décision du 07 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/05725 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSJHQ

La MUTUELLE ASSURANCE DE L’EDUCATION (MAE) Prise en la personne de son représentant légal et en qualité d’assureur de Monsieur [R] [G]
[Adresse 6]
[Localité 9]

représentée par Maître Pierre MESTHENEAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1834

Monsieur [R] [G]
[Adresse 4]
[Localité 10]

représenté par Maître Pierre-françois ROUSSEAU de l’AARPI PHI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0026

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-Président
Anita ANTON, Vice-Présidente
Olivier PERRIN, Vice-Président

assistés de Nathalie NGAMI-LIKIBI, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 07 Décembre 2023 tenue en audience publique devant Frédéric LEMER GRANADOS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

***

Exposé du litige :

Monsieur [D] [L] est propriétaire occupant d'un appartement situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 2], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

L'immeuble est assuré auprès de la compagnie GROUPAMA GRAND EST.

Le 15 janvier 2018, Monsieur [D] [L] a constaté des infiltrations dans son appartement et il a adressé une déclaration de sinistre « dégât des eaux » à son assureur, la FILIA-MAIF.

Il en a également informé le syndic de l'immeuble, FONCIA RIVE DROITE, qui a mandaté le cabinet d'architecte STATION.

Ce cabinet a établi un rapport en date du 11 février 2019 mettant en évidence la présence d'une chute commune, coffrée dans l'angle de la salle d'eau du logement de Monsieur [L] qui est « piquée et suinte » et relevant dans l'appartement du premier étage appartenant à Monsieur [R] [G] une salle d'eau, au droit du dégât des eaux, dépourvue d'étanchéité, ainsi qu'une fuite sur la plomberie encastrée des installations sanitaires.

Des étais ont été posés dans l'appartement de Monsieur [L] et la FILIA-MAIF a mandaté un expert amiable, le cabinet SARETEC, qui a organisé une réunion d'expertise contradictoire en date du 26 juillet 2019, indiquant que les causes des désordres d'infiltration étaient une fuite sur la chute des eaux usées de l'immeuble ainsi qu'une fuite sur le réseau d'évacuation privatif non accessible du bac à douche de la salle d'eau de l'appartement de Monsieur [R] [G].

Un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages a été établi contradictoirement le 8 mars 2019.

Une assemblée générale des copropriétaires s'est finalement tenue le 11 juillet 2019, au cours de laquelle ont été votés des travaux de reprise de la structure du bâtiment sur rue, rez-de-chaussée (hall + appartement M. [L]) / 1er étage (appartement M. [G]), selon résolution n° 14.

Les travaux ont été réalisés en novembre 2019 et réceptionnés le 9 janvier 2020.

C'est dans ces conditions que, par actes d'huissier des 11, 12, 14 et 18 mai 2020, Monsieur [D] [L] a fait assigner au fond le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], son assureur, la compagnie GROUPAMA GRAND EST, Monsieur [R] [G] et son assureur, la Mutuelle Assurance de l’Éducation (MAE), devant le tribunal judiciaire de Paris, en indemnisation de son préjudice de jouissance.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 24 janvier 2022, Monsieur [D] [L] demande au tribunal de :

Vu l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les articles 544 et 1242 alinéa 1 du Code civil,
Vu les pièces communiquées et versées aux débats,

Déclarer Monsieur [D] [L] recevable et bien fondé en ses demandes,

Débouter Monsieur [G] de sa fin-de-non-recevoir tiré du défaut d’intérêt à agir de Monsieur [L], et du surplus de ses demandes, fins et conclusions contraires aux demandes légitimes de Monsieur [L],

Débouter également le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], GROUPAMA Grand Est et la MAE de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux demandes légitimes de Monsieur [L],

Y faisant droit,

Déclarer le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], GROUPAMA Grand Est, et Monsieur [G] [R] responsables in solidum des désordres causés dans l’appartement de Monsieur [L] ;

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], son assureur GROUPAMA Grand Est, Monsieur [G] [R] et son assureur la MAE à payer à Monsieur [L] la somme de 13.175 € au titre de son préjudice de jouissance ;

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], son assureur GROUPAMA Grand Est, Monsieur [G] et son assureur la MAE ou toutes parties succombantes à verser à Monsieur [L] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], son assureur GROUPAMA Grand Est, Monsieur [G] et son assureur la MAE ou toutes parties succombantes aux entiers dépens de l’instance ;

Ordonner l’exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] demande au tribunal de :

Vu l’assignation délivrée et les pièces produites,

Limiter à 20 % la quote-part de responsabilité du Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 2] dans la survenance des désordres chez Monsieur [L].

Débouter Monsieur [L] de sa demande indemnitaire au titre d’un trouble de jouissance ;

Débouter Monsieur [L] de ses demandes de condamnation in solidum ;

A titre subsidiaire,

Limiter à 12 mois la demande indemnitaire de Monsieur [L], au titre d’un trouble de jouissance ;

Débouter plus généralement Monsieur [L] du surplus de ses demandes ;

En tout état de cause,

Juger que le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 2] sera garanti de toutes les condamnations prononcées à son encontre par son assureur, la société GROUPAMA GRAND EST.

Condamner la ou les partie(s) succombante(s) au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la ou les partie(s) succombante(s) aux entiers dépens de l’instance, dont distraction sera faite au profit de la SCP DPG AVOCATS, société d’Avocats constituée, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 février 2023, la société GROUPAMA GRAND EST, recherchée en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], demande au tribunal de :

Vu l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu la police d’assurances GROUPAMA GRAND EST,

CONSTATER que GROUPAMA GRAND EST ne conteste pas sa garantie,

LIMITER le quantum de responsabilité du SDC à hauteur de 20 %,

REDUIRE le montant du préjudice de jouissance allégué par Monsieur [L] à une somme de 9.300 €,

DIRE que le montant de l’indemnisation due par GROUPAMA GRAND EST est limitée à 1.860 €,

DEBOUTER les parties du surplus,

DEBOUTER les parties de leurs demandes de condamnations de GROUPAMA GRAND EST au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

DIRE que GROUPAMA GRAND EST conservera à sa charge ses propres frais de défense,

CONDAMNER la partie qui succombe aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2022, Monsieur [R] [G] demande au tribunal de :
Décision du 07 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/05725 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSJHQ

A titre principal,

Déclarer Monsieur [L] irrecevable à agir contre Monsieur [G] en indemnisation des dommages subis au titre du sinistre déclaré le 15 janvier 2018 et déjà indemnisé par la FILIA-MAIF ;

A titre subsidiaire,

Rejeter l’ensemble des demandes formées par Monsieur [L] à l’encontre de Monsieur [G] ;

A titre infiniment subsidiaire,

Limiter la quote-part de responsabilité de Monsieur [G] à hauteur de 20 % ;

Juger que le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] à [Localité 12] est responsable à hauteur de 80 % des dommages causés ;

En tout état de cause,

Déclarer inopposable à Monsieur [G] la clause d’exclusion de garantie non conforme à l’article L.113-1 du Code des assurances ;

Ordonner à la MUTUELLE ASSURANCE DE L’EDUCATION de garantir Monsieur [R] [G] de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de la présente instance, y compris au titre des frais irrépétibles ;

Condamner solidairement Monsieur [D] [L], la MAE et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son Syndic, la société FONCIA RIVE DROITE à payer à Monsieur [R] [G] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner solidairement Monsieur [D] [L], la MAE et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son Syndic, la société FONCIA RIVE DROITE aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pierre François ROUSSEAU, Avocat au Barreau de Paris, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2022, la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), recherchée en qualité d'assureur de Monsieur [R] [G], demande au tribunal de :

Recevoir la MUTUELLE ASSURANCE DE L’EDUCATION en ses moyens de défense, demandes, fins et conclusions et l’y dire bien fondée,

En conséquence,

Prononcer la mise hors de cause de la MUTUELLES ASSURANCE DE L’EDUCATION,
Débouter M. [D] [L] de l’intégralité de ses demandes dirigées contre la MUTUELLE ASSURANCE DE L’EDUCATION,

Débouter de M. [G] de l’intégralité de ses demandes dirigées contre la MUTUELLE ASSURANCE DE L’EDUCATION,

Débouter toute partie de toute demande plus ample ou contraire, Condamner la partie succombant à verser à la MAE une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux écritures précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2023.

L’affaire, plaidée à l’audience du 7 décembre 2023, a été mise en délibéré au 7 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

I – Sur la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt ou de qualité à agir soulevée par Monsieur [R] [G] :

Monsieur [R] [G] soutient que Monsieur [L] a déjà été indemnisé par son assureur, la FILIA-MAIF, au titre du préjudice de jouissance, au moins pour la période de février à septembre 2019, l'expert précisant, en ce qui concerne la somme de 7.750 € correspondant à l'indemnisation du préjudice de jouissance sur cette période, que la FILIA-MAIF dispose d'un recours contre l'assureur de la copropriété.

Il en déduit que :
- Monsieur [L] n'a aucun fondement pour agir et que seule la FILIA-MAIF dispose d'un recours pour recouvrer cette somme, ce qu'elle a tenté de faire par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au syndic, à Monsieur [G] ainsi qu'à son assureur, la MAE, par lesquelles elle demande le remboursement de la somme de 7.750 €,
- il va être indemnisé par le biais du recours entre assureurs et ne peut donc prétendre à une double indemnisation,
- la stratégie de Monsieur [L] consistant à assigner les prétendus responsables des dommages et leurs assureurs, sans pour autant appeler dans la cause son propre assureur, la FILIA-MAIF, démontre son intention de contourner les principes les plus élémentaires du droit des assurances.

Il ajoute que Monsieur [L] produit également la lettre de la MAIF en date du 24 janvier 2022 indiquant qu'un recours a été présenté à la partie adverse pour cette somme.

Monsieur [D] [L] répond que, contrairement aux allégations de Monsieur [G], il n'a perçu aucune indemnisation pour son trouble de jouissance qui n'est pas garanti par la FILIA-MAIF, aux droits de laquelle vient la MAIF, laquelle indique clairement dans une lettre du 24 janvier 2022 que « l'indemnisation de la privation de jouissance est exclue de la garantie Dommages du contrat RAQVAM Primordiale de notre sociétaire : notre Mutuelle n'a pas versé d'indemnité à ce titre par contre nous avons présenté un recours à la partie adverse pour le compte de notre sociétaire ».

Il souligne ne pas avoir été indemnisé au titre de son trouble de jouissance, de sorte qu'il a intérêt et qualité à agir.

***

Il n'appartient pas au demandeur victime de produire la preuve négative du défaut d'indemnisation de son assureur, la charge de la preuve de la subrogation pesant sur celui qui l'invoque.

En l'espèce, Monsieur [R] [G] ne démontre pas que Monsieur [D] [L] aurait déjà perçu des indemnités au titre de son préjudice de jouissance de son assureur, qui pourrait agir en répétition de l'indu contre son assuré en cas de double indemnisation. Au surplus, Monsieur [D] [L] produit une lettre de son assureur, la MAIF, venant aux droits de la FILIA-MAIF, qui confirme que, si elle a exercé un recours à l'encontre de la partie adverse pour le compte de son sociétaire, l'indemnisation de la privation de jouissance est exclue de la garantie souscrite par Monsieur [D] [L] et qu'elle ne lui a versé aucune indemnité à ce titre.

Dans ces conditions, la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt et de qualité à agir soulevée par Monsieur [R] [G] devra être rejetée.

II – Sur la demande indemnitaire formée par Monsieur [D] [L] au titre de son préjudice de jouissance :

2-1 : Sur les désordres, leur origine, leur qualification et les responsabilités :

Monsieur [D] [L] agit sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 à l'encontre du syndicat des copropriétaires, s'agissant de désordres d'infiltration provenant d'une chute commune, et sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage (article 544 du code civil) ainsi que de la responsabilité du fait des choses (article 1242 alinéa 1er du code civil) à l'encontre de Monsieur [R] [G], s'agissant de désordres d'infiltration provenant du réseau d'évacuation privatif fuyard de l'appartement de ce dernier.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] répond qu'il a partiellement remplacé le tronçon d'une chute commune qui ne saurait que très partiellement et, de manière limitée, être à l'origine des désordres invoqués par Monsieur [L], ladite chute étant suintante comme le relève l'architecte mandaté par le syndic en février 2019. Il ajoute qu'en revanche, l'état des installations de Monsieur [G], tel qu'il résulte du diagnostic de 2017, repris par le même architecte, ne laisse aucun doute sur les dégradations qu'elles ont immanquablement engendrées à l'étage inférieur, ce que Monsieur [G] ne saurait nier alors que son assureur réfute toute garantie du sinistre pour défaut d'entretien manifeste, en présence de réparations inefficaces malgré la parfaite connaissance des lieux par Monsieur [G]. Il en déduit que sa quote-part dans la survenance des désordres doit être limitée à 20 % en déboutant Monsieur [L] de sa demande de condamnation in solidum.

La compagnie GROUPAMA GRAND EST reprend en substance les arguments de son assuré, sans contester sa garantie, en précisant que le sinistre a été déclaré en janvier 2019 et que l'assureur et le syndic sont intervenus sans délai pour diligenter une expertise, les travaux ayant été soumis au vote du syndicat des copropriétaires en juillet 2019 et réalisés dès lors que le délai de recours contre l’assemblée générale a été purgé, de sorte qu'ils ont été diligents, tandis que les installations sanitaires privatives de Monsieur [G] sont fuyardes depuis 2017.

Monsieur [R] [G] conteste toute responsabilité dans la survenance des dommages, estimant qu'il n'est pas établi que ses installations sanitaires privatives seraient à l'origine des désordres, alors que Monsieur [L] ne lui a pas demandé de contresigner les constats de dégâts des eaux lors de la déclaration de sinistre qu'il a effectuée auprès de son assureur, qui ne l'a pas convoqué dans le cadre de l'expertise amiable organisée par la FILIA-MAIF, le privant ainsi de la possibilité d'être assisté par un expert avisé, de sorte que le principe de la contradiction n'a pas été respecté tant à son égard qu’à l’égard de l'assureur (MAE).

Il précise également qu'aucune pièce ne permet de démontrer avec certitude sa responsabilité, alors que le cabinet d'architecture STATION fait état d'installations sanitaires noyées dans la maçonnerie, de telle sorte qu'il n'est pas possible d'en assurer un contrôle et que le cabinet SARETEC mentionne un réseau d'évacuation privative « non accessible » du bac à douche et de la chute des eaux usées de l'immeuble, sans que le rapport de recherches de fuite allégué soit produit, sans se prononcer sur un partage de responsabilité et sans avoir pu constater une fuite sous le bac à douche, s'agissant d'une réunion qui s'est tenue exclusivement à distance, par téléphone, compte tenu de la crise sanitaire de la Covid 19.

Il considère qu'en réalité, la cause des dommages provient exclusivement de la fuite sur la chute des eaux usées de l'immeuble, encastrée dans le plancher, ce qui ressort des rapports tant du cabinet ARCHITECTURE STATION que du cabinet SARETEC, qui semble retenir exclusivement la responsabilité de la copropriété, ainsi que du rapport du 26 mars 2019 de l'expert de la société UNION D'EXPERTS imputant la responsabilité des dégâts constatés chez Monsieur [L] à la copropriété, en ce que l'origine de ce dommage provient de la fuite constatée sur la colonne d'évacuation des eaux usées.

Il déduit de ces éléments que le préjudice de jouissance ne lui est aucunement imputable et qu'il n'est pas possible de prononcer une condamnation solidaire, la solidarité présupposant une co-responsabilité qui n'est pas établie en l'espèce.

Il conteste enfin le quantum de 20 % allégué par l'assureur du syndicat des copropriétaires, qui ne ressort d'aucune pièce ni d'aucune démonstration sérieuse, et estime que le partage de responsabilité et l'indemnisation qui en découle peuvent raisonnablement être déterminés, compte tenu des responsabilités respectives, à hauteur de 20 % à la charge de Monsieur [G] dont les installations n'ont que faiblement contribué aux dommages et 80 % à la charge du syndicat des copropriétaires dont l'état de vétusté de la colonne d'évacuation des eaux usées a principalement causé les dégâts.

***

Selon l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes et il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

La responsabilité de plein droit du syndicat est donc susceptible d'être engagée en présence de dommages causés aux copropriétaires ayant pour origine les parties communes, indépendamment de toute faute.

Il est par ailleurs constant qu'en application de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndicat des copropriétaires est responsable des désordres ayant pour origine les parties communes, sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’un comportement fautif donc même si aucun défaut d’entretien ne peut lui être reproché (Civ. 3ème, 28 mars 1990, n° 88-15634). La démonstration d’un dommage ayant pour origine les parties communes est la condition nécessaire mais suffisante pour justifier l’engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires sur ce fondement.

Le syndicat ne peut s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une force majeure ou d'une faute de la victime ou d'un tiers (ex. : Civ. 3ème, 12 septembre 2012, n° 11-10.421 ; 9 mai 2019, n° 18-13.670).

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’un rapport d'expertise non-judiciaire régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties constitue un mode de preuve admissible, lorsque ladite expertise est corroborée par d'autres éléments de preuve admissibles (ex. : Civ. 2ème, 13 septembre 2018, n° 17-20.099 ; Civ. 3ème, 14 mai 2020, n° 19-16.278 et Civ. 3ème, 15 novembre 2018, n° 16-26.172, etc.).

Aux termes de l’article 1242 nouveau du code civil, toute personne est responsable non seulement du dommage qu’elle cause de son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des choses qu’elle a sous sa garde.

En l'espèce, les désordres d'infiltration subis par Monsieur [D] [L] sont décrits dans un compte-rendu en date du 11 février 2019 de la SARL d'architecture ARCHITECTURE STATION, mandatée par le syndic de l'immeuble, FONCIA RIVE DROITE (pièce n° 1 produite en demande) ainsi que dans un rapport définitif n° 3 « dégât des eaux » d'expertise amiable contradictoire (réalisé en présence, notamment, de M. [G], régulièrement convoqué, ainsi que de sa locataire : pièce n° 2 produite en demande) de SARETEC France, en date du 26 juillet 2019.

Ils consistent en une maçonnerie éclatée, « complètement déstructurée » et menaçant ruine au plafond de la salle d'eau du logement de Monsieur [D] [L], ayant nécessité l'étaiement du plafond avec une poutre bois noyée dans l'épaisseur de plancher pourrie sur la totalité de sa section (ARCHITECTURE STATION).

Ces constatations sont corroborées par SARETEC France qui retient des dommages immobiliers privatifs affectant la plâtrerie et le plafond de la salle d'eau de l'appartement de Monsieur [L], ainsi qu'un plafond ayant été étayé « compte tenu de dommages importants au niveau de la structure bois de l'immeuble (solives présentant une usure avancée suite à des sinistres dégâts des eaux récurrents et à la vétusté) ».

La matérialité des désordres d'infiltration est ainsi établie, la pose d'étais ayant rendu l'appartement de Monsieur [L] « non habitable » (rapport SARETEC, page 3/6).

L'origine de ces désordres est par ailleurs démontrée par les rapports techniques parfaitement concordants de deux professionnels de la construction (ARCHITECTURE STATION et SARETEC) qui établissent que les désordres proviennent à la fois :

- de l'état de la chute commune dans l'angle de la salle d'eau de l'appartement de Monsieur [L], qui « est piquée et suinte » (chute des eaux usées de l'immeuble encastrée), ainsi que de l'usure des solives du plancher,

- d'une fuite sur le réseau d'évacuation non accessible du bac à douche de la salle d'eau/ kitchenette de l'appartement de Monsieur [G], dénuée de toute étanchéité, et dont les installations sanitaires, mises en charges par la société Profil-Bâtiment missionnée par le cabinet Foncia, présentent une « fuite sur la plomberie encastrée », le dégât des eaux se prolongeant au rez-de-chaussée « dans le hall au pourtour du linteau », avec un enduit soufflé et une zone saturée d'humidité.

Un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages des experts mandatés par les assureurs de la copropriété (CET Ile-de-France) et de Monsieur [L] (SARETEC France) établi à la suite d'une réunion d'expertise réalisée le 8 mars 2019 (en l'absence de la locataire de Monsieur [G], dûment convoquée, pièce n° 3 produite en demande) confirme également que la cause du sinistre provient de :
une « fuite sur la chute des eaux usées de l'immeuble encastrée »,et une « fuite sur le réseau d'évacuation privative non accessible du bac à douche ».
La responsabilité objective, sans faute, du syndicat des copropriétaire de l'immeuble sis [Adresse 2], nonobstant les diligences que celui-ci indique avoir accomplies, sera donc retenue, s'agissant de désordres d'infiltration ayant pour origine des parties communes (chute des eaux usées de l'immeuble, solives), sur le fondement des dispositions de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, de même que celle, également objective, de Monsieur [R] [G], sur le fondement des dispositions de l'article 1242 du Code civil, sans qu'il soit besoin d'établir la preuve d'une faute de sa part, en sa qualité de gardien de ses installations sanitaires privatives à l'origine des désordres d'infiltrations ayant affecté la salle d'eau de l'appartement de Monsieur [D] [L] (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Chambre 2, 11 septembre 2019, n° 15/24651).

Les parties communes et les installations sanitaires privatives du propriétaire du logement du premier étage ayant contribué ensemble, de manière indivisible et par leur action conjuguée, à la réalisation de l'entier préjudice de jouissance subi par Monsieur [D] [L] dans la salle d'eau de son appartement, une condamnation in solidum s'impose en l'espèce au titre de l'obligation à la dette (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Chambre 5, 14 novembre 2012, n° RG 10/11223), étant précisé que les co-responsables ne formulent entre eux aucun recours en garantie, au titre de la contribution à la dette, sollicitant uniquement une limitation de leur quote-part de responsabilité.

2-2 Sur la demande indemnitaire de Monsieur [D] [L]:

Monsieur [D] [L] soutient qu'en raison de l'importance des infiltrations, il a été privé de la jouissance de son appartement du 15 janvier 2018 au mois de mars 2020, soit pendant deux ans.

Il ajoute que :

- les experts d'assurance, dans leur procès-verbal de constat (pièce n° 3) ont arrêté son préjudice de jouissance à septembre 2019 et à la somme de 7.750 € en prenant pour base de calcul un loyer mensuel hors charges de 775 €,
- or, les travaux de suppression des désordres n'ont pas été exécutés en septembre 2019 par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et par Monsieur [G],
- tant que les causes des infiltrations n'étaient pas supprimées, il ne pouvait faire ses propres travaux de remise en état et avoir la jouissance de son appartement,
- les travaux en parties communes ont été réceptionnés le 9 janvier 2020 et les travaux réalisés dans l'appartement de Monsieur [G] sont intervenus le 6 mars 2020 (pièce n° 6),
- son préjudice de jouissance a ainsi perduré jusqu'au mois de mars 2020 et doit être calculé comme suit sur sept mois (775 € x 7 mois = 5.425 €),
- à cette somme il convient d'ajouter la somme de 7.750 € arrêtée selon procès-verbal de constat des dommages des experts au titre du préjudice de jouissance pour la période du 15 janvier 2018 au mois de septembre 2019, soit au total la somme de 13.175 €.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et son assureur, GROUPAMA GRAND EST, répondent que :
Décision du 07 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/05725 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSJHQ

- les installations privatives de Monsieur [G] sont fuyardes depuis 2017 ainsi qu'il ressort du rapport du cabinet d'architecte STATION, architecte de la copropriété,
- le sol de la salle d'eau de Monsieur [G] n'est pas étanche, cette absence d'étanchéité n'ayant jamais été corrigée, de sorte que les fuites sont avérées et n'ont pas été réparées, ce qui a entraîné une dégradation majeure des structures de l'immeuble,
- ces fuites incessantes et permanentes sont à l'origine des profonds désordres observés dans l'appartement de Monsieur [L] et les parties communes de l'immeuble,
- sur le montant du préjudice, Monsieur [L] est mal fondé en sa demande puisque le sinistre n'a pas été déclaré avant le mois de janvier 2019,
- avant cette date, il ne peut être reproché au syndicat des copropriétaires et à son assureur de ne pas être intervenus,
- l'expert SARETEC indique bien : « perte d'usage depuis février 2019 »,
- il en résulte que Monsieur [L] n'est fondé à solliciter une perte d'usage que pour 12 mois seulement, soit 9.300 € (12 x 775 €),
- Monsieur [L] a déjà été indemnisé par son propre assureur pour une perte d'usage et un préjudice matériel de 605 € pour reprise du plafond dégradé.

***

En l'espèce, il ressort des éléments de la procédure et des pièces produites (pièce n° 3 produite en demande, procès-verbal de constations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages, page 6/7, et pièce n° 2 produite en demande, rapport contradictoire définitif n° 3 SARETEC du 26 juillet 2019, page 5/6) que Monsieur [D] [L] a subi un préjudice de jouissance directement en lien avec les désordres d'infiltration imputables tant à Monsieur [R] [G] qu'au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] :

- du mois d'octobre 2018 au mois de janvier 2019 (quatre mois) : à hauteur de 50 % de la valeur locative hors charges de son appartement, soit 4 mois x 387,50 € (775 / 2) = 1.550,00 €,

- après la pose d'étais ayant rendu son appartement inhabitable (pièce n° 1 produite en demande, compte-rendu du 11 février 2019 de la société d'architecture ARCHITECTURE STATION, page 3), soit de février 2019 à septembre 2019, puis d'octobre 2019 à janvier 2020 inclus, après réalisation le 9 janvier 2020 des travaux de reprise en parties communes et en tenant compte du temps de séchage du plafond : à hauteur de 100 % de la valeur locative hors charges de son appartement, soit 12 mois x 775 € = 9.300,00 €, étant précisé que tant que les causes des infiltrations n'étaient pas définitivement supprimées, Monsieur [D] [L] ne pouvaient faire réaliser les travaux de remise en état de son propre logement, avec enlèvement des étais mis en place.

Soit au total la somme de : 10.850,00 €.

S'agissant du préjudice de jouissance subi par Monsieur [D] [L], incontestable en son principe, du mois de février 2020 au mois de mars 2020 inclus, après réception sans réserve des travaux de réfection de l'étanchéité de la salle d'eau de l'appartement de Monsieur [G], à la date du 6 mars 2020 (pièce n° 6 produite en demande, procès-verbal de réception des travaux réalisés par l'entreprise GRB, étanchéité – Rihana 1er étage, établi par la SARL d'architecture ARCHITECTURE STATION) et en tenant compte du temps de séchage du plafond, celui-ci n'est imputable qu'au propriétaire du logement du premier étage (sans qu'une condamnation in solidum puisse être prononcée avec le syndicat des copropriétaires) et doit être évalué comme suit :
$gt; 775 € x 2 = 1.550,00 €.

Monsieur [D] [L] sera débouté du surplus, non justifié, de sa demande indemnitaire formée au titre de son préjudice de jouissance.

2-3 Sur la garantie des assureurs :

2-3-1 Sur la garantie de la compagnie GROUPAMA GRAND EST, recherchée en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] :

La compagnie GROUPAMA GRAND EST ne conteste pas le principe de la mobilisation de sa garantie.

Elle sera donc condamnée à garantir son assuré, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent jugement, en principal, frais et accessoires, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles.

2-3-2 Sur la garantie de la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), recherchée en qualité d'assureur de Monsieur [R] [G] :

La MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), recherchée en qualité d'assureur de Monsieur [R] [G] s'oppose à la mobilisation de sa garantie « dégât des eaux » en invoquant une exclusion de garantie pour les « dommages dus au mauvais entretien des biens assurés » (page 26 du contrat), au visa de l'article L. 113-1 du code des assurances.

Elle fait valoir à ce titre que :
- cette clause est formelle et limitée aux termes de la jurisprudence,
- le cabinet UNION D'EXPERT a relevé que l'appartement de Monsieur [L] a été dégradé par « de multiples fuites s'étant déclarées au fil des années et ne faisant aucunement suite à des événements accidentels et aléatoires » (pièce n° 3),
- le rapport de l'architecte de l'immeuble du 11 février 2019 rappelle les commentaires d'un précédent diagnostic réalisé en mai 2017 signalant de nombreuses fuites avérées dans le logement de M. [G], qui n'ignorait pas le défaut d'étanchéité du sol de la salle d'eau de son appartement depuis mai 2017 et l'existence consécutive d'infiltrations subies par l'appartement de Monsieur [L],
- la déclaration de sinistre du 18 septembre 2017 des époux [G] relative à un dégât des eaux du 4 septembre 2017 confirme que ceux-ci avaient connaissance que les installations défectueuses et fuyardes de leur salle d'eau étaient la cause d'un dégât au plafond de l'appartement de Monsieur [L],
- à cette occasion, ils indiquaient avoir fait réparer les causes de la fuite,
- tel n'apparaît pas être le cas, les réparations, à les supposer avérées, n'ayant en aucun cas permis de remédier aux désordres,
- le caractère récurrent des désordres depuis au moins 2017 et par voie de conséquence l'absence de travaux de réparation réalisés par Monsieur [G] sont établis,
- cette absence de travaux efficients de la part de Monsieur [G], permettant de remédier à la vétusté constatée de sa salle d'eau, est confirmée par les éléments recueillis par le cabinet POLYEXPERT, dont il ressort que la salle de bain vétuste de Monsieur [G] n'a pas été remplacée (pièce n° 4),
- l'ensemble de ces éléments convergents établit les carences, l'inertie fautive et le défaut d'entretien de Monsieur [G], de sorte que les exclusions de garantie indiquées plus haut sont bien applicables,
- en outre, le tribunal constatera le caractère non aléatoire des dommages litigieux alors que le contrat d'assurance est par nature un contrat aléatoire dépendant d'un événement incertain et qu'un événement qui s'est répété dans le temps, ce qui est le cas de fuites répétées sans qu'il y soit remédié en temps et en heure, supprime tout aléa,
- en conséquence, la police d'assurance souscrite par Monsieur [G] n'est pas mobilisable en l'absence d'aléa.

Monsieur [R] [G] répond que :
- la clause d'exclusion de garantie invoquée par son assureur n'est pas formelle et limitée en ce qu'elle ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées,
- elle doit lui être déclarée inopposable,
- en tout état de cause, la MAE ne démontre pas en quoi il aurait été défaillant dans l'entretien de ses installations sanitaires alors que, dès la déclaration de sinistre de 2017, il a procédé à des travaux dans sa salle de bain conformément aux recommandations de l'architecte,
- le fait que les réparations entreprises n'aient pas fait cesser les désordres ne saurait caractériser un « mauvais entretien » au sens de la clause d'exclusion,
- le contrat d'assurance qu'il a souscrit en 2016 et en cours de validité au moment du sinistre déclaré le 15 janvier 2018, prévoit expressément au titre des garanties les « dégâts des eaux »,
- en l'occurrence, les dommages ont principalement pour cause une fuite sur la colonne d'évacuation des eaux,
- la fuite en provenance de son appartement, à la supposer suffisamment établie, constitue un dégât des eaux accidentel qui doit être pris en charge par la MAE au titre du contrat d'assurance, quel que soit le quantum de responsabilité retenu dans le partage de responsabilité avec le syndicat des copropriétaires,
- les dégâts subis se caractérisent par des infiltrations dans le plancher de l'immeuble, dont la cause ne peut être qu'accidentelle et aléatoire, puisque le réseau d'évacuation de son bac à douche est encastré dans une estrade en maçonnerie,
- au demeurant, il a procédé à divers travaux qui lui étaient recommandés, lorsque des dégâts des eaux ont été déclarés par Monsieur [L].
Décision du 07 Mars 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 20/05725 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSJHQ

2-3-2-1 Sur la clause d'exclusion de garantie invoquée par la MAE :

Selon l'article L. 113-1 du Code des assurances, les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

En l'espèce, la clause excluant « les dommages dus au mauvais entretien des biens assurés » (pièce n° 1, MAE, page 26) ne se réfère pas à des critères précis et hypothèses limitativement énumérées, de sorte qu'elle ne permet pas à l'assuré de connaître avec précision l'étendue de la garantie dont il bénéficie, cette clause ne pouvant donc recevoir application, en ce qu'elle n'est ni formelle, ni limitée (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 2, Chambre 1, 25 janvier 2017, n° RG 14/00382 ; Civ. 3ème, 26 septembre 2012, n° 11-19.117, publié au bulletin ; Civ. 2ème, 12 décembre 2013, n° 12-25.777, 15 janvier 2015, n° 13-19.405, etc.).

En tout état de cause, la MAE ne rapporte pas la preuve, en l'espèce, de l'existence d'un défaut délibéré d'entretien imputable à Monsieur [R] [G], qui aurait été de nature à fausser l'élément aléatoire attaché à la couverture du risque, alors même que Monsieur [R] [G], qui n'est pas un professionnel de la construction, a fait réaliser divers travaux dans sa salle de bain lorsque des désordres d'infiltration lui ont été signalés, l'inefficacité de ces travaux ne caractérisant pas en elle-même un défaut d'entretien, et qu'il s'est montré réactif (pièces n ° 5 et 6 produites par Monsieur [G], courriels de 2019/2020) lorsqu'il a été informé par la société d'architecture ARCHITECTURE STATION, mandatée par le syndic de l'immeuble, du caractère fuyard, non apparent sans investigations techniques approfondies, de ses installations sanitaires privatives (fuite sur la plomberie encastrée, s'évacuant dans le plancher).

La clause d'exclusion opposée par la MAE à son assuré concernant les « dommages dus au mauvais entretien des biens assurés » sera donc déclaré inopposable à Monsieur [R] [G], faute d'être formelle et limitée.

2-3-2-2 Sur le défaut d'aléa invoqué par la MAE :

L'article 1964 du Code civil dispose que « le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain ».
En matière d'assurance de dommages, le contrat d'assurance est dépourvu d’aléa lorsque le fait générateur du dommage s’est produit antérieurement à la conclusion de la police d'assurance.

L'assureur est bien fondé à dénier sa garantie dès lors que les désordres préexistaient à la souscription du contrat d'assurance et que l'assuré en connaissait l'existence. Le contrat d'assurance, par nature aléatoire, ne peut couvrir un risque que l'assuré savait déjà réalisé au moment de la souscription du contrat, sans qu'il soit nécessaire pour l'assureur d'invoquer la nullité de la police (ex. : Civ. 1ère, 4 novembre 2003, n° 01-14.942, publié au bulletin).
Dans les assurances dégâts des eaux, l’assureur est tenu à garantie dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat, la date du sinistre étant celle de la manifestation du dommage (ex. : Civ. 1ère, 7 mai 2002, n° 98-18.168 ; Civ. 2ème, 2 juillet 2002, n° 99-14.493 ; Civ. 3ème, 14 octobre 2014, n° 13-18.604).

Par ailleurs, dès lors que la cause génératrice d'un préjudice est antérieure à la date de souscription du contrat (ex. : infiltration ancienne), la garantie de l'assureur n'est pas mobilisable en l'absence d'aléa (ex. : Civ. 3ème, 25 février 2009, n° 08-10.280).

En l'espèce, le contrat n° 0027991980 souscrit par Monsieur [R] [G] auprès de la MAE est à effet du 11 avril 2016 et comporte une garantie « dégâts des eaux ».

Le sinistre dégât des eaux dont s'est plaint Monsieur [D] [L], faisant l'objet du présent litige, est survenu le 15 janvier 2018, soit pendant la période de validité de la garantie, et il ne ressort d'aucun élément de preuve que la cause génératrice de ce sinistre serait antérieure à la prise d'effet du contrat d'assurance.

S'agissant d'une fuite sur canalisations d'évacuation privative non accessible localisées sous le bac à douche, à l'origine d'infiltration dans le plancher de l'immeuble, le caractère accidentel et aléatoire du sinistre ne saurait être exclu, le réseau d'évacuation privatif fuyard se situant sous le bac à douche et étant pour partie encastré dans la maçonnerie (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 4 – Chambre 2, 11 mars 2015, n° RG 13/076239).

La garantie de la MAE, recherchée en qualité d'assureur de Monsieur [R] [G] est donc parfaitement mobilisable, de sorte qu'elle sera condamnée à garantir son assuré de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent jugement, en principal, frais et accessoires, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles.

Sur ce ;

Au regard de l'ensemble des éléments précités, il convient de :

- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], son assureur, GROUPAMA GRAND EST, Monsieur [R] [G] et son assureur, la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 10.850,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance (entre octobre 2018 et janvier 2020 inclus),

- condamner in solidum Monsieur [R] [G] et son assureur, la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 1.550,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance (entre février 2020 et mars 2020 inclus),

- débouter Monsieur [D] [L] du surplus de sa demande indemnitaire formée au titre de son préjudice de jouissance.
III – Sur les autres demandes :

S'agissant d'une assignation délivrée postérieurement au 1er janvier 2020 (II de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019), l'exécution provisoire est de droit, à moins que la décision rendue n'en dispose autrement, en application des dispositions de l'article 514 du Code de procédure civile.

Aucun élément ne justifie en l'espèce que l'exécutoire provisoire, qui est compatible avec la nature de la présente affaire, soit écartée, conformément à l'article 514-1 du Code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], son assureur, GROUPAMA GRAND EST, Monsieur [R] [G] et son assureur, la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), qui succombent à l'instance, seront condamnés in solidum aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3.500,00 € à Monsieur [D] [L] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles, ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt et de qualité à agir soulevée par Monsieur [R] [G] à l'encontre des demandes indemnitaires formées par Monsieur [D] [L],

Déclare le syndicat des copropriétaire de l'immeuble sis [Adresse 2] responsable des désordres d'infiltrations subis par Monsieur [D] [L], sur le fondement des dispositions du dernier alinéa de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,

Déclare Monsieur [R] [G] responsable des désordres d'infiltrations subis par Monsieur [D] [L], sur le fondement de la responsabilité du fait des choses de l'article 1242 alinéa 1 du code civil,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], son assureur, GROUPAMA GRAND EST, Monsieur [R] [G] et son assureur, la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 10.850,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance (entre octobre 2018 et janvier 2020 inclus),

Condamne in solidum Monsieur [R] [G] et son assureur, la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 1.550,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance (entre février 2020 et mars 2020 inclus),

Déboute Monsieur [D] [L] du surplus de sa demande indemnitaire formée au titre de son préjudice de jouissance,

Condamne la compagnie GROUPAMA GRAND EST à garantir son assuré, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent jugement, en principal, frais et accessoires, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles,

Déclare la clause d'exclusion opposée par la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE) à son assuré concernant les « dommages dus au mauvais entretien des biens assurés » inopposable à Monsieur [R] [G], faute d'être formelle et limitée,

Condamne la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE) à garantir son assuré, Monsieur [R] [G], de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent jugement, en principal, frais et accessoires, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], son assureur, GROUPAMA GRAND EST, Monsieur [R] [G] et son assureur, la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), aux entiers dépens,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], son assureur, GROUPAMA GRAND EST, Monsieur [R] [G] et son assureur, la MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION (MAE), à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 3.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles, ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 07 Mars 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 20/05725
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;20.05725 ?
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